Syrie
Syrie : Les raisons de l’hystérie
américano-saoudienne
Nasser Kandil
Jeudi 18 mai 2017
Les dernières campagnes
médiatiques et diplomatiques lancées par
Washington et Riyad contre l’État syrien
ne peuvent s’expliquer qu’en tant que
réactions à une gifle douloureuse, mais
inavouable.
En effet,
lorsque l’État syrien reconquiert les
bastions du Front al-Nosra dans
différents quartiers de Damas, les
États-Unis et l’Arabie saoudite
l’accusent de procéder à un « changement
démographique », faute de pouvoir
continuer à soutenir ouvertement une
organisation terroriste.
Et lorsque
l’Armée syrienne réussit, en quelques
jours, à arracher à Daech une « zone
sensible » du désert syrien d’environ 80
Kms de large sur 100 de Kms de
profondeur -choisie par les Américains
pour futur refuge et sanctuaire de Daech
et ligne stratégique de communication de
la Syrie avec l'Iran et la Résistance
libanaise- les États-Unis et l’Arabie
saoudite inventent toutes sortes
d’allégations mensongères censées
démolir le moral du peuple syrien,
remonter celui des terroristes, faire
pression sur le gouvernement syrien et
son allié russe ; encore une fois, faute
de pouvoir continuer à soutenir
ouvertement une organisation terroriste.
C’est ainsi
qu’est apparu, soudainement, un dossier
américain accusant les autorités
syriennes de cacher des meurtres de
masse dans un crematorium situé dans la
prison de Saydnaya au nord de Damas [1],
lequel dossier a été immédiatement
transmis aux Nations Unies :
« Ce lundi
(15 mai), le responsable du département
d'État pour le Moyen-Orient Stuart Jones
a présenté des photos satellites de la
prison à la presse et affirmé que le
régime du président Bachar al-Assad a
détruit les restes de milliers de
prisonniers assassinés ces dernières
années. Il a ensuite appelé à mettre
"fin à ces atrocités". Ces photos
"déclassifiées" par le gouvernement
américain sont datées d'avril 2017,
d'avril 2016, de janvier 2015 et d'août
2013. Elles montrent des bâtiments, dont
l'un est légendé "prison principale" et
l'autre "probable crématorium". Sur
l'une des photos, une légende "neige
fondue sur une partie du toit"
attesterait, selon les États-Unis, de
l'existence d'un crématorium installé
par le régime syrien » !!!
Allégations
saisies au vol par le ministre israélien
du Logement et ancien haut gradé de
l’armée, Yoav Galant, pour appeler
ouvertement à l’assassinat du président
syrien Bachar al-Assad [2] :
« A mon
avis, nous sommes en train de franchir
une ligne rouge. Et pour moi, le temps
est venu d'assassiner al-Assad. C'est
aussi simple que cela… ».
Du coup,
Washington a déclaré que la coopération
avec la Russie n’était pas au beau fixe,
notamment sur la question fondamentale
desdites « zones de désescalade » en
Syrie définies par Astana 4, tandis que
des raids américains tuaient des civils
syriens à Hassaké et Al-Boukamal [3]
sous le prétexte de la lutte contre
Daech, lequel s’est empressé d’attaquer
l’aéroport de Deir ez-Zor, toujours tenu
par l’Armée syrienne, exactement comme
cela s’est passé l’été dernier suite aux
raids américains meurtriers sur le mont
al-Tharda.
Et voilà que,
tout aussi soudainement, le chef du
Kurdistan irakien entre sur la ligne en
proférant ses menaces contre le Hached
al-Chaabi irakien au cas où il
poursuivrait sa progression vers les
frontières syriennes, que lesdits
opposants syriens menacent de quitter
les négociations de Genève 6 [reprises
ce 16 mai], tandis que les factions
armées engagées dans le processus
d’Astana annoncent qu’elles font partie
de l’« opération du Front sud » menée
essentiellement par les Américains, les
Britanniques et les Jordaniens, toujours
sous le prétexte de la lutte de ladite
Coalition internationale contre Daech,
mais dont le véritable objectif est, à
l’évidence, d’atteindre la frontière
irako-syrienne en partant d’Al-Tanaf
située au croisement des frontières
jordano-syro-irakienne.
Une opération
considérée comme une « action hostile »
par la Syrie et contre laquelle elle ne
s’est pas contentée de mettre en garde
la Jordanie par la voix de son ministre
des Affaires étrangères, M. Walid al-Mouallem
[4], mais s’est préparée à la course
vers la frontière irakienne avant même
qu’elle ne soit lancée.
D’où
l’hystérie et les campagnes
diffamatoires qui s’expliquent par
l’avancée rapide, et inattendue, de
l’Armée syrienne vers Deir ez-Zor et la
frontière irakienne, parallèlement à
l’avancée du Hached al-Chaabi irakien
vers la frontière syrienne.
Avancées
menaçantes pour les projets des
planificateurs américano-sionistes qui
savent parfaitement qu’il s’agit là
d’une cause et d’une stratégie commune,
coordonnée avec l’Iran et la Russie,
dans le but de les empêcher de maîtriser
la frontière syro-irakienne.
Une frontière
devenue la mère de toutes les batailles
dans la guerre sur la Syrie. La
maîtriser signifie couper l’Iran et la
Chine d’un débouché sur la mer
Méditerranée, brider les oléoducs
irakiens et les gazoducs iraniens dans
cette même direction, contrôler la ligne
d'approvisionnement stratégique de
l'Iran vers la Syrie et les forces de la
Résistance ; autant d’objectifs ayant
motivé l’invasion américaine de l’Irak
et, après son échec, la guerre sur la
Syrie. Un deuxième échec, lequel a
motivé la tentative de contrôle de la
région entre le Tigre et l’Euphrate. Un
troisième échec du fait de la résistance
de l’Armée syrienne à Hassaké et Deir
ez-Zor ainsi que de l’avancée du Hached
al-Chaabi à Tal-A’far en Irak, lequel
motive ce dernier plan américain de
maîtrise de la frontière syro-irakienne.
Si ce dernier
plan échoue à son tour, la guerre sur la
Syrie n’aura plus d’enjeu stratégique.
Elle nécessitera plutôt une gestion
tactique des alliances et des ressources
afin d’aboutir à un règlement partiel
entre les forces belligérantes ; les
Américains étant surtout intéressés par
le Sud du pays et la sécurité d’Israël ;
sécurité garantie par la Russie ou par
l’accélération des processus de
règlement de la cause palestinienne au
profit d’Israël.
Il n’empêche
que lorsque l'Américain mobilise tous
ses alliés et pèse de tout son poids et
de toutes ses menaces, cela signifie que
la guerre est loin d’être terminée avec
maintes possibilités de rebattre les
cartes ; notamment, par le biais de la
Turquie, d’Israël, des Kurdes d’Irak, ou
encore par le blocage des pourparlers de
Genève.
Un blocage
attendu par nombre d’observateurs vu les
divergences américano-russes, la
réticence turque à se séparer du Front
al-Nosra, et la volonté d’escalade du
côté américain. Ce qui explique que
l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie,
Staffan de Mistura, ait reculé sur la
priorité, ou en tout cas l’égale
importance, du « panier » concernant le
combat contre le terrorisme pour
privilégier les discussions sur la
future Constitution syrienne. Négligeant
ce point qui avait été convenu lors des
pourparlers de Genève 5, il a appelé à
la formation d'un comité d'experts en
droit constitutionnel, constitué de
membres du gouvernement, de l’opposition
et des Nations Unies ; ce qui ne fait
pas partie des prérogatives de l’ONU, vu
que la Constitution syrienne est
l’affaire du seul peuple syrien comme
l’affirme la résolution 2254/2015.
D’après des
sources bien renseignées, l’influence
américaine sur ces pourparlers de Genève
6 traduit, en partie, la mobilisation
pour « la guerre aux frontières
syro-irakiennes » telle qu’envisagée par
la proposition d’Erdogan lors de sa
récente visite à Donald Trump [5].
Une proposition qui consiste à confier
aux Peshmergas kurdes d’Irak, sous la
direction de Massoud al-Barzani, la
mission de mettre main basse sur les
régions contrôlées par les Kurdes en
Syrie et sur les régions frontalières
syro-irakiennes avec, implicitement, la
mission de nettoyer les deux régions de
Sinjar et de Qamichli de la présence du
PKK [Parti des Travailleurs du
Kurdistan], en échange du soutien turc
dans la bataille de Raqqa.
Finalement,
celui qui maîtrisera les frontières
syro-irakiennes gagnera la partie. Ce
qui est sûr est que l’une des plus
importantes guerres du Moyen-Orient
entre maintenant dans son étape la plus
dangereuse.
Mouna Alno-Naklhal
17/05/2017
Sources :
Traduction et synthèse à
partir des dernières brèves de M. Nasser
Kandil : homme politique libanais,
ancien député, Directeur de Top News-nasser-kandil,
et Rédacteur en chef du quotidien
libanais « Al-Binaa ».
http://www.topnews-tv.com/archives/42735
http://www.topnews-tv.com/archives/42806
http://www.topnews-tv.com/archives/42845
http://www.al-binaa.com/archives/article/166190
http://www.topnews-tv.com/archives/42882
Notes :
[1] Syrie :
Les États-unis accusent le régime d'Assad
d'utiliser un "crématorium" pour cacher
des "meurtres de masse"
http://www.lci.fr/international/les-etats-unis-accusent-syrie-prison-saydnaya-d-utiliser-un-crematorium-pour-cacher-des-meurtres-de-masse-2052121.html
[2] "Le temps
est venu" de tuer Bachar al-Assad
(ministre israélien)
https://www.i24news.tv/fr/actu/israel/diplomatie-defense/145390-170516-le-temps-est-venu-de-tuer-bashar-al-assad-ministre-israelien
[3] La
«Coalition américaine» tue plus de 31
personnes dans un nouveau massacre à
Boukamal et Deir Ezzor
http://sana.sy/fr/?p=90544
[4] Forces
américaines, britanniques et
jordaniennes à la frontière
jordano-syrienne. L’armée syrienne
s’approche aussi
http://french.almanar.com.lb/393369
[5] Trump assure Erdogan du
soutien américain contre les kurdes du
PKK
http://www.france24.com/fr/20170516-trump-erdogan-soutien-americain-contre-ei-pkk-milices-kurdes-conflit-syrie-turquie-etats-un
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