Syrie
Syrie / Le « cadeau de
compensation »
vainement espéré par Erdogan
Nasser Kandil
Jeudi 17 janvier 2019
Suite aux déclarations du
président Donald Trump expliquant sa
décision de retirer ses troupes de Syrie
[1] et au coup de fil la concédant à
Erdogan par la phrase « La Syrie est
entièrement à vous » [2][3], John
Bolton, le conseiller américain à la
Sécurité nationale, est arrivé dans la
région.
Il a
rencontré les responsables israéliens
avant de lancer ses propres déclarations
consistant à prévenir les responsables
turcs et le président Erdogan qu’il leur
était interdit de toucher aux Kurdes
alliés des États-Unis.
Autrement
dit, selon Bolton, la position
américaine est devenue : « Toute la
Syrie est à vous sauf les régions
contrôlées par les Kurdes… ».
Puis Bolton
s’est rendu à Ankara où Erdogan a refusé
de le rencontrer et où il a entendu des
propos du style : « La Turquie ne
reçoit pas d’instructions portant sur sa
sécurité nationale… Washington ne fait
pas de distinction entre les Kurdes et
les éléments armés qu’il soutient… ».
En réponse,
Trump a tweeté que si la Turquie
s’attaquait aux Kurdes, il dévasterait
son économie :
Les Turcs lui ont répondu qu’ils
n’avaient cure des menaces américaines.
Ce qui n’a pas empêché un nouvel
entretien téléphonique entre les deux
présidents, suivi de leur entente sur
une « zone de sécurité » que la Turquie
établirait à la frontière syro-turque,
avec l’accord et le soutien de
Washington.
Entente dont
la Turquie a profité, avec
détermination, pour lancer sa campagne
médiatique destinée à réamorcer son
ancienne théorie relative à la création
de sa « zone de sécurité » tout le long
de sa frontière avec la Syrie.
Un
comportement qui décrédibilise
l’hypothèse d’une planification
politique et opérationnelle entre une
grande puissance internationale telle
l’Amérique, et une grande puissance
régionale telle la Turquie.
En effet, si
la succession de conversations
téléphoniques entre les deux présidents,
suivies de décisions tweetées par Trump,
passant de « la Syrie est entièrement
vôtre », à « gare à vous si vous touchez
aux Kurdes », sinon « je détruirai
l’économie turque », pour aboutir à
« nous soutenons l’établissement de
votre zone de sécurité… » témoignent de
la légèreté du président américain et du
président turc ; c’est là un
comportement qui témoigne aussi de leur
sentiment de faiblesse et d'impuissance,
comme de leur besoin de recourir à des
fanfaronnades médiatiques.
Fanfaronnades, pour faire croire à une
force dont ils ne disposent pas, ni
n’ont disposée dans un passé récent où à
chaque fois qu’ils ont sérieusement axé
leurs efforts communs sur ce projet de
« zone de sécurité », leurs calculs
réciproques les ont amenés à éviter de
le concrétiser.
Et
aujourd’hui, au moment où il se retire
de Syrie, Trump veut nous convaincre
qu'il est capable de soutenir Erdogan en
vue de l'établissement d'une « zone
tampon ou de sécurité » qu’il s’est
révélé incapable d’établir alors que ses
forces étaient présentes sur le terrain.
Et Erdogan
veut nous convaincre qu'il est capable
d'établir sa « zone de sécurité », alors
que lui aussi s’est révélé incapable de
l’établir, même quand il était à
l’apogée de son contrôle des milices
armées occupant la moitié de la Syrie,
au point de défier la Russie en abattant
un avion militaire russe à la frontière
syrienne [novembre 2015] ; des milices
armées qu’il a d’ailleurs abandonnées à
la défaite en fuyant Alep, pour
rejoindre le processus turco-irano-russe
des « Accords d’Astana » afin d’éviter
une confrontation qu'il craignait.
À moins que
sa légèreté n’ait atteint des sommets le
portant à s’imaginer qu’après avoir
échoué à tenir ses engagements
concernant Idlib [Astana 10 ou « Accord
de Sotchi » du 17 septembre 2018, entre
Erdogan et Poutine, consistant en la
création d’une zone démilitarisée à
Idleb, suite aux précédentes sessions où
Erdogan, en tant que garant des milices
armées, s’est engagé à respecter les
zones de désescalade et à séparer
lesdits terroristes modérés des
terroristes radicaux ; NdT], il serait
en mesure d’aboutir à un compromis
subordonnant sa couverture d’une
opération militaire syrienne, devenue
inévitable, à ce qu’il considère comme
un « cadeau de compensation » lui
permettant d’entrer dans quelques
villages frontaliers syriens.
Auquel cas
Erdogan n’aurait pas compris que
l’entente syro-russo-iranienne repose
sur un credo irrévocable : le retrait de
toutes les forces étrangères présentes
sur le sol syrien sans l’accord de
l'État syrien et le refus de tout
compromis portant atteinte à la
souveraineté syrienne et, par
conséquent, à son unité territoriale.
En effet, la
vérité, constamment confirmée par la
Syrie face aux déclarations d’Erdogan,
se résume à dire que l’alliance des
vaincus n’obtiendra pas dans sa
faiblesse ce qu’elle n’a pas réussi à
obtenir à l’apogée de sa force ; que
l’État syrien est prêt à répondre à
toutes les possibilités, y compris par
les armes si nécessaire, pour interdire
toute atteinte à sa souveraineté et à
son unité ; que les déclarations
stupides d’Erdogan n’ont qu’un seul
intérêt : celui de révéler aux
dirigeants kurdes la nature de leur
allié américain et, en conséquence, de
les convaincre que leur seule option est
de s’en remettre à leur État syrien,
seul garant de la sécurité de la terre
et du peuple en Syrie.
Nasser
Kandil
16/01/2018
Traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source : Al-Binaa
/
https://www.al-binaa.com/archives/article/205210
Notes :
[1] [Vidéo
/ Twitter / Donald Trump du 19 décembre
2018]
[2] [Trump
told Turkey's Erdogan in Dec. 14 call
about Syria, 'it's all yours. We are
done']
[3] [Report:
Trump told Erdogan Syria is 'all yours']
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