Syrie
Quelles seraient
les raisons
de la réduction des Forces russes en
Syrie ?
Nasser Kandil
Mercredi 16 mars 2016
Une fois qu’il a été prouvé que
Daech et le Front al-Nosra avaient
dévoré de vastes zones géographiques
prétendument contrôlées par une
soi-disant opposition syrienne, et que
les hauts dirigeants de l’Occident menés
par les États-Unis, devenus conscients
du danger que cela représentait pour
leur propre sécurité, se sont mis à
clamer que c’est la gestion des
dirigeants de l'Arabie saoudite et de la
Turquie qui aurait mené la crise
syrienne au point où elle en est, sans
pour autant se révéler capables de
mettre un terme à ce processus
dévastateur du fait de leur opportunisme
politique ou de leurs intérêts
personnels, Vladimir Poutine a décidé
l’intervention militaire directe en
Syrie [30 septembre 2015].
Ce faisant,
il a démontré sa détermination et sa
capacité à modifier les équilibres :
l'Armée syrienne a repris l’initiative ;
la frontière turco-syrienne est
quasiment fermée ; les forces kurdes
opposantes et armées ont saisi
l’occasion offerte de tenir une partie
de ces frontières ; l’Occident est
obligé de classer le Front al-Nosra sur
la liste des organisations terroristes
malgré l’opposition de l'Arabie
Saoudite, de la Turquie, d’Israël et de
certains sympathisants aux États-Unis ;
Daech et le Front al-Nosra sont
contraints de passer de l’attaque à la
défense, tandis que les autres groupes
armés n’ont plus qu’à choisir entre la
solution politique commençant par une
trêve et aboutissant à leur partenariat
au sein des institutions étatiques
syriennes dans la guerre contre le
terrorisme sous couverture de la
Communauté internationale, et la
solution de se placer sous l’aile
protectrice de Daech ou du Front al-Nosra
avec les conséquences que ce choix
implique.
L’Occident,
mené par les États-Unis, a mis trois
mois pour intégrer les variables et le
sérieux de l’opération russe, ce qui ne
l’a absolument pas empêché de poursuivre
ses manœuvres en s’imaginant pouvoir
exercer toutes sortes de chantage sur la
Russie quant à la justification de son
intervention en Syrie. Il l’a donc
laissée s’engager seule dans la guerre
contre le terrorisme, satisfait d’en
partager les bénéfices sans avoir à en
payer les frais, jusqu’à ce que la
pression russe le menace par une
évolution sur le terrain qui l’a obligé
à des opérations militaires cosmétiques
en Syrie.
D’où sa
réaction tardive concrétisée par le
processus adopté à Vienne [30 octobre
2015 et 14 novembre 2015] et ensuite par
le Conseil de sécurité [Résolution
2254/2015] accordant la priorité à la
solution politique et mettant de côté le
sort de la présidence syrienne, laquelle
est laissée aux Syriens par la voie des
urnes ; ce qui, en soi, torpille le
projet occidental à l’origine ce cette
guerre contre la Syrie.
Mais qu’à
cela ne tienne, les manœuvres
occidentales ne se sont pas arrêtées
pour autant ; d’une part, celles
consistant à retarder le classement des
groupes armés reconnus comme terroristes
sur la liste correspondante, dans le
secret espoir de blanchir le Front al-Nosra
afin de l’imposer comme partenaire de
ladite solution politique ; d’autre
part, celles consistant à réserver à
Riyad la formation de la délégation de
l’opposition [censée négocier ou plutôt
« dialoguer » avec la délégation du
gouvernement légitime syrien, NdT] dans
l’espoir d’écarter les forces vives de
l’opposition nationale, dont la présence
à Genève pourrait accélérer la solution
politique.
C’est
pourquoi l’Occident a gratifié le
« groupe de Riyad » d’un droit de veto à
l’encontre des autres oppositions,
derrière lequel il s’est dissimulé pour
formuler des exigences masquées par le
slogan d’un « gouvernement transitoire »
ramenant la solution politique au
point zéro.
Mais,
toujours sous pression russe, se sont
succédées la réunion de Munich [11 et 12
février 2016], l’éviction d’Al-Nosra, la
reconnaissance du caractère terroriste
d’autres groupes armés, la trêve
[Résolution 2268/2016] et puis, de
nouveau, une réunion à Genève [14 mars
2016] où les négociations et la solution
politique semblaient d’emblées vouées à
l’impasse, comme la fois précédente.
La Russie en
a sans doute conclu que ce comportement
émanait d’une idée fausse selon laquelle
elle serait en difficulté et qu’en
conséquence, elle aurait besoin de
quelques succès politiques pour
justifier la poursuite de son
intervention militaire en Syrie ;
qu’elle devrait en payer le prix en
cédant au « groupe de Riyad » et donc à
l’Arabie saoudite, alors que l’Occident
n’est pas obligé de payer le prix de son
partenariat tel qu’il en a été convenu ;
qu’elle pourrait renoncer à la
participation des Kurdes aux
négociations ; et finalement, qu’elle
pourrait faire pression sur son allié
Bachar al-Assad pour qu’il cède ses
prérogatives au gouvernement transitoire
issu des prochaines négociations à
Genève.
C’est alors
que Vladimir Poutine a frappé une
deuxième fois [14 mars 2016] pour
signifier aux dirigeants de l’Occident
ce qui se résumerait comme suit : la
Russie n’est pas en difficulté ; elle
n’a pas besoin de se couvrir pour le
rôle qu’elle s’est assignée en Syrie ;
ses bases dans ce pays sont légales et
resteront en place ; son allié syrien
est fort et compétent ; retarder la
solution politique c’est retarder la
guerre contre le terrorisme et les
pertes qui en résulteraient seront pour
tout le monde, mais plus dommageables
pour l’Occident que pour elle-même ;
celui qui tient à sa sécurité devra en
payer le prix ; s’il s’agit de
satisfaire l’Arabie saoudite, laquelle
est la cause et à l’origine de
l'enracinement du terrorisme comme l’a
déclaré le président Obama, à l’Occident
d’en payer le prix en pleine conscience
et en toute connaissance de cette cause
qui empêche le rassemblement des efforts
pour l’éradiquer, à ses propres frais et
non aux frais de la Russie.
Le président Poutine a donc ordonné
le retrait d’une grande partie du
contingent militaire russe de Syrie, en
concertation avec le gouvernement
syrien, parce que les objectifs des
forces armées russes ont été
généralement atteints, tout en
permettant de changer la donne dans la
lutte contre le terrorisme international
et d’entamer le processus de paix auquel
la Russie prendra un part active [*].
Que comprendre de
cette annonce inattendue ?
Nous comprenons que M. Poutine nous
dit : « Puisqu’une trêve sérieuse,
quoique partielle, est maintenue pour la
première fois depuis le début de cette
guerre et que notre base navale à
Tartous comme notre base aérienne à
Hmeimim restent opérationnelles, nous
veillerons sur leur sécurité comme elles
veilleront sur la nôtre. Cependant,
étant donné que notre mission est
presque terminée et que son
aboutissement ne dépend pas que de nous,
mais attend une décision sérieuse
d’autres que nous, il n’est pas question
que nous restions prisonniers de cette
attente. Par conséquent, nous retirons
la majorité de nos forces, nous cessons
donc les raids intenses que nous avons
menés sur Daech, en particulier ; ce qui
signifie qu’accélérer la guerre contre
Daech exige l’accélération de la
solution politique et le rassemblement
des capacités internationales en
coopération avec un gouvernement syrien
unifié. Or, il semble que vous ne soyez
pas encore prêts puisque vous inventez
toutes sortes d’excuses pour ralentir le
processus. Soit ! Nous nous éloignons un
peu. Nous attendons, mais ce sera à vous
de supporter cette attente ».
Finalement,
tout comme Poutine les a tous surpris en
prenant rapidement la décision
d’intervenir directement en Syrie, il
vient de les surprendre encore une fois
en décidant aussi rapidement ce retrait
des forces russes.
Maintenant,
il leur appartient de calculer
précisément où se situent leurs intérêts
et de choisir entre les caprices de
Riyad, le groupe de Riyad, les
conséquences de leurs faux calculs
politiques comme de leurs comptes
bancaires secrets, et la sécurité de
leurs pays ainsi que l’avenir de leurs
gouvernements.
Nasser
Kandil
15/03/2016
Source :
TOP NEWS Nasser Kandil
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=5860
Article
traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
(PalSol)
[*] Poutine
ordonne le début du retrait des forces
russes de Syrie car « les objectifs ont
été atteints »
https://francais.rt.com/international/17159-poutine-ordonne-retrait-militaires-russes
M.
Nasser Kandil est
libanais, ancien député, Directeur de
Top News-nasser-kandil, et Rédacteur en
chef du quotidien libanais « Al-Binaa »
Le
dossier Syrie
Le
dossier Russie
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Les dernières mises à jour
|