Liban
Face à la tempête : Voici comment les
Émirats
dirigent le mouvement populaire au Liban
(1/4)
Nidal Hamade

Jeudi 14 novembre 2019
Note de l’auteur : Nous
publions une série de quatre articles
intitulés « Face à la tempête » en
rapport avec le mouvement populaire [Hirak]
vécu actuellement par le Liban et
certains pays de la région.
Le
14 octobre dernier, les services de
renseignement iraniens arrêtaient à la
frontière irano-irakienne l’opposant
Rouhallah Zam dans le cadre d’une
opération sécuritaire complexe.
L’information circula brièvement dans
les médias internationaux [1][2], mais
seuls quelques
médias proches de l’Arabie saoudite lui
prêtèrent une réelle attention, de
manière concise.
L’homme en
question est un trésor d'informations.
En effet, son arrestation a révélé au
travers d’informations provenant de
Dubaï ce que planifiait Abou Dhabi en
vue de mouvements populaires au Liban,
en Irak et en Iran ; mouvements gérés et
financés cette fois-ci par les Émirats,
l'Arabie saoudite étant occupée par ses
problèmes internes et plongée dans les
sables mouvants du Yémen.
Or, cette
arrestation fut précédée, le 6 octobre,
par la visite du Premier ministre
libanais Saad Hariri aux Émirats arabes
unis, l’objectif déclaré étant
l’obtention d’une subvention pour la
Banque centrale du Liban. Mais en
réalité, il s’agissait d’une convocation
américaine destinée à informer M. Hariri
du fait que le dossier libanais était
passé des mains de l’Arabie saoudite à
celles des Émirats arabes unis, du plan
d’action de ces derniers au Liban, du
rôle qui lui était dévolu ; les Émirats
se chargeant d’informer ses deux alliés
du plan en question. Lesquels alliés
sont Walid Joumblatt [dirigeant au
Parlement le bloc de la Rencontre
démocratique] et Samir Geagea [président
du Parti des Forces libanaises] ; tous
les autres devant être ultérieurement
informés de l’heure H du lancement de
l’opération.
Informer M.
Joumblatt ne fut pas chose difficile, vu
que le ministre Waël Bou Faour, [affilié
au PSP (Parti Socialiste Progressiste)
du chef druze Walid Joumblatt] faisait
partie de la délégation ministérielle
ayant accompagné M. Hariri à Abou Dhabi.
Quant à M. Samir Geagea, il reçut
l’information au cours d’un séjour au
Canada à la même date.
Le plan
consistait à ce que les ministres des
Forces libanaises et du bloc de la
Rencontre démocratique démissionnent
[démission annoncée le 19 octobre ; Ndt],
que les gens descendent dans la rue en
signe de protestation et de colère [ce
qui est arrivé le 17 octobre ; Ndt], que
des affrontements s’ensuivent avec les
partisans du Hezbollah et du mouvement
Amal aboutissant à couper la « Dahiya »
[banlieue sud de Beyrouth
majoritairement chiite ; Ndt] du sud du
pays et de la plaine orientale de la
Beqaa. Ainsi, le siège de la capitale
serait assuré, suivi de la démission de
M. Hariri de son poste de chef du
gouvernement [démissionnaire le 29
octobre, Ndt] ; ce qui amènerait ses
propres partisans à descendre aussi dans
la rue et à créer de nouveaux
affrontements avec le Hezbollah et le
mouvement Amal partout où ce serait
possible. Ensuite, serait lancée une
campagne populaire et médiatique visant,
dans un premier temps, à rompre le Pacte
[national], avant de parfaire le plan
par l’expulsion du Hezbollah de la
structure gouvernementale ; puis, dans
un deuxième temps, débuterait le travail
de formation d’un nouveau gouvernement
qui ne tolérerait plus les armes du
Hezbollah ; autrement dit, de la
Résistance libanaise.
En ce qui
concerne le Liban, le tout devait être
couronné par des pressions économiques
et médiatiques, américaines et
occidentales, censées pousser l'armée
libanaise à s’affronter à la Résistance
et, en conséquence, par des
répercussions négatives et désastreuses
sur son image et le soutien de la
population, en préparation de sa
disgrâce définitive.
C’est là un
plan simple et habituel quant à la
méthode adoptée pour faire tomber le
Hezbollah. Elle semble ne pas tenir
compte de la spécificité du Liban et de
l’environnement favorable à la
Résistance ; mais, dans les faits,
travaille et espère que les pressions et
la crise économiques poussent les gens
issus de ce milieu favorable au
Hezbollah à descendre dans la rue.
Par ailleurs,
tout était planifié pour que le
mouvement libanais s’accompagne de
grands mouvements populaires en Irak, en
Iran et au Yémen, ce qui
déstabiliseraient le Hezbollah au Liban
et en éloigneraient ses alliés internes,
notamment les alliés chrétiens.
En d’autres
termes, pour que le plan réussisse, il
fallait que
les populations envahissent les rues de
Beyrouth, Bagdad, Téhéran et Sanaa.
Mais l’arrestation
de Rouhallah Zam par les services de
renseignement iraniens a sapé le plan
dans sa partie iranienne ; ce que nous
détaillerons dans la troisième partie de
cette série de quatre articles.
Une
arrestation qui a non seulement permis
aux Iraniens d’obtenir des informations
sur les motifs de la visite de M. Hariri
à Abou Dhabi, mais aussi des
informations sur les plans visant
l’Irak, lesquelles sont venues s’ajouter
aux données rassemblées par les services
de sécurité à Téhéran, Bagdad et
Beyrouth. D’ailleurs, selon nos sources,
les prédictions du 3 octobre de Qaïs al-Khazali
[3], annonçant des manifestations en
Irak avant qu’elles ne se produisent,
étaient fondées sur des renseignements
donnés par le Hezbollah au Hachd al-chaabi
[Unités de mobilisation populaire]
irakien.
À
suivre en deuxième partie : « Les
coulisses de la démission de Hariri et
de la visite d’Al-Sadr à Téhéran »
Par Nidal Hamade
Journaliste libanais (Paris)
13/11/2019
Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source : Al-Binaa
(Liban)
https://www.al-binaa.com/archives/article/223024
Notes :
[1][Paris
"condamne" l'arrestation de l'opposant
iranien Zam, accusé par Téhéran d'être
"dirigé par le renseignement français"]
[2][Iran:
arrestation de l'opposant Rouhollah Zam,
à la tête d'Amadnews]
[3][Vidéo
You Tube : Écoutez Qaïs al-Khazali
prédire des manifestations courant
octobre avant qu’elles ne se produisent]
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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