Proche-Orient
Liban : La
ligne bleue maritime…
Mouna Alno-Nakhal

Lundi 12 février 2018
Dès mai
2012, le général libanais Amin Hoteit
mettait en garde contre l’ambition
d’Israël de substituer une
quelconque ligne bleue aux frontières
maritimes
internationales de son pays, comme il
tente de le faire, aujourd’hui, par la
construction d’un mur le long de la
« ligne bleue terrestre », laquelle
correspond à la ligne de retrait des
forces israéliennes du Sud-Liban en
2000, non à la frontière terrestre
internationalement reconnue.
Pour
rappel, nous reprenons des extraits de
son article de l’époque :
-
« En
2000, lorsque nous discutions avec
l’ONU de la question du retrait
effectif d’Israël du Sud-Liban, la
délégation onusienne nous avait
proposé le projet d’une « ligne de
retrait » que nous avions
catégoriquement refusé parce que,
hier comme aujourd’hui, nous
affirmons que la seule ligne qui
tienne entre le Liban et la
Palestine occupée est la frontière
internationalement reconnue par la
convention franco-britannique Paulet-Newcombe
de 1923 ; ligne conforme à celle
authentifiée par l’accord
d’armistice de 1949 entre Israël et
nous-mêmes, mais remise en cause par
Israël en dépit de sa consécration
par une résolution du Conseil de
sécurité prise en vertu du Chapitre
VII. […].
-
Il
n’empêche qu’en 2000, l’ONU sous
pressions israélienne et américaine
a tenté une manœuvre pour sauter
par-dessus la frontière
internationale et d’armistice en
proposant un tracé amputant le
territoire libanais au niveau de
plusieurs régions d’un total de 18
millions de mètres carrés, offrant à
Israël les positions dont elle
aurait besoin lors de ses agressions
ultérieures.
-
Le Liban
a donc rejeté le projet et s’en est
tenu à sa frontière reconnue tout au
long de la ligne de démarcation
Liban-Palestine occupée, suite à
quoi l’ONU a fait marche arrière
sauf sur trois segments non occupés
par des positions militaires
israéliennes.
-
Méfiant,
le Liban a fait préciser que la
ligne n’était là que pour vérifier
le retrait israélien, qu’elle ne
pouvait être prétexte à violation de
sa frontière internationale, qu’en
aucun cas elle ne devrait permettre
à Israël de pénétrer l’une de ces
zones, et que la mission de l’ONU ne
consistait donc ni à délimiter des
frontières, ni à faire don d’une
terre libanaise à Israël. L’ONU a
accédé à cette demande et, en
conséquence, a tracé une ligne
bleue, couleur de l’ONU, à
distinguer des lignes frontalières
internationales habituellement
noires […]
-
Attention
aux conséquences de l’usage même de
l’expression « ligne bleue
terrestre » qui n’a plus lieu d’être
depuis que le retrait israélien du
Liban-Sud en 2000. Certes, Israël
sera reconnaissante au Liban si
jamais il lui prenait l’idée de
réclamer une ligne bleue maritime
qui, soi-disant, ne le priverait que
momentanément de son droit à 860 Km2
en mer ; ligne qui ne tardera pas à
se transformer en frontière
définitive car avec Israël, le
provisoire est toujours permanent.
-
Finalement, vu ce qui s’est passé
lorsque la commission tripartite de
Naqoura [Liban, Israël, FINUL] s’est
substituée par un fait accompli à la
Commission d’armistice, nous
craignons qu’une quelconque ligne
bleue ne se substitue de facto à nos
frontières maritimes
internationales. » [1].
Crainte
qui semble aujourd’hui justifiée par
deux faits, a priori, indépendants : la
décision israélienne de construire un
mur le long de la ligne bleue terrestre
et les propos menaçant du ministre
israélien de la Défense, Avigdor
Lieberman, lequel a accusé le Liban de
provoquer Israël en lançant les
procédures pour l'exploitation des
ressources offshore dans un bloc proche
de ses frontières :
-
« Lorsqu'elles (les autorités
libanaises) attribuent
l'exploitation d'un champ gazier,
notamment le bloc 9, lequel, selon
toutes les normes, nous appartient,
il s'agit d'un comportement très
provocateur… Les compagnies
respectables qui sont concernées par
l'attribution de l'exploitation de
ces champs gaziers sont, à mon avis,
en train de commettre une grave
erreur, car cela est contraire à
toutes les lois et les protocoles en
la matière… » [2].
Mis à part le fait qu’il est
difficile d’imaginer que le consortium
international mené par le français Total
et composé de l’italien ENI et du russe
Novatek -auquel ont été attribuées les
licences d’exploration et de production
d’hydrocarbures offshore pour les blocs
9 et 4 [3]- ne soit pas instruit
du contentieux, en quoi ces deux faits
pourraient être étroitement liés ? C’est
ce que nous explique le général
libanais Mohammad Abbas sur Al-Mayadeen
TV :

- « La ligne bleue terrestre
se superpose par endroits à la
frontière libanaise internationale,
mais s’en écarte vers l’intérieur du
territoire libanais en d’autres. Le
litige porte sur 13 points au total,
dont 4 principaux au niveau de
Rmaich, Addiseh, Metula, les Fermes
de Chebaa et au delà [représentés
par les 4 petits ronds bleus le long
de la ligne sinueuse jaune sur la
carte ci-dessus].
- Or, Israël tente de
dresser son mur à partir de « Naqoura »
en mordant 40 mètres du territoire
libanais, ce qui doit se répercuter
sur la ligne frontalière maritime
[la ligne droite rouge foncé sur la
carte], de telle sorte qu’il puisse
affirmer sa souveraineté sur le bloc
9.
- Il est évident que même
dans ce cas, 90 % environ du bloc 9
restent dans la zone économique
exclusive [ZEE] libanaise. Et, soit
dit en passant, lorsque le directeur
de
l'Institut des études pour la
sécurité nationale et
ancien chef du
renseignement militaire israélien,
Amos Yadlin, justifie le mur en
disant que le Hezbollah possède des
missiles anti-navires Yakhont d’une
portée de 300 Kms, le rayon du champ
correspondant montre qu’une portée
de 60 Kms serait largement
suffisante ! [le cercle rouge] » [4].
Mais le journaliste libanais
et directeur du «
Media Focal Center », Salem
Zahran, a affirmé tenir des informations
venues de personnalités politiques ayant
participé aux discussions menées la
semaine dernière, par David
Satterfield, le secrétaire
d’État adjoint américain par intérim
pour les Affaires du Proche-Orient, dans
le cadre de sa mission de médiation,
principalement liée à ces deux sujets
contentieux entre le Liban et Israël :
- « Ce que ces politiciens ont
compris suite à leurs discussions
avec Satterfield est que le problème
ne se situe pas au niveau du tracé
du mur de séparation entre les deux
pays, car Israël finirait par le
construire en dehors des points
litigieux, notamment ledit point B1
correspondant à une colline dominant
Haïfa ; il se situe précisément au
niveau du bloc 8 que nous sommes
censés adjuger plus tard. Comme
quoi, il faut toujours lire entre
les lignes lorsqu’il s’agit
d’Israël.
- Par ailleurs, il faut savoir que
depuis la résolution 1701(2006) [5]
les discussions israélo-libanaises
sont restées indirectes passant par
les délégués de la FINUL [Forces
Intermédiaires des Nations Unies au
Liban] ; ce qui signifie qu’il n’y a
toujours pas de normalisation des
relations entre les deux parties.
- Or, l’administration américaine
dit être prête à revoir le tracé des
frontières moyennant deux
conditions. La première est qu’elle
participe à la solution au même
titre que les Nations Unies. La
deuxième, et c’est la plus
dangereuse, que les négociations
soient directes, faute de quoi les
Nations Unies seraient incapables de
résoudre le contentieux. Ce qui
revient à pousser le Liban à la
normalisation avec Israël à l’instar
des Saoudiens, des Bahreinis, etc.
- Le but de la manœuvre est, à mon
sens, d’isoler la Syrie et sans
doute le Liban, afin qu’Israël
puisse dire au monde qu’Israël est
en bon terme avec tout les pays
arabes et qu’il ne reste que ces
deux pays déviants, responsables de
la déstabilisation de la région.
- Néanmoins, leur priorité reste
la Syrie. La preuve : hier encore
Satterfield était au Liban pour
prétendument calmer le jeu, alors
que l’aviation américaine faisait
une centaine de morts en Syrie.
- Quant aux menaces de Lieberman
et à la possibilité d’une guerre
« aussi féroce et courte que
possible », il ne faut jamais
oublier qu’Israël est une entité
guerrière. En l’occurrence, nous
n’avons pas à en avoir peur. C’est
plutôt celui qui dresse des murs qui
témoigne de sa peur » [6].
Synthèse proposée par Mouna Alno-Nakhal
11/02/2018
Sources :
[1] Liban :
La ligne bleue maritime au service de
l’ambition israélienne !
https://www.mondialisation.ca/liban-la-ligne-bleue-maritime-au-service-de-l-ambition-isra-lienne/30841
[2]
Hydrocarbures offshore : quelques clés
pour comprendre le contentieux
libano-israélien
https://www.lorientlejour.com/article/1098068/hydrocarbures-offshore-quelques-cles-pour-comprendre-le-contentieux-libano-israelien.html
[3]
Hydrocarbures offshore : Le Liban a
signé ses premiers contrats, un plan
d’exploration soumis dans 2 mois
https://www.lorientlejour.com/article/1099324/hydrocarbures-offshore-le-liban-a-signe-son-premiers-contrat-un-plan-dexploration-soumis-dans-2-mois.html
[4] Mohammad
Abbas : « Al-Midaniya » du 8 février
2018
https://www.facebook.com/almayadeen/videos/2411055122253356/
[5]
Résolution 1701 (2006)
http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/1701%20(2006)
[6] Salem
Zahran : Al-Alam du 9 février 2018
https://www.youtube.com/watch?v=75SlIIJI8zg
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