Palestine
À ceux qui ont clamé que
l’« annexion de la Cisjordanie »
résoudrait tout !
Nasser Kandil
Mardi 7 juillet 2020
Pendant des mois, au cours
desquels les milieux solidaires de la
Résistance ont eu à souffrir dans leur
corps de toutes sortes de crises
frappant leurs besoins vitaux, ont
circulé diverses théories ou analyses,
certaines parlant d’une guerre en
préparation sur fond de « famine »,
d’autres annonçant des changements de
politiques sous la menace des
« sanctions », les unes et les autres
devant nécessairement aboutir à la
désintégration des alliances tissées par
cette même Résistance depuis des années.
D’autres sont
allés jusqu’à nous raconter que tous les
événements auxquels nous avons assisté,
notamment ceux que la Résistance
considère comme des victoires à ranger
dans la catégorie des défaites du
« projet américain » [concernant le
Grand Moyen-Orient ; NdT] n’étaient que
façades ; le fond du problème étant ce
que l’Américain préparait contre nous,
avec notre participation et avec, à
chaque étape, un objectif dissimulé par
la fumée des incendies qu’il allumait.
Il
est évident que de tels récits ne
résistent pas à l'examen minutieux de
tout observateur attentif : ni
l’Américain n'a gagné la guerre en
Irak ; ni Israël n’a gagné la guerre de
juillet 2006 ; ni Gaza ne s’est rendue
ou ne s’est suicidée, ni le Yémen affamé
et assiégé n'a levé le drapeau blanc ;
ni l'Iran, lequel a continué à
développer son industrie, son
agriculture et ses technologies, n’a
reculé ou n’a cherché des miettes de
solutions ; ni la
Syrie, laquelle a failli être effacée de
la carte en tant qu’État, n’a cédé ou ne
s’est inclinée.
C’est le
contraire qui s’est passé : l'Iran s’est
renforcé et ses pétroliers défient
l’Américain jusque sur les côtes du
Venezuela ; la Syrie a repris le
contrôle de la majeure partie de ses
territoires volés par les guerres
fomentées et très généreusement nourries
par de grandes puissances et des
gouvernements régionaux ; Gaza menace de
ses missiles la profondeur de l'entité
occupante ; le Yémen ensanglanté tient
dans sa main la sécurité de l’énergie
issue des Pays du Golfe ; et la
Résistance est désormais en possession
des technologies militaires tant
attendues et menace de renverser la
table.
L’important est que tous ces discours
revenaient à dire que la « guerre par la
famine » avait une seule fonction :
préparer la mise en œuvre de la partie
concernant l'annexion de la Cisjordanie
telle qu’elle figure dans ledit « accord
du siècle » ; annexion annoncée par
Benjamin Netanyahou à ses colons pour le
1er juillet 2020. [Ce qui n’a pas eu
lieu et ne serait que partie remise ;
NdT].
Or
bien avant cet accord, nous avions écrit
que le gouvernement de Netanyahou
n’oserait pas l’appliquer et dès son
annonce, nous avions dit qu’il était
mort-né pour deux raisons principales :
-
La première est
que les coups concentrés ou aveugles ne
sont pas toujours un prélude à une
attaque, car ils peuvent servir à
couvrir un retrait. Nous devons donc
discerner entre ces deux possibilités,
afin de ne pas commettre l'erreur fatale
de prendre un retrait pour une attaque.
-
La deuxième est
que la courbe qui a gouverné le monde de
1990 à 2020 se dirige en droite ligne
vers un avenir où l'Américain n'est plus
ce qu’il était au moment de la chute du
mur de Berlin et de la désintégration de
l'Union soviétique ; où la Russie n'est
plus cet État désintégré et égaré ; où
la Chine n’a plus pour seul objectif
d’assurer la subsistance de millions de
bouches à nourrir ; où Israël est
désormais incapable de faire la guerre
et incapable de trouver une solution qui
diviserait les rangs des politiques et
des peuples de la région en Irak, au
Liban, en Palestine, en Syrie et au
Yémen. Autant de variables qui
confirment une étude récemment publiée
par la revue américaine « Foreign
Affairs » à propos de l’échec des
stratégies dû à l’incapacité de prévoir
et d’anticiper.
L'important
est donc qu’il n’y a plus à débattre et
à analyser un tableau devenu très clair
à la lumière des faits : l'entité
occupante ne peut pas supporter les
conséquences de la décision d'annexer la
Cisjordanie et l'Américain ne peut pas
lui assurer les moyens de s’en
protéger ; la solution devient de se
partager les rôles de partisan et
d’opposant en annonçant le report de la
décision, ce qui équivaut à son
annulation vu qu’il s’agirait d’attendre
de meilleures conditions qui ne
viendront pas.
Entretemps,
sanctions et famines continuent comme
autant de coups servant de couverture à
un retrait américain, lequel retrait est
néanmoins subordonné à deux conditions
proposées sous forme de compromis, dans
le but de protéger l’entité occupante du
danger de se retrouver seule devant
l’axe de la Résistance qui se développe
et se renforce :
-
Le premier
compromis a été énoncé par James
Jeffrey, l’envoyé spécial pour la Syrie,
lorsqu’il a présenté ladite « Loi
César » en appelant la Syrie à un retour
vers 2011, c'est-à-dire dans ses
frontières de l’époque avec le
déploiement de Forces internationales
aux frontières du Golan occupé, le
retrait américano-turc étant subordonné
au retrait de l'Iran et des forces de la
Résistance.
-
Le
deuxième compromis a été énoncé par
David Schenker, le
secrétaire d'État adjoint pour le Proche
Orient,
lorsque dans son analyse de la crise
financière libanaise il a rejeté la
responsabilité sur le Hezbollah en
ajoutant à la fin de son discours :
« Vous disposez de ressources
petro-gazières prometteuses en pleine
mer, mais vous avez un différend avec
Israël à ce sujet et vous êtes en
difficulté. Nous vous avons présenté une
certaine façon de résoudre le différend.
Acceptez ! ».
Mais, le
problème est que les forces de la
Résistance pensent pouvoir faire face à
la guerre des sanctions et aux
hypothèses de famine contre lesquelles
les solutions et les alternatives ne
manquent pas, tout comme elles pensent
pouvoir continuer à refuser ce type de
négociations qui ne cherchent qu’à
protéger les intérêts et la sécurité de
l’entité occupante ; et cela sans
compter leur capacité à contrer les
incursions et les sauvageries que le
projet d’annexion de la Cisjordanie
sous-entend.
En effet, si
cet accord devait se concrétiser, il
faudra s’attendre à une escalade de la
confrontation populaire et armée,
laquelle pourrait mener à « la grande
guerre » ou reproduire des modèles de
Gaza libérée au cœur de la Cisjordanie,
voire au cœur des territoires occupées
en 1948.
D’où la
probabilité que le dernier message de
Sayed Hassan Nasrallah, le secrétaire
général de la Résistance libanaise,
ainsi que le message des médias de
guerre aient participé à la
compréhension de la situation par ceux
qui devaient la comprendre.
Nasser
Kandil
06/07/2020
Traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source : Al-Binaa
https://www.al-binaa.com/archives/256152
Nasser
Kandil est un homme politique libanais,
ancien député, et Rédacteur en chef du
quotidien libanais « Al-Binaa »
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