Liban
Deuxième lettre ouverte au
Président Macron :
Où est l'image satellite du port de
Beyrouth ?
Hassan Hamadé

Jeudi 1er octobre 2020
Monsieur le Président,
Je souhaite
commencer par vous féliciter
chaleureusement pour votre franchise. Je
n’ai pas été déçu que vous soyez allé
directement au cœur du sujet, lequel n’a
nul besoin de fioritures pour dissimuler
sa vérité, vu que cette vérité est la
raison directe ayant fait de vous le
gagnant de la mission au Liban.
J’entends par là : le problème posé par
les armes de la Résistance.
Il ne vous a
pas fallu longtemps pour avouer
ouvertement cette première moitié de ce
qui vous intéresse au Liban ; l'autre
moitié se résumant à votre obsession de
gagner des contrats s’appropriant ce qui
reste de la richesse de l'État et du
peuple. Des richesses passant du port
martyr de Beyrouth à son aéroport menacé
du même sort, à l'électricité, à l'eau,
au téléphone cellulaire, aux
infrastructures et, bien sûr, à ce que
la terre et les eaux du Liban
contiennent de pétrole et de gaz, là où
le géant de l'énergie, la société Total,
occupe le devant de la scène.
Mis à part
ces deux préoccupations majeures, votre
discours [1] sur la dimension
humanitaire, réformatrice et éthique de
votre mission au Liban est resté dans
les limites de sa fonction de maquillage
et d’un semblant d'élégance. Ceux qui
attendaient le contraire de votre part
ont été désagréablement surpris. C’est
leur problème car dans le dictionnaire
des États, les promesses n’engagent que
ceux qui y croient.
Outre les
félicitations, il nous faut discuter
ensemble, chacun à partir de son camp,
de la question de l'affrontement direct
avec les forces qui s’opposent à la
campagne coloniale destructrice désignée
par « printemps arabe ». Pour rappel,
Monsieur le Président, cette expression
avait déjà été utilisée par les
gouvernements français il y a 172 ans,
lorsqu'ils avaient affirmé que la
création de la sinistre mission « Baudicour »
[2] serait le début du printemps des
peuples. Mission qui consistait à
déraciner les maronites libanais de
leurs terres et à les transférer en
Algérie.
Conformément
à votre habitude des raccourcis, votre
conférence de presse du 27 septembre
2020 est venue confirmer vos
déclarations annoncées quelques heures
avant votre deuxième visite au Liban, le
1er septembre 2020. C’est
ainsi que vous avez ajouté une zone
d’ombre encore plus dense dans l'espace
des relations libano-françaises ;
autrement dit, une nouvelle ambiguïté
qui s’ajoute aux précédentes déjà
évoquées [3] et qui mène à une lecture
différente du devenir des relations
entre nos deux pays, loin de la
propagande entourant le mythe d'amour et
de tendresse pour le Liban.
Cette fois,
vous nous avez rappelés une époque
supposée révolue, étant donné
qu’aujourd’hui vous nous apparaissez
plutôt proche d'un haut-commissaire ;
cependant, avec moins de pouvoirs que
vos prédécesseurs à ce poste, car leur
référence était Paris, tandis que votre
véritable référence se situe quelque
part dans le « Nouveau Monde ». Cela ne
vous est absolument pas étranger. Vous
êtes le tenant d'une démarche politique
ayant opté pour une France européenne,
plutôt que pour une France française et
si vous aviez à choisir entre une Europe
européenne et une Europe atlantiste,
vous opteriez pour une Europe
atlantiste. Et je n’irai pas jusqu’à
dire, comme certains, que vous iriez
jusqu’à préférer
l'appartenance aux États-Unis à
l'appartenance à l'Europe atlantiste.
C'est probablement la raison qui fait
qu’à aucun moment vous n’avez abordé la
question cruciale de la Résistance qui
protège autant qu’elle le peut le Liban
du monstre raciste sioniste, alors que
vous considérez le manque de respect à
la mémoire de la Résistance française
comme un péché mortel. En effet, la
résistance à l'occupation et la défense
des patries est par principe une
question morale, éthique, légale et
humaine, toute proche de la sainteté.
Trouvez-vous qu’il est sérieux de parler
de la nôtre comme vous l’avez fait ?
Pour de nombreux Libanais, votre
discours sur la Résistance libanaise est
venu comme un coup de poignard en
plein cœur. Peut-être que vous ne l’avez
pas voulu. Et, peut-être que vous avez
écouté plus qu’il ne le faut vos
conseillers et vos amis, lesquels n’ont
fait que vous impliquer dans un problème
pouvant fortement compromettre la
relation historique entre nos deux pays
dans le présent et le futur.
Monsieur le
Président,
Je n'ai pas
été surpris par votre totale
indifférence à l’analyse du dossier
libanais par le respecté homme d’État
français [4], Maurice Couve de Murville.
La différence entre vous porte non
seulement sur l’époque, l'expérience et
la culture, mais aussi sur
l'appartenance. Il était dans la fleur
de l'âge lorsqu'il a rejoint le
Commandant de la France libre, a
travaillé à la radio de la Résistance,
est resté proche du Général de Gaulle
tout au long de sa vie et a été ministre
des Affaires étrangères, puis Premier
ministre. Ce qui explique qu’il ait tenu
à ne pas prendre parti face aux
querelles des Libanais et donc à ne pas
les encourager à détruire leur pays.
Naturellement, à l’époque il n’a pas eu
à s’opposer à la résistance naissante
qui a expulsé les monstres sionistes de
la capitale Beyrouth ; première capitale
arabe occupée par l'armée israélienne
lorsque le Hezbollah n'était pas encore
né. Lequel Hezbollah est néanmoins né de
la matrice de cette première résistance
triomphante qui a brisé les crocs des
monstres sionistes et les a expulsés de
Beyrouth que vous avez visité et dans
les rues duquel vous vous êtes promené.

Vous êtes censé avoir été informé de ces
faits historiques avant d'user
d’expressions offensantes contre notre
Résistance, abstraction faite de votre
position de principe en raison de vos
engagements otano-sionistes. C’est là
une atteinte à la dignité de la patrie
libanaise, laquelle suppose que vous lui
présentiez vos excuses. Vous avez
parfaitement le droit de haïr la
Résistance et de la combattre, mais vous
n'avez pas le droit de l'offenser alors
que vous traitez du sujet libanais au
titre de l’amitié.
Imaginez la situation inverse où un
Libanais se tiendrait devant vous pour
traiter de la sorte la Résistance
française. Quelle serait votre réaction
? Je m’attends à ce que vous entriez
dans une grande colère ; là aussi,
abstraction faite de votre propre
opinion sur la Résistance française qui
ne concerne que vous.
Et que dire
de vos propos prétendant que la
Résistance libanaise sème la terreur en
Syrie ?
Que cela vous
plaise ou non, Monsieur le Président,
cette Résistance est le fer de lance de
la défense territoriale contre le
terrorisme, à commencer par les
organisations atlantistes de la terreur,
c'est-à-dire Daech, le Front al-Nosra,
la
Brigade Sultan Mourad,
la Harakat
Nour al-Din al Zenki et l’ensemble de
leurs dérivées bénéficiant globalement
du parrainage de
votre Organisation du traité de
l'Atlantique nord [l’OTAN] et du
financement puisé dans les caisses des
pays du Golfe, occupés par vos armées
atlantistes. Plus de 170 000 terroristes
venus d'Europe et d’autres pays, amenés
par votre organisation au cœur de la
géographie syrienne pour la déchirer de
l'intérieur, menant ainsi la plus
monstrueuse des campagnes coloniales que
l'histoire ait connues au cours de ses
différentes époques.
Organisations qui « font du bon
boulot », comme l'a dit un jour l’un de
vos ministres des Affaires étrangères !
C'est pourquoi vous vous en prenez à la
résistance libanaise. C’est peut-être
aussi parce qu'elle a énormément
contribué à la défense de la présence
chrétienne sur la sainte terre syrienne
pendant que votre alliance atlantique,
laquelle excelle dans la flagellation
des peuples et la négation de leurs
droits humains les plus élémentaires,
travaille jour et nuit à effacer les
traces du christianisme de la terre
palestinienne du premier révolutionnaire
humaniste, Jésus-Christ, et les traces
du crime commis le 30 septembre 2000
contre l’enfant
Mohammad al-Durah [5], son père, ses
frères et ses sœurs.
 Et c’est
plus
probablement encore, Monsieur le
Président, la raison qui vous pousse à
voir une contradiction incompréhensible
entre la résistance du Hezbollah à
Israël et son droit d’être un parti
respecté au Liban. Imaginez, là aussi,
qu’un Libanais vous dise que toute force
française ayant résisté aux nazis
perdrait son droit à former un parti
politique respecté en France. Serait-ce
raisonnable ? Question, évidemment
indépendante de votre propre
opinion sur le fascisme et le nazisme
qui ne concerne que vous.
Tout comme le Christ, le peuple du
Christ est persécuté. Le pape Benoît XVI
n’a-t-il pas condamné « l’hostilité et
les préjugés à l’encontre des
chrétiens » en Europe » ? Lisez,
Monsieur le président, son message pour
la Journée mondiale de la paix du 1er
janvier 2011. Cette même année où vous
avez inauguré l’orgie sanguinaire via
votre printemps arabe. Dans le
quatorzième paragraphe de ce terrible
message, le penseur Joseph Ratzinger
semble considérer que vos discours au
monde manquent de sincérité.
Contentez-vous de lire ce seul
paragraphe, votre
excellence, car il est fort probable que
vous ne soyez pas intéressé par ce genre
de lecture.
Lors de votre
conférence de presse, alors que je vous
observais pendant que vous déversiez vos
ressentiments, j’ai senti toute la
froideur de vos paroles en dépit de la
volubilité de votre langage corporel.
Vous êtes apparu froid et nullement
concerné par la requête libanaise qui
vous a été personnellement adressée ;
celle de fournir une image satellite [6]
de la terrible explosion terrestre
engendrée par le crime complexe contre
l'existence même du Liban. Vos
paroles resteront creuses et sans valeur
tant que vous éluderez notre demande
destinée à savoir qui a dirigé
l’explosion hirochimienne contre le port
de Beyrouth, pour favoriser le port de
Haïfa en Palestine occupée.
Nous voulons la vérité ; la vérité pour
le Liban. Nous avez-vous entendus, vous
qui vous permettez de nous donner des
leçons en insultant nos politiciens
voleurs, afin de susciter notre amitié
et de gagner notre confiance, tout en
continuant à vous entendre avec eux et à
dissimuler le coupable ? Il en est
toujours ainsi : généralisation, hausse
du ton, débats creux aboutissant à la
dissimulation du coupable. Une
technique, cher Président, qui ne trompe
que ceux qui croient aux paroles des
États. Où sont donc les images satellite
? Et que cache leur non divulgation ?
Désolé, Monsieur le Président, pour
avoir oublié que votre éloquence en
matière de transparence, de démocratie
et de droits humains n’a d’égale que
l'éloquence de vos confrères banquiers
lorsqu’ils insistent pour que les
clients déposent leur argent et leurs
économies dans les coffres de leurs
banques, pour qu’une opération de
sublimation transforment ensuite leurs
dépôts en vapeurs lorsque sonnera
l’heure du grand pillage et de la
destruction des familles, sous couvert
de telle ou telle révolution colorée,
comme cela s'est passé et se passe
encore au Liban. Choses que ne pouvez
ignorer, votre Excellence.
Et
c’est peut-être parce que vous maitrisez
ce savoir que vous avez complètement
ignoré les aveux particulièrement
terribles, formulés quelques heures
avant votre grande conférence de presse,
devant le Congrès américain, par le
diplomate américain, David Hale ; un
homme d’une grande politesse, un
amoureux de la paix et de l'harmonie
entre les humains au point d’accompagner
les orgies sanguinaires au Liban depuis
des décennies. Il a déclaré que son
administration avait dépensé et
distribué dix milliards de dollars [7]
au profit de ceux en qui vous avez
confiance au Liban : des organisations
non gouvernementales et des inféodés
fiables au sein des cercles politiques
et des médias menteurs.
Des
aveux venus s’ajouter aux
déclarations antérieures d’un autre
diplomate américain, tout aussi féru des
orgies sanguinaires au Liban : le nommé
Jeffrey Feltman. Lequel avait affirmé le
8 juin 2010, toujours devant le Congrès
américain, que son administration
pacifique, qui hait les massacres et les
assassinats, avait dépensé un
demi-milliard de dollars au cœur du
Liban afin de défigurer l'image du
Hezbollah [8].
Les oreilles
de ces individus, Monsieur le Président,
entendent essentiellement vos collègues
parmi les banquiers internationaux,
tandis que leurs yeux sont tournés vers
la Banque centrale libanaise qu’ils se
préparent à dépouiller de son droit
exclusif d’émettre la monnaie. Pour
cela, le prétexte est fin prêt : la
Banque du Liban n'étant plus digne de
confiance, ce privilège doit être confié
à des banques privées. Mais, puisque les
banques privées ont également perdu leur
crédibilité avec la complicité du
gouverneur de la Banque centrale
(l’équivalent d’Edgar Hoover en matière
de finances) et des sommités du comité
des banques, lesquels passent la moitié
de leur temps à Paris loin des
projecteurs des patriotes libanais, le
privilège
doit plutôt être confié à des banques
internationales. Et la « Bank of New
York », l’une des plus grande banques,
propriétaire de la
Réserve fédérale américaine, détient
désormais
34%
des plus grandes banques libanaises,
grâce à une opération furtive de vol
mi-2019. Une opération que les médias
libanais « libres » ont dissimulée, ces
mêmes médias financés par les dix
milliards de dollars précités et devenus
promoteurs de ladite révolution ; la
révolution de l’autodestruction au nom
de la lutte contre la corruption.
Est-il possible, Monsieur le Président,
que vous ignoriez ce vol généralisé de
tout un peuple par les banques !? Il est
étonnant que vous ayez pu oublier un
fait aussi terrible, exactement comme
vous semblez avoir oublié les images
satellite, lesquelles faciliteraient
grandement la désignation des
responsables de l’explosion
hirochimienne du port de Beyrouth.
Monsieur le Président,
Il m'est
difficile de croire ceux qui prétendent
que vous n'êtes pas au courant de tout
cela, tout comme il m'est difficile de
croire que vous ne sachiez pas que vos
avions de l'OTAN brûlent
systématiquement des champs de céréales
et des cultures de terres fertiles en
Syrie, pour que les Syriens meurent de
famine pendant que le blocus atlantiste
les prive des moyens de combattre
l'invasion de la pandémie virale.
Vous qui êtes
issu
du
monde civilisé, transparent, défenseur
des droits humains, naturellement et
avant tout démocrate, vous devez
présenter vos excuses aux Libanais, à
nous tous, Monsieur le Président. Ce
serait honteux de vous en abstenir.
Quant à nous :
Notre Liban est et restera à nous, il
n’est pas à vendre.
Notre Syrie est et restera à nous.
Notre Palestine était et reviendra au
peuple du Christ… notre peuple.
Une
fois de plus, Monsieur le Président,
veuillez accepter mes meilleures
salutations.
Hassan Hamadé
01/10/2020
Traduction
de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source :
Al-Intichar (Liban)
http://alintichar.com/123852
Notes :
[1][Conférence
de presse du Président Emmanuel Macron
sur la situation au Liban. (diffusée en
direct le 27 septembre 2020 (vidéo)]
[2][Le projet
Baudicour de 1848]
[3][Première
lettre ouverte au Président Macron ; par
Hassan Hamadé]
[4][La
crise libanaise et l'évolution du
Proche-Orient [Maurice Couve de Murville]
[5][Charles
Enderlin & l’affaire Mohammed al-Durah
(vidéo)]
[6][Aoun
demande à Macron des images aériennes du
moment de l’explosion]
[7][Al-Mayadeen
/ Hale : nous avons dépensé 10
milliards de dollars pour les forces de
sécurité et la société civile libanaises
(vidéo)]
[8][Al-Mayadeen
/ Jeffrey Feltman : Les USA ont dépensé
500 milliards de dollars pour défigurer
l’image du Hezbollah (vidéo)]
Hassan
Hamadé : Écrivain
et journaliste libanais – Membre du
Conseil national de l’audiovisuel (CNA)
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