Interview
Prof. Abderrahmane Mebtoul : « Nous
avons assisté à une véritable hécatombe
planétaire et le monde ne sera plus
jamais comme avant. »
Mohsen Abdelmoumen

Professeur A.
Mebtoul. DR.
Vendredi 24 avril 2020 English version here
Mohsen
Abdelmoumen : Quel est votre constat
sur l’épidémie du coronavirus en Algérie
?
Prof.
Abderrahmane Mebtoul : En Algérie,
l’épidémie se combine avec un facteur
plus structurel qui est l’augmentation
du risque géopolitique. L’épidémie de
coronavirus touche tous les continents
où la population totale par zone
géographique en 2019 est répartie de la
façon suivante : l’Asie (59,7%) avec 4
504 428 000 d’habitants, l’Afrique
(16,6%) avec 1 256 268 000 d’habitants,
l’Europe (9,8%) avec 742 074
000 d’habitants, l’Amérique du Sud
(5,3%) plus l’Amérique du Nord (4,7%) et
l’Océanie (0,5%) avec 645 593 000
d’habitants. Cette épidémie entraîne une
crise économique irréversible pour 2020,
dont les répercussions risquent de durer
avec des ondes de choc pour 2021, si la
maladie est circonscrite avant
septembre/octobre 2020, la majorité des
experts prévoyant une seconde vague,
voire une troisième vague en cas ou le
confinement ne serait pas respecté. D’où
dans l’urgence, de nombreux pays ont mis
en place ou élargi les dispositifs de
chômage et les aides sociales, certains
économistes et politiques préconisant un
revenu minimum universel. C’est que la
crise actuelle de 2020 a montré toute la
vulnérabilité des économies mondiales
face à des chocs externes imprévisibles,
surtout des pays reposant sur une
ressource éphémère dont le prix dépend
de facteurs exogènes échappant aux
décisions internes. Comparable à une
guerre avec un ennemi sans visage,
l’épidémie du coronavirus a un impact
sur l’économie mondiale qui connaîtra
trois chocs en 2020, un choc de l’offre
avec la récession de
l’économie mondiale, un choc de la
demande du fait de la psychose des
ménages, et un choc de liquidité. Cette
crise aura à l’avenir un impact sur
toute l’architecture des relations
internationales. Mais si les impacts de
l’épidémie du coronavirus sont un danger
pour le présent, elles sont porteuses
d’espoir pour l’avenir de l’humanité,
une opportunité par notre capacité à
innover par une autre gouvernance et
pour un monde plus juste et
solidaire. Reconnaissons avec
objectivité que la Présidence de la
République et le gouvernement algérien
ont su gérer cette épidémie malgré les
conditions difficiles, épidémie qui
touche de grandes puissances
économiques comme les USA, l’Europe et
la Chine. Comme je viens de le rapporter
en français à la télévision France24 ce
20/04/2020, le gouvernement algérien
n’est pas responsable de la
situation actuelle provenant d’un lourd
passif, alors que selon les données
internationales, l’Algérie a engrangé
une recette en devises de plus de 1000
milliards de dollars entre 2000 et fin
2019 avec une sortie de devises de plus
de 935 milliards de dollars, la
différence étant le solde des réserves
de change au 31/12/2019 d’environ 62
milliards de dollars avec en moyenne
annuelle un taux de croissance modique
de 2,5-3% alors qu’il aurait dû être de
8/9% par an pour éviter les tensions
sociales et permettre une économie
durable hors hydrocarbures si l’on
avait changé la trajectoire économique.
Qu’en est-il de
l’emploi à travers cette crise ?
Il existe une loi
universelle pour tous les pays, le taux
d’emploi étant fonction du taux de
croissance et des structures des taux de
productivité. L’Algérie est
fortement connectée à l’économie
mondiale, notamment à travers ses
exportations d’hydrocarbures, plus de
98% des recettes en devises avec les
dérivés provenant des hydrocarbures et
important une grande partie des besoins
des ménages et des entreprises, et toute
récession de l’économie mondiale impacte
l’économie algérienne. Ainsi le rapport
du FMI du 14 avril 2020 montre que
l’année 2020 sera une année de récession
avec une légère reprise en 2021 si
l’épidémie est circonscrite en septembre
2020. Précisons que le taux de
croissance se calcule toujours par
rapport à la période antérieure T1 – T0.
Ainsi, dans le cadre d’un scénario
favorable, en précisant qu’une
croissance faible en 2020 soit T0, donne
globalement une croissance relativement
faible en 2021 – T1, l’économie mondiale
aura moins de 3,0% de taux de croissance
en 2020 et 5,0% en 2021 et, en moyenne,
les pays avancés moins de 6,1% en 2020
et 4,5% en 2021, avec la répartition
suivante : Etats Unis moins 5,9% en
2020 et 4,7% en 2021 ; Zone euro moins
7,5% en 2020 et 4,7% en 2021 ; Allemagne
moins 7% en 2020 et 5,2% en 2021 ;
France moins 7,2% en 2020 et 4,5% en
2021 ; Italie moins 9,1% en 2020 et 4,8%
en 2021 ; Espagne moins 8% en 2020 et
4,3% en 2021 ; Japon moins 5,2% et 3,0%
en 2021 ; Royaume Uni moins 6,5% en 2021
et 4,0% en 2021 ; Canada moins 4,6% en
2020 et 4,2% en 2021 ; autres pays
avancés moins 4,6% en 2020 et 4,5% en
2021. Pour les pays émergents et les
pays en voie de développement, la
moyenne générale est de moins 1,0% en
2020 et 6,6% en 2021 répartis comme
suit : Chine 1,2% en 2020 et 8,5% en
2021 ; Inde 1,9% en 2020 et 9,2% en
2021 ; ASEANS 1,9% en 2020 et 7,4% en
2021 ; pays émergents et pays en voie de
développement en Europe moins 5,2% en
2020 et 4,2% en 2021 ; Russie moins 5,3%
en 2020 et 3,5% en 2021. Quant aux
autres espaces régionaux, nous avons :
Amérique Latine – Caraïbes moins
5,2% en 2020 et 3,4% en 2021 ;
Brésil moins 5,3% en 2020 et 2,9% en
2021 ; Mexique moins 6,6% en 2020 et
2,9% en 2021 ; Moyen Orient et Asie
centrale moins 2,8% en 2020 et 4,0% en
2021 ; Arabie Saoudite moins 2,3% en
2020 et 2,9% en 2021 ; Afrique
subsaharienne moins 1,6% en 2020 et 4,1%
en 2021 ; Nigeria moins 3,4% en
2020 et 2,4% en 2021 ; Afrique du Sud
moins 5,8% en 2020 et 4,0% en 2021 ;
Pays en voie de développement à faible
revenu 0,4% en 2020 et 5,6% en
2021. Pour le FMI et les organismes
internationaux, si la pandémie ne
se résorbe au cours du second semestre
de l’année 2020 par un prolongement des
mesures d’endiguement, nous assisterions
à une détérioration des conditions
financières et à de nouvelles ruptures
des chaînes d’approvisionnement
mondiales et dans ce cas, le PIB mondial
chuterait encore davantage : de 3 %
supplémentaires en 2020 par rapport au
scénario de référence si la pandémie se
prolonge en 2020, et de 8 %
supplémentaires en 2021 si la pandémie
se prolonge jusqu’en 2021.
Les mesures
prises par les pays sont-elles
appropriées face à cet endettement
croissant ?
Le FMI et l’IIF (Institute
of International Finance) évaluaient
respectivement la dette globale mondiale
à 184.000 milliards de dollars (fin
2017) et à 244.000 milliards de dollars
(estimation à l’issue du troisième
trimestre 2017). Le montant, avant que
les pays n’accroissent cet endettement
durant le premier trimestre 2020, se
chiffrait fin 2019 à 250.000 milliards
de dollars, la taille du marché
obligataire atteignant 115.000 milliards
de dollars, cette dette comprenant celle
des ménages, celle des entreprises et
celle des Etats,
représentait environ 320 % du PIB
mondial. Sous l’impulsion de taux
d’intérêt bas et de conditions
financières déficientes, selon l’IIF, la
dette mondiale totale dépassera les
257.000 milliards de dollars au premier
trimestre 2020, due principalement par
la dette du secteur non financier. Cette
situation a un impact sur le social et
donc sur l’emploi. Aussi, malgré la
mobilisation de 5.000 milliards de
dollars par le G20, dont 2.200 milliards
de dollars pour les USA adopté par le
Congrès dans le courant de mars 2020
(les dernières estimations du 15 avril
2020 donnant 2.700 milliards de dollars
avec les montants spécifiques), plus de
2.200 milliards de dollars pour la zone
euro, 1.000 de la BCE, 500
des institutions annexes et 500 des
États selon le professeur Élie Cohen du
CNRS, l’impact pour 2020 sera limité
face à l’ampleur de la crise. Et
tous ces montants qu’il faudra bien
rembourser un jour, exigent un retour
accéléré de la croissance avec la
nécessaire cohésion sociale nécessitant
de nouveaux mécanismes de protection
sociale, surtout que l’on assiste dans
la structure du PIB à l’accroissement du
PIB non marchand qui réduit le PIB des
activités créatrices de valeur
augmentant le déficit budgétaire, faute
de quoi, il faudra s’attendre à une
baisse drastique des salaires. À
titre d’exemple, selon le Committee
for a Responsible Federal Budget
(CRFB), pour les États-Unis, et en
jouant sur le dollar monnaie
internationale représentant plus de 60%
des transactions mondiales, le déficit
pourrait atteindre 3800 milliards de
dollars (3.480 milliards d’euros) en
2020, soit 18,7% du produit intérieur
brut (PIB). Selon le quotidien le
Monde, en Italie, la dette s’élève
actuellement à 135 % du PIB et pourrait
passer à 181 % d’ici la fin 2020, selon
l’hypothèse la plus pessimiste des
analystes de Jefferies, ou 151 %
pour la plus optimiste, le même scénario
noir prévoit une récession de 15 %
en 2020, la France de 101 % à 141 % du
PIB, et l’Espagne à 133 %, l’objectif
officiel pour la zone euro du pacte de
stabilité européen qui visait une dette
inférieure à 60 % du PIB n’étant plus
respecté. « Du jamais vu, selon
Stefano Scarpetta, directeur de la
division emploi et affaires sociales de
l’OCDE… Il faut beaucoup de R&D
(Recherche et développement) sur les
traitements et les tests. Nous vivons
une crise inédite où les politiques
sociales, économiques et de santé sont
liées ». Malgré le plan de
sauvetage, soit plus de 9% du PIB des
États-Unis où nous avons assisté à
plus de 10 millions de nouvelles
inscriptions fin mars 2020 en seulement
une semaine, bien plus que le pic de
800.000 atteint en 2008 avec 3,3
millions de chômeurs supplémentaires,
soit 2 % de la force de travail, un
record historique cinq fois plus élevé
que le maximum jamais enregistré, la
première économie mondiale pourrait
bientôt compter 10 % de chômage, selon
Fitch Ratings. Idem au Canada
avec 2,13 millions d’inscrits. En
Europe, en Grande-Bretagne, nous avons
eu 950.000 nouvelles demandes entre le
16 et le 31 mars, dix fois plus que la
normale. En Allemagne, près de 500.000
entreprises ont fait la demande en mars,
c’est vingt fois plus qu’après la crise
de 2008, et en France, les demandes
concernent 5,8 millions de travailleurs,
plus d’un salarié du privé sur
quatre. En Norvège, le taux de chômage
est passé de 2,3 % de la population
active à 10,4 % en un mois, un record
depuis la seconde guerre mondiale. En
Autriche, 163.000 nouveaux inscrits sont
venus pointer aux services de l’emploi
en dix jours, soit un bond de 40 %. En
Suède, sur la seule semaine du 16 au
22 mars, 14.000 salariés ont reçu un
préavis de licenciement, contre une
moyenne habituelle de 3 000… par
mois. La situation est plus dramatique
en Espagne et en Italie. D’où, dans
l’urgence, de nombreux pays ont mis en
place ou élargi les dispositifs de
chômage et les aides sociales, certains
économistes et politiques préconisant un
revenu minimum universel.
Quel est
l’impact sur le cours des hydrocarbures
qui détermine le taux d’emploi via la
croissance en Algérie ?
La crise actuelle
de 2020 a montré toute la vulnérabilité
des économies mondiales face à des chocs
externes imprévisibles, surtout dans des
pays reposant sur une ressource éphémère
dont le prix dépend de facteurs exogènes
échappant aux décisions internes. Le
cours du Brent les 17-18/04/2020 est
coté à 28,27 dollars et le Wit à 18,20
dollars, rendant non rentable les
gisements marginaux qui sont les plus
nombreux de pétrole/gaz schistes
américains et préfigurant selon certains
experts une nouvelle mutation
énergétique mondiale reposant sur les
énergies renouvelables pour éviter une
catastrophe planétaire du fait du
réchauffement climatique. Concernant la
réunion OPEP/non OPEP, après la décision
de réduire de 10 millions de barils/j,
le marché n’a pas réagi favorablement
pour l’instant, la production avant la
crise approchant 100 millions de
barils/j. Car la réduction décidée qui
se tiendra du 1er mai jusqu’au 30 juin
pour 9,7 millions de barils/jour (la
seconde tranche de 8 millions de
barils/j du mois de juillet jusqu’à fin
décembre, et une troisième, d’un volume
de 6 millions de baril/jour courant du
1er janvier 2021 au 1er avril de 2022)
où l’Algérie verra une réduction de
240.000 barils/jour pour la première
tranche, de 193.000 barils/jour pour la
seconde tranche et une réduction de
145.000 barils/jour pour la dernière
tranche, repose sur l’hypothèse que la
demande mondiale a baissé seulement de
10-11%, alors que l’épidémie de
coronavirus a provoqué une chute
drastique de la demande mondiale de 33%,
environ 30 millions de barils par jour
(bpj), certains experts l’estimant à
plus de 40 millions de barils/j, le
transport pour les gros consommateurs
d’hydrocarbures étant en
hibernation.
L’évolution du
cours du pétrole dépendra de la durée de
l’épidémie et du retour à la croissance
de l’économie mondiale, sachant qu’avant
la crise et seulement pour la Chine, ses
importations étaient de 11 millions de
barils/j.
Quel est impact
du Covid-19 sur l’emploi mondial ?
Dans son rapport
d’avril 2020 sur les ravages sanitaires
et sociaux du Covid-19, l’OIT souligne
que sur une population active de 3,3
milliards de personnes, plus de quatre
sur cinq sont affectées par la fermeture
totale ou partielle des lieux de
travail. La pandémie provoque un double
choc économique d’offre et de demande,
sous l’effet du confinement et de
l’arrêt des chaînes de production. Le
sous-emploi devrait quant à lui
s’accroître de manière significative au
fur et à mesure que les conséquences
économiques de l’épidémie se traduiront
par des réductions des horaires de
travail et des salaires. Selon les
différents scénarios, la crise
économique provoquée par l’épidémie de
coronavirus pourrait détruire des
millions d’emplois dans le monde, venant
grossir les rangs mondiaux des chômeurs
estimés à 190 millions. Nous avons le
scénario optimiste qui est de 5,3
millions de chômeurs, le scénario
intermédiaire de 13,0 et le scénario
pessimiste de 24,7 millions en
référence au chiffre de base de 188
millions en 2019. L’OIT pointe les
secteurs les plus à risque : le
transport, les services d’hôtellerie et
de restauration, l’industrie
manufacturière et le commerce de détail,
qui concernent 1,25 milliard de
travailleurs exposés à des
licenciements, des pertes d’activité et
de revenus. La baisse du nombre
d’emplois entraînera des pertes massives
en matière de revenus pour les
travailleurs.
L’organisation appelle donc à des
mesures urgentes pour la protection des
travailleurs sur leur lieu de travail,
la relance de l’économie et de l’emploi
ainsi que le soutien aux emplois et aux
revenus. Ces mesures nécessitent
l’élargissement de la protection
sociale, un soutien en matière de
maintien des emplois (comme par exemple
le travail partiel, les congés payés ou
d’autres aides) ainsi qu’un allègement
fiscal et financier, y compris pour les
microentreprises et les petites et
moyennes entreprises. L’Asie, l’Amérique
latine et l’Afrique dont le nombre
d’emplois dans la sphère informelle est
élevé seront les zones les plus
touchées. Guy Ryder, le directeur
général de l’OIT, estime que 6,7 % des
heures de travail dans le monde
pourraient disparaître au deuxième
trimestre, soit 195 millions
d’équivalents temps plein pour une
semaine de 48 heures, dont 125 millions
en Asie, 24 en Amérique et 20 en Europe.
C’est la conséquence de la perturbation
des chaînes d’approvisionnement
régionales et mondiales avec le déclin
de l’activité économique et les
contraintes pesant sur la circulation
des personnes qui a une incidence sur
le secteur des services, du tourisme,
des voyages et du commerce de détail
particulièrement fragiles. Une première
évaluation du Conseil mondial du voyage
et du tourisme (WTTC) prévoit une chute
des arrivées internationales jusqu’à 25%
en 2020 qui mettrait en danger des
millions d’emplois. Les pertes globales
de revenu du travail devraient se situer
entre 860 et 3 440 milliards de dollars.
Mais ce sont surtout les couches les
plus fragiles qui seront les plus
touchées, certaines institutions
internationales estimant qu’il y aura
8,8 millions de travailleurs pauvres de
plus dans le monde contrairement à ce
qui était prévu à l’origine
(c’est-à-dire un recul global de 5,2
millions de travailleurs pauvres en 2020
contre un recul estimé à 14 millions
avant le COVID-19). Dans le cadre des
scénarios moyen et pessimiste, il
y aurait entre 20,1 et 35,0 millions de
travailleurs pauvres de plus que dans
l’estimation faite pour 2020 avant le
COVID-19. Ces études
identifient plusieurs groupes : les
personnes ayant des problèmes de santé
sous-jacents et les personnes âgées ont
le plus fort risque de développer de
graves problèmes liés à la maladie, les
jeunes, qui connaissent déjà de forts
taux de chômage et de sous-emploi, les
femmes sont surreprésentées dans les
secteurs les plus touchés comme les
services. L’OIT estime qu’à travers le
monde, 58,6 % des femmes travaillent
dans le secteur des services contre 45,4
% d’hommes, où les femmes ont moins
accès à la protection sociale,
les travailleurs non protégés, dont les
travailleurs indépendants, les
travailleurs précaires et ceux de
l’économie des petits boulots,
n’ayant pas accès aux dispositifs de
congé maladie et de congés payés, et
enfin les travailleurs migrants. Tous
sont moins protégés par les mécanismes
conventionnels de protection sociale et
autres formes de stabilisation des
revenus.
Qu’en est-il de
la structure de la population et de
l’emploi pour l’Algérie ?
La population
algérienne est passée de 11,9 millions
en 1965 à 34 591 000 le 1er juillet
2008, à 37,5 millions d’habitants en
2010, 39,5 millions d’habitants au 1er
janvier 2015, à 40,4 millions au 1er
janvier 2016 et à 43,9 au 01 janvier
2019. L’augmentation du volume de la
population résidente totale s’explique
par un accroissement relativement
important du volume des naissances
vivantes, passant de 500.000 vers les
années 2000 à plus d’un million entre
2017/2019. En mai 2019, selon une
enquête de l’ONS, la population active
du moment, au sens du Bureau
International du Travail (BIT), est
estimée à 12.730.000 personnes au niveau
national, avec une hausse atteignant
267.000 par rapport à septembre 2018 et
304.000 comparativement à avril 2018. La
population active féminine a atteint,
pour sa part, 2.591.000, soit 20,4% de
la population active totale. Le taux de
participation à la force de travail de
la population âgée de 15 ans et plus (ou
taux d’activité économique) a atteint
42,2%, enregistrant un gain d’un
demi-point (0,5), par rapport à
septembre 2018. Décliné par sexe, il est
estimé à 66,8% auprès des hommes et à
17,3% chez les femmes. Cette
augmentation de la population active
enregistrée entre septembre 2018 et Mai
2019 est la résultante d’une
augmentation significative du volume de
la population occupée du moment
(+280.000), associée à un léger recul de
la population à la recherche d’emploi au
cours de cette période (-13.000). La
population occupée du moment est estimée
à 11.281.000 dont 2.062.000 femmes. La
population féminine occupée forme 18,3%
de la main d’œuvre totale. Le
taux d’emploi (ou ratio emploi
population), défini comme étant le
rapport de la population occupée à la
population âgée de 15 ans et plus est de
37,4% au niveau national. Près de sept
occupés sur dix sont salariés (67,6%).
Cette part est plus importante auprès
des femmes, puisqu’elle atteint 78,6%.
Les résultats de l’enquête font
ressortir notamment que 16,8% de la main
d’œuvre totale exerce dans le secteur du
BTP (construction), 16,1% dans
l’administration publique hors secteur
sanitaire, 15,7% dans le commerce, 14,9%
dans la santé et l’action sociale et
11,5% dans le secteur des industries
manufacturières. Des disparités
significatives sont observées selon le
sexe, puisque 77,9% de l’emploi féminin
est concentré dans l’administration
publique, les secteurs de la santé et
l’action sociale et dans les industries
manufacturières. La ventilation selon le
secteur juridique fait ressortir que le
secteur privé absorbe 62,2% de l’emploi
total, avec un volume de 7.014.000.
L’emploi féminin se démarque par une
plus grande concentration dans le
secteur public qui absorbe 61,1% de la
main d’œuvre féminine totale. La
population en chômage, au sens du BIT,
est estimée à 1.449.000 personnes, le
taux de chômage ayant atteint 11,4% au
niveau national. Ventilé par sexe,
le taux de chômage a fléchi
substantiellement chez les hommes,
puisqu’il est passé de 9,9% à 9,1% entre
septembre 2018 et mai 2019. En revanche,
le taux de chômage féminin a connu une
hausse au cours de cette période,
passant de 19,4% à 20,4%. Le taux de
chômage des jeunes (16-24 ans) est passé
de 29,1% à 26,9%, soit un recul de 2,2
points au cours de cette période. Par
ailleurs, la répartition des chômeurs
selon le diplôme obtenu fait ressortir
que 663.000 chômeurs n’ont aucun
diplôme, soit 45,8% de l’ensemble de la
population en chômage. Les diplômés de
l’enseignement supérieur en forment
27,8%, alors que les diplômés de la
formation professionnelle en constituent
26,5%. En moyenne, plus de six chômeurs
sur dix (62,9%) sont des chômeurs de
longue durée cherchant un emploi depuis
une année ou plus. Les chômeurs ayant
déjà travaillé par le passé sont estimés
à 683.000, formant ainsi 47,1% de la
population en chômage constituée
majoritairement d’hommes (72,6%). Près
des trois quarts de cette population
travaillaient comme salariés non
permanents et 72,5% étaient dans le
secteur privé, 41,8% exerçaient dans le
secteur des services marchands, 23,2%
dans l’administration et 22,4% dans le
secteur de la construction. 67% ont
quitté leur dernier emploi pour des
raisons de fin de contrat, de cessation
d’activité de l’entreprise ou de
licenciement. Ce sont là les résultats
de l’enquête de mai 2019, la structure
n’ayant pas fondamentalement changé en
avril 2020, puisque nous avons assisté à
une structure constante entre les
enquêtes de mai 2018 et celle de mai
2019, donc avant la crise de 2020. D’après
le rapport 2020 du Fonds monétaire
international (FMI) sur les perspectives
économiques pour l’Algérie 2020, la
situation devrait fortement se
dégrader avec une tendance
inflationniste que l’on essaie de
suppléer par la création d’emplois à
très faible valeur ajoutée. Les enquêtes
de l’Office national des statistiques
(ONS) confirment la tertiarisation de
l’économie, sa corrélation avec celle de
l’emploi. Mais ce sont des petits
commerces et services représentant 83%
de la superficie économique à très
faibles productivité non comparables à
celles des pays développés où la
tertiarisation de l’économie à travers
les services des technologies de
l’information et de la
communication crée des opportunités de
croissance économique et génère des
emplois productifs et la corrélation
avec celle de l’emploi. Dans ce cadre,
n’oublions pas le nombre de
fonctionnaires qui dépasse les deux
millions et dont la réforme de la
fonction publique, sujet très sensible,
est un défi pour tout gouvernement. Une
enquête de 2016 donnait la structure
suivante : les administrations centrales
de l’État 15,50%, les services
déconcentrés de l’État 41,57%,
l’administration territoriale 15,4%, les
établissements publics à caractère
administratif 22,24%, et les
établissements publics à caractère
scientifique et technologique 5,25%. Il
y a lieu de relever la jeunesse car les
moins de 30 ans représentent 274 074
agents, les 30/40 ans 735 756 agents,
les 41/50 ans 668 725 agents, les 50/59
ans 92 580 et les plus de 60 ans
seulement 20 944 agents. Par grands
secteurs, l’Intérieur et les
collectivités locales représentent
29,22%, l’Éducation nationale 29,34%
avec un effectif féminin de 297 394 sur
un total de 592 831 agents, la Santé
publique 13,19% avec un effectif féminin
de 138 581 sur un total de 266 525
agents, l’Enseignement Supérieur 8,50%
avec un effectif féminin de 95 118 sur
un total de 171 761 agents, les Finances
4,15%, la Formation professionnelle
2,80%, la Justice 2,16% et les autres
secteurs 10,64%. En bref, il convient de
se demander si les jeunes promoteurs
agrées par l’ANDI, l’ANSEJ et d’autres
organismes chargés de la promotion de
l’emploi, ont la qualification et
surtout l’expérience nécessaire pour
manager les projets, à l’instar de ce
qui se passe partout dans le monde,
s’ils peuvent diriger une entreprise
dans un cadre concurrentiel afin d’avoir
des prix /coûts compétitifs, car d’une
manière générale, les résultats des
organismes chargés de l’emploi (ANDI
l’ANSEJ, le CNAC) en référence aux
projets réalisés et non en intention,
sont mitigés malgré les nombreux
avantages accordés. Selon certaines
sources, plus de 50% des projets
réalisés sont abandonnés après avoir
bénéficié des avantages accordés, ce qui
entraîne de nombreux litiges auprès des
banques pour non remboursement. Car,
avant de se lancer dans une opération
coûteuse à terme pour le pays, il faut
faire un bilan serein qui implique de
répondre à certaines questions et ce
d’une manière précise et quantifiée :
quel est le bilan de l’ANDI- CNAC, ANSEJ
depuis leur existence dans la
réalisation effective de ces projets ?
quel est le temps imparti pour les
projets réalisés entre le moment du
dépôt et la réalisation effective
sachant que le principal défi du XXIème
siècle est la maîtrise du temps ? pour
les projets réalisés, combien ont fait
faillite selon les règles du code de
commerce ? quelle est la part en devises
et en dinars des projets réalisés
en dressant la balance devise ? quelle
est la ventilation des crédits bancaires
par projets ? quel est le montant exact
des avantages fiscaux accordés tant pour
les projets que ceux réalisés ? Il
s’agira, en fonction des résultats
quantifiés et datés, de mettre en place
des stratégies d’adaptation tant sur le
plan économique que social et de
politique solidaire.
Quelles sont les
perspectives pour l’économie algérienne
avec cette crise ?
D’après le rapport
du 14 avril 2020 du FMI, le produit
intérieur brut réel (PIB) de l’Algérie
devrait se contracter de 5,2% durant
l’année 2020 et devrait se redresser en
2021 de 6,2%, taux calculé en référence
à l’années 2020 (taux de croissance
négatif) et donnant globalement, à taux
constant, un taux de croissance entre 1
et 2%, le FMI estimant la croissance
économique à 0,7% en 2019, ce taux étant
inférieur au taux de pression
démographique. Cela renvoie toujours à
la rente des hydrocarbures qui détermine
à la fois le taux d’emploi et les
réserves de change estimées fin mars
2020 à environ 58/60 milliards de
dollars, donnant un répit de 18 mois. En
plus de la baisse de son quota entre
145.000/240.000 barils jour avec un
manque à gagner en moyenne annuelle
entre 3/4 milliards de dollars pour
2020, dans ce cas de récession
économique, les prévisions de recettes
de 35 milliards de dollars pour 2020 de
Sonatrach ainsi que le montant prévu des
réserves de change de 51,6 milliards de
dollars fin 2020 ne seront pas atteints,
le cours de pétrole et du gaz s’étant
effondré de plus de 50%. Les
recettes doivent être au moins divisées
par deux par rapport à 2019 dont le
montant s’élevait alors à 34 milliards
de dollars, montant auquel il faudra
soustraire les coûts d’exploitation et
la réduction du quota, lequel était
initialement d’environ 1 millions
barils/j. Se pose alors la problématique
de l’utilité pour l’Algérie de rester ou
pas dans l’OPEP. Cela a un impact
négatif sur le taux de chômage en raison
du ralentissement du taux de croissance
dominé par l’impact de la dépense
publique via la rente Sonatrach. Avant
la crise, on prévoyait 12% de taux de
chômage pour 2020, et toujours selon le
FMI, il atteindra 15,5, les prévisions
pour 2021 étant inchangées à 13,5% et
ce, sous réserve, ce taux ne tenant pas
compte des emplois de la rente, de faire
et de refaire les trottoirs et des
sureffectifs dans l’administration. La
sphère informelle contrôle, selon la
banque d’Algérie, plus de 33% de la
masse monétaire en circulation, plus de
40/45% de l’emploi concentré dans le
commerce, les services, les saisonniers
dans l’agriculture, et plus de 50% de la
valeur ajoutée hoirs hydrocarbures. À
cela s’ajoute, selon certaines
organisations patronales, plus de deux
millions de pertes d’emplois dans la
sphère réelle sur environ 12,5 millions
de la population active comptant près de
44 millions d’habitants en mars 2020.
Sur quelque 40/45% de la population
active, environ 5/6 millions d’individus
sont sans protection sociale, ce qui
rend leur prise en charge urgente. Bon
nombre qui ont cessé leurs activités
sont sans revenus. Selon le porte-parole
de la Confédération algérienne du
patronat (CAP), le secteur du bâtiment
traverse une période de crise sans
précédent. En effet, après la faillite
de 50.000 entreprises dans le secteur,
350.000 autres risquent de déposer le
bilan, une situation ayant de lourdes
répercussions sur l’emploi avec
1.700.000 postes menacés. En
2019, selon CARE et le CJD, une
détérioration sans précédent de la
situation économique a déjà conduit à
une baisse de l’activité de 30 à 50%
dans certaines filières. La faiblesse
des recouvrements qui en a découlé a mis
la trésorerie des entreprises dans un
état catastrophique. On estime les
pertes potentielles d’emplois entre
714.000 et 1.490.000, essentiellement
dans le secteur privé. L’absence de
statistiques économiques officielles
récentes accentue le sentiment
d’insécurité des opérateurs et
entretient les incertitudes, rendant
difficiles les effets du confinement sur
l’emploi et la valeur ajoutée par
secteur. Le Forum, ex-FCE, principal
syndicat patronal, a aussi listé une
série de propositions pour venir en aide
au privé : « Il y a des mesures à mettre
en place d’urgence, comme le report des
échéances fiscales ou la révision des
échéances des crédits bancaires ». Mais
il y a aussi des mesures à prendre pour
le long terme, pour mettre par exemple
en place une économie plus digitalisée,
car cette crise doit être l’occasion de
rendre plus fluide un système très
bureaucratique. En référence, par
exemple, à la France qui possède des
statistiques plus fiables, les
fermetures administratives décidées le
14 mars ont eu pour conséquence de faire
cesser le travail à 10,9 % des actifs
(commerce, hébergement et restauration,
transports, culture et loisirs). Le
secteur du transport est le premier
touché par la crise du coronavirus.
Donc, les secteurs les plus sensibles
sont, notamment, d’abord l’électronique
et l’informatique (à la fois très
techniques et où la part de marché de la
Chine est très élevée), mais aussi le
textile et l’habillement, l’automobile
(où les chaînes d’approvisionnement sont
très complexes. D’après l’ ‘Observatoire
français des conjonctures économiques
(OFCE), les secteurs les plus touchés
par la pandémie et les mesures de
confinement en France sont l’hébergement
– restauration (de loin l’activité la
plus affectée), les matériels de
transport, le transport, les services
aux entreprises, la cokéfaction et le
raffinage, ainsi que les services aux
ménages, le commerce et la construction.
« 7 branches, sur les 17 retenues,
représentent 20 % de la consommation
effective des ménages mais concentrent
environ 80 % du choc (-14 points de
pourcentage de contribution sur -18 % au
total). La baisse de la demande et la
chute de la consommation des ménages
(-90% si confinement d’un mois) dans ce
secteur explique l’impact pour
l’hébergement – restauration notamment.
Les industries agro-alimentaires, les
services immobiliers et les services aux
ménages sont quant à eux les secteurs
les plus impactés par la fermeture des
écoles. La fabrication d’autres produits
industriels et la fabrication
d’équipements électriques,
électroniques, informatiques –
fabrication de machines, font partie des
secteurs moyennement impactés (entre 25
et 49%). À l’autre bout de l’échelle,
l’agriculture et l’agroalimentaire, le
secteur énergie/eau/déchets,
l’information et la communication, ainsi
que les services financiers, immobiliers
et non marchands devraient beaucoup
moins souffrir ».
La population
algérienne, le gouvernement et la
solidarité nationale
Je tiens d’abord à
saluer l’immense élan de solidarité
nationale en ces moments difficiles de
la plus grande majorité de la population
algérienne et à rendre un grand hommage
au corps médical toutes catégories
confondues pour son abnégation. Malgré
la situation difficile, l’État algérien
garantit toujours, durant le confinement
et après confinement, les subventions et
transferts sociaux contenus dans la loi
de finances 2020 mais qui devront être
ciblées à l’avenir pour ne profiter
qu’aux couches les plus démunies. Sans
être exhaustif, je recense les
différentes formes de subventions : Les
subventions du prix du pain, de la
semoule et du lait, les subventions des
carburants et de l’électricité,
l’Algérie étant classée parmi les pays
où le prix du carburant est le moins
cher au monde. Mais conserver cette
politique coûte de plus en plus
cher, les subventions de l’eau, de la
santé du transport, les subventions pour
le soutien au logement social et à
l’emploi, et d’autres subventions comme
les bourses et la charge financière du
transport des étudiants, de la
restauration et de l’hébergement des
étudiants internes sans distinction se
répercutent sur la gestion des œuvres
universitaires. Le projet de loi de
finances (PLF) 2020 propose dans son
article 95 d’amender l’article 109 de la
Loi de Finances 2018 qui porte sur la
contribution de solidarité. Ainsi, outre
un impôt sur la fortune et une taxe
douanière qui va passer de 1% à 2%, une
taxe applicable aux opérations
d’importation de marchandises mises à la
consommation qui est destinée à
alimenter la Caisse Nationale des
retraites (CNR) en difficulté, la loi de
finances 2020 a maintenu les transferts
sociaux budgétisés quasiment inchangés
par rapport à 2019 comme acte de
sociatrie nationale. Ils s’élèvent à
1.798,4 milliards de DA, soit 8,4% du
PIB, et plus de 21% de la totalité du
budget de l’État, plus de 445 milliards
DA destinés au soutien aux familles,
tandis que près de 290 milliards DA
seront attribués aux retraites, auxquels
s’ajoutera une dotation d’appui de 500
milliards DA à la Caisse Nationale des
Retraites (CNR) qui a connu, depuis
2014, un déficit qui ne cesse de
s’accroître en passant de 155 milliards
DA en 2014 à 664 milliards DA en 2019,
montant qui atteindrait les 680
milliards DA en 2020, le nombre de
retraités s’élevant fin 2019 à 3,2
millions avec un coût annuel de près de
1.282 milliards de DA. Ces
transferts sociaux comportent également
près de 336 milliards DA pour la
politique publique de santé et plus de
350 milliards DA pour la politique
publique de l’habitat auxquels
s’ajouteront près de 300 milliards DA
mobilisés pour ce secteur par le Fonds
National d’Investissement.
Quelles sont les
leçons de cette épidémie pour l’avenir ?
Nous devons tirer
les leçons du passé pour ne pas
commettre les mêmes erreurs à l’avenir.
Nous avons assisté à une véritable
hécatombe planétaire et le monde ne sera
plus jamais comme avant. Il est en
perpétuel mouvement et un ordre relatif,
positif ou négatif en fonction de la
gouvernance, se substitue au désordre au
bout d’un certain temps. La leçon sur le
plan sanitaire est l’urgence de revoir
le système de santé au niveau mondial et
surtout dans les régions les plus
pauvres qui ont vu fuir leurs cerveaux,
des compétences individuelles ayant un
impact limité sans une vision globale.
L’investissement dans le système de
santé lié à celui de l’éducation comme
le recommande le Programme des Nations
unies pour le développement (PNUD) pour
l’indice du développement humain, n’est
pas antinomique avec l’économique. Pour
le politique, il s‘agira d’éviter le
retour à une seconde, voire une
troisième vague, qui serait
catastrophique avec une pression
insupportable pour les institutions de
santé, l’économique en panne et le
social avec les effets psychologiques
des personnes confinées, surtout les
plus vulnérables. La plus grande
inquiétude au niveau de l’Afrique vient
du fait que l’OMS et des scientifiques
prévoient l’explosion des cas de
contaminations par le coronavirus avec
des incidences dramatiques, le système
sanitaire étant déficient malgré les
nombreuses compétences individuelles,
mais avec un exode massif de cerveaux et
pas de protection sociale. Dans certains
pays, la sphère informelle représente
plus de 70/80% de la population occupée.
Les incidences seront donc sanitaires,
sociales et économiques. Quant à
l’impact dans le domaine environnement
social et politique devant cette
épidémie à l’échelle planétaire, nous
assistons à de l’angoisse, des craintes,
à l’incertitude, parfois à un
narcissisme de masse tant pour de
simples citoyens qu’au niveau du
comportement des entreprises comme en
témoigne l’affolement des bourses
mondiales. Contrairement au passé, en ce
XXIème siècle, les nouvelles
technologies à travers les réseaux
sociaux comme Facebook contribuent à
refaçonner les relations sociales. Les
relations entre les citoyens et l’État,
par la manipulation des foules, peut
être positif ou négatif lorsque qu’elle
tend à vouloir faire des sociétés un
Tout homogène alors qu’existent des
spécificités sociales des Nations à
travers leur histoire. Cela peut
conduire à effacer tout esprit de
citoyenneté à travers le virtuel,
l’imaginaire, la dictature des mots et
la diffusion d’images avec pour
conséquence une méfiance accrue
vis-à-vis des informations officielles,
lorsque des responsables politiques
formatés à l’ancienne culture ne savent
pas communiquer. Mais sur le plan
géostratégique, la crise de 2020
préfigure non pas la fin de la
mondialisation, mais une nouvelle
architecture des relations entre l’État
régulateur et le Marché encadré pour
certains services collectifs (santé,
éducation), avec d’importants impacts
sur les relations politiques et
économiques internationales. La crise
actuelle implique de repenser le
fonctionnement de la société, et plus
globalement l’économie mondiale où le
confinement a montré l’inadaptation des
institutions et de l’économie aux crises
et aux arcanes des nouvelles
technologies, malgré des efforts
louables de ses acteurs. Durant cette
crise exceptionnelle, il faut revoir de
la société et avoir de nouveaux
comportements allant vers plus de
décentralisation (à ne pas confondre
avec déconcentration) impliquant tous
les acteurs locaux avec le primat à la
société civile, et axer la sortie de
crise sur un grand ministère de
l’économie nationale.
L’après-confinement devra se faire d’une
manière progressive, et prendre en
compte les effets psychosociologiques,
surtout de la part de ceux qui ont été
confinés dans deux à trois pièces avec
de nombreux enfants. En cette
période de crise, la solidarité
nationale s’impose, ainsi que la
compétence et l’expérience dans la
gestion nouvelle du management politique
et économique. Et face à la complexité
de la compréhension de nos
sociétés, cela pose les limites d’une
analyse strictement économique. Cela renvoie
à l’urgence d’intégrer les comportements
au moyen d’équipes pluridisciplinaires
complexes pour comprendre l’évolution de
nos sociétés et agir sur elles. Le monde
ne sera plus jamais comme avant. Il
s’agit d’une crise sans pareille depuis
celle de 1928/1929, au moment où
l’interdépendance des économies était
faible, et elle n’est pas assimilable à
la crise de 2008. Aucun expert, pouvant
seulement élaborer des scénarios, ne
peut prédire si les activités de
consommation et d’investissement vont
pouvoir rebondir une fois que les
quarantaines seront levées,
l’économie mondiale connaissant un choc
de la demande du fait de la psychose des
ménages, un choc de l’offre et un choc
de liquidité. Cette crise aura à
l’avenir un impact sur toute
l’architecture des relations
internationales devant se préparer à
affronter d’autres crises plus graves,
la guerre de l’eau liée à la guerre
alimentaire, la guerre biologique, la
guerre numérique et la guerre
écologique, avec d’importants flux
migratoires dus au réchauffement
climatique (sécheresse, inondations,
vents violents, cyclones) et des
recompositions territoriales, ces types
de guerres ayant des incidences
sanitaires, économiques et sécuritaires. Aussi,
si les impacts de l’épidémie du
coronavirus sont un danger pour le
présent, ils sont porteurs d’espoir pour
l’avenir de l’humanité, une opportunité
par notre capacité à innover. Les
différentes composantes de la société
mondiale à travers les réseaux
décentralisés de la société civile
constitueront la troisième force en ce
XXIème siècle, à côté des États et des
Institutions internationales, et doivent
transcender leurs différends afin de
trouver les raisons de
construire ensemble un monde plus juste
et solidaire reposant sur les deux
fondamentaux du XXIème siècle : la
bonne gouvernance reposant sur la
moralité et la valorisation du savoir.
Interview
réalisée par Mohsen Abdelmoumen
Qui est le
Professeur Abderrahmane Mebtoul ?
Le Professeur
Abderrahmane Mebtoul est docteur d’État
en sciences économiques et membre de
plusieurs organisations internationales.
Il est professeur des Universités. Il
est l’auteur de 20 ouvrages sur les
relations internationales et sur
l’économie algérienne et de plus de 700
contributions nationales et
internationales. Il a été directeur
d’études au Ministère de l’Énergie –
Sonatrach (de 1974 à 1979 – de 1990 à
1995 – de 2000 à 2007) et a dirigé le
premier audit sur Sonatrach. Il a été
Directeur général et haut magistrat à la
Cour des comptes (premier Conseiller) de
1980 à 1983, expert indépendant au
Conseil économique et social de 1997 à
2008, président du Conseil national des
privatisations de 1996 à 1999 au rang de
Ministre Délégué, expert indépendant
auprès de la présidence de la République
de 2007 à 2008, et expert indépendant
non rémunéré auprès du Premier ministre de
2013 à 2016. Le Professeur
Mebtoul a été en charge de plusieurs
dossiers importants pour le compte
des gouvernements successifs
algériens de 1974 à 2019 et des
institutions de l’État et a été le chef
de file de la délégation algérienne pour
le forum de la société civile des 5+5 en
2019.
Le Pr. Mebtoul a
dirigé le premier Audit sur Sonatrach
entre 1974 et 1976, le bilan de
l’industrialisation 1977 à 1978, le
premier audit pour le comité central du
FLN sur le secteur privé entre 1979 et
1980. Il a dirigé les audits sur les
surestaries et les surcoûts au
niveau BTPH en relation avec le
Ministère de l’Intérieur, les 31 Walis
et le Ministère de l’Habitat en 1982, a
réalisé au sein de la Cour des Comptes,
l’audit sur l’emploi et les salaires
pour le compte de la présidence de la
République en 2008, l’audit face aux
mutations mondiales et les axes de la
relance socio-économique de l’Algérie à
l’horizon 2020/2030 pour le Premier
ministère en février 2014,
l’audit assisté des cadres de Sonatrach,
d’experts indépendants et du Bureau
d‘études Ernest Young « le prix des
carburants dans un cadre concurrentiel »
pour le Ministère de l’Énergie à Alger
en 2008, et l’audit « pétrole et gaz de
schiste, opportunités et risques » pour
le Premier ministère à Alger en janvier
2015.
Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour
publication
Le sommaire de Mohsen Abdelmoumen
Le dossier
Algérie
Le dossier
Covid-19
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