Algérie Résistance
Dr. William B. Quandt : « L’Algérie doit
réussir
sa prochaine transition du pouvoir »
Mohsen Abdelmoumen
Dr. William B. Quandt. Dr.
Vendredi 20 mai 2016
English version here:https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2016/05/20/dr-william-b-quandt-algeria-has-to-get-through-its-next-transition-of-power/
Mohsen Abdelmoumen :
Pourquoi le Dr. Quandt s’est-il
intéressé à l’Algérie, notamment à
travers ses deux livres Between
Ballots and Bullets: Algeria’s
Transition from Authoritarianism,
et Revolution and Political
Leadership: Algeria, 1954-1968 ?
Dr. William B. Quandt :
J’étais étudiant en France en
1961, juste au moment où la guerre
d’Algérie touchait à sa fin. Quelques
années plus tard, j’étais étudiant
diplômé du MIT (ndlr
Massachusetts Institute of Technology)
et je me suis intéressé à la façon dont
les pays nouvellement indépendants se
développeraient. J’ai décidé d’étudier
l’Algérie, en partie parce que je parle
plus ou moins couramment le français, et
je me suis intéressé à la question de
savoir comment une révolution peut
devenir un État.
Cela a conduit à mon premier livre. Le
deuxième livre était le résultat de ce
que je n’avais pas compris de l’impact
de l’Islam politique, donc j’ai essayé
de comprendre ce qui est arrivé dans les
années 1990.
Vous êtes l’un des rares
intellectuels américains parmi tous ceux
que j’ai interviewé, à avoir analysé la
question du terrorisme en Algérie dans
les années 1990, via des livres, des
articles de presse, etc. Quelle est la
synthèse que vous avez tirée de votre
analyse ?
Je suis l’un des rares analystes qui
continue à penser que l’Algérie a un
avenir prometteur, en dépit de toutes
les erreurs et les problèmes. La société
est intacte malgré les années 1990, et
il y a une nouvelle génération prête à
prendre plus de responsabilités. Le
problème de la rente du pétrole est une
question importante, de même que la
succession de Bouteflika, et il faudra
un certain temps avant de voir si
l’Algérie peut devenir un modèle de
gouvernance démocratique. Je lis la
presse algérienne chaque jour, et au
moins elle permet un certain degré de
débat.
Certains lobbies français
anti algériens ont développé la thèse
qu’on appelle le « qui tue qui »,
innocentant les terroristes islamistes
en accusant l’armée algérienne et les
services de renseignement d’avoir été
impliqués dans les massacres. Pourquoi
cette thèse du « qui tue qui »
n’a-t-elle pas été utilisée aux
Etats-Unis ?
Nous ne pourrons jamais connaître les
détails de ce qui est arrivé dans les
années 1990. Je suis sûr qu’il y a eu
des choses terribles effectuées de tous
côtés, mais la thèse du « qui tue qui »
jette trop le blâme sur le régime.
Les services de renseignement
algériens ont subi des attaques autant
internes qu’externes, ne pensez-vous pas
que dans le contexte géopolitique actuel
de la région du Sasel (Sahara et Sahel),
ceux qui portent des coups contre les
services de renseignement algériens
jouent avec le feu ?
Je n’en sais pas assez sur la
question pour avoir une opinion.
Hillary Clinton est très
proche du Makhzen marocain. Au cas où
elle serait élue à la présidence, quelle
influence aura-t-elle sur la coopération
antiterroriste entre les États-Unis et
l’Algérie ?
Peut-être. Le prochain président
américain pourrait également être Trump,
et qui sait ce que cela signifierait.
Mais je ne pense pas qu’Hillary soit
anti-Algérie.
Quel sera l’impact de
l’élection d’Hillary Clinton sur la
question du Sahara occidental ?
Pensez-vous qu’elle agira dans la
continuité d’Obama ou va-t-elle changer
de politique envers cette question ?
Ce n’est pas une question prioritaire
pour les Américains et je doute qu’elle
y ait beaucoup réfléchi.
En tant qu’intellectuel de
renommée internationale et responsable
politique américain qui a travaillé avec
deux présidents, pensez-vous que
l’option d’une intervention de l’OTAN en
Libye n’a pas été juste reportée pour
l’après-élection américaine ? La
solution politique souhaitée par
l’Algérie est-elle envisageable selon
vous ?
J’ai le sentiment qu’il y a quelques
mouvements de soutien au nouveau
gouvernement libyen. Je ne sais pas si
c’est ce que veut l’Algérie, mais nous
avons tous intérêt à ce que la crise
interne en Libye prenne fin, et pour
assurer que Daech n’obtienne pas une
forte présence là-bas.
L’Algérie d’aujourd’hui avec
un président malade et des institutions
en panne, peut-elle traiter d’égal à
égal avec les autres nations, dont les
Etats-Unis ? Une Algérie stable avec des
institutions et une armée fortes
n’est-elle pas une clé de la stabilité
de toute la région ?
L’Algérie doit réussir sa prochaine
transition du pouvoir. Je n’ai aucune
idée de la façon dont cela va se passer,
mais l’Europe et les États-Unis ainsi
que le reste du monde veulent que
l’Algérie connaisse une transition
réussie vers un gouvernement efficace
qui puisse traiter à la fois les
problèmes internes et externes auxquels
elle est confrontée.
Les Français ont soutenu le
4ème mandat du président Bouteflika
malgré sa maladie, moyennant des
contrats avantageux. Ne pensez-vous pas
que les Français manquent de vision
stratégique en misant sur le court terme
et des contrats alléchants, alors qu’ils
sont responsables en grande partie de
l’intervention en Libye et du chaos
qu’elle a engendré ? Comment
expliquez-vous ce manque de vision
stratégique française qui ne concerne
pas seulement l’Algérie mais toute
l’Afrique, voire l’Europe et le monde ?
Quoi que l’on pense de la politique
étrangère française, la France reste un
acteur important dans le Maghreb et nous
devrions tous essayer de l’encourager à
jouer un rôle constructif.
Interview réalisée par Mohsen
Abdelmoumen
Qui est le Dr. William B.
Quandt ?
Le Dr Quandt est un chercheur
américain, auteur et professeur émérite
à l’Université de Virginie, au
Département Politique où il occupe la
chaire Edward R. Stettinius et où il
enseigne sur le Moyen-Orient et la
politique étrangère américaine. Il a
également été vice-recteur aux Affaires
Internationales de l’Université.
Auparavant, il a exercé la fonction de
chercheur principal dans le programme
d’études de Politique Étrangère à la
Brookings Institution, où il a mené des
recherches sur le Moyen-Orient, la
politique américaine envers le conflit
israélo-arabe, et la politique
énergétique. Le Dr. Quandt a été
membre du Conseil de Sécurité Nationale
sous les administrations de Richard
Nixon et Jimmy Carter (1972-1974,
1977-1979). Il a participé activement
aux négociations qui ont mené à Camp
David et au traité de paix
israélo-égyptien. Le Dr. Quandt a
également été professeur agrégé de
sciences politiques à l’Université de
Pennsylvanie, a travaillé à la Rand
Corporation au Département des sciences
sociales, et a enseigné à l’UCLA et au
MIT. Ses domaines d’expertise sont
l’Algérie, l’Egypte, Israël, la
Palestine, le processus de paix, et la
politique étrangère des États-Unis. Il a
été président de la Middle East Studies
Association. Il est membre du Conseil
des relations étrangères, et siège au
conseil d’administration de l’Université
américaine du Caire et à la Fondation
pour la paix au Moyen-Orient.
Le Dr. Quandt a reçu un certain
nombre de bourses de recherche,
comprenant la Social Science Research
Council International Fellowship, the
Council on Foreign Relations
International Affairs Fellowship, et the
National Defense Education Act
Fellowship. Il a été élu à l’Académie
américaine des Arts et des Sciences et
il a reçu le Prix d’enseignement All-University
à l’Université de Virginie. Il a
également été bénéficiaire du Thomas
Jefferson Award de l’Université de
Virginie, la plus haute distinction pour
les bourses d’études et du service donné
par l’Université.
Le Dr. William Quandt a écrit de
nombreux livres et ses articles ont paru
dans une grande variété de publications.
Ses livres comprennent : Peace
Process: American Diplomacy and the Arab-Israeli
Conflict Since 1967, (Brookings,
2005, third edition) ; Between
Ballots and Bullets: Algeria’s
Transition from Authoritarianism,
(Brookings, 1998) ; The United
States and Egypt: An Essay on Policy for
the 1990s, (Brookings, 1990) ;
Camp David: Peacemaking and Politics,
(Brookings, 1986) ; Saudi Arabia in
the 1980s: Foreign Policy, Security, and
Oil, (Brookings, 1981) ; Decade
of Decisions: American Foreign Policy
Toward the Arab-Israeli Conflict,
1967-1976 (University of California
Press, 1977) ; et Revolution and
Political Leadership: Algeria, 1954-1968
(MIT Press, 1969). Il a aussi publié : The
Middle East: Ten Years After Camp David,
(Brookings, 1988).
Published in English in American
Herald Tribune, May 19, 2016:http://ahtribune.com/world/africa/914-algeria.html
In Oximity:https://www.oximity.com/article/Dr.-William-B.-Quandt-L-Alg%C3%A9rie-d-1
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