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Interview

Abdel Bari Atwan :
« Les peuples rejettent la normalisation avec Israël »

Mohsen Abdelmoumen


Abdel Bari Atwan. DR.

Mardi 19 mars 2019

English version here

Mohsen Abdelmoumen : Quelle est votre analyse à propos de la situation qui prévaut dans les territoires palestiniens occupés et à Gaza ?

Abdel Bari Atwan : La scène politique palestinienne est dans un état de paralysie, conséquence directe du processus désastreux d’Oslo. Mahmoud Abbas (Abou Mazen) n’est pas en bonne santé et la scène est prête pour l’après-Abou Mazen. Mais personne n’a de feuille de route pour savoir où aller. Abou Mazen est le dernier des pères fondateurs, et son départ entraînera une fragmentation et une perte d’influence du mouvement Fatah, comme ce fut le cas pour le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) après la mort de George Habash. Donc, le chaos et la confusion prévalent. Je ne serais pas surpris que des habitants de la Cisjordanie et de la bande de Gaza s’inspirent des manifestations au Soudan et en Algérie.

Qu’en est-il du droit de retour des Palestiniens dans leurs terres spoliées depuis 1948 et de la transaction du siècle qui supprime le droit de retour des Palestiniens ? Le deal du siècle a-t-il été abandonné ou est-il toujours effectif ?

Le «Deal du Siècle» ne peut pas être retiré. Le meurtre de Jamal Khashoggi l’a condamné à une mort prématurée, car il a plongé le courtier de l’affaire dans la crise. De toute façon, aucun Palestinien ne pourrait l’accepter. La révolution palestinienne a commencé dans les camps de réfugiés. Il s’agissait du droit de retour. L’abandonner, ce serait abandonner la cause palestinienne. Ce droit et d’autres ne peuvent être achetés avec des promesses d’investissement ou une amélioration des conditions économiques, comme le propose l’accord. La Palestine n’est pas l’Irlande du Nord.

Comment expliquez-vous qu’au moment où en Europe et aux USA, on voit s’élever un grand mouvement critique d’Israël, comme les BDS qui préconisent différentes formes de boycott, des pays arabes sont en train de normaliser leurs relations avec l’entité sioniste et criminelle d’Israël ?

Ces mouvements de normalisation ne sont pas trop inquiétants, car ils se limitent aux gouvernements et ne s’étendent pas aux peuples. Les peuples rejettent la normalisation avec Israël, comme le montrent les cas de la Jordanie et de l’Égypte. C’est la même chose dans tous les autres pays arabes. Israël est alarmé par le BDS et la façon dont il va évoluer dans l’avenir. Cela explique ses efforts frénétiques pour qualifier d’antisémites toutes les critiques et toutes les oppositions partout dans le monde : il craint de devenir un État paria et le seul moyen d’éviter cela est de criminaliser et de clore toute exposition et discussion sur son comportement.

Quelle est votre lecture de la conférence de Varsovie du 13 et 14 février où l’on a vu l’alliance entre des pays arabes tels que l’Arabie saoudite, les Emirats, Bahreïn etc. et l’entité sioniste et criminelle Israël contre l’Iran ?

La conférence de Varsovie était un one-man-show mettant en vedette le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Cela a été organisé pour son bénéfice, mais je crois que c’était un échec. Son objectif initial était de lancer une nouvelle alliance dirigée par les États-Unis – une soi-disant « OTAN arabe» – qui ferait office de fer de lance d’une coalition internationale contre l’Iran et inclurait Israël comme membre, probablement de manière informelle au début. Mais les États du Golfe que les États-Unis tentent de transformer en alliés d’Israël ne sont pas représentatifs du monde arabe dans son ensemble. Ils représentent moins de 5% de la population arabe et leurs propres peuples rejettent massivement la normalisation avec Israël. Ces dernières années, ces États ont pu jouer un rôle dominant dans le monde arabe en raison de leurs richesses pétrolières et de leur manipulation de l’islam politique. Mais la nature de l’islam politique a changé et l’importance du pétrole dans le paysage énergétique mondial a diminué, de sorte que leur «âge d’or» touche à sa fin.

Comment en sommes-nous arrivés au fait que certains pays arabes en viennent à trahir et à se vendre à l’entité sioniste et criminelle d’Israël ?

Ce n’est pas nouveau et c’est surtout une question d’autoprotection. Les régimes considèrent la bonne volonté des États-Unis comme vitale et Israël comme la clé du cœur des États-Unis. Ils parlent d’un intérêt commun à affronter l’Iran, mais cela ne devrait pas être pris au pied de la lettre. Israël parle de la menace iranienne pour tenter de mettre de côté la cause palestinienne, et les États du Golfe font de même pour renforcer l’autorité de leurs régimes. Cela implique également l’exacerbation toxique du sectarisme sunnite-chiite.

J’ai fait une enquête il y a quelques années sur les activités du lobby israélien au Congo. Quelle est votre lecture du redéploiement stratégique d’Israël en Afrique ?

L’Afrique est actuellement une arène de rivalité pour l’influence et la compétition d’intérêts impliquant de nombreux pays – États-Unis, Chine, Turquie, Israël, Russie et autres. Israël n’a pas grand chose à offrir à l’Afrique, mis à part son influence politique à Washington. Il souhaite établir une présence et exercer une influence à la périphérie d’importants pays arabes tels que la Libye, l’Algérie, le Maroc et l’Égypte. Ces pays sont tous actuellement affaiblis et préoccupés par des problèmes internes. Mais ils finiront par se rétablir et leurs gouvernements se réveilleront. L’Afrique subsaharienne est leur arrière-pays naturel et ils ne peuvent en être écartés à long terme.

Le peuple du Yémen vit une guerre criminelle menée par l’Arabie saoudite et ses alliés dans le silence le plus total. Comment expliquez-vous ce silence de la communauté internationale et des médias ?

L’Occident a fermé les yeux sur la guerre au Yémen lors de son lancement, il y a quatre ans, en raison de l’influence et des intérêts saoudiens. Cela a donné à l’Arabie saoudite une chance de résoudre le conflit en sa faveur. Mais ni l’Arabie saoudite ni l’Occident n’ont pris en compte la nature du Yémen ou de son peuple. Ils auraient dû tenir compte de l’avis du fondateur du royaume, le roi Abdelaziz, qui a ordonné à ses fils Faïsal et Saoud de se retirer lorsqu’ils ont tenté d’envahir le pays. La dernière guerre contre le Yémen a eu un effet catastrophique, mais sur le plan militaire, cela a été un échec. Le silence international commence à être rompu et j’espère que cela continuera.

Quelle est votre lecture des événements qui se déroulent au Venezuela ? Pensez-vous que les Etats-Unis en arriveront à une intervention militaire directe ?

Ce qui se passe au Venezuela est une tentative de coup d’État parrainé par les États-Unis et je crois que cela va échouer.

On ne parle plus du tout de l’affaire Khashoggi qui a montré le vrai visage du régime saoudien et qui a soulevé un tollé mondial. Comment expliquez-vous cela ?

L’affaire Khashoggi est étroitement liée au destin de Trump. Les adversaires de Trump aux États-Unis l’ont saisie comme un bâton pour le battre, en raison de son association étroite avec les dirigeants saoudiens actuels. C’est la raison pour laquelle il y a eu un tel tollé face au meurtre horrible d’un individu, mais aucune réaction similaire aux actions saoudiennes qui ont causé des milliers de morts telles que la guerre au Yémen (jusqu’à récemment) et l’intervention par procuration en Syrie. Il ne faut toutefois pas s’étonner que les intérêts américains et occidentaux aient fini par l’emporter sur les préoccupations en matière de droits de l’homme, dans ce cas comme dans beaucoup d’autres. Le lobby israélien a également joué un rôle dans l’étouffement du scandale. Mais l’affaire aura un impact à plus long terme. Elle a mis à nu le despotisme et la domination de l’Arabie saoudite dans la région.

Comment analysez-vous les manifestations qui se déroulent en Algérie contre un cinquième mandat de Bouteflika ?

Les manifestations ne sont pas tant contre Bouteflika que contre l’élite dirigeante qui l’utilisait comme façade, et qui est trop divisée pour se mettre d’accord sur un remplaçant, longtemps après qu’il aurait dû être autorisé à prendre sa retraite. Les pouvoirs en place font trois hypothèses erronées: premièrement, que le cinquième mandat pourrait passer; deuxièmement, que les Algériens préfèrent la stabilité à la démocratie; et troisièmement, que le souvenir terrifiant de la décennie sanglante des années 1990 dissuaderait les manifestations ou les protestations, de peur de répéter ce qui s’est passé en Syrie ou en Libye. Ils semblaient penser, peut-être sur la base de l’expérience de la Syrie, que les concessions constituent une pente glissante et ne compromettent pas les résultats à long terme. Mais maintenant, ils ont dû donner au moins l’apparence d’un recul dû à la force du sentiment populaire. La question qui se pose maintenant est de savoir ce qui va suivre : une mesure de réforme réelle mais contrôlée, comme au Maroc, ou un scénario à l’égyptienne dans lequel l’armée dirige les choses derrière une façade d’élections pro forma?

Des rapports des services de renseignement font état d’un redéploiement de Daech en Libye. Peut-on en finir avec le terrorisme de Daech et d’Al-Qaïda sans combattre réellement la matrice idéologique de ces groupes ? Vaincre ces groupes sur le plan militaire est-il suffisant ?

Daesh est fini dans le monde arabe. Mais il continuera d’exister clandestinement, car les conditions d’incubation existent toujours. À mon avis, le défi ne consiste pas tant à combattre l’idéologie qu’à s’attaquer à ces conditions. L’idéologie, ou du moins son adoption ou son acceptation à certains endroits et par certaines personnes, est le produit des conditions «d’état failli» et de la marginalisation qu’elles entraînent. Dans de nombreux cas – Libye, Irak, Syrie, Yémen -, ce sont les conséquences, en tout ou en partie, d’une intervention militaire occidentale directe ou indirecte. Mettre fin à ces interventions serait une étape dans la résolution du problème.

N’est-on pas en train d’assister à la continuation de la guerre froide entre l’administration US d’un côté et la Russie et la Chine de l’autre ? Comment expliquez-vous la nécessité pour les Etats-Unis d’avoir un ennemi ?

Les États-Unis ne peuvent pas dormir tant qu’ils n’ont pas un ennemi. C’est devenu une obsession, bien que créer ou dénoncer des ennemis extérieurs ait toujours été un moyen de défendre les intérêts des élites nationales au pouvoir. Mais l’image est en train de changer. L’Amérique ne règne plus sur le monde en matière de guerre et de paix. Son véritable pouvoir n’est pas sa puissance militaire, mais le dollar américain. L’abus de son pouvoir financier et commercial est devenu si important qu’une alliance internationale prend forme pour le priver de cette arme.

Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

 

Qui est Abdel Bari Atwan ?

Abdel Bari Atwan est un journaliste palestinien, né en 1950 à Deir al-Balah, un camp de réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza. Il a grandi dans une famille de 11 enfants. Après ses études à l’école primaire dans le camp des réfugiés, il a continué ses études en Jordanie. Il a ensuite suivi des études de journalisme à l’université du Caire.

Après avoir travaillé pour de nombreux journaux arabes, il a dirigé jusqu’en 2013 al-Quds al-Arabi, journal qu’il avait fondé à Londres en 1989 avec d’autres expatriés palestiniens. Aujourd’hui, Il est rédacteur en chef de Rai al-Youm, un site Web d’informations et d’actualités numériques. Il vit et travaille à Londres.

Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des éditorialistes les plus importants de la presse arabe. Il est régulièrement invité par  BBC WorldSky NewsAl Jazeera English et CNN World, ainsi que sur plusieurs réseaux en langue arabe. Il a publié de nombreux éditoriaux dans divers journaux anglais, dont The GuardianThe Mail on SundayThe Scottish Herald et autres.

Il a écrit plusieurs livres dont Islamic State The Digital Caliphate (2019) ; After Bin Laden: Al Qaeda, the Next Generation (2013) ; Country of Words: A Palestinian Journey from the Refugee Camp to the Front Page (2009); L’Histoire secrète d’Al-Qaïda (2007) ; The Secret History of Al-Qaida (2006).

Il est membre du Conseil national palestinien (Parlement palestinien) depuis 1990.

Le site d’Abdel Bari Atwan

Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour publication

 

 

   

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Source : Mohsen Abdelmoumen
https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/...

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