Algérie Résistance
M. Meziane Meriane :
« le mouvement syndical tourne en
rond ! »
Mohsen Abdelmoumen
M. Meziane Meriane. DR.
Vendredi 18 décembre 2015
Mohsen Abdelmoumen :
En tant que syndicaliste, que
pensez-vous de l’érosion actuelle du
mouvement syndical algérien ?
Meziane Meriane : À
l’image de la lutte politique très
timide et conjoncturelle, le mouvement
syndical algérien et en particulier dans
la fonction publique est très actif mais
agit par l’effet action-réaction. Une
des causes essentielles du laminage du
mouvement syndical est le découplage
forcé du combat syndical et du politique
pour les syndicats autonomes. Confiné
dans un corporatisme imposé par les
pouvoirs publics, le mouvement syndical
tourne en rond !
Comment expliquez-vous
l’absence d’un grand mouvement syndical
alors que les « patrons » qui dépendent
des commandes de l’État imposent leurs
vues au gouvernement algérien ?
Un grand mouvement syndical nécessite
l’union de toutes les forces syndicales.
Plusieurs tentatives de rassemblement de
syndicats autonomes qui pourra déboucher
sur une centrale syndicale sont
anéanties par les pouvoirs publics qui
ne voient pas d’un bon œil une deuxième
centrale syndicale, celle-ci se videra
de ses adhérents UGTA qui prône un
syndicalisme d’État dont le pouvoir en
Algérie a énormément besoin.
Il faut signaler aussi que dans le
secteur économique, les ouvriers qui
désirent se syndiquer n’ont qu’un seul
choix, à savoir l’UGTA. Une force
capable de s’opposer aux dérives que
l’on constate nécessite l’union de tous
les fonctionnaires et ouvriers.
Un syndicat qui est engagé
dans un processus de lutte authentique
peut-il exister sans contrainte en
Algérie ? Votre propre syndicat
connaît-il des difficultés particulières
?
Avec le vide créé par le temps du
parti unique, l’activité syndicale de la
centrale unique, le tapage médiatique de
la chaine de télévision unique, quels
que soient votre engagement, vos
convictions, vos arguments, vous avez en
général plus à perdre qu’à gagner à dire
tout haut ce que vous pensez si vous
allez dans le sens contraire de la
majorité. Au niveau des relations de
travail entre administration et
salariés, la liberté d’appartenance et
l’activité syndicale constituent la
pierre angulaire de l’exercice concret
du droit syndical (BIT). Chez nous, ces
notions ne sont que théoriques, étant
donné que le fonctionnaire placé en
situation de subordination juridique ne
bénéficie pas de garantie contre toutes
les discriminations. En outre, les
syndicats autonomes sont toujours autant
diabolisés et marginalisés, car nous ne
sommes pas considérés comme un
partenaire social avec lequel on peut
ouvrir un dialogue et ce, bien que nous
soyons agréés. Le recours à l’arsenal
juridique et les ponctions sur les
salaires des fonctionnaires lors des
protestations réduisent l’activité
syndicale.
Et si je vous demandais de me
définir ce qu’est un syndicaliste
algérien aujourd’hui ?
Un syndicaliste algérien aujourd’hui
lutte sur tous les fronts médiatiques
pour rétablir des vérités déformées par
des chaînes de propagande des pouvoirs
publics surtout lors des journées de
protestation. Il essaye de ménager ses
troupes sur les risques de sanctions qui
pèsent sur eux, à savoir licenciements
et défalcations sur les salaires à
chaque conflit social. Et j’ajouterais
que l’on guette un mouvement politique
d’accompagnement pour atteindre certains
objectifs. Pour se mouvoir dans de
meilleures conditions, tout syndicat a
besoin de baigner dans un mouvement
politique large et puissant.
Ne pensez-vous pas que
l’abandon de la lutte syndicale par
l’UGTA a participé à la régression que
vit le pays aujourd’hui ?
Le syndicat unique a montré ses
limites, la classe ouvrière algérienne a
été la première à payer le prix d’un
syndicat bureaucratisé et politiquement
dépendant. Il est vital pour notre pays
de disposer d’interlocuteurs
représentatifs du monde du travail pour
établir le dialogue social nécessaire.
Le pluralisme syndical garanti par la
Constitution de février 1989 représente
un sérieux rempart contre la mainmise
des partis politiques ou de l’État sur
les travailleurs. La persécution et la
marginalisation des syndicats autonomes
et la destruction de tout mouvement
social ainsi que le syndicalisme d’État
prôné par l’UGTA ont conduit à un désert
culturel et politique qui engendre
l’impréparation de la classe politique
et syndicale à l’évolution pour
présenter une alternative.
Quelles sont vos actions à
venir ?
Le syndicat SNAPEST est conscient
qu’aucune amélioration durable et
stratégique des conditions de vie des
travailleurs ne peut survenir tant que
le poids de l’intégrisme, de
l’impérialisme et du système
bureaucratique corrompu s’exercent sur
l’État et la société.
Une des priorités du syndicat SNAPEST
est de se dresser contre les
dilapidations des richesses de notre
pays. Il faut arriver à une
transformation radicale capable
d’arracher le système économique de la
bureaucratie, de la spéculation, de la
corruption, du gaspillage et du
parasitage, pour le faire basculer dans
une économie productive de richesses
durable. Les syndicalistes doivent
gagner en maturité, en formation, en
représentativité, en combativité, en
organisation et en créativité.
Interview réalisée par Mohsen
Abdelmoumen
Qui est Meziane Meriane ?
Né le 9 juin 1955 à Béni Douala à
Tizi Ouzou, Meziane Meriane est
professeur de mathématique. Titulaire
d’une licence ex science option
mathématique et d’un master en
sociologie, il est président du syndicat
national autonome des professeurs
d’enseignement secondaire et technique,
le SNAPEST.
Published in Oximity, December
18, 2015:https://www.oximity.com/article/M.-Meziane-Meriane-le-mouvement-syndic-1
In Whatsupic:http://fr.whatsupic.com/sp%C3%A9ciale-monde/meziane-meriane50982.html
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