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Interview

Raoul Hedebouw :
« Nous sommes en train de voir une guerre entre bloc impérialiste et pays indépendants qui peut malheureusement déboucher sur un conflit mondial. »

Mohsen Abdelmoumen


Raoul Hedebouw. DR.

Lundi 18 juin 2018

English version here

Mohsen Abdelmoumen : Dans le livre que vous avez coécrit avec Peter Mertens « Priorité de gauche. Pistes rouges pour sortie de crise », vous parlez de la dérive néolibérale et vous proposez une alternative. Pensez-vous que la crise systémique du capitalisme offre des perspectives vers la constitution d’une vraie gauche combattante qui encadre la lutte ouvrière ?

Raoul Hedebouw : Oui, cela me paraît clair. On ferait bien d’analyser la séquence dans laquelle on se trouve, c’est-à-dire début des années 1990 avec la chute du mur de Berlin et des pays socialistes, les néolibéraux ont créé une séquence qui était celle ou il n’y avait plus d’alternative, le fameux TINA (NDLR : There is no alternative), et il faut constater que la crise bancaire 2008 a rouvert beaucoup de perspectives de discussion. Et depuis 2008 et la crise bancaire, il y a beaucoup plus de perspectives de débats et d’ouvertures pour aller au-delà du capitalisme. Et l’on voit clairement qu’il y a une dynamique que ce soit au niveau de la jeunesse, au niveau syndical, où il y a beaucoup plus d’entrain pour débattre de ce sujet. Ce n’est pas pour rien que le livre « Le Capital » de Marx est redevenu un best seller aux États-Unis, au Japon et en France. Il y a énormément de demandes pour pouvoir réfléchir à un autre système et je crois que cela place des bases pour recréer un nouveau socle pour une vraie gauche mais cela pose aussi la question du bilan autocritique d’une gauche gestionnaire qui a appliqué docilement tout ce libéralisme dans les années 1970-80-90. Et donc ce débat-là est un débat qui a lieu dans l’ensemble des pays européens comme on le voit et j’espère qu’en Belgique, ça pourra aboutir à un renforcement de la gauche.

Votre livre « Première à gauche » explique le programme du PTB (Parti du Travail de Belgique) ainsi que d’autres points. Pensez-vous que le PTB est en train de s’imposer comme une force de changement incontournable dans la scène politique belge ?

Je le pense, oui. Effectivement, pour la première fois depuis 25-30 ans, il y a à nouveau une alternative à la gauche des partis traditionnels, comme le PTB, qui s’ancre durablement dans la population. Ce n’est pas qu’une question de sondages, c’est aussi une réalité sur le terrain. Évidemment, il faut constater qu’il y a encore beaucoup de travail. Le PTB vient de passer le cap des 14 000 membres, nous venons d’un parti qui avait 2 ou 3 000 membres il y a une petite dizaine d’années, donc il y a énormément de travail à structurer les sections, à former les membres, à être présents dans beaucoup plus d’entreprises – je rappelle que le PTB est un parti qui a des sections d’entreprises – et donc nous avons l’humilité de reconnaître qu’il y a encore énormément de travail à faire. Mais en tous cas, je pense que nous avons passé un cap qualitatif pour le rôle que le parti peut et devra jouer dans les luttes de classes à venir.

En Italie, l’extrême-droite a remporté les élections. Cet exemple de l’Italie ne nous montre-t-il pas que les fascistes d’extrême-droite sont les alliés stratégiques du grand capital ? Ne pensez-vous pas qu’il y a une leçon majeure à retenir de ce qu’il se passe en Italie ?

On dit souvent que l’Italie est le laboratoire politique de l’Europe. On peut espérer que ce ne soit pas le cas cette fois-ci parce qu’effectivement, la situation est assez dramatique. La montée du populisme de droite, voire de l’extrême-droite, est le fruit de la politique européenne appliquée. Le néolibéralisme a détruit une forme de structure sociale, a fait régresser les situations sociales et démocratiques des peuples, a soumis l’Italie toute seule à la gestion de la crise migratoire, ce qui est un manque de solidarité absolu et en mettant énormément de tension au sein de la population italienne. L’Union européenne et la Commission européenne ont une responsabilité dans la montée de ces populismes, c’est le premier élément de ma réponse. Et le deuxième élément de ma réponse, ce que nous montre l’Italie, c’est qu’il y a urgence à recréer un véritable pôle de gauche marxiste. Le drame de l’Italie,  c’est ça aussi : c’est l’émiettement de ces milliers de camarades, avec la disparition du Parti communiste d’Italie qui était, je le rappelle, le plus grand parti communiste de l’Europe occidentale. Le vide n’a pas été comblé et c’est bien malheureux. S’il y a bien une leçon de l’histoire à retenir, c’est qu’il y a besoin d’un état-major de la classe ouvrière et plus particulièrement d’un parti communiste fort, d’un parti marxiste fort, et je crois qu’il y a beaucoup de travail à faire en Italie, et je souhaite beaucoup de courage à nos camarades italiens pour reconstruire une telle force politique.

Ne pensez-vous pas qu’il faut faire le procès de l’eurocommunisme ?

C’est un débat complexe parce que nous pensons au PTB que l’eurocommunisme est aussi une des causes du déclin du Parti communiste italien.

Ce qui se passe est l’une des conséquences de l’eurocommunisme ?

Bien sûr. Parce que l’eurocommunisme est une tendance du communisme qui s’est adaptée au capitalisme en disant qu’il y avait une voie spécifique européenne, ce que je peux encore comprendre, mais que cette voie spécifique était la voie du réformisme et la participation gouvernementale sans trop de principes, et je crois que cela a été une erreur stratégique de l’eurocommunisme et qu’il est temps de la revoir et de reconstruire un pôle révolutionnaire en Italie.

Que pensez-vous de la montée des groupes d’extrême-droite et néo-nazis en Europe occidentale ? La responsabilité n’en incombe-t-elle pas aux partis traditionnels qui ont échoué ?

C’est certain. La dynamique socio-économique de régression sociale que les partis traditionnels ont mise en place et dont j’ai parlé tout à l’heure est un grand problème mais le nationalisme en est un aussi. L’Union européenne encourage le nationalisme en mettant les peuples les uns contre les autres dans la concurrence néolibérale, on le voit tous les jours au Parlement : quand les pensions sont comparées entre travailleurs de différents pays pour les diminuer, comment les cadences de travail sont comparées, comment les conditions de flexibilité sont comparées, donc l’Union européenne organise cette concurrence et elle nourrit elle-même ce nationalisme qui aujourd’hui progresse. Ce n’est pas une erreur, ce n’est pas malgré l’Europe, non, c’est à cause de l’Europe. Et nous devons, nous, à gauche, opposer à cela un discours décomplexé pour reforger une unité de la classe ouvrière et, plus particulièrement, européenne. Et là, nous avons cru trop longtemps, nous la gauche radicale, que les solutions étaient possibles uniquement dans le cadre de nos États-nations. Je pense que c’est une erreur stratégique. On a besoin de se parler les uns les autres des gauches radicales européennes, on a besoin de reconstruire une résistance européenne, et pas se replier sur nos propres pays.

Êtes-vous prêt à gouverner un jour avec les socialistes ?

Ma réponse sera en deux temps. Bien sûr, nous voulons diriger avec des partis qui sont prêts à faire une rupture avec le capitalisme. Quelle voie cela prendra ? Nul ne peut le prédire. L’histoire peut nous apprendre des choses. On peut évidemment travailler avec d’autres partis mais il faut cette rupture. Je dois vous avouer que dans le cas actuel, je ne ressens pas, au niveau du Parti socialiste belge, qu’il soit flamand ou francophone, une volonté de rupture. Bien au contraire. Ils ont appliqué le libéralisme pendant trente ans. Le Parti socialiste belge a voté la fin des prépensions, il a voté la chasse aux chômeurs, il a voté la privatisation des services publics, ce sont des dossiers inacceptables pour nous, mais qui sait, si une vraie remise en cause se fait, peut-être que les lignes bougeront. On verra de quoi l’avenir sera fait mais en tous cas, nous sommes un parti de principes et nous voulons une rupture avec le capitalisme.

Et vous pensez que les socialistes sont capables d’adopter la lutte de classes dans leur programme ?

Ils reviennent de loin et je sens une base dans ce parti qui a envie de lutte de classes mais c’est vrai que je ne la ressens pas du tout au niveau du sommet du parti.  Et ce n’est pas étonnant, parce que le Parti ouvrier belge qui, je le signale, a été le seul parti socialiste en Europe à ne pas avoir le mot socialiste dans son nom, contrairement aux partis des autres pays européens, était déjà un parti ultra réformiste qui ne voyait dans la lutte de classes qu’un aboutissement pour le suffrage universel, et pas une lutte de classes en tant que telle pour s’approprier les moyens de production. Mais quoi qu’il en soit, toute remise en cause est toujours salutaire et je pense que le mieux pour le PTB c’est qu’un débat émane dans l’ensemble des mouvements socialistes européens pour remettre en cause le capitalisme.

On vous reproche souvent un désintérêt sur les questions liées au terrorisme. Comment expliquez-vous cela ?

Nous n’avons pas de désintérêt, nous avons au contraire un programme fort en matière de lutte contre le terrorisme.

Je parle des partis du gouvernement, entre autres.

La raison, c’est que nous ne sommes pas d’accord avec les politiques mises en place par le gouvernement en matière de lutte antiterroriste. Il faut arrêter de tourner autour du pot. Aujourd’hui, la philosophie globale de notre gouvernement, et d’ailleurs des gouvernements en Europe, c’est de dire « on va protéger les gens du terrorisme » en fichant l’ensemble de la population, en faisant du brassage de données de masse – comme par exemple chez nous la méthode de récolte de données des plaques minéralogiques sur l’ensemble des autoroutes, etc.

Est-ce que c’est efficace ?

Justement, c’est ça le problème. Les juges d’instruction français qui ont été particulièrement confrontés au problème du terrorisme, ont posé le problème selon lequel il y avait trop de données à traiter. Ce n’est pas qu’il y en avait trop peu, mais bien qu’il y en avait trop. Et donc, il faut un travail beaucoup plus ciblé. C’est la raison pour laquelle nous avons mis comme point essentiel un renforcement des juges d’instruction qui sont les gens dans l’appareil judiciaire qui peuvent le mieux pister qui sont les terroristes, quelle est leur histoire, quelles mesures doivent être prises, etc. au cas par cas. Or, c’est justement ce secteur-là que notre gouvernement a déforcé en diminuant les budgets pour les juges d’instruction. C’est un paradoxe et nous disons oui à la lutte contre le terrorisme et je rappelle que nous avons aussi plaidé pour une rupture des flux commerciaux, financiers et diplomatiques avec l’Arabie saoudite qui nourrit le plus le terrorisme dans le monde, or que voyons-nous ? Plutôt que de faire cela, on va plutôt se retourner contre des pays comme la Syrie, l’Iran, qui sont des pays qui, je le rappelle, ne sont responsables d’aucun attentat terroriste sur le territoire européen.

L’Algérie.  

L’Algérie, exactement. Il s’agit d’un deux poids deux mesures diplomatique qu’il convient de dénoncer et nous l’avons fait avec le PTB, bien évidemment.

Sur ce point, justement, comment expliquez-vous le soutien des gouvernements occidentaux et leurs alliances avec l’Arabie saoudite et le Qatar qui sont les bailleurs de fonds du terrorisme international et, en ce qui concerne l’Arabie saoudite qui est la matrice du terrorisme ? Comment expliquez-vous que les gouvernements occidentaux soient des alliés stratégiques de ces pays ?

C’est l’argent, évidemment. La géopolitique est dépendante de l’argent. Depuis qu’il y a un accord stratégique entre l’Occident, les États-Unis d’une part et l’Arabie saoudite dans les années 1970, dans une synergie de pétrodollars contre l’aide militaire, il est clair que la politique européenne et occidentale au Moyen-Orient est dictée par cette volonté de jouer la carte de l’Arabie saoudite et d’Israël dans la division du monde arabe et dans l’agression des autres pays. On le voit au Yémen, personne ne dénonce aujourd’hui ce qui se passe au Yémen, c’est scandaleux. Ce pays a été bombardé et renvoyé au Moyen-âge en trois ans par les troupes saoudiennes, et personne ne réagit en Belgique au niveau diplomatique. C’est encore un deux poids deux mesures.

Pensez-vous qu’il soit logique de prétendre combattre le terrorisme en étant les alliés des Saoudiens et des Qataris ?

C’est tout à fait illogique. Le plus fou, c’est qu’après les attentats du 11/9, tout indiquait que le problème était en Arabie saoudite, et les Américains sont entrés en Irak. Et donc, l’intervention américaine en 2003 a été dévastatrice. Naomi Klein décrit dans son livre « La stratégie du choc » à quel point on a renvoyé l’Irak au Moyen-âge alors qu’il était un pays moderne, où les femmes allaient à l’université, un des pays les plus laïcs de la région, en cinq ans de guerre. C’est extrêmement grave comme situation et je pense que le principal fauteur de guerre dans la région, ce sont les États-Unis d’Amérique et l’Europe devrait prendre ses distances par rapport aux États-Unis et ce n’est pas assez le cas pour l’instant.

Vous avez réclamé un blocus contre l’Arabie saoudite en matière de vente d’armes. Ne pensez-vous pas que c’est immoral de la part des gouvernements occidentaux qui passent leur temps à donner des leçons de « droits de l’homme » de vendre des armes aux Saoudiens qui sont en train de massacrer le peuple yéménite ? Comment expliquez-vous le silence des politiciens et des médias occidentaux face aux crimes ignobles des Saoudiens et de leurs alliés contre le peuple du Yémen ?

Là, nous sommes au cœur du débat géostratégique. Le but de l’Arabie saoudite, c’est clairement d’étendre son  influence dans toute la région et son principal concurrent est l’Iran. Et donc, on a une guerre par troupes interposées dans ces différents territoires avec une volonté des États-Unis de créer ce qu’ils appellent le Grand Moyen-Orient et de revoir toutes les frontières dans la région, revoir toutes les soumissions pour pouvoir créer une grande bande de terre qui soit complètement assujettie aux intérêts impérialistes américains. En outre, depuis la découverte du gaz de schiste, les  États-Unis d’Amérique sont en train de créer eux-mêmes leur autonomie énergétique donc leur seul but aujourd’hui, ce n’est plus de pouvoir voler le pétrole pour leur propre économie, c’est surtout de garantir que leurs principaux concurrents qui sont la Russie et surtout la Chine, n’aient plus accès à ces matières premières. Donc, les États-Unis peuvent se satisfaire d’un chaos organisé dans la région, chaos qui permettra de ne plus exploiter le pétrole pour la Chine et la Russie et de pouvoir neutraliser cette économie-là. Donc, en fait, nous sommes en train de voir une guerre entre bloc impérialiste et pays indépendants qui peut malheureusement déboucher sur un conflit mondial.

Nous sommes dans le chaos créatif des néoconservateurs Condoleezza Rice et Cie ?

Tout à fait. Nous sommes clairement dans ce schéma.

Vous avez toujours eu des positions courageuses sur la Palestine. Ne pensez-vous pas que les gouvernements européens doivent cesser de soutenir inconditionnellement cette entité criminelle qu’est Israël ?

Oui. Et je trouve que le gros problème, c’est que certains pays occidentaux font des déclarations pour dire que ça ne vas pas ce qui se passe là-bas, mais ne prennent aucune mesure. J’ai dénoncé cette hypocrisie au Parlement il y a deux semaines – c’est une vidéo qui fait le tour du monde pour l’instant et j’ai reçu des messages d’au moins une vingtaine de pays et les gens traduisent mes propos dans différentes langues, c’est assez impressionnant. Si un pays africain faisait le quart de la moitié de ce que fait Israël, il y aurait déjà un embargo et une intervention militaire armée sur son territoire. C’est ce que ressentent très bien tous les pays du sud. Pourquoi Israël peut-il impunément assassiner le peuple palestinien ? Je pense que l’heure n’est plus à des gesticulations diplomatiques mais à prendre des mesures économiques. On le sait, l’apartheid en Afrique du Sud n’a disparu que suite d’une part à la mobilisation du peuple africain et de l’ANC en particulier évidemment, mais surtout aussi quand il y a eu une campagne internationale de boycott et d’embargo économique envers l’Afrique du Sud. Je crois que c’est ça qui devrait être à l’ordre du jour vis-à-vis d’Israël.

D’après vous, il faut boycotter Israël ?

C’est évident, il faut boycotter les produits israéliens. On a vraiment beaucoup à apprendre de la lutte contre l’apartheid dans les années 1980.

Justement, nos amis des BDS font un excellent travail en matière de boycott contre les produits importés d’Israël. Que pensez-vous de l’initiative des BDS ?

Je crois que c’est une initiative très judicieuse parce qu’elle permet de mener une campagne concrète sur le terrain. Ce n’est pas uniquement politique, concrètement on veut un boycott.

On tape là où ça fait mal.

Oui. On sait qu’Israël ne réagit de toute façon pas aux pressions diplomatiques. Israël ne peut réagir qu’aux pressions économiques. Et là, avec les BDS, on a une initiative qui est citoyenne et je pense que c’est très positif.

Que pensez-vous du transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem par l’administration Trump ? Ne pensez-vous pas que Donald Trump et sa politique constituent un danger pour la stabilité mondiale ?

Bien sûr. Je crois qu’il y a un véritable choix stratégique de Donald Trump et des États-Unis d’Amérique de passer du multilatéralisme à l’unilatéralisme et, dans ce cas-là, ce transfert d’une ambassade est évidemment un geste diplomatique de très haute importance pour dire en fait « je ne reconnais pas le droit au retour des réfugiés, je ne reconnais pas l’existence potentielle future d’un  État palestinien et je décrète unilatéralement qu’Israël, c’est Israël, et que sa capitale est à Jérusalem ». C’est donc une véritable provocation pour le peuple palestinien et l’ensemble des peuples qui résistent dans le monde. Et le plus dramatique, c’est qu’Israël utilise cet aval de la plus grande puissance militaire mondiale pour pouvoir appliquer sa politique militaire sur le terrain. Israël n’oserait pas faire la moitié de ce qu’il fait aujourd’hui si les États-Unis n’étaient pas d’accord, donc on peut vraiment dire que les tirs de snipers israéliens contre les manifestants gazaouis sont le résultat d’un feu vert donné par Donald Trump.

Donc, les meurtres commis à Gaza se sont produits avec l’aval de l’administration américaine ?

Tout à fait.

Il y a une offensive visant différents pays pour spolier leurs richesses. Je peux citer le Venezuela, Cuba, l’Algérie, etc. Ne pensez-vous pas qu’il faut un front mondial pour contrer l’impérialisme ?

Oui. Je pense qu’on a beaucoup perdu depuis les années 1980. Je crois qu’un double mouvement est nécessaire. Je pense qu’il faut un front mondial contre l’impérialisme et donc, il faut que les différentes forces de gauche anti-impérialistes se parlent les unes aux autres et se restructurent, et deuxièmement, il faut un approfondissement des différentes révolutions nationales et démocratiques. Elles se sont arrêtées quelque part en chemin avec le débat complexe qui tournait autour de savoir si le but est d’avoir une élite, une bourgeoisie nationale qui prend le contrôle sur le pays ou bien est-ce qu’on approfondit la révolution sociale ? Je pense que beaucoup de révolutions démocratiques nationales se sont arrêtées pour la révolution sociale et c’est là qu’est le problème, que ce soit en Algérie, en Afrique du Sud, et dans la plupart de pays. Et c’est le débat aujourd’hui au Venezuela aussi. Va-t-on surpasser la bolibourgeoisie, comme on l’appelle ? Va-t-on donner un véritable pouvoir populaire ou pas ? Tout cela doit se faire dans un cadre très complexe et tous ces pays indépendants doivent affronter d’immenses pressions internationales, diplomatiques, économiques, voire militaires. On voit aujourd’hui que Trump annonce vouloir intervenir au Venezuela, c’est vraiment très grave. Je crois qu’il y a un double mouvement, un intra-socialisme qui doit se renforcer et dans les pays libérés du Tiers Monde, un approfondissement des révolutions nationales démocratiques.

D’après vous, notre combat contre les oligarques dans nos pays doit être soutenu par les forces progressistes de la gauche combattante à travers le monde ? Ce n’est pas seulement notre combat parce que c’est aussi vital pour vous, puisque si, vous, vous combattez le fascisme, nous, nous combattons Daech.

C’est cela la complexité de la situation. Il faut avant tout trouver une force autonome puissante de la classe ouvrière dans tous ces processus révolutionnaires. C’est vraiment un point cardinal. Ensuite, il y a une complexité parce qu’il y a lutte-unité. Il y a une unité pour la défense de l’indépendance nationale et en même temps, il faut approfondir la révolution sociale. Et c’est une équation très complexe que les pays du Tiers Monde ont à résoudre mais c’est une équation qui est cardinale si on veut avoir le soutien du peuple, et je crois que dans pas mal de régimes postindépendance, que ce soit des pays arabo-musulmans, que ce soit dans le monde africain, que ce soit en Asie, c’est un grand problème qu’une partie de ces élites nées du mouvement d’indépendance se sont enrichies elles-mêmes et sont restées dans le cadre d’une bourgeoisie au mieux nationale, voire même comprador par la suite. Je pense que là, il y a un vrai débat à avoir.

Donc, pour vous, le combat contre la bourgeoisie comprador chez nous…

Est intrinsèquement lié au débat pour l’indépendance du pays.

Que pensez-vous de la sortie de Trump de l’accord sur le nucléaire iranien ?

C’est vraiment dramatique parce que l’accord iranien était déjà un accord grave, il faut quand même le dire, donc on parle ici du droit d’un pays de développer sa force nucléaire civile. Aucun pays européen n’a eu des embargos en la matière. La plupart des pays européens, la France, la Belgique, les Pays-Bas, tout le monde a une économie nucléaire civile, donc on est en train d’interdire au peuple iranien, même dans le cadre de cet accord, ce développement-là. Même cet accord qui était déjà ambigu est rejeté maintenant par les États-Unis d’Amérique. C’est vraiment une menace sur la paix du monde parce que je comprends si le peuple iranien et son gouvernement ne se laisseront pas faire. Ils vont dire que si l’accord n’est pas respecté par les Américains, pourquoi devraient-ils le respecter ? J’appelle vraiment les pays européens à mettre en place des compensations importantes pour que le peuple iranien puisse avoir droit à son juste retour.

Vous pensez que les Européens peuvent jouer un rôle ?

Ils peuvent jouer un rôle s’ils le veulent mais le problème c’est que l’Europe reste le laquais des  États-Unis, donc on verra dans les semaines et les mois à venir. Pour l’instant, on a entendu beaucoup de paroles mais on a vu peu d’actes.

Pensez-vous que l’administration américaine qui a toujours joué sur un conflit chiite-sunnite ne joue pas avec le feu au Moyen-Orient ?

Bien sûr. Il faut rappeler que ce sont les États-Unis qui ont financé des campagnes pour diviser le peuple iraquien dans une division qui était beaucoup moins présente avant l’intervention américaine. Oui, ils jouent vraiment leur carte mais ils se sont un peu trompés concernant l’Irak, parce que le but pour les États-Unis, c’est qu’il y ait un tel chaos qu’il ne puisse pas y avoir de production de pétrole. J’espère en tous cas que la région connaîtra une paix et une prospérité dans les semaines et les mois à venir.

Vous avez été placé sur écoute – et j’ai interviewé un américain Norman Solomon qui a été lui aussi placé sur écoute par le FBI alors qu’il était au lycée. Au lieu de se consacrer à la grande criminalité et au terrorisme, on utilise les moyens de l’État pour surveiller un politicien comme vous. Ne pensez-vous pas qu’il s’agit d’une dérive fasciste ?

Oui, tout à fait. Vous savez, j’ai été mis sur écoute pendant six semaines pour le seul fait d’avoir organisé une manifestation. Je ne parlerai pas encore de fascisme mais de fascisation, c’est-à-dire qu’il y a une diminution de nos droits démocratiques plus la crise économique et démocratique s’approfondit en Europe. Donc, il y a là un combat à mener et c’est bien la raison pour laquelle nous dénonçons le fait qu’au nom de la lutte contre le terrorisme, on limite nos droits démocratiques. Il y a un lien entre les deux  et c’est un combat pour le PTB.

Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

 

Qui est Raoul Hedebouw ?

Biologiste de formation, Raoul Hedebouw est un homme politique belge. Il est député fédéral au Parlement belge et porte-parole du PTB (Parti du Travail de Belgique).

Il est co-auteur avec Peter Mertens du livre « Priorité de gauche. Pistes rouges pour sortie de crise » et auteur de « Première à gauche »

 

 

   

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Source : Mohsen Abdelmoumen
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