Dossier
Getler, Leibovitch et Rice : la
prédation sous le couvert de la religion
et de la diplomatie (II)
Mohsen Abdelmoumen
Dan
Gertler hôte de Joseph Kabila. D. R.
Dimanche 16 février 2014
Cinquante-neuf sociétés fictives ont
acquis des biens de la RDC au cours des
quatre dernières années. Cette liste
fait mention de 22 sociétés qui peuvent
être directement reliées à Dan Gertler.
Parmi les 37 autres sociétés, 30 sont
enregistrées par l’agent principal des
sociétés fictives de Dan Gertler. Toutes
ces sociétés ont été constituées
récemment. Certaines d’entre elles ont
vu le jour quelques semaines seulement
avant qu’on leur octroie des biens
miniers de la RDC valant plusieurs
milliards de dollars, souvent à des prix
nettement inférieurs à leur valeur
marchande. Gertler a été récemment mis
en cause dans le rapport publié en mai
dernier par Africa Progress Panel dirigé
par l’ancien secrétaire général des
Nations unies, Kofi Annan, au sujet de
la spoliation du Congo-Kinshasa d’un
montant de 560 millions d’euros en trois
ans. C’est en 2003 que Condoleeza Rice,
alors conseillère à la Sécurité
nationale du président Bush, a présenté
Dan Gertler et Chaim Leibovitch à la
directrice principale aux Affaires
africaines, Jendayi Frazer, de la
Harvard Kennedy School. En novembre
2003, sous l’ère Bush, la visite du
président Joseph Kabila à la
Maison-Blanche avait été qualifiée par
Africa Confidential de «coup
d'Etat» des magnats israéliens du
diamant Dan Gertler et Beny Steinmetz.
Le 6 décembre 2006, Frazer, alors
secrétaire d'Etat adjoint aux affaires
africaines, était l'un des sept délégués
spéciaux envoyés par Bush à
l'investiture du président Joseph Kabila
à Kinshasa. Depuis sa jeunesse, Gertler
a toujours été l’émule admiratif de
celui qu’il considère comme son maître à
penser, le rabbin Haïm Yaacov Leibovitch
de Brooklyn, un ami personnel de
Condoleeza Rice. En 2001, Gertler et
Leibovitch se sont associés pour devenir
les principaux dirigeants d'une société
d'extraction de diamants en République
démocratique du Congo (RDC), Emaxon
Finance Corporation, et ont acquis les
droits sur la majorité des diamants de
la Société minière de Bakwange (MIBA),
principale exploitation du
Kasaï-Oriental, près de la ville de
Mbuji-Mayi, capitale mondiale du diamant
brut, contrôlée par le gouvernement
congolais. MIBA et les champs de
Mbuji-Mayi ont une longue histoire
d'effusion de sang soutenue par Israël
et les puissances occidentales. Pas un
seul agent de l'Etat n'a été poursuivi
pour les exécutions extrajudiciaires de
mineurs suspectés «illégaux» à
Mbuji-Mayi. Après un siècle
d'exploitation et d'esclavage, la MIBA
retient constamment le paiement des
salaires des ouvriers congolais affamés
et des cadres intermédiaires pendant
plusieurs mois. Avril et mai 2007 ont vu
des grèves et des manifestations
conduisant à des arrestations
arbitraires, la détention et la torture
d'organisateurs syndicaux comme Léon
Ngoy Bululu par le gouvernement Kabila.
La police a également abattu des
manifestants, des travailleurs congolais
soi-disant illégaux, privés de leurs
droits et contraints à des activités
«criminelles» pour survivre. Ils ont été
sommairement exécutés sur les
concessions de la MIBA à Mbuji-Mayi. Les
gardes de sécurité de la MIBA ont
également abattu des mineurs chômeurs.
Emaxon Finance International de Dan
Gertler est une véritable pieuvre qui
dirige l'exploitation minière, de mèche
avec toutes les entreprises et filiales
occultes basées dans des paradis fiscaux
offshore qui travaillent à protéger des
personnes responsables de blanchiment
d'argent, de trafic d’armes et des
opérations de la drogue, d’assassinats
et autres faits de terrorisme. Gertler a
manœuvré contre ses concurrents, en
particulier ses grands rivaux Energem et
De Beers. Energem, basée au Canada et
anciennement appelée Diamond Works,
appartenait au multimillionnaire – et
non moins mercenaire – britannique, Tony
Buckingham, actuel PDG et actionnaire
majoritaire d’Heritage Oil Corporation,
ancien partenaire d’Executive Outcomes,
société militaire privée d’Afrique du
Sud. Les administrateurs-actionnaires d’Energem
étaient les plus que douteux frères
Mario et Tony Teixeira, JP Morgan, et le
partenaire de Gertler, Beny Steinmetz,
qui détenait 50% des parts, mais la
société a été finalement déclarée en
faillite en février 2011 après avoir
entretenu la guerre dans onze pays
africains. La guerre implacable que se
sont livrés les deux rivaux congolais
Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila en
mars 2007 comportait un enjeu de taille,
la désignation du vainqueur en tant que
portier noir pour les cartels miniers
exploités par les dynasties familiales
occidentales, dont voici quelques
échantillons : Maurice Tempelsman,
originaire d’Anvers en Belgique, a
émigré avec sa famille aux Etats-Unis en
1940. Il est le président du conseil
d’administration de Lazare Kaplan
International Inc., la plus grande
entreprise de diamants aux Etats-Unis,
et membre de Léon Tempelsman & Fils, une
société d’investissement spécialisée
dans l’immobilier et le capital à
risque. Grand ami de Madeleine Albright,
il est la «poche profonde» du Parti
démocrate, partisan régulier des
campagnes de John Kerry et autres
démocrates, et a financé la campagne de
Bill Clinton à raison de 500 000
dollars. Nul doute qu’il en fera de même
avec la future présidente Hillary qui a
commencé sa propre campagne et qu’il
soutient. Il a joué un rôle clé en
Afrique du Sud dans les négociations
entre le gouvernement et les entreprises
impliquées dans l'exploration
diamantifère. Tempelsman a été le
conseiller de Mobutu Sese Seko, ancien
dictateur du Zaïre, et l'a aidé dans son
commerce avec De Beers. Il a été nommé
président de la Corporate Council on
Africa (CCA) de 1999 à 2002 et de 2007 à
2008, et en est depuis président
honoraire. Le CCA est une organisation
américaine consacrée aux relations
d'affaires entre les Etats-Unis et
l’Afrique qui comprend plus de 180
entreprises membres, et représentant
près de 85% du total des investissements
américains dans le secteur privé en
Afrique. Tempelsman a dirigé le trafic
de diamants en RDC, Angola, Botswana,
Namibie et Sierra Leone. Sa capacité
d'influencer les gouvernements et les
marchés est incontournable, et il a été
utilisé par la CIA pour déstabiliser
plusieurs pays africains au profit de De
Beers. En 2002, Tempelsman a offert au
président Sam Nujoma de la Namibie un
prêt de 80 millions de dollars afin de
combler le déficit budgétaire du pays,
en échange d’un intérêt sur les ventes
des pierres précieuses namibiennes.
Accessoirement, il a été le compagnon de
Jackie Kennedy après la mort d’Onassis.
Les Oppenheimer, deuxième fortune
d’Afrique avec 5 milliards de dollars,
ont fondé la holding britannique Anglo
American qui est l’un des principaux
actionnaires de la De Beers Diamond,
implantée au Botswana, en Namibie, en
Afrique du sud, et dont «Nicky», Nicolas
Oppenheimer, est président ainsi que de
sa filiale, la Diamond Trading Company.
La société De Beers est à la source,
entre autres, de l’expropriation des
terres appartenant aux Bochimans du
Botswana, en ayant exercé des pressions
sur le gouvernement. Elle est également
à l’origine de la guerre civile en
Sierra Leone favorisée par un vaste
trafic de diamants. Les Menell par
l’intermédiaire de Kemet Group, un
groupe de sociétés privées impliquées
dans les mines de diamant, métaux,
huiles et biocarburants. Les Forrest
(groupe Forrest International GFI,
conglomérat qui détient des pans entiers
de l'économie du Katanga, spécialisé
dans le BTP, ciment, élevage, transport
aérien, contrôle également la plus
grande banque de la RDC, la BCDC, via
EGMF, entreprise générale Malta Forest),
dont le chef de clan, Georges Forrest,
très proche de Mobutu, était surnommé le
«vice-roi du Katanga». Par ailleurs,
George Forrest a recruté Olivier
Alsteens, ex-directeur de la
communication externe des Premiers
ministres belges en 2002 et 2003, et
ancien porte-parole de Louis Michel,
ex-ministre des Affaires étrangères
belge et député européen, lequel est
très écouté par Joseph Kabila ; il a
d'ailleurs joué un rôle dans la relance
des relations belgo-congolaises. Les
Blattner : le groupe Blattner détient la
majorité des parts de la Banque
internationale pour l’Afrique au Congo
BIAC, mais aussi le transport, maritime,
aviation civile FlyCAA, pneumatique
Cobra, télécommunications, agriculture,
exploitation forestière, construction
Safricas, et GAP, plus de 10 000 ha en
exploitation directe d’huile de palme.
Et enfin les Lévi (secteur minier et
bancaire avec la Trust Merchant Bank
TMB), les Herzov, les Gertler et les
Steinmetz.
Mohsen Abdelmoumen
Demain :
Comment les
services secrets israéliens
entretiennent la compétition entre des
organisations criminelles stratégiques
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