Algérie résistance
L’affaire Trévidic : autopsie
d’une visite
Mohsen Abdelmoumen
Dimanche 12 octobre 2014
Ce dimanche 12 octobre après-midi, le
juge antiterroriste français Marc
Trévidic arrive à Alger avec son
assistante Nathalie Poux et une équipe
d’experts pour pratiquer une autopsie
sur les restes des moines français de
Tibhirine assassinés par un groupe
terroriste en 1996. Pourquoi a-t-on
attendu l’affaire de la décapitation
d’Hervé Gourdel pour réinviter le juge
Trévidic ? Nous ne croyons pas au hasard
et ce n’est pas le « méchant petit
juge » qui va nous faire avaler des
couleuvres. Tout s’accorde à penser
qu’il y a eu un « deal » entre les
autorités algériennes et les autorités
françaises, mais le juge n’en a révélé
aucun détail lors de sa dernière
interview sur France Info, et il n’a
rien laissé filtrer au sujet de sa
visite en Algérie. Il a cependant
précisé qu’il allait travailler sous la
juridiction algérienne, nous apprenant
par là même que l’Algérie n’est pas
encore un département français.
Alléluia ! Nous sommes heureux de le
savoir. Qu’est-ce qui fait donc courir
le juge Trévidic et quelle est la nature
des accords que les autorités
algériennes ont passés avec la France ?
La question est à poser au vilain petit
juge Trévidic qui a insulté ces mêmes
autorités algériennes qui l’ont invité,
en déclarant naguère : « on se moque de
nous ». Qu’y a-t-il eu de changé
entretemps ? Le chevalier blanc Trévidic
va-t-il exhumer les restes de tous les
corps de la décennie rouge ou se
consacrera-t-il uniquement aux cadavres
des Gaulois ? N’oublions pas que cette
tragédie a coûté la vie à plus de 200
000 Algériens. Est-ce que cette visite
aurait eu lieu sans la décapitation du
douteux randonneur français ? Certains
vont argumenter en disant que cette
visite était programmée depuis
longtemps, mais cela n’enlève rien au
choix de ce moment précis où un pseudo
otage français a été décapité.
Connaissant la rouerie des Français,
qu’y aurait-il d’étonnant à ce que
l’agenda du juge Trévidic soit lié à
cette affaire récente ? Est-ce que le
juge Trévidic va se contenter de faire
l’autopsie des moines ou va-t-il aussi
faire celle d’Hervé Gourdel ? Quoi qu’il
en soit, cette opération est une
atteinte flagrante à la souveraineté
nationale qui n’évoque rien à certains
corrompus du pays mais qui représente
tout pour les patriotes que nous sommes.
Comment se fait-il qu’un juge français
ose pointer son nez alors que des
opérations de ratissage intenses se
déroulent en ce moment en Kabylie et que
nos soldats sont confrontés
quotidiennement au terrorisme ? Ce n’est
ni plus ni moins qu’une insulte à notre
nation !
Rappelons les faits de la mort des
moines de Tibhirine qui a fait couler un
océan d’encre. D’après son propre
témoignage, le préfet français
Jean-Charles Marchiani (ancien du SDECE
devenu DGSE) avait été mandaté par le
président Jacques Chirac pour négocier
en secret et sans en avertir les
autorités algériennes, la libération des
moines avec les terroristes du GIA
(Groupe islamique armé) qui les avaient
enlevés dans leur monastère dans la nuit
du 26 au 27 mars 1996. Chirac avait
demandé à Charles Pasqua, son ministre
de l’Intérieur de l’époque, de ne pas en
informer son Premier ministre Alain
Juppé. Le colonel Clément, alors chef de
l’antenne de la DGSE à Alger, recevait
régulièrement l’émissaire du GIA à
l’ambassade de France à Alger, toujours
en laissant les services algériens dans
l’ignorance complète de ces tractations.
Des fuites organisées sur les
négociations en cours ont été révélées
par un article de presse du journal
Le Parisien, mettant fin à
la mission de Marchiani et aux
négociations, signant de facto l’arrêt
de mort des moines dont seules les têtes
ont été retrouvées le 30 mai 1996. Des
raisons purement politiciennes se
résumant à une rivalité entre Chirac et
Juppé ont fait échouer les négociations
avec les terroristes. Le régime français
qui a l’habitude de verser généreusement
des rançons aux terroristes n’a pas été
fichu de mener ses négociations à bien.
Il s’agit donc d’un problème
franco-français et nous avons du mal à
comprendre ce que vient faire le juge
Trévidic chez nous. Il devrait plutôt
demander des comptes à Chirac, Juppé,
Marchiani et aux différents responsables
des services français, impliqués
jusqu’au cou dans cette énième débâcle
des responsables politiques et des
services de renseignement de son pays.
Qu’il aille enquêter en Syrie pour
évaluer le nombre d’armes que les
autorités françaises et leurs services
ont livrées aux terroristes de Daech,
Isis et Cie, ou bien investiguer sur le
nombre de djihadistes français qui se
battent dans les différents groupes
terroristes en Libye, en Syrie, en Irak
et au Sahel. Pour nous, tout est clair,
la visite du juge Trévidic en Algérie
est tout sauf une coïncidence ou un
hasard du calendrier. L’Algérie qui
s’est affaiblie avec un pouvoir en
déliquescence concède tout à la France
et le gang qui entoure le président
momifié invisible sait que sa survie ne
peut dépendre que de Paris. Au diable
les centaines de milliers d’Algériens
assassinés et tout un peuple traumatisé
par la décennie de sang, alors que
Mitterrand, le fidèle ami de Pétain,
encourageait l’isolement de l’Algérie
sur le plan international pendant que
celle-ci affrontait seule le terrorisme
dans la réalité du terrain. L’Algérie
s’est battue sans aucune aide extérieure
avec son armée et son peuple qui se sont
mobilisés ensemble pour éradiquer la
vermine de l’hydre terroriste, et à
aucun moment, les Algériens n’ont fait
une once de concession, que soit aux
Occidentaux ou à leur bras armé qui est
l’islamisme politique. Tout le monde a
résisté, le peuple algérien, l’ANP, les
différents services de sécurité, tous
ont fait corps contre la gangrène
terroriste pendant que les Occidentaux
offraient armes, logistique, asile et
tribune médiatique aux égorgeurs
djihadistes. Nous n’avons pas entendu
une seule voix française à l’époque pour
s’exclamer « quelle horreur ! » lorsque
des familles algériennes entières
étaient égorgées. Nous persistons à dire
que le djihadisme terroriste et sa
matrice idéologique sont le pur produit
des laboratoires occidentaux, via leurs
alliés d’Arabie saoudite et du Qatar
qui, depuis, ont acheté toute le France.
Personne en France n’a refusé les
investissements qataris qui véhiculent
en douce la propagation du wahhabisme et
qui, par la suite, ramèneront le
terrorisme sur le sol français. Les
gendarmes français préfèrent stigmatiser
l’Algérien et l’identifier comme un
émeutier et un casseur en faisant des
entraînements dans lesquels les
stagiaires scandent « One Two Three Viva
l’Algérie ! » plutôt que d’être
attentifs au lent mais régulier poison
wahhabite qui s’infiltre dans la société
française via les canaux qataris. Cela
montre à quel point la haine des
Algériens est ancrée dans la mentalité
des responsables français et à quel
point aussi ils se contrefichent de la
sécurité de leur population, parce que
le jour où les cellules dormantes créées
par les pingouins du Qatar et de
l’Arabie saoudite se réveilleront, la
France connaîtra à son tour le goût du
terrorisme.
Au moment précis où un juge français
se permet de venir fouiner comme un
charognard dans les affaires
algériennes, on se demande à juste titre
où sont passés les magistrats algériens
qui ont enquêté auprès des services de
renseignement français et auprès de
certains agents qui connaissaient les
dessous de l’affaire des moines de
Tibhirine. Chacun sait que des
magistrats algériens ont été dépêchés
auprès de certains agents français mais
on n’en entend pas parler et, à ce
stade, le silence n’amènera que des
problèmes. Comme nous sommes des
journalistes persévérants, nous
n’arrêterons pas de demander les
conclusions de ces juges algériens qui
ont apparemment enquêté en France car
nous n’oublions rien, ni notre tragédie
et celle de notre peuple, ni ceux qui
sont les responsables de notre malheur.
Dans les moments les plus sombres de la
tragédie du sang où les têtes de ses
citoyens roulaient dans les rues,
l’Algérie n’a jamais permis à quiconque
de mettre son nez dans ses affaires
internes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Le
juge Trévidic qui veut rouvrir des
plaies et autopsier la tragédie
algérienne n’est pas le bienvenu en
Algérie, sauf auprès de ceux qui l’ont
invité et qui ne se reconnaissent en
rien dans la souffrance du peuple
algérien, puisqu’ils ne l’ont pas vécue,
étant planqués à l’étranger quand nous
nous faisions massacrer. La France a
déstabilisé la Libye et tout le Sahel et
a favorisé le terrorisme qui s’est
répandu dans toute l’Afrique, le juge
Trévidic va-t-il auditionner Nicolas
Sarkozy au sujet du meurtre de Kadhafi
et exhumer les cadavres des 90 000
Libyens que ce criminel de guerre a sur
la conscience ? Va-t-il autopsier tous
les corps africains mutilés par le
néocolonialisme français ? Bien sûr que
non ! Ceux qui, chez nous et à travers
cette opération ou affaire Trévidic,
cherchent une caution pour perdurer au
pouvoir se trompent sur toute la ligne.
La France d’aujourd’hui est agonisante
et n’offre plus rien que la récession et
le chômage à sa propre population. Nous,
Algériens patriotes, n’avons rien à
faire d’une diversion de plus de la part
d’une France en faillite. Agresser les
montagnes de notre pays en envoyant un
juge gaulois sur son baudet à la
recherche du saint Graal sur notre
territoire n’est rien d’autre qu’une
instrumentalisation de la douleur des
familles de moines disparus et de tout
le peuple algérien. Que connaissez-vous
du terrorisme, Monsieur Trévidic ?
Avez-vous entendu parler des bébés que
vos amis terroristes faisaient frire à
la poêle, avez-vous déjà vu des têtes
tranchées à la scie émoussée, avez-vous
vu des bombes vous exploser en pleine
figure ? Tout le peuple algérien est
traumatisé par ce qu’il a vécu pendant
vingt ans, alors cessez vos
gesticulations d’enfant gâté d’Occident.
Le terrorisme et son éradication sont
une affaire sérieuse qui concerne les
hommes et non pas un jeu de gosse.
L’Algérie n’est plus une colonie de
la France, Mr Trévidic, et c’est bien de
le rappeler, mais nous trouvons
extrêmement pénible le fait de voir un
juge d’instruction français enquêter en
plein sol algérien. Vos devriez plutôt
vous pencher sur les crimes innombrables
du régime français qui a exterminé le
peuple algérien qui était, par la loi du
plus fort, sous sa jurisprudence.
Enquêtez donc sur Papon, le préfet
français ancien collaborateur des nazis,
qui a noyé des Algériens dans la Seine
le 17 octobre 1961 et assassiné les
manifestants anti OAS dans la station de
métro Charonne le 8 février 1962.
Enquêtez sur le génocide innommable que
votre pays a commis contre le peuple
algérien tout entier en se livrant à une
extermination programmée qui a duré de
1830 jusqu’à 1962. Rendez-nous les têtes
de nos martyrs que vous exposez comme
des trophées dans vos musées d’Histoire
naturelle. Nous n’aurons pas besoin de
les autopsier, car aucun doute ne
subsiste, c’est bien les vôtres qui les
avez tués. Restituez-nous aussi les
dizaines de milliers d’oreilles de nos
ancêtres que vos maréchaux et votre
empereur collectionnaient. Dites-nous où
vos paras ont enterré les corps de Ben
M’Hidi, de Maurice Audin et de tous ceux
qu’ils ont torturés et assassinés.
Enfin, sachez, Monsieur Trévidic, que
lors de l’effroyable tragédie où la
France a perdu sept moines, c’est tout
le peuple algérien qui a vécu un enfer
que ni vous et ni vos semblables ne
pouvez imaginer. Nous sommes tous les
moines de Tibhirine, et bien pire
encore ! Et n’oubliez pas que nous le
devons en grande partie à votre pays. Si
vous voulez que la France décroche des
contrats en Algérie en faisant pression
sur le pouvoir algérien qui lui accorde
tout, trouvez autre chose. Vous nous
avez offert le « qui-tue-qui » en
accusant notre armée de massacrer son
peuple, vous avez arrosé cette théorie
abjecte et mensongère avec le sang des
Algériens, nous ne l’oublierons jamais,
et vous êtes loin d’être le bienvenu en
Algérie. Vous n’avez aucune raison de
venir enquêter chez nous. Est-ce que la
France a les mêmes intérêts que
l’Algérie ? Non, nos intérêts sont
diamétralement opposés. Nous ne sommes
d’accord sur rien, que ce soit dans le
dossier syrien, le dossier iranien,
encore moins celui du Sahel et de la
Libye, et en aucun cas sur l’existence
d’Israël. On a du mal à comprendre cette
soi-disant coopération que nous
considérons comme une farce grotesque.
Tant que les plaies de l’Histoire ne
seront pas cicatrisées, et le bras
d’honneur offert à l’Algérie par votre
ancien ministre d’extrême-droite Gérard
Longuet qui bouffe à tous les râteliers
en est un exemple, la France
colonialiste et néocolonialiste restera
un ennemi mortel de l’Algérie.
Gavez-vous bien, Monsieur Trévidic, des
crevettes royales et du pinard des
« indigènes » ou des « bougnoules »,
comme vos ancêtres les Gaulois nous
appelaient, nous vous en souhaitons une
bonne digestion. Et surtout, arrêtez de
donner vos leçons de pseudo démocratie
et de soi-disant droits de l’Homme à
toute la planète. Osez enfin vous
regarder en face, la France est un pays
en déclin et qui ne l’assume pas. Elle a
porté et soutenu tous les pourris de la
terre et elle ose parler de droits de
l’Homme ? Réveillez-vous,
franchouillards prétentieux et
déclinants, assassins et génocidaires,
l’Histoire que l’on vous enseigne à
l’école n’a rien à voir avec la réalité.
Arrêtez de tourmenter nos morts,
Monsieur Trévidic, respectez-les et
retournez à votre France chérie. Dégagez
de notre terre, notre douleur n’est pas
un spectacle.
Mohsen Abdelmoumen
Publié dans Oximity le
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