Interview
Jacob Cohen : « Les sionistes sont
passés maîtres
dans l’art de la
propagande »
Mohsen Abdelmoumen

Jacob Cohen. DR.
Vendredi 12 juin 2020 English version here
Mohsen
Abdelmoumen : Quelle est votre
analyse à propos de l’annexion de la
Cisjordanie ce 1er juillet ?
Jacob Cohen :
Le régime sioniste n’est pas assez fou
pour annexer toute la Cisjordanie, car
alors il lui faudrait naturaliser tous
les Palestiniens. Il veut seulement
annexer la Cisjordanie « utile »,
c’est-à-dire la Vallée du Jourdain,
empêchant ainsi un éventuel État
palestinien de contrôler ses propres
frontières et les grands blocs
d’implantations juives. Il continuerait
ainsi à disposer d’une main d’œuvre
soumise et bon marché, et de la
collaboration d’une police palestinienne
docile pour maintenir l’ordre colonial.
Il n’est pas
certain que cette annexion se fasse le 1er
juillet. Les sionistes sont gens
pragmatiques et savent reculer pour
mieux sauter.
Mais quoi qu’il en
soit, annexion ou pas, les sionistes ne
renonceront jamais à ces territoires
qu’ils revendiquent. La Vallée du
Jourdain leur est déjà implicitement
reconnue par toutes les grandes
puissances, même la Russie, pour assurer
« la sécurité d’Israël ». Et personne ne
peut imaginer que le régime sioniste
ramène 700 000 colons en-deçà de la
ligne verte.
Ce sont là les
grandes lignes d’un éventuel accord
israélo-palestinien, et l’Autorité
palestinienne fait semblant de croire,
folie ou bêtise, qu’elle pourrait
récupérer toute la Cisjordanie.
Comment
expliquez-vous que vingt ministres du
gouvernement israélien sont d’origine
marocaine ? Des sociétés de sécurité et
de défense israéliennes sont installées
au Maroc. Quelle lecture donnez-vous à
ces faits ? Le Maroc ne constitue-t-il
pas une véritable rampe de lancement de
la politique de normalisation prônée par
l’entité sioniste d’Israël ?
Seulement dix
ministres ont une lointaine attache avec
le Maroc, dont ils se fichent
éperdument. C’est le lobby
judéo-sioniste au Maroc, mené par le
« sayan » (agent du Mossad) André
Azoulay, conseiller de la monarchie
depuis quarante ans, qui fait tout pour
entretenir l’illusion d’une entente
parfaite entre le Maroc et ses anciens
citoyens juifs. Tout est fait au Maroc
pour raviver une flamme quasiment
éteinte. Ceci pour permettre la visite
d’Israéliens au Maroc, touristes,
artistes, hommes d’affaires, pour
pousser vers une normalisation
officielle des relations
israélo-marocaines.
Il est vrai que le
Maroc, depuis l’installation du Mossad
dans ce pays dès les années 50 pour
faire partir les juifs marocains vers
Israël, et l’accord soutiré à Hassan II
dès 1961 à cette fin, est l’allié de
fait d’Israël et son soutien pour sa
légitimation dans le monde arabe. Le roi
avait reçu en grande pompe en 1986, en
pleine intifada, les dirigeants
israéliens Rabin et Peres.
Par ailleurs le
Maroc, qui a besoin de l’appui
diplomatique américain pour assurer sa
mainmise sur le Sahara occidental, fait
tout son possible pour être agréable à
Israël, dont on connaît l’influence sur
les institutions américaines.
Comment
expliquez-vous le redéploiement
stratégique de l’entité sioniste
d’Israël dans toute l’Afrique ?
Ce redéploiement
avait commencé dès les années 60 après
les indépendances africaines, dans les
domaines du bâtiment et de
l’agriculture. Un redéploiement stoppé
par la guerre de juin 1967 et
l’occupation militaire de vastes
territoires arabes. Le mouvement
non-aligné à l’époque était encore très
influent.
Les accords d’Oslo
ont redonné une certaine honorabilité au
régime sioniste, car on supposait qu’il
allait accorder à terme un État aux
Palestiniens.
L’Afrique à partir
des années 90 n’était plus ce bloc
non-aligné sensible à une forme de
justice internationale. Elle était
rentrée dans le circuit mondialiste et
les questions de sécurité étaient
devenues primordiales.
Israël était devenu
un partenaire important et redouté.
N’a-t-il pas contribué à amputer le
Soudan de sa partie méridionale ? Ses
réseaux en Afrique de l’Est sont très
actifs et on connaît leur force de
frappe.
Enfin, petit à
petit, le régime sioniste est arrivé,
chose inconcevable il y a 20 ans, à
obtenir l’appui diplomatique de nombreux
pays africains lors de votes cruciaux
dans les instances internationales.
L’Algérie est un
des rares pays qui ne reconnaît pas
Israël. L’Algérie ne demeure-t-elle pas
une cible permanente de l’entité
sioniste d’Israël ?
Tous les pays
arabes sont une cible permanente de
l’entité sioniste.Même les pays qui se
soumettent ne sont pas définitivement
épargnés. Ainsi même le Maroc n’échappe
pas aux tentatives du Mossad de susciter
des élans de séparatisme dans les zones
berbères. Ne serait-ce que pour
maintenir la pression sur ce pays et lui
faire comprendre qu’il a intérêt à se
tenir à carreau.
Rappelons-nous le
destin de l’Irak et de la Syrie que le
régime sioniste a contribué à détruire.
L’Algérie
n’échappera pas à la vindicte sioniste,
qui cherchera à l’atteindre d’une
manière ou d’une autre. Mais ce pays est
loin, peu sensible à l’influence
étrangère, assis sur une rente
importante, avec une vieille histoire de
résistance nationale, et un sentiment
patriotique très fort. C’est ce qui lui
permet d’être l’un des rares pays à
tenir tête à l’entité sioniste. Et de
par sa position géographique et son
étendue, c’est un pays essentiel à la
sécurité régionale et donc préservé.
On connaît le
poids du lobby sioniste aux États-Unis
via l’AIPAC. Quel est le poids du lobby
sioniste en Europe ?
Aucune différence
si ce n’est d’un point de vue formel.
Aux États-Unis, le lobby sioniste a une
existence légale, avec ses réseaux
d’influences reconnus, ses édifices à
Washington et ailleurs, ses congrès où
tout candidat à un poste important,
sénateur ou président, doit faire son
apparition et exprimer son soutien à
Israël.
Alors qu’en Europe,
le lobby est plus discret mais il n’en
est pas moins efficace. Pratiquement
tous les pays européens ont interdit le
mouvement BDS, et repris à leur compte
la définition de l’antisémitisme
proposée par un organisme juif luttant
contre la « Shoah ». Avec ceci de
particulier que toute critique contre
Israël est assimilée à de
l’antisémitisme. Les pays européens
n’ont même pas été capables d’appliquer
leur résolution d’étiqueter les produits
qui proviennent des colonies sionistes
en Cisjordanie.
En France, au dîner
du CRIF (Conseil Représentatif des
Institutions Juives de France), tout
l’establishment de la République
française et à sa tête le président,
vient s’incliner et recevoir ses
instructions du lobby judéo-sioniste.
L’Union
européenne a créé un organisme de lutte
contre l’antisémitisme dirigé par
l’allemande Katharina Von Schnurbein.
Comment expliquez-vous que l’Union
européenne en arrive à créer un
organisme pour défendre les intérêts
d’Israël avec l’argent du contribuable
européen et qu’on n’hésite pas à
condamner tous ceux qui sont contre la
politique criminelle et fasciste
d’Israël en les qualifiant d’antisémites
?
L’«antisémitisme» a
été une trouvaille extraordinaire du
lobby judéo-sioniste en Europe.Certes,
on connaît l’histoire de la seconde
guerre mondiale. Mais depuis une
trentaine d’années, ce lobby a mis le
paquet pour en faire le plus grand fléau
du 21e siècle. Quelques
attentats arrangés ou montés en épingle,
quelques soi-disant agressions verbales,
quelques profanations qui tombent à pic,
une croix gammée égarée ici ou là, et
tous les réseaux médiatiques sont mis à
contribution pour faire croire à une
résurgence de l’antisémitisme. Les
gouvernements européens sont mis sous
pression. Ils ne peuvent s’autoriser la
moindre faiblesse.
Mais de la critique
contre Israël, on passe à
l’antisémitisme. L’argument est
fallacieux mais il marche. Lorsqu’on
critique Israël, on suscite la « haine »
contre ce pays et les citoyens juifs
européens, et donc les agressions
antisémites. Donc il ne faut pas
critiquer Israël. L’antisionisme devient
un délit car assimilé à l’antisémitisme.
Des manifestations pro-palestiniennes
sont interdites parce qu’elles
conduisent à l’antisémitisme.
L’antisémitisme est
devenu une espèce de chèque en blanc
donné aux sionistes pour faire ce que
bon leur semble en Palestine sans être
inquiétés, ni condamnés, ni critiqués.
Vous êtes un
grand militant antisioniste et un
défenseur de la cause juste du peuple
palestinien. Dans votre livre « Le
printemps des sayanim », vous
évoquez le rôle des sayanim dans le
monde. Pouvez-vous expliquer à notre
lectorat ce que sont les sayanim et quel
est leur rôle exact ?
Les « sayanim », en
hébreu « ceux qui aident », sont des
juifs qui vivent hors d’Israël, et qui
par patriotisme sioniste, collaborent
avec le Mossad dans leurs domaines
d’activité.
Ils ont été créés
dès 1959 par le chef du Mossad de
l’époque, Méir Amit. Ils sont
probablement entre 40 000 et 50 000.
Victor Ostrovski, ancien agent du Mossad
et réfugié au Canada, en parle pour
certaines affaires. Il avait estimé que
dans les années 80, dans la seule ville
de Londres, il y avait 3 000 sayanim.
Quelle est leur
utilité ? Le Mossad recrute des sayanim
qui travaillent bénévolement dans tous
les grands domaines. Exemple, les
médias : ces journalistes ou patrons de
presse juifs à travers le monde vont
orienter l’information de manière à
favoriser Israël au détriment des
Arabes.
Aux États-Unis, on
connaît la puissance juive dans
l’industrie du cinéma. Juste un exemple.
En 1961, Hollywood a produit le film
« Exodus » avec Paul Newman, qui raconte
la naissance d’Israël en 1948 d’un point
de vue sioniste. Ce film a façonné les
consciences occidentales pour au moins
une génération.
On pourrait dire la
même chose pour les institutions
financières installées à New York et
dominées par des judéo-sionistes.
En France, la
publicité, l’édition, la presse, la
télévision, l’université, etc. sont plus
ou moins contrôlés par des « sayanim ».
On comprend dès
lors la force de frappe du lobby
sioniste, une force de frappe qui reste
de plus invisible.
Le sionisme, qui
est le pur produit du Talmud et de la
kabbale juive, n’est-il pas une
idéologie à la fois raciste et
fasciste ?
Si on prend le
sionisme dans son acception politique,
c’est-à-dire dans la vision nationaliste
propre aux mouvements politiques du 19e
siècle, c’était une idéologie laïque et
progressiste. Elle avait séduit quelques
dizaines de milliers de militants,
particulièrement en Russie et en
Pologne, qui ont cherché à réaliser leur
idéal révolutionnaire en dehors des
mouvements progressistes de l’époque.
Ils voulaient transformer le peuple
juif, le rendre « normal ».
Malgré ces
caractéristiques, ces militants, en
arrivant en Palestine, avaient exclu
d’emblée les Arabes de leur projet
national. Les germes du racisme étaient
déjà plantés. Les Arabes, il fallait les
expulser ou s’en débarrasser d’une
manière ou d’une autre. Même les
kibboutzim, fleurons du « socialisme
sioniste », n’admettaient pas les Arabes
dans leur sein.
Les guerres et les
conquêtes, surtout des villes
« bibliques » situées en Cisjordanie,
ont précipité la société israélienne
vers un fascisme et un racisme
messianiques qui ne se cachent même
plus. La dernière « loi sur la nation du
peuple juif » établit clairement des
éléments racistes, comme par exemple la
possibilité pour une municipalité juive
de refuser des habitants arabes, bien
qu’ayant la nationalité israélienne.
La cause juste
du peuple palestinien n’a-t-elle pas
besoin d’une mobilisation plus intense
face aux offensives criminelles de
l’armée coloniale fasciste israélienne ?
Ne pensez-vous pas que le rôle des BDS
est très important pour contrer le
fascisme israélien ?
Pour les raisons
que j’ai évoquées plus haut, le régime
sioniste a réussi à étouffer, au moins
en partie, les revendications légitimes
du peuple palestinien. Vu que sur le
plan médiatique et au niveau des
relations avec les gouvernements des
principales puissances, la balance
penche du côté sioniste. C’est un fait.
Même les pays arabes, dans leur
majorité, et pour des raisons
inavouables s’en détournent.
Le BDS est une arme
extraordinaire, mais comme je l’ai dit,
il est de plus en plus interdit en
Occident car assimilé à un mouvement
« antisémite ». C’est aberrant, certes,
mais c’est ainsi. Exemple : l’Allemagne
a retiré un prix européen à une
écrivaine parce qu’elle avait fait
quelques mois auparavant des tweets
pro-BDS.
Comment
expliquez-vous qu’au moment où des
Occidentaux épris de liberté soutiennent
les BDS, des pays arabes tels que
l’Arabie saoudite, les Émirats, le
Qatar, etc. normalisent leurs relations
avec l’entité sioniste d’Israël dans le
cadre du « deal du siècle » dont Jared
Kushner est le fer de lance ?
Historiquement, ces
monarchies n’ont jamais soutenu les
Palestiniens, ou alors du bout des
lèvres, car elles craignaient le
potentiel révolutionnaire des mouvements
palestiniens dans les années 60 et 70.
Le monde arabe était alors divisé entre
« conservateurs » et « progressistes ».
À l’exemple de Hassan II cité plus haut,
ces monarchies n’attendaient que
l’occasion historique de normaliser
leurs relations avec le régime sioniste.
Il y va d’ailleurs de leur intérêt, de
l’intérêt des castes au pouvoir. On a vu
ce qui pouvait arriver aux régimes
arabes nationalistes ou progressistes
(Irak, Syrie, Libye). On a dû leur
mettre le marché en main : rentrer dans
le rang et collaborer avec Israël ou on
leur balance quelque « Daesh » ou des
mouvements séparatistes. Ces monarques
n’ont pas l’instinct suicidaire pour une
Palestine devenue un mythe de plus en
plus évanescent.
Quel est votre
opinion concernant le blocus infâme que
subit le peuple palestinien à Gaza,
alors que le monde est en pleine
pandémie du Covid-19 ?
Le régime sioniste
soumet le peuple de Gaza à un quasi
régime de camp de concentration.
Pourquoi quasi ? Parce que le conquérant
sioniste reste juste en deçà,
cyniquement et intelligemment, du niveau
qui ne pourrait plus laisser le monde
indifférent. Le blocus n’est pas
hermétique, laissant passer au
compte-goutte et selon le bon vouloir de
l’occupant, juste assez pour ne pas
sombrer. La zone de pêche est réduite ou
augmentée de façon à maintenir cette
épée de Damoclès sur tout pêcheur qui
ose sortir. L’électricité est limitée à
quelques heures par jour. L’information
de l’intérieur est réduite, les voyages
sont limités. Israël s’est même permis
il y a 2 ans environ d’interdire à des
parlementaires européens de pénétrer
dans la bande de Gaza. D’autant que la
complicité de l’Egypte permet de
maintenir cet état de fait, et que
l’Autorité palestinienne retient tous
les versements aux fonctionnaires de
Gaza. On donne l’impression au monde que
les Gazaouis s’en sortent péniblement
certes, mais qu’ils y sont pour quelque
chose, car ils lancent de temps en temps
quelques roquettes et le Hamas est
considéré comme une organisation
« terroriste ». Les sionistes sont
passés maîtres dans l’art de la
propagande, avec la complicité des
gouvernements occidentaux. Et Gaza en
paie un terrible prix.
Vous avez été
menacé et agressé à plusieurs reprises,
notamment par la Ligue de Défense juive,
pour avoir soutenu la cause du peuple
palestinien et pour être antisioniste.
Comment expliquez-vous qu’en France,
pays qui se targue d’être un État de
droit et qui se fait le chantre des
droits de l’homme et de la liberté
d’expression, on laisse agir en toute
impunité des milices fascistes comme le
Betar (ndlr : mouvement de
jeunesse juif sioniste radical), la LDJ,
le CRIF qui défendent les intérêts
d’Israël ?
Il y a d’abord
l’histoire de la seconde guerre mondiale
et du régime de Vichy, qui laisse un
sentiment de culpabilité, sentiment
savamment exploité par le lobby
judéo-sioniste avec la multiplication
des films sur la Shoah qui passent et
repassent interminablement sur les
chaînes françaises.
Il y a ensuite
l’action des « sayanim » très présents
dans les médias et autres institutions,
et qui terrorisent, le mot n’est pas
trop fort, tous ceux qui dévient le
moins du monde. Prenez Dieudonné, on en
a fait le diable au point que l’on peut
appeler à son assassinat impunément. Par
contre, dire 2 ou 3 mots de travers à
Éric Zemmour dans la rue, et le
président de la République l’appelle au
téléphone pendant 40 minutes.
Il y a enfin une
très grande lâcheté des intellectuels,
des journalistes, des politiques
français qui n’en pensent pas moins mais
se taisent. La peur du CRIF les
tétanise. Rappelez-vous
Etienne Chouard, un intellectuel
très réputé qui s’était fait connaître
lors du référendum sur l’Europe en 2005
et pour son soutien aux Gilets Jaunes.
On l’a sommé de s’expliquer » sur les
chambres à gaz sur le site « Le Média.
Le malheureux a tenté de se débiner. On
l’a abreuvé d’injures. Il est allé
s’excuser sur « Sud Radio ». Il a depuis
perdu toute crédibilité.
Comment
expliquez-vous que tous les médias
restent silencieux à propos des crimes
de l’entité sioniste d’Israël et qu’ils
ne donnent pas la parole à des personnes
comme vous ? Où est la liberté
d’expression dont ces pays occidentaux
se vantent ? D’après vous, les médias de
masse ne servent-ils pas une
oligarchie ?
Les médias modernes
ne sont pas censés traquer la vérité et
la proclamer. Voir la façon dont ils ont
traité le covid19 et le big-pharma. Voir
aussi le traitement des présidents Trump
et Poutine par ces médias, ou l’affaire
syrienne. Les grands médias
appartiennent soit à l’État (radios et
télévisions publiques) soit aux
oligarchies financières, qui sont tous,
je l’ai montré, proches des intérêts du
lobby sioniste. Donc, lorsqu’ils se
targuent d’être libres et de favoriser
la liberté d’expression, ils font juste
de l’autopromotion en mentant
effrontément. D’ailleurs la tendance, au
nom de cette « liberté d’informer », est
de traquer les soi-disant fake news, en
fait les informations qui ne rentrent
pas dans le moule. Et tant que ce
rapport de force durera, les crimes de
l’entité sioniste seront tus ou
amoindris, et les droits du peuple
palestinien ignorés.
D’après vous,
les accords d’Oslo n’ont-ils pas été une
grande arnaque qui a lésé les
Palestiniens en les privant de leurs
droits ?
Les accords d’Oslo
ont été l’une des plus belles arnaques
diplomatiques du siècle. Avec le
consentement des Palestiniens. Dans une
relation SM (sado-maso), le maître et
l’esclave assument librement leur rôle.
Le maître sioniste a trouvé dans Arafat
l’esclave idéal pour jouer le rôle.
Je le dis avec
beaucoup de tristesse et de rage. Mais
la réalité est là. Arafat avait disparu
de la scène internationale en 1992.
Lorsque Rabin lui fait signe, il ne se
retient plus. Il allait revenir sous les
feux de l’actualité.
C’est le coup de
génie de Rabin. Israël était dans une
situation très difficile, disons
catastrophique. L’Intifada montrait une
armée d’occupation surarmée et brutale
face à des gamins jetant des pierres. La
cause palestinienne était au sommet. Si
Rabin avait contacté Barghouti, le
leader de l’Intifada, celui-ci aurait eu
des exigences strictes et inflexibles :
L’indépendance ou rien.
Arafat a renoncé à
tout. Sur toutes les questions
sensibles, les réfugiés, Jérusalem, les
colonies, les frontières, l’État
indépendant, Rabin lui a dit : « on
verra plus tard ». Et Arafat a accepté.
Et en plus, il a
livré 60% de la Cisjordanie sous la
souveraineté totale d’Israël. C’est la
zone C, sur laquelle sont construites
les grandes villes d’occupation.
À la limite, Arafat
aurait pu réaliser après 2 ou 3 années
qu’il s’était fait manipuler, que les
sionistes ne lui donneront jamais un
État, et claquer la porte, et remettre
l’occupant devant ses responsabilités.
Mais non, il a continué jusqu’à sa mort
et Mahmoud Abbas poursuit dans la même
voie, qui conduit à l’étranglement
progressif de ce qui reste de la
Palestine.
Mais pour Rabin, et
le régime sioniste, le gain était
fantastique. Israël n’était plus
l’occupant. Le monde entier faisait
semblant de clamer la nécessité des 2
États. Il suffisait d’être patient et de
négocier. Le régime sioniste a ainsi
rétabli une grande part de sa
crédibilité et de sa légitimité
internationales.
On a vu les
États-Unis et le monde entier choqué par
la façon dont George Floyd a été
assassiné par un policier. Or, les
Palestiniens subissent les mêmes sévices
au quotidien, cette prise (technique
dite d’étranglement) étant souvent
utilisée par l’armée israélienne,
Tsahal. Comment expliquez-vous que
personne ne conteste cela ? Le monde
s’est ému à juste titre devant le
meurtre de George Floyd, pourquoi ne
réagit-il pas quand ce sont des
Palestiniens qui se font assassiner ?
On revient toujours
au même problème. Ce sont les médias qui
font l’actualité. Et les médias sont
contrôlés par qui ? Les Palestiniens
n’ont pas voix au chapitre pour les
raisons évoquées plus haut. Car lorsque
les médias décident de gonfler un
problème, ils y arrivent.
Interview
réalisée par Mohsen Abdelmoumen
Qui est Jacob
Cohen ?
Jacob Cohen est un
écrivain et conférencier né en 1944.
Polyglotte et voyageur, militant
antisioniste, il a été traducteur et
enseignant à la faculté de droit de
Casablanca. Il a obtenu une licence en
droit à la faculté de Casablanca puis
est entré à Science-Po à Paris où il a
obtenu son diplôme de Science-Po ainsi
qu’un DES en droit public. Il a vécu à
Montréal, puis à Berlin. En 1978, il est
retourné au Maroc et où il est devenu
maître-assistant à la faculté de droit
de Casablanca jusqu’à 1987. Il s’est
installé ensuite à Paris où il se
consacre désormais à l’écriture. Il a
publié plusieurs livres, dont « Le
commando de Hébron » (2014), « Dieu
ne repasse pas à Bethléem »
(2013), « Le
printemps des Sayanim » (2010),
« L’espionne
et le journaliste » (2008), « Moi,
Latifa S. » (2002).
Il tient un
blog et se produit sur
YouTube où il évoque divers sujets.
Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour
publication
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