Interview
Le Dr. Daniel Warner:
« La relation américano-saoudienne est
basée
sur l’argent et les bases militaires »
Mohsen Abdelmoumen
Le Dr.
Daniel Warner. DR
Dimanche 7 avril 2019
Le Dr. Daniel Warner nous parle de
l’Algérie et de la politique étrangère
américaine
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Le Dr. Daniel
Warner est un politologue américain qui
vit depuis 1972 à Genève en Suisse. Il
est titulaire d’un baccalauréat en
philosophie et religion de l’Amherst
College, aux États-Unis, et d’un
doctorat en sciences politiques de
l’Institut universitaire des Hautes
Études internationales de Genève (HEID).
À 21 ans, il a travaillé pour Bobby
Kennedy qu’il admirait et a notamment
participé au discours que le sénateur
Kennedy a prononcé à Los Angeles en
1968, juste avant d’être assassiné.
Refusant de participer à la guerre du
Vietnam, il s’est engagé comme
enseignant dans les quartiers difficiles
et a été l’un des premiers Blancs à
enseigner dans une école noire de
Harlem. Il a également beaucoup milité
pour le mouvement des droits civiques
avant de quitter les États-Unis pour
l’Europe où il s’est installé à Genève.
Jusqu’en 2010, le
Dr. Warner a été directeur du Centre
pour la gouvernance internationale (CIG)
à l’Institut de hautes études
internationales et du développement
(HEID) en Suisse. Docteur en sciences
politiques, il a été conseiller auprès
de l’OIT (Organisation internationale du
Travail), de l’UNHCR (Haut Commissariat
des Nations unies pour les réfugiés) et
de l’OTAN, ainsi que consultant auprès
des ministères des Affaires étrangères
et de la Défense de la Suisse. Il a
donné des conférences à Oxford, à
Cambridge, à Yale, à l’Université d’État
de Moscou, à l’Université hébraïque,
etc. et ses travaux ont été traduits en
français, allemand, russe, arabe et
persan.
Le Dr. Warner a
bien voulu répondre à quelques
questions, notamment concernant les
grandes manifestations qui se déroulent
depuis le 22 février en Algérie et qui
ont conduit le président Bouteflika à
démissionner. Le Dr. Warner a écrit un
article qu’il a publié dans la presse
alternative, notamment dans Counterpunch
et qu’il a repris dans son blog « And
Now Algeria ». Lui demandant comment il
voyait l’évolution de la situation en
Algérie, il m’a répondu que la période
de stagnation était terminée en Algérie
du fait de la santé du président
Bouteflika et de la population dans les
rues, et que ce qui s’était passé ne
pouvait pas continuer. Comme je
m’étonnais de son intérêt particulier
pour l’Algérie, il m’a confié avoir eu
l’honneur de former des diplomates
algériens sur place et à Genève, ainsi
que de donner des conférences et de
visiter le pays, en plus d’avoir de bons
amis algériens à Genève.
Au sujet de la
politique étrangère des États-Unis, j’ai
demandé au Dr. Warner ce qu’il pensait
du soutien indéfectible des États-Unis à
l’Arabie saoudite alors que celle-ci a
répandu le wahhabisme dans toute la
planète de l’aveu même du prince
héritier Mohammed ben Salmane. D’après
le Dr. Warner, la relation
américano-saoudienne est basée sur
l’argent et les bases militaires, et
lorsque je lui ai parlé du silence
international face à la guerre du Yémen
que menait l’Arabie saoudite en
utilisant même de l’uranium appauvri
contre la population yéménite, il a
ajouté que l’Arabie Saoudite était
intouchable par les États-Unis en
précisant que même la Suisse s’était
abstenue de condamner l’Arabie saoudite
au Conseil des droits de l’homme. Le
constat du Dr. Warner est similaire à
celui du Dr. Bruce Riedel, ancien haut
responsable de la CIA et conseiller de
quatre présidents des États-Unis, que
j’avais interviewé en octobre 2016 et
qui m’avait parlé de l’Algérie en disant
beaucoup de bien des services de
renseignement algériens, le DRS, et qui
m’avait aussi confié que rien ne pouvait
altérer les relations historiques entre
les États-Unis et l’Arabie Saoudite qui
dataient de l’époque de Franklin Delano
Roosevelt.
Je l’ai également
interrogé sur la décision de
l’administration Trump de reconnaître la
souveraineté d’Israël sur le Golan en
dehors de toute légitimité. Le Dr.
Warner a admis que la reconnaissance de
l’appartenance du plateau du Golan à
Israël est contre le droit
international, mais compatible avec le
parti pris à l’égard d’Israël, tout
comme le transfert de l’ambassade US à
Jérusalem.
Répondant à ma
question sur la gouvernance de Donald
Trump, le Dr. Warner estime qu’elle est
au-delà de toute réponse rationnelle,
considérant que la politique et les
politiciens d’aujourd’hui
correspondaient à ce que Benjamin DeMott
appelait il y a de nombreuses années la
politique poubelle.
Concernant la
nécessité d’avoir un monde multipolaire,
pour lui qui a visité l’URSS pour la
première fois en 1984 et qui se rend
régulièrement en Russie depuis lors, le
multilatéralisme est la seule réponse à
la politique mondiale.
À ma question sur
l’obsolescence de l’OTAN, connaissant
parfaitement cette organisation
puisqu’il y a été conseiller, le Dr.
Warner estime que l’OTAN a besoin d’une
réforme sérieuse.
Ses articles
peuvent être consultés sur son
blog.
Interview réalisée
par Mohsen Abdelmoumen
Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour
publication
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