Algérie
L’héritage des Novembristes
vs. le legs désastreux des Bouteflika
Mohsen Abdelmoumen
Samedi 6 juillet 2019
Aujourd’hui, l’Algérie commémore le 5
juillet, date de l’Indépendance du pays.
Dans la longue nuit coloniale, des
braves se sont levés et ont combattu
vaillamment les occupants pour libérer
la patrie. Ils ont réussi leur mission
historique au prix d’immenses
sacrifices. Mais qu’a-t-on fait de
l’Algérie ? Après que ces valeureux
combattants se soient sacrifiés pour
nous donner un pays grand et beau et qui
possède tous les atouts pour réussir,
des misérables sont venus, suffisants et
fiers de leur insignifiance, et ont
ruiné le pays, léguant aux jeunes
générations un pays exsangue, à l’image
d’un président impotent et de sa cour
qui est toujours aux affaires. Si les
Novembristes et la génération des Ben M’Hidi
et Ben Boulaïd symbolisent la fierté et
l’honneur des Algériens, les corrompus
de tous bords et vieilles épaves qui se
chamaillent dans une guerre des clans
menant le pays droit dans un précipice,
représentent la déchéance totale et ce
qu’il y a de plus abject dans l’être
humain. Ils n’ont aucune feuille de
route, aucune vision d’avenir, seul
compte leur intérêt personnel. Au moment
où le peuple manifeste tous les
vendredis pour un changement, les
tenants du pouvoir actuel gagnent du
temps et utilisent tous les subterfuges
pour se maintenir à leur place et
conserver leurs privilèges. Telle est
l’Algérie d’aujourd’hui et telles sont
les conséquences du règne calamiteux de
Bouteflika que j‘ai dénoncé pendant des
années. Pendant que moi et d’autres
hommes d’honneur dénoncions le joug du
nouveau colonialisme de Bouteflika et sa
clique, d’autres se gavaient à la
mangeoire, et les voilà maintenant en
train de fanfaronner et de se prendre
pour des révolutionnaires en léchant les
bottes des puissants du moment. C’est
pour cela que j’ai écrit à maintes
reprises que la crise que Bouteflika
nous avait ramenée n’était pas seulement
politique et économique, elle était
avant tout morale. En effet, en
généralisant la corruption, en frappant
tous les repères de la société
algérienne, Abdelaziz Bouteflika a
foudroyé la société algérienne. Il a
distillé un poison lent, celui de la
corruption, de l’opportunisme, du
régionalisme, du clientélisme, du
népotisme… que des maux ! Au lieu de
bâtir un État sérieux, il nous a fait
revenir à l’âge de pierre, dans le
non-État. Ce que nous vivons maintenant
en est le symbole. Nous baignons dans un
climat délétère où chacun accuse tout le
monde de trahison, où se sont répandus
les faux prophètes et les charlatans, où
les télévisions offshore
rejointes par la télévision publique
l’ENTV se livrant à une prostitution
médiatique qui souille tous les espaces,
où règnent le larbinisme, la chita
et el rokhs, où l’on continue à
vénérer les personnes au lieu de vénérer
le tout puissant. En effet, nous sommes
passés de la vénération du cadre de
Bouteflika au culte de la personnalité
dans tout ce que cela comporte de
hideux. Telles sont les conséquences des
vingt ans de règne de Bouteflika et,
avec un pareil personnage au pouvoir, ça
ne pouvait pas aboutir à autre
chose qu’à un désastre politique, un
désastre économique, et un désastre
moral.
Bien évidemment, leur guéguerre des
clans pour le maintien de leurs
privilèges ne nous intéresse pas. C’est
la raison de mon silence par rapport à
l’actualité algérienne. Je préfère
réaliser des interviews avec des gens
intelligents sur des questions
importantes où l’on ne passe pas son
temps à tourner en rond. J’ai tout dit
auparavant et ce que j’ai écrit pendant
des années est toujours d’actualité. Je
constate que, malheureusement, et malgré
la détermination et le courage du peuple
algérien, nous ne sommes pas encore
sortis de l’auberge. Les écuries
d’Augias ne sont pas tout à fait
nettoyées, et il reste beaucoup à faire.
Et ce n’est pas avec les outils ou les
pions du bouteflikisme que l’on va
arriver à un résultat probant. Les
énergumènes qui faisaient partie du
règne de Bouteflika sont aujourd’hui
dans les mêmes postes, or ceux qui font
partie du problème ne peuvent pas être
la solution. Bien au contraire, ils
continuent à être le problème. Ceux qui
ont fait des courbettes devant les
Bouteflika pendant des années et qui ont
voulu un 5e mandat pour une momie, un
cadre, courbent aujourd’hui l’échine
devant un nouveau maître. Le roi est
mort, vive le roi ! Une race d’esclaves
soumis ne peut pas construire un pays.
L’Algérie est un immense chantier où
tout est à refaire. Pour cela, il faut
des hommes intègres, des vrais
patriotes, et non pas des intermittents
du spectacle, des faux dévots et des
usurpateurs. Le désert politique causé
par le règne des Bouteflika n’arrange
certainement pas les choses. Il faut
tout refaire et tout revoir, que ce soit
au niveau politique ou économique.
L’Algérie regorge de compétences mais il
y a une absence de confiance entre le
peuple et ses dirigeants. Aujourd’hui,
la situation économique est intenable et
la situation politique est chaotique.
L’un des signes majeurs de cette crise
politique est que les élections ont été
reportées deux fois, ce qui constitue un
précédent dangereux dans l’histoire de
l’Algérie. La crise du système a atteint
son apogée, ce même système qui n’a pas
les moyens de se régénérer et qui
s’enfonce dans une impasse périlleuse
pour le pays. Au lieu de trouver des
solutions, on gère à la petite semaine
en fonctionnant au gré du vent, le
bricolage continue et bien sûr le pays
perd un temps très précieux. La fratrie
Bouteflika a accomplis sa mission avec
brio, elle a réussi à tout dévaster.
Néanmoins, il ne
faut pas perdre espoir car l’Algérie a
déjà connu des situations de crise
qu’elle a pu surmonter. Et bien sur,
c’est en comptant sur ses dignes fils
patriotes et sa jeunesse dynamique qui
rêvent d’une Algérie belle et prospère
qu’elle pourra s’en sortir. Le peuple,
dans sa sagesse, sait que c’est dans
l’union que l’Algérie trouvera la
solution à sa crise et ne cèdera pas aux
tentatives de certains qui utilisent le
régionalisme et la division en insultant
l’amazighité, se moquant de son drapeau
en le traitant de drapeau de la
fourchette, ou en évoquant une opération
d’el manjel (la faucille). On
répond à ceux là que pour faire une
révolution, il faut une faucille et un
marteau et, bien sûr, d’autres outils de
construction. Il faut arrêter de
répandre vos salades de mouches et de
« tic » dans les réseaux sociaux que
vous polluez à longueur de journée. On
vous connaît toutes et tous et on
connait votre passé. Ce qui se passe
dans les réseaux sociaux est aberrant.
Quand on attaque des symboles de la
Révolution comme Djamila Bouhired et
Lakhdar Bouregaâ (même si on n’est pas
d’accord avec son opinion), que
reste-t-il ? Si chaque individu donnant
son opinion est emprisonné, où
allons-nous ? Si voir le peuple algérien
redécouvrir la politique et s’impliquer
a été enthousiasmant et réconfortant,
lui qui avait démissionné pendant des
années et avait laissé les Bouteflika
faire de l’Algérie ce qu’ils voulaient,
le bas niveau qui s’est installé dans
les réseaux sociaux et qui est voulu et
entretenu par certains est dégradant et
peu rassurant. Mais je ne perds pas
espoir de voir les forces du progrès
tirer le débat vers le haut, ce dernier
étant actuellement au ras des
pâquerettes. Et c’est voulu par les
mouches électroniques et ceux qui les
paient ! Arrêtez vos manœuvres, vos
enregistrements, vos fuites organisées,
et vos provocations contre le peuple !
On n’a pas besoin d’enregistrements ni
de fuites pour savoir à qui l’on a
affaire, à savoir des incompétents, des
bras cassés, voire des traîtres. Je ne
veux même pas citer des noms, ils ne
m’importent pas. Je n’ai aucune envie de
les citer. Ce n’est pas une question de
personnes, c’est un système qui est
arrivé au bout de sa course et qui
tourne à vide. Le peuple algérien a
demandé le départ du système, tout le
système Bouteflika sans exception doit
partir ! Le peuple continuera à
manifester massivement jusqu’à votre
départ. Berkaw men el laab !
Arrêtez de jouer !
Mais revenons à
Novembre et à ses enseignements pour
dire que l’Algérie des braves et des
chouhada triomphera sur tous les
usurpateurs et les crapules quels qu’ils
soient. L’Algérie n’est pas un jouet, ni
un lot de terrain, ni un puits de
pétrole qui sert à remplir la panse des
rapaces. Ce 5 juillet n’est pas comme
les autres, il s’inscrit dans la
continuité de Novembre. Depuis 1962,
jamais nous n’avions vu un raz-de-marée
dans les rues comme aujourd’hui. Le
peuple algérien a décidé de montrer
qu’il était bien décidé à chasser le
système moribond et à écrire une
nouvelle page dans le grand livre de
l’histoire glorieuse de l’Algérie.
L’Algérie, c’est un chant d’espoir porté
par nos braves Immortels que sont les
martyrs de la Révolution et qui est
repris aujourd’hui en chœur par tout le
peuple algérien, héritier de cette
épopée extraordinaire. Bonne fête du 5
juillet à tous les patriotes ! Nous
avons triomphé de Bouteflika et de son
gang. Nous triompherons sur l’infamie et
l’arbitraire. L’Algérie vivra contre
vents et marées et le chant des martyrs
résonnera toujours dans l’éternité.
L’héritage des enfants de Novembre,
c’est avant tout l’espoir. Gloire à nos
martyrs ! Tahia El Djazaïr !
Mohsen
Abdelmoumen
Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour
publication
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