Algérie Résistance
Dr. Éric Denécé : « Suite à ses
déconvenues en Syrie
et en Irak, Daesh
va relancer son action terroriste
dans
le monde »
Mohsen Abdelmoumen
Dr. Eric
Denécé. DR.
Samedi 1er octobre 2016
English version here:https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2016/10/01/dr-eric-denece-following-his-disappointments-in-syria-and-iraq-daesh-will-boost-his-terrorist-action-in-the-world/
Mohsen Abdelmoumen :
Plusieurs mois après les attentats qui
ont frappé Paris et Bruxelles,
pensez-vous que les gouvernements
occidentaux ont tiré les conclusions
qu’il faut ?
Dr. Éric Denécé :
Tous les États occidentaux sont
convaincus que le terrorisme djihadiste
est la première menace contre la
sécurité nationale et accordent des
moyens croissants à la lutte. Mais il
est difficile de généraliser davantage
car les situations sont différentes d’un
pays à l’autre. La France, par exemple,
est davantage ciblée – en raison de ses
opérations extérieures – et concernée –
en raison de la présence sur son sol
d’une importante population issue de
l’immigration. Si l’on excepte la
Bulgarie, la France est le pays de
l’Union européenne qui compte le plus
grand nombre de musulmans sur son sol.
Or, si 95% de nos compatriotes sont tout
à fait respectables et respectueux des
lois, il existe toutefois une importante
minorité radicalisée dans laquelle
recrutent Daesh et Al-Qaïda. Le problème
connait donc chez nous une ampleur
particulière, qui n’est pas comparable,
par exemple, à l’Allemagne ou à
l’Italie.
Qu’en est-il de la
coopération entre les services de
renseignement dont certaines de nos
sources dans le renseignement affirment
que cette coopération ne s’est pas
améliorée ?
Depuis 2001, la coopération
internationale entre les services de
renseignement et de sécurité s’est
considérablement améliorée. Ceux qui le
nient ne sont pas sérieux. Dans le camp
occidental, elle est supérieure à celle
qui existait du temps de la guerre
froide, à l’occasion de la guerre de
l’ombre contre le KGB. Toutefois, la
coopération n’est jamais absolument
parfaite et il n’est pas toujours
possible de coopérer avec tout le monde,
pour des raisons politiques. Par
exemple, en raison de sa politique
incohérente en Syrie, Paris s’est privé
d’une possibilité de coopération avec
les services syriens. De plus, en raison
de l’accueil sur notre sol de
l’organisation iranienne des
Moudjahidines du peuple, nous nous
privons de fructueux échanges de
renseignements avec Téhéran. Plus
globalement, une coopération n’est
efficace que si les différents services
impliqués disposent de capacités
d’acquisition du renseignement, sinon
cela limite les termes de l’échange.
Ainsi, les grands services sont toujours
plutôt arrogants vis-à-vis des plus
petits.
Comment expliquez-vous que
des individus fichés et surveillés pour
terrorisme disparaissent dans la nature
et que certains d’entre eux fomentent
des attentats ? Le dispositif
antiterroriste en Europe est-il
opérationnel ? À titre d’exemple
Merouane Benahmed, ancien du GIA
algérien assigné à résidence à Evron et
qui s’est volatilisé.
Être fiché ne signifie pas avoir
commis un acte qui permette
l’arrestation. Rappelons qu’en France,
nous vivons dans un état de droit et que
toute interpellation doit répondre à des
critères judiciaires précis. Ce n’est
pas parce que les services de
renseignement intérieurs ont été
capables d’identifier des milliers
d’individus fréquentant des mosquées
radicales, des sites internet
djihadistes ou ayant côtoyé des
islamistes en prison, que la police peut
les arrêter. Il est donc logique que la
très grande majorité de ceux qui passent
à l’action soit déjà dans les fichiers.
Mais nous ne sommes pas un Etat
totalitaire et il est impossible –
heureusement – d’incarcérer des
individus avant qu’il n’aient commis un
méfait. Rappelons tout de même que la
loi française dispose de la possibilité
d’interpeller des personnes se préparant
à commettre un attentat. Mais la loi
fait bien la différence entre les
fréquentations et l’intention, qui ne se
traduira peut être pas, et la
planification d’un attentat.
Je pense que notre dispositif
antiterroriste est globalement
opérationnel. Certes, il pourrait être
encore amélioré, mais les évolutions
resteront marginales, bien qu’utiles.
Aujourd’hui, l’opinion et la presse se
focalisent sur les attentats commis.
C’est compréhensible. Mais ces actions,
pour la plupart, étaient difficilement
identifiables avant. Il faut sans cesse
expliquer à la population que le risque
zéro n’existe pas et que même en
multipliant nos effectifs de sécurité
par 10, nous n’empêcherons jamais tous
les attentats. Il suffit d’observer la
situation en Israël pour le comprendre.
Enfin, je rappelle que le terrorisme
est, de très loin, la plus faible cause
de mort violente en France. Il
représente en moyenne, chaque année à
peine 1% des homicides et 0,06% des
morts violentes… Nous sommes loin des
chiffres des « années noires » en
Algérie.
Les services de renseignement
occidentaux ont-ils appris les leçons du
combat antiterroriste contre les maquis
du GIA lors de la tragédie noire et
rouge qu’a vécue l’Algérie ?
Oui et non. Tout n’est pas
transposable dans le cas de la décennie
« noire ». Nous n’avons pas
« d’Afghans » rentrant auréolés en
France, l’islam radical ne concerne que
moins de 1% de notre population, notre
situation politique et sécuritaire est
différente. Si le risque terroriste est
réel et pourrait encore s’accroître,
nous ne sommes pas au bord d’une guerre
civile.
On parle, notamment à
Europol, d’une véritable invasion de
Daesh en Europe. Avez-vous des
informations à ce sujet ?
Il convient de rester mesuré. Certes,
nous craignons l’arrivée de terroristes
– notamment dissimulés au sein des flux
de migrants – et nous savons que
beaucoup sont déterminés à passer à
l’action. Oui la menace est bien réelle.
Mais il ne faut pas jouer à se faire
peur pour accroitre un climat anxiogène
déjà fort développé.
Des quartiers comme Molenbeek
à Bruxelles continuent à être des
sanctuaires pour les terroristes,
comment expliquez-vous que cela soit
toléré au cœur même de la capitale
européenne ?
Notre système démocratique – qui est
le moins mauvais des systèmes et non le
meilleur – permet aux extrémistes de
faire entendre leur voix, d’avoir pignon
sur rue, de réclamer des libertés qu’ils
n’accorderaient eux-mêmes à personne
s’ils parvenaient au pouvoir. C’est à la
fois paradoxal et dommageable, mais
ainsi est fait notre système. Il faut de
nouvelles lois et l’accord de l’opinion
pour restreindre leurs possibilités
d’expression et d’action. Certains
États, plus laxistes ou hésitants que
d’autres ne font rien.
Ainsi se créent des situations comme
Molenbeek ou certaines banlieues
françaises, qui sont en passe de devenir
de véritables zones de non droit.
Comment voyez-vous
l’évolution de la situation en Syrie ?
Daesh va-t-il s’adapter et se
transformer suite à cette nouvelle
configuration géopolitique ? Quelles en
seraient les conséquences ?
C’est encore difficile à dire. Mais
tout laisse à penser que, suite à ses
déconvenues en Syrie et en Irak, Daesh
va relancer son action terroriste dans
le monde, tout en essayant de sauver une
partie des territoires qu’il contrôle,
car l’organisation a besoin d’une base
arrière, d’un socle territorial, sinon
le califat deviendrait virtuel … ce qui
équivaudrait à sa mort. Un accroissement
du terrorisme est donc possible, en
Europe, dans le Caucase… et ailleurs
dans le monde.
La Libye reste un épicentre
du terrorisme mondial, comment résoudre
cette équation libyenne très compliquée
et quels seront les acteurs majeurs du
règlement de cette crise ?
Je serais tenté de dire que le chaos
actuel a commencé en Libye, en raison
d’une intervention occidentale
totalement irraisonnée et contre
productive. Le parlement britannique
vient de rendre, cet été, un rapport
critiquant l’action de David Cameron.
J’attends qu’une manifestation similaire
ait lieu en France quant à la politique
de Nicolas Sarkozy. Toujours est-il que
cette intervention a profondément et
durablement déstabilisé la région et que
la Libye est devenue le premier point de
chute des combattants de Daesh fuyant la
zone syro-irakienne. Ajoutons à cela que
ce pays se manifeste par ses divisions
tribales, urbaines et politiques, tout
en disposant d’armes à profusion… Tout
cela n’arrange guère la situation.
Toutes nos sources dans les
services de renseignement européens et
autres nous affirment que combattre le
terrorisme sans s’attaquer à l’idéologie
qui l’a généré s’avère inutile. Les pays
et les gouvernements occidentaux
peuvent-ils combattre ce phénomène,
notamment dans les prisons qui se sont
transformées en centre de recrutement de
terroristes ?
C’est à mon sens LA question clé. En
ne luttant que contre les groupes et les
individus armés, nous ne faisons
« qu’écoper ». Or, c’est la voie d’eau
qu’il convient de colmater pour que le
navire ne coule pas. Aujourd’hui, il est
essentiel de lutter contre les courants
idéologiques qui fondent et
entretiennent les dérives islamistes
violentes : le salafisme, le wahhabisme,
l’idéologie néfaste des Frères
musulmans. Et, en toute logique et
cohérence, il faut également lutter
contre les États qui soutiennent ou
répandent ces idéologies, en particulier
le Qatar, l’Arabie saoudite, la Turquie
d’Erdogan, etc. Mais les dirigeants
occidentaux, empêtrés dans une vision
passéiste du monde – et parfois
bénéficiant directement des largesses de
ces Etats – se refusent à mettre en
place une telle politique. En
conséquence, l’action sécuritaire se
trouve limitée dans son efficacité et ne
peut agir que sur les conséquences du
problème sans pouvoir en régler les
causes.
Les gouvernements occidentaux
peuvent-ils combattre le terrorisme tout
en ayant de bonnes relations avec
l’Arabie saoudite et le Qatar, réputés
être la matrice qui génère le terrorisme
?
Bien sûr que non ! C’est une
illusion. Mais ils ne veulent pas s’en
défaire. Cela est d’autant plus
contradictoire, que si l’on applique une
grille de notation « démocratique », ces
deux États sont encore plus
inégalitaires que la Syrie (d’avant la
guerre) ou l’Iran. Nous nageons donc en
pleine contradiction. Tant que cette
alliance contre nature et
contre-productive ne sera pas remise en
cause, il est vain d’attendre des
résultats sérieux.
Comment peut-on tolérer que
des terroristes communiquent et
maîtrisent les outils de communication
modernes, comme la messagerie cryptée
Telegram, alors que la NSA et d’autres
services contrôlent toutes les écoutes ?
Le combat par la communication et
l’information n’est-il pas aussi
important que celui de combattre
idéologiquement et militairement le
terrorisme ?
Ce n’est pas le problème de Telegram,
mais de tous les réseaux sociaux et des
technologies de télécommunications. Nous
vivons dans une société mondialisée où
les moyens de communication sont, le
plus souvent, librement accessibles à
tous, aux terroristes compris. De plus,
en leur en laissant le libre accès, cela
permet généralement aux services
d’interception de surveiller la plus
grande partie de leurs transmissions.
Mais depuis l’affaire Snowden, les
takfiris semblent en être revenus à des
modes de communication plus classiques
(courriers humains), qui ne peuvent être
interceptés… mais qui ralentissent les
échanges ou la transmission des ordres.
Il n’y a pas de solution magique et l’on
ne peut revenir en arrière. Il est
logique que terroristes et criminels
tirent avantageusement parti des
avancées technologiques pour développer
leurs actions. À nous de nous adapter.
D’après nos sources dans le
renseignement, la nébuleuse terroriste
en Europe continue à fonctionner comme
avant, elle s’est juste adaptée à la
nouvelle conjoncture. N’y a-t-il pas un
laxisme de la part des gouvernements
occidentaux ?
Non, il n’y a pas de laxisme. Mais il
existe toujours un décalage entre ceux
qui ont l’initiative (les terroristes)
et ceux qui répondent à une menace en
constante évolution… tout en devant
tenir compte de l’opinion. Je crois que
l’on considère trop souvent que les
terroristes agissent à leur guise, ce
qui est faux : nombre de leurs actions
sont déjouées et leur liberté d’action
est limitée par l’action des services de
sécurité. Ce qui ne les empêche
cependant pas de commettre des attentats
via leurs séides présents sur notre sol.
D’où la nécessité de continuer les
efforts afin d’améliorer l’efficacité de
lutte.
Vous êtes directeur du Centre
Français de Recherche sur le
Renseignement (CF2R). Pouvez-vous nous
dire quelles sont les missions de ce
centre et si les gouvernements prennent
vos recommandations en considération ?
Notre « mission » principale est
l’amélioration de l’image du
renseignement dans la société française.
En effet, cette profession, qui génère
selon les cas fascination ou répulsion,
reste mal comprise par nos
contemporains. En particulier, les
élites française s’en défient et n’y
comprennent pas grand-chose et les
politiques n’ont jamais accordé aux
services les moyens à la hauteur des
défis qu’ils doivent relever. Nous
sommes donc des « lobbyistes » du
renseignement auprès de l’opinion, des
médias et des milieux universitaires,
politiques et économiques.
Interview réalisée par Mohsen
Abdelmoumen
Qui est le Dr. Éric Denécé ?
Docteur ès Science Politique,
habilité à diriger des recherches, Éric
Denécé est directeur du Centre Français
de Recherche sur le Renseignement (CF2R)
et de sa société de conseil en Risk
Management (CF2R SERVICES).
Il a été successivement
officier-analyste à la direction de
l’Evaluation et de la Documentation
Stratégique du Secrétariat Général de la
Défense Nationale (SGDN), ingénieur
commercial export chez Matra Défense,
responsable de la communication de la
société NAVFCO, filiale du groupe DCI
(Défense Conseil International),
directeur des études du Centre d’Etudes
et de Prospective Stratégiques (CEPS),
fondateur et directeur général du
cabinet d’intelligence économique ARGOS,
créateur et directeur du département
d’intelligence économique du groupe
GEOS.
Éric Denécé a notamment opéré au
Cambodge, aux côtés de la résistance
anticommuniste, et en Birmanie, pour la
protection des intérêts de Total contre
la guérilla locale. Parallèlement, il a
été consultant pour le ministère de la
Défense concernant l’avenir des forces
spéciales. Eric Denécé est aussi
Professeur-associé à l’École de
Management de Bordeaux et enseigne le
renseignement ou l’intelligence
économique dans plusieurs autres
universités françaises et étrangères.
Il est l’auteur de vingt ouvrages et
de nombreux articles et rapports
consacrés au renseignement, à
l’intelligence économique, au terrorisme
et aux opérations spéciales. Ses travaux
lui ont valu d’être lauréat du Prix 1996
de la Fondation pour les Etudes de
Défense (FED) et du Prix Akropolis 2009
(Institut des Hautes Etudes de Sécurité
Intérieure).
Le Dr. Éric Denécé est régulièrement
consulté par les médias français et
internationaux et compte à son actif
plus d’un millier d’interventions
radiophoniques et plusieurs centaines
d’interventions télévisées.
Enfin, il est président du Comité
d’éthique de SPYLAND, parc d’attractions
consacré au monde des agents secrets,
qui verra le jour en 2015 en France.
Ses ouvrages sont :
Handbook of European Intelligence
Cultures (Rowman & Littlefield,
2016) ;
Les services secrets israéliens : Aman,
Mossad, Shin Beth(Tallandier,
Paris, 2014) ;
L’Espionnage en 365 citations
(Le Chêne, Paris, 2013) ;La
face cachée des « révolutions » arabes
(dir.) (Ellipses, Paris, 2012) ;
Les services secrets français
sont-ils nuls ? (Ellipses,
Paris, 2012) ;
Commandos et forces spéciales
(Ouest France éditions, Rennes, 2011) ;
Les services secrets au Moyen-Age,
ouvrage rédigé en collaboration avec
Jean Deuve (Ouest France éditions,
Rennes, 2011) ;
Dico-Atlas des conflits et des menaces,
ouvrage rédigé en collaboration
avec Frédérique Poulot (Belin, Paris,
2010) ;
Histoire mondiale de l’espionnage,
ouvrage rédigé en collaboration
avec Gérald Arboit (Ouest France
éditions, Rennes, 2010) ;
Renseignement, medias et démocratie
(dir.) (Ellipses, Paris, 2009) ;
Mission : agent secret (Les
techniques de l’espionnage expliquées
aux enfants), ouvrage rédigé en
collaboration avec Sophie Merveilleux du
Vignaux (collection « Graine de
savant », Milan Jeunesse, Toulouse,
2009) ;
Les services secrets
(collection « Tout comprendre », EPA
éditions, Paris, 2008) ;
Renseignement et contre-espionnage
(collection « Toutes les clés »,
Hachette pratique, Paris ,
2008) ;
Histoire secrète des forces spéciales
(de 1939 à nos jours) (Nouveau
monde, Paris, 2007) ;
Tourisme et terrorisme. Des vacances
de rêve aux voyages à risque,
ouvrage rédigé en collaboration avec
Sabine Meyer (Ellipses, Paris, 2006) ;
L’autre guerre des Etats-Unis.
Economie : les secrets d’une machine de
conquête ouvrage rédigé en
collaboration avec Claude Revel (Robert
Laffont, Paris, 2005) ; Al-Qaeda :
les nouveaux réseaux de la terreur
(dir.),(Ellipses, collection
« Géopolitique », Paris, 2004) ;
Les secrets de la guerre économique,
ouvrage rédigé en collaboration
avec Ali Laïdi (Seuil, Paris, 2004) ;
Forces spéciales, l’avenir de la
guerre,collection « L’art de la
guerre » (éditions du Rocher, Paris,
2002) ;
Guerre secrète contre Al-Qaeda
(dir.) (Ellipses, collection
« Géopolitique », Paris, 2002) ; Le
nouveau contexte des échanges et ses
règles cachées. Information, stratégie
et guerre économique (L’Harmattan,
Paris, 2001) ;
Géostratégie de la mer de Chine
méridionale et des bassins maritimes
adjacents (L’Harmattan,
collection « Recherches asiatiques »,
Paris, 1999).
Published in Englih in American
Herald Tribune, September 30, 2016:http://ahtribune.com/politics/1230-rric-denece.html
In Oximity:https://www.oximity.com/article/Dr.-%C3%89ric-Den%C3%A9c%C3%A9-Suite-1
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