La Voix de
la Russie
Intervention française en RCA :
engagement humanitaire ou énième
tentative de contrer la Chine ?
Mikhail Gamandiy-Egorov
© Photo :
AFP
Lundi 23 décembre 2013
La récente intervention armée de
la France en République centrafricaine a
ouvert un certain nombre de questions.
D’une part, sur les raisons de ce
conflit interne qui paraissent encore
assez obscurs. Et d’autre part, si le
rôle joué par la France dans ce pays
serait si « bénéfique » comme le prétend
ardemment l’Elysée.
La plupart des médias nous annoncent que
le conflit centrafricain s’enlise dans
des affrontements inter-religieux avec
comme résultat un véritable drame
humain. Mais la question qui se pose,
c’est le rôle de l’Etat français dans
cette crise, présenté par certains comme
étant le « sauveteur ». Pourtant,
l’intervention actuelle des forces
armées françaises ressemble plus à la
nécessité de sécuriser une fois de plus
ses intérêts que par la volonté «
de mettre fin à une situation
humanitaire catastrophique ». Sans
oublier que l’instabilité que connait la
Centrafrique, ainsi que d’autres pays
d’Afrique francophone est bien souvent
justement due au rôle peu pacifiste de
l’élite hexagonale.
A la base, il faut quand même rappeler
que la République centrafricaine est un
pays ayant connu dans son histoire plus
ou moins récente un bon nombre de coups
d’Etat dans lesquels l’Elysée ne jouait
pas le dernier rôle, bien au contraire.
Il faudrait aussi se rappeler que le
fameux Jean-Bedel Bokassa qui s’était
autoproclamé empereur, était à la base
un pur produit du système de la
Françafrique.
Aujourd’hui, les principales sociétés
françaises contrôlent l’économie du pays
et c’est un fait également bien connu :
Bolloré, Areva, Total, France Telecom,
Castel, CFAO… Tous ont leur part du
gâteau. Mais à l’instar des autres pays
d’Afrique, y compris francophones, la
Chine a commencé sérieusement à nuire
aux intérêts français depuis les
dernières années. Principalement dans le
domaine du pétrole dans lequel l’Empire
du milieu a fait une entrée
impressionnante. Preuve de ce
rapprochement de la RCA avec la Chine,
l’entreprise pétrolière d’Etat chinoise
CNPC (China National Petroleum
Corporation) a obtenu la reprise du
permis de recherche, de développement et
d’exploitation du site pétrolier de
Boromata, situé dans le nord-est du
pays.
Ce rapprochement rapide et dans un
secteur clé comme le pétrole, entre la
RPC et la RCA n’a pas seulement accentué
les inquiétudes de Paris, lassé de
perdre de plus en plus son influence
dans ses « anciennes » colonies, mais
aussi de Washington, également peu ravi
des positions de force de la Chine sur
le continent africain. Les câbles
diplomatiques étasuniens sur cette
question en sont une preuve nette.
D’ailleurs en mars 2013, le désormais
déchu Francois Bozizé avait affirmé sur
les ondes de Radio France International
(RFI) qu’il a été renversé « à
cause du pétrole ».Mis à part le
pétrole, Bozizé avait également commencé
un rapprochement avec Pékin dans le
domaine militaire, notamment à travers
des programmes grâce auxquels des
officiers centrafricains allaient suivre
des formations en Chine. Un autre
secteur que Paris a l’habitude de
contrôler dans ce qu’il considère encore
ses possessions.
Selon plusieurs spécialistes, dont le
journaliste camerounais Olivier Ndenkop,
auteur de l’article « Les raisons
cachées de l’intervention française en
Centrafrique », les raisons de
l’intervention armée française seraient
purement d’ordre économique et
politique, et aucunement humanitaire
comme l’a martelé à plusieurs reprises
François Hollande. Ce que l’on peut
noter aussi, c’est qu’à part le désir de
contrer à tout prix la colossale
influence chinoise en Afrique, il s’agit
également d’une volonté de limiter
l’influence grandissante d’autres
acteurs, parmi lesquels l’Inde ou le
Brésil. Sans oublier l’Afrique du Sud
qui à titre de leader du continent
africain est de plus en plus appelée à
avoir une participation active dans la
résolution des conflits sur le
continent. En effet et depuis plusieurs
années on pouvait observer l’agacement
de l’Elysée de voir Pretoria vouloir
jouer un rôle de plus en plus important
dans la résolution des conflits, y
compris en Afrique francophone.
Pour revenir à l’intervention française
en Centrafrique, elle est loin de faire
l’unanimité au sein de la population
centrafricaine. Certains affirment même
qu’elle ne fait qu’attiser les violences
entre les différentes milices et groupes
de population. D’ailleurs, une
manifestation a eu lieu tout récemment
dans la capitale Bangui pour protester
contre la présence militaire française,
accusée de « partialité »
dans le conflit centrafricain. Les
protestataires scandaient notamment «
Non à la France » et
« Hollande criminel ».
Le drame humain centrafricain serait
donc vraisemblablement un exemple
supplémentaire d’affrontements entre
intérêts économiques et géopolitiques
opposés. Et une fois de plus, derrière
les interventions armées dites «
humanitaires » se cache tant bien que
mal la volonté de préserver ou
d’arracher à tout prix ses dividendes
plutôt que de sauver véritablement des
vies humaines.
© 2005—2013
La Voix de la Russie
Publié le 23 décembre 2013 avec
l'aimable autorisation de l'auteur
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