La Voix de
la Russie
Hommage à Nelson
Mandela :
l'hypocrisie occidentale sans limites
Mikhail Gamandiy-Egorov
Photo: EPA
Mercredi 18 décembre 2013
On a appris avec la plus grande
tristesse la mort d’un héros. D’une
icône de la lutte contre l’oppression,
l’injustice, la peste brune du
néocolonialisme, et du combattant pour
les vraies valeurs que sont la liberté
et la paix.
Malgré ses très longues années passées
en prison, loin de sa famille et de ses
proches, Madiba (le nom de son clan
tribal) et comme l’appellent
affectueusement toutes les personnes qui
l’aiment, a eu l’énorme sagesse d’éviter
une guerre civile à son pays qui
paraissait alors inévitable. Et c’est
grâce à cette sagesse que l’Afrique du
Sud a su tourner la page sombre de son
histoire pour ouvrir celle de la
réconciliation et permettre au pays
d’aller de l’avant.
Néanmoins, et ce qui choque, c’est
l’hypocrisie « par excellence », si l’on
peut dire ainsi, d’un bon nombre de
politiciens occidentaux. Hypocrites car
lui chantant toutes sortes de louanges
alors qu’hier ces mêmes personnes le
considéraient comme un « terroriste
communiste ». Ces mêmes personnes qui
ouvertement ou indirectement
supportaient le système raciste et
honteux de l’apartheid. Les mêmes qui
faisaient tout pour que ce régime
survive le plus longtemps possible. Et
aujourd’hui ? Ils font en sorte de nous
faire croire leur grande « appréciation
» de l’œuvre de Mandela.
On se souvient encore des positions des
leaders occidentaux tels que Ronald
Reagan ou Margaret Thatcher, la fameuse
« dame de fer » britannique. Cette
dernière soutenait ouvertement le
système d’apartheid en Afrique du Sud,
refusant d’appliquer des sanctions
internationales à l’égard de ce régime,
et avait déclaré : « Quiconque
pense que l’ANC (Congrès national
africain, le parti de Mandela – ndlr), gouvernera
en Afrique du Sud n’a pas les pieds sur
terre »…Visiblement la dame de
fer, peu appréciée par la majorité de
son propre peuple britannique, n’avait
pas elle les pieds sur terre au moment
de cette déclaration puisque son
apartheid bien aimé est bel et bien
tombé, et que l’ANC a bien pris le
pouvoir depuis les toutes premières
élections démocratiques en Afrique du
Sud, en 1994.
D’autre part, les Occidentaux
connaissent parfaitement les vrais amis
de Nelson Mandela. Peut-être plus que
des amis : des frères. Ceux qui l’ont
toujours soutenu, y compris lors des
moments les plus difficiles, et que lui
aussi n’a jamais cessé de soutenir. En
premier lieu il s’agit de Fidel Castro,
Mouammar Kadhafi et Yasser Arafat. Aux
yeux de l’Occident politique, des
leaders certainement pas « tout à
fait fréquentables »…Néanmoins,
Mandela n’a jamais caché son amitié
sincère avec ses amis et en parlant de
son amitié avec Mouammar Kadhafi, il
avait dit la chose suivante : «
tous ceux qui n’apprécient pas notre
amitié avec le frère Kadhafi peuvent
sauter dans la piscine ! ».En
gros, aller voir ailleurs.
En 1997, Nelson Mandela décerne à
Kadhafi l’ordre de Bonne Espérance, la
plus haute distinction sud-africaine.
Aux critiques du département d’Etat
étasunien, bien mécontent de cette
grande amitié entre deux grands hommes,
Mandela réplique « qu’ils n’ont
aucune morale et que c’est bien Mouammar
Kadhafi qui nous a aidé en un temps où
nous étions seuls, quand ceux qui disent
que nous ne devrions pas être ici,
aidaient notre ennemi ».Une
allusion ouverte au soutien que les USA
et plus particulièrement la CIA avaient
offert au régime d’apartheid. C’est
d’ailleurs au colonel Kadhafi que
Mandela accordera sa première visite à
l’étranger, en 1990, après avoir été
libéré à la suite de ses 27 années
d’emprisonnement. Il en sera de même en
1994 lorsqu’il sera élu président de la
République d’Afrique du Sud. En 1998,
Nelson Mandela déclarera, en présence de
Bill Clinton, alors président des USA,
qu’à l’époque « où les Etats-Unis
soutenaient l’apartheid, d’autres pays
aidaient la lutte contre la ségrégation
raciale. C’est pourquoi l’un des
premiers chefs d’Etat que j’ai invité
dans ce pays a été Fidel Castro… et j’ai
également invité le frère Mouammar
Kadhafi ».On ne peut non plus
oublier la phrase de Madiba qui vise
ouvertement les USA et leurs crimes
contre l’humanité :« Si il y a
bien un pays dans le monde qui a commis
des atrocités indescriptibles, ce sont
bien les Etats-Unis d’Amérique. Ils
n’ont rien à faire des êtres humains ».
Pour ses amis cubains, Mandela dira :
« Nous admirons les sacrifices du
peuple cubain pour maintenir sa propre
indépendance et sa souveraineté face à
la sinistre campagne impérialiste
orchestrée dans le but de détruire les
avancées impressionnantes réalisées au
cours de la révolution cubaine… Vive la
révolution cubaine ! Longue vie au
camarade Fidel Castro ! ».Quant à
la Palestine et la lutte du peuple
palestinien, Nelson Mandela déclarera :
« Nous savons bien que notre
liberté est incomplète sans la liberté
des Palestiniens ».
Les leaders occidentaux ne peuvent
ignorer toutes ces citations et les
prises de positions courageuses du héros
national sud-africain. D’ailleurs le
courage a toujours été le fer de lance
de toute la vie de Mandela. Néanmoins et
cela est tout à fait clair aussi, les
louanges occidentales ne sont pas plus
qu’une campagne de relations publiques
bien organisée, sachant que sans cela,
leurs propres citoyens ne les
comprendraient pas, en cas d’absence
d’hommage à l’icône de la planète toute
entière.
Seul petit bémol, c’est que cette
hypocrisie n’a été que peu voilée, de
même que le manque de sincérité. Le
fameux « selfie » d’Obama, Cameron et de
la première ministre danoise Thorning-Schmidt
en pleine cérémonie d’adieu à Mandela,
au stade de Soweto n’a été qu’un signe
supplémentaire. Un geste complètement
déplacé compte du lieu et du moment,
alors que toute l’Afrique du Sud, le
continent africain et le monde entier
étaient en deuil, ces trois braves
personnages eux visiblement étaient là
pour autre chose. En tout cas, cela a
montré une fois de plus la vraie «
raison » de la présence de certains
chefs d’Etats occidentaux à cette
cérémonie et de leurs paroles si «
émotionnelles ». Après tout, pour
certains, se faire de la pub
supplémentaire, cela n’a pas de prix.
Surtout lorsqu’il s’agit de venir «
rendre hommage » à l’une des plus
grandes personnalités de tous les temps.
De toutes les manières, Madiba restera à
jamais dans le cœur des Sud-Africains et
des habitants du continent africain. De
même que dans le cœur et la mémoire de
la grande majorité des habitants de
notre planète. Reste quand même à ne pas
oublier qui était véritablement ce grand
héros Nelson Mandela, ainsi que toujours
se rappeler de son œuvre et de son
exemple. Nous connaissons ses vrais
amis. Les faux amis, eux, se découvrent
et se reconnaissent bien vite.
© 2005—2013
La Voix de la Russie
Publié le 18 décembre 2013 avec
l'aimable autorisation de l'auteur
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