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Macron digne héritier de la
Françafrique
Mikhail Gamandiy-Egorov
© REUTERS/
Gonzalo Fuente
Lundi 10 juillet 2017
Source:
Sputnik
Les déclarations de Macron ne laissent
guère de place au doute: pour lui, en
Afrique, le changement, ce n’est pas
maintenant. Il a revêtu avec aisance les
habits de la Françafrique qui ont tant
profité à ses prédécesseurs et une
réelle souveraineté économique et
diplomatique des peuples africains n’est
pas à l’ordre du jour.
Deux questions
importantes animent les débats à l'heure
actuelle en Afrique au sein des cercles
souverainistes et panafricanistes. Tout
d'abord celle du franc CFA, considéré
par de nombreuses personnes comme une
monnaie néocoloniale qui permet à
l'ex-métropole de maintenir ses
«anciennes» colonies dans un état
d'asservissement. La deuxième question
concerne la souveraineté pure et simple
des États africains, en premier lieu
d'Afrique francophone de l'Ouest et du
Centre, notamment sur la possibilité de
mener une politique internationale
indépendante et de créer des
partenariats forts avec un certain
nombre de pays du monde, notamment
non-occidentaux.
Si sur la première
question, Emmanuel Macron avait déclaré
dans un entretien à Jeune Afrique (une
semaine avant le premier tour des
élections présidentielles françaises)
que «c'est un choix qui appartient
d'abord aux Africains eux-mêmes», tout
en laissant entendre que selon lui le
franc CFA avait de l'avenir, puisqu'«il
contribue à la stabilité économique et à
l'intégration régionale». À ce niveau,
tout laisserait entendre qu'il ne voyait
rien de mal à ce que les peuples
africains puissent prendre des
décisions, dans le respect de leur
prétendue souveraineté.
Mais le souci pour
de nombreux observateurs africains,
c'est que dès qu'un dirigeant a le
courage de contester le système existant
entre la France et certains pays
d'Afrique, le risque pour lui de mal
finir augmente en conséquence. Tout le
monde garde en mémoire le triste sort
réservé au président ivoirien Laurent
Gbagbo, qui avait justement «osé»
remettre en cause plusieurs aspects des
rapports franco-ivoiriens. Il est
aujourd'hui emprisonné par la CPI, alors
que les accusations émises à son
encontre sont plus que douteuses. Nous
en avons déjà parlé plusieurs fois.
Une déclaration
plus récente de Macron, toujours en
rapport avec l'Afrique, ravive encore
les tensions. En effet, juste après le
sommet du G20 à Hambourg, répondant à
une question d'un journaliste africain,
le président français déclara: «Dans des
pays qui font encore sept enfants par
femme, vous pouvez dépenser des
milliards d'euros, vous ne stabilisez
rien…». Au-delà du débat sur la justesse
ou non d'avoir sept enfants par femme et
du mépris que traduit cette déclaration
choquante, les questions véritables sont
ailleurs.
Tout d'abord,
chaque nation est en principe
souveraine. Si dans telle ou telle
société, la démographie reste élevée,
c'est une question intérieure qui ne
concerne que ladite nation. En même
temps (pour reprendre une des antiennes
favorites de Macron), il est vrai que
faire beaucoup d'enfants alors que l'on
est déjà dans une situation économique
difficile n'est probablement pas la
meilleure solution.
Mais alors
posons-nous la question suivante:
comment se fait-il que plusieurs pays
africains possédant des ressources
naturelles impressionnantes se
retrouvent dans une telle situation?
Certains diront qu'il s'agit de la
mauvaise gestion et dans plusieurs cas
c'est vrai. Mais comme par hasard, cette
mauvaise gestion se retrouve
principalement dans des pays encore sous
influence occidentale et notamment
française, en d'autres termes sous
domination néocoloniale. Comment se
fait-il que la Guinée équatoriale (très
stigmatisée par les médias occidentaux)
ait un niveau de vie de plusieurs fois
supérieur à celui du Gabon voisin,
considéré par certains experts comme «la
réserve pétrolière de la France» et qui
fait justement partie plus qu'intégrante
de ce fameux système de la Françafrique?
Relevons au passage que les deux pays
ont une démographie et des ressources
comparables. Comment se fait-il que la
France puisse prendre jusqu'à 95% du
revenu sur l'exploitation de telle ou
telle ressource africaine et affirmer
que cela est normal?
Examinons aussi le
cas de l'Angola. Ce pays lusophone, avec
un taux de fécondité de 5,3 enfants par
femme a traversé de très longues années
de guerre, d'abord pour son indépendance
contre le Portugal, puis une guerre
civile de 27 ans, provoquée par la CIA
et le régime d'apartheid sud-africain de
l'époque. Il se permet pourtant
d'accueillir des dizaines de milliers de
migrants portugais (plus de 200.000 aux
dernières nouvelles) et même d'en
expulser plusieurs milliers par an pour
violation des délais de séjour, tandis
que d'autres Africains au péril de leur
vie sont prêts à tout pour se retrouver
en Europe? Beaucoup d'ailleurs périssent
en mer Méditerranée, parmi eux beaucoup
de représentants d'Afrique francophone.
La réponse est relativement simple:
l'Angola, au prix de nombreux sacrifices
et du soutien accordé par l'URSS et
Cuba, a pu arracher sa souveraineté
tellement convoitée par les forces
néocoloniales. Les pays francophones de
l'Ouest et du Centre africain en sont
encore loin.
Reconnaissons que
la critique va dans les deux sens. D'un
côté, la France, ou plutôt les élites de
l'Élysée, font tout pour garder leur
mainmise sur leurs «ex» colonies, au
besoin par la force armée si un
dirigeant africain dérange lesdits
intérêts. Ce fut le cas en Côte
d'Ivoire, pays riche en termes de
ressources naturelles, mais dont les
citoyens, surtout les jeunes, continuent
à émigrer en masse.
D'un autre côté,
certains Africains gagneraient à
comprendre que le combat pour la
souveraineté est une lutte de longue
haleine. Si les Angolais, tout comme
plusieurs peuples d'Amérique latine, ne
s'étaient pas battus jusqu'au bout
contre les forces néocoloniales, ils
feraient certainement encore partie de
l'arrière-cour néocoloniale. De même,
ils doivent réaliser que ce ne sont
certainement pas des forces extérieures
qui viendront libérer l'Afrique à la
place des Africains eux-mêmes. Ce n'est
qu'une fois que l'on dispose de sa
souveraineté qu'il est possible de
forger des alliances et des partenariats
qui assureront au mieux les intérêts des
peuples concernés. Ce qu'on appelle
aussi le partenariat gagnant-gagnant.
Quant au fait
d'avoir une démographie élevée, mis à
part l'exemple africain de l'Angola, il
suffit de prendre l'exemple de l'Inde.
Avec ses 1,3 milliard d'habitants, elle
est une grande puissance régionale et
internationale, dont le développement ne
cesse d'impressionner. Mais différence
de taille: l'Inde comme l'Angola sont
des nations souveraines. D'ailleurs, ce
sont loin d'être les seuls exemples.
Pour se défendre, les élites
occidentales, y compris françaises,
aiment agiter «la menace chinoise» dans
les médias mainstream, à savoir que la
Chine les pousseraient définitivement
hors d'Afrique s'ils laissaient faire
les choses. Mais un partenariat honnête
s'impose non pas par les armes et la
menace, mais bien par une concurrence
loyale, en présentant au mieux ses
atouts. Et la France n'en manque pas.
Pourtant, sa politique ouvertement
néocoloniale et agressive en Afrique
d'un côté et de soumission aux intérêts
atlantistes US de l'autre, peuvent
anéantir ses chances. Quant à la Chine,
son respect de la souveraineté de
l'Afrique et son principe de
non-ingérence dans les affaires
intérieures africaines, tout en pensant
évidemment à ses propres intérêts, font
qu'elle est de plus en plus appréciée
sur le continent africain, malgré les
campagnes médiatiques contre elle.
Les sondages
d'opinion organisés dans plusieurs pays
africains montrent d'ailleurs bien qui
à, la cote et qui l'a de moins en moins.
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Publié le 11 juillet 2017 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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