Sputnik
La géoéconomie des relations
Russie-Turquie
Mikhail Gamandiy-Egorov
© AFP 2017
ADEM ALTA
Mercredi 7 juin 2017
Source:
Sputnik
Lorsque deux
pays sont liés par un partenariat
stratégique dans la sphère
économico-commerciale, les leaders des
deux pays en tiennent logiquement
compte. Et malgré des divergences sur
certains dossiers de l’actualité
internationale, le bon sens finit
généralement toujours par triompher.
Ce n'est évidemment
pas toujours le cas. La preuve : la
différence de visions entre d'un côté
les entreprises européennes travaillant
en Russie et de l'autre l'élite
politico-médiatique de ces pays. Mais
dans le cas des relations russo-turques,
l'heure est effectivement au
développement encore plus actif des
relations bilatérales stratégiques.
Chiffres tout
frais. Pour le seul mois de mai 2017,
505 000 touristes russes ont visité la
station balnéaire turque d'Antalya.
Représentant par la même occasion près
de 50 % du nombre total de touristes
étrangers. Ainsi, les touristes russes
ayant visité la principale station
balnéaire de Turquie ont été de plus de
2 fois plus nombreux que les touristes
allemands, 4 fois plus nombreux que les
Ukrainiens, 10 fois plus nombreux que
les Néerlandais et 23 fois plus nombreux
que les Britanniques.
En outre,
la Turquie s'attend à ce que cette
année le nombre de touristes en
provenance de Russie dépasse le chiffre
de 3,5 millions de personnes ( un
chiffre standard d'avant la crise de
novembre-décembre 2015, une crise ayant
duré pour rappel près de sept mois ).
Certains spécialistes turcs du secteur
se disent même encore plus optimistes et
attendent près de 5 millions de
touristes russes en Turquie pour l'année
2017.
Pour ce qui est du
secteur du BTP, autre secteur
stratégique de l'économie turque qui a
été fortement pénalisé par la crise des
relations entre les deux pays, l'heure
est à l'optimisme, voire à la liesse.
Ainsi, le chef de l'Association turque
des entreprises de construction Mithat
Yenigün, ne cache pas sa joie suite à la
levée des restrictions côté russe visant
les intérêts turcs, en premier lieu dans
ce domaine qui le concerne. En outre,
l'expert du domaine a rappelé un chiffre
clé : « les entreprises turques du BTP
ont réalisé à ce jour des travaux à
divers endroits du monde pour des
contrats d'une valeur totale de 340
milliards de dollars. Sur ce montant, 65
milliards ont été obtenus grâce aux
travaux en Russie ». Ce qui signifie que
près de 20 % des travaux de BTP réalisés
par des entreprises turques au niveau
international ( sachant que les sociétés
turques font partie du TOP 3 des
meilleures au monde en la matière )
reviennent au seul marché russe. Très
révélateur.
Enfin, le secteur
de l'export agroalimentaire turc attend
lui aussi de décoller depuis la levée
des restrictions, mis à part les tomates
turques. Cela est dû aux investissements
importants qui ont été réalisés par les
producteurs nationaux russes ( pendant
la période de crise entre les deux
pays ) et qui doivent attendre la fin du
cycle de production pour récupérer leurs
investissements avec profit. Néanmoins,
une libéralisation là aussi aura
certainement lieu côté russe pour
faciliter l'accès des tomates turques
sur les étals russes ( sachant qu'avant
la crise de novembre-décembre 2015, la
part des tomates en provenance de
Turquie représentait 65 % des
importations russes sur cette
position ). Une chose est pratiquement
sûre : d'ici 2 à 3 ans il ne restera
probablement plus aucune restriction sur
les importations agroalimentaires en
provenance de Turquie. En attendant, les
exportateurs turcs de la filière y
trouvent leur compte ( sauf pour les
tomates déjà citées ), sachant que le
marché russe est pour nombreux d'entre
eux de loin le principal.
Clin d'œil en
passant aux producteurs de l'Union
européenne qui peuvent « remercier » la
politique de leurs gouvernements
respectifs, en réalisant qu'ils ne
pourront probablement jamais retrouver
leurs positions d'antan ( même dans une
moindre mesure ). Sachant par exemple
que la Turquie, qui n'avait pas
participé aux sanctions contre la Russie
et dont la crise bilatérale avec Moscou
n'a duré que sept mois ( la
normalisation a commencé après les
excuses officielles transmises par la
Turquie à la Russie, c'était fin juin
2016 ), il a néanmoins fallu tout de
même près d'une année après l'annonce de
la normalisation entre les deux pays
pour arriver à un accord de levée des
restrictions ayant permis de relancer
pleinement le partenariat stratégique
des deux nations. Evidemment, dans le
cas de l'UE, dont les sanctions visant
la Russie sont selon Moscou clairement
injustifiées, et qui durent depuis déjà
plusieurs années, les dirigeants russes
ne permettront donc certainement pas un
retour rapide des produits occidentaux
frappés par les contre-sanctions russes
à ce jour.
D'autre part, et de
l'aveu de plusieurs analystes
internationaux, y compris de l'Onu, la
Russie a bien adapté son économie et sa
production intérieure en tenant compte
des sanctions qui la visent. Et autre
point fort important : les producteurs
russes ont d'ores et déjà lancé un appel
à Poutine lui demandant de ne pas
annuler les contre-sanctions russes
visant les produits occidentaux, même en
cas d'annulation des sanctions
occidentales visant la Russie. Poutine
leur avait promis d'en tenir compte.
Quant à la Russie
et à la Turquie, c'est donc
officiellement reparti pour l'objectif
annoncé précédemment par les élites des
deux côtés, à savoir 100 milliards
d'échanges bilatéraux annuels à
l'horizon 2020-2023. Cela sans compter
le partenariat politique engagé entre
les deux pays avec la participation de
l'Iran en Syrie. Notamment dans le cadre
du processus d'Astana. Voire d'un
partenariat dans la sphère de la
défense, ce qui serait une première
historique dans la relation entre la
Russie et un pays lié ( bien que de
moins en moins ) à l'Otan. Enfin, et
fait tout aussi important, les échanges
éducatifs et culturels entre la Russie
et la Turquie sont appelés à augmenter
considérablement au cours des prochaines
années.
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Tous droits réservés.
Publié le 7 juin 2017 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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