La Voix de
la Russie
La France à
l'assaut de l'Angola ?
Mikhail Gamandiy-Egorov
Laurent
Fabius et Georges Chikoty - Photo: AFP
Mercredi 6 novembre 2013
La très récente visite de
Laurent Fabius, Ministre français des
Affaires étrangères, en Angola, a
clairement montré le désir de l’Hexagone
d’étendre son influence au-delà de
l’Afrique francophone et de jouer la
concurrence dans un pays déjà très
convoité par bon nombre d’autres
partenaires.
« La France veut sa part du
miracle angolais », tel était le
titre d’un article paru le 1er novembre
sur le site de France 24. En
effet, la première visite en dix ans
d’un Ministre français des Affaires
étrangères dans ce pays n’a rien
d’anodin, bien au contraire. L’Angola
est effectivement pour beaucoup un
eldorado à exploiter à tout prix. Ce
pays lusophone du Sud-Ouest de l’Afrique
vit un véritable boom économique depuis
plusieurs années.
Plusieurs grands patrons des principales
entreprises françaises ont accompagné M.
Fabius à Luanda, la capitale angolaise.
Parmi elles, on peut citer Total,
Airbus, Air France, Alstom, Bolloré,
Veolia, BNP Paribas… Du beau monde en
gros. La France ne cache pas que
l’arrivée d’une délégation aussi
importante en Angola est liée
ouvertement à ses intérêts économiques
et commerciaux dans ce pays. D’ailleurs,
comme le note si bien le site du
ministère français de l’Economie et des
Finances, « peu de pays dans le
monde ont un potentiel aussi important
que l’Angola, où, malgré la concurrence,
il existe d’importantes possibilités
pour les entreprises françaises en dépit
des difficultés d’approche du marché ».
Le pétrole reste pour le moment le
principal intérêt. L’Angola en est
désormais le deuxième producteur du
continent africain (derrière l’Algérie
et devant le Nigeria). C’est donc sans
surprise que dans le total de 10
milliards d’euros d’investissements
directs français en Angola en 2012, plus
de 90% sont représentés par Total. Mis à
part l’or noir, l’Angola compte
également d’autres ressources en
quantités importantes : gaz, diamants,
or, bauxite, uranium, industrie de la
pêche, … Sans oublier d’autres domaines
avec lesquels veut renouer le pays,
comme l’agriculture, naguère prospère.
L’Angola est devenu en outre un eldorado
pour les travailleurs étrangers, et
point important, pour les travailleurs
européens, Portugais en premier lieu. En
effet, plus de 150 000 travailleurs
portugais y travaillent officiellement,
sans compter les citoyens portugais en
situation irrégulière, reconduits de
temps à autre à la frontière. L’Angola
est par ailleurs devenu l’un des
principaux pays investisseurs étrangers
d’un Portugal en crise, faisant que
celui-ci n'a jamais autant dépendu de
son ancienne colonie.
En dehors des énormes opportunités
d’affaires qu’offre l’Angola, pour la
France il s’agit aussi vraisemblablement
de tenter de jouer sur le terrain de la
Chine. Car en effet, l’Empire du milieu
est le premier partenaire économique et
commercial de l’Angola. Forte de sa
présence via ses milliards
d’investissements, la Chine est
également représentée à travers ses
nombreux concitoyens présents dans le
pays (plus de 250 000 selon les sources
occidentales). Pour la France, dont la
présence est de plus en plus contestée
au sein de ses anciennes colonies
francophones et avec le système de la
Françafrique de plus en plus remis en
cause, l’Angola représente une occasion
d’étendre encore plus son influence.
Qu’en sera-t-il en réalité ? Difficile à
dire. Malgré les atouts que la France
possède dans un certain nombre de
domaines, l’approche adoptée sera
probablement décisive. Car si la Chine,
qui ne compte nullement lâcher ses
intérêts en Afrique en général et en
Angola en particulier, et qui a depuis
longtemps fait du continent africain
l’une de ses priorités en matière de
politique extérieure, a très souvent su
trouver la bonne approche avec ses
partenaires africains, la France elle,
habituée à bien souvent simplement
dicter ses désirs dans ses anciennes
possessions, aura beaucoup de mal à
faire de même en Angola. Il faut quand
même bien le rappeler, l’Angola fait
partie de ces pays sur le continent
africain ayant toujours su défendre avec
ardeur leur souveraineté.
L’histoire relativement récente de
l’Angola (longue guerre d’indépendance
contre le Portugal, puis très longue et
dévastatrice guerre civile) lui ont
appris à défendre coûte que coûte ses
intérêts, où que ce soit et avec qui que
ce soit. La France saura-t-elle éviter
avec l’Angola les erreurs commises (et
qu’elle commet encore) avec bon nombre
d’autres pays africains et s’y imposer ?
Telle est la question. On en saura
beaucoup plus dans un avenir proche.
© 2005—2013
La Voix de la Russie
Publié le 6 novembre 2013
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