Liban
Beyrouth pleure ses enfants…
Mais décide la vengeance !
Marie Nassif-Debs

Une vue du
port de Beyrouth (Liban), après les
explosions du 4 août 2020.
(FADEL ITANI / NURPHOTO)
Dimanche 9 août 2020
Beyrouth vit toujours à l’heure de
ses martyrs et de ses blessés, mais
aussi des dizaines de milliers de
familles qui n’ont plus de toit pour les
abriter.
Beyrouth pleure mais ne se résigne pas,
aidé en cela par la mobilisation d’une
partie des Libanais accourus de toutes
les régions pour apporter le réconfort
aux sinistrés et aux familles des
victimes, tandis que les équipes de
pompiers et de la défense civile
poursuivent leur recherche parmi les
décombres, espérant trouver encore
quelques survivants parmi les cinquante
disparus ou plus…
La catastrophe dépasse l’entendement.
Une partie de la ville fut soufflée en
quelques minutes ; et la déflagration,
comparée à une petite bombe atomique, a
eu raison des vitres et des murs dans un
rayon de plus de vingt kilomètres…
Partout où vous allez dans les rues,
vous trouvez des amoncellements de verre
en petits morceaux mêlés à des lambeaux
de meubles et à des cadres de fenêtres
tordus.
Que s’est-il passé ce soir du mardi 4
août 2020 ? Et qui est le responsable de
cette nouvelle catastrophe qui enfonce
encore plus un pays au bord de la
faillite, touché en même temps par la
corruption de ceux qui le gouvernent
depuis déjà trente ans et par la
pandémie du Covid 19 et dont la moitié
de sa population active se trouve
actuellement sans travail et menacée par
la famine et les maladies ?
Pour comprendre ce qui s’est passé ce
« Mardi noir », il nous faut remonter le
temps et revenir sept ans plus tôt. En
effet, en 2013, le « Rhodus », un bateau
géorgien loué par un « homme d’affaire »
russe, transportait une cargaison de
nitrate d’ammonium vers le Mozambique ;
en route, et pour cause de « problèmes
techniques », ce bateau fut obligé
d’accoster dans le port de Beyrouth…
Après onze mois, et le refus de
l’acheteur de reprendre à ses frais
l’acheminement de la cargaison vers le
Mozambique, l’équipage fut libéré et la
cargaison saisie par les douanes qui
l’ont transportée à terre et placée dans
l’entrepôt portant le numéro 12 sans
aucune des précautions nécessaires, vu
les caractéristiques du produit!
Aujourd’hui, et à la suite de la
catastrophe, les Libanais ont découvert
que leur capitale et les employés de son
port ont côtoyé la mort pendant plus de
six ans sans que les gouvernements
successifs de Najib Mikati, Tammam
Salam, Saad Hariri et, dernièrement,
Hassan Diab, ou les ministres chargés
des travaux publics, ou les magistrats
qui ont eu vent de l’affaire et,
surtout, les responsables des douanes et
de la sécurité dans le port de Beyrouth
les avertissent sur les dangers
encourus, surtout que tout ce beau monde
tente maintenant de s’extraire à la
responsabilité, tantôt en se jetant le
blâme et tantôt en revenant à la théorie
du complot qui désigne l’entité
israélienne comme responsable du crime.
Il est vrai qu’il ne faut négliger
aucune piste dans la recherche de la
vérité (si on y arrive jamais à cette
vérité) ; cependant, la responsabilité
originelle est bien évidente : elle
incombe à celles et ceux que nous venons
de citer. Voilà les criminels qui ont
caché une cargaison de plusieurs
milliers de tonnes de nitrate d’ammonium
dans un entrepôt où sont venus
s’entasser des objets épars mais surtout
du feu d’artifice ; un entrepôt qui se
trouve au centre du port et qui n’est
pas très loin des containers de gaz. Et
voilà pourquoi nous pensons qu’ils vont
essayer de noyer le poisson afin
d’échapper à leur responsabilité.
D’ailleurs, une première tentative en
dit long sur les jours à venir ; hier
soir, le Comité d’investigation spéciale
de la Banque centrale (le Bureau de la
lutte contre le blanchiment d’argent et
le financement du terrorisme) a décidé
de bloquer les comptes et les avoirs des
responsables administratifs et douaniers
du port de Beyrouth, mais pas un mot sur
les gouvernements et les ministres…
Voilà pourquoi les familles des victimes
et tous ceux qui furent atteints
directement par la catastrophe ont
décidé de ne pas se laisser manipuler
par les politiciens qui croient pouvoir
échapper une fois de plus à la justice
et qui sont épaulés par certains
responsables internationaux… De même,
les syndicats ouvriers qui ont quitté la
CGTL inféodée au pouvoir, les
organisations militant pour l’égalité,
les groupes de jeunes et de cadres ont
poussé le holà, appelant à contrecarrer
les visées de la classe dominante qui a
fait main basse sur le Liban.
Pour ce faire, ils ont besoin de soutien
et de solidarité. Ne les décevons pas !
Marie Nassif - Debs
Beyrouth, le 7 août 2020
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