Syrie
De l’ONG humanitaire au Conseil de
sécurité,
la campagne « crimes de guerre à
Alep-Est »
Marie-Ange Patrizio
Photo
aérienne des raids des avions de combat
sur les positions des terroristes à
Ramoussa à Alep - Sana
Dimanche 11 décembre 2016
Episode 1. «Cherchez à
raid aérien, raid aérien ! »
Episode 2. Les « bains de sang » de
Samantha Power et MSF
Episode 3. «Calvaire», «miracles» et
« Prix spécial »
L’Armée arabe syrienne avance dans
les quartiers occupés par les
terroristes. Alors le 9 octobre France2
arrive à Alep Ouest, où elle a envoyé
Franck Génauzeau (et G. Messina, images)
: au JT de 20h reportage-document dans
des ruines des quartiers Ouest. Dont on
ne nous dit pas qu’ils sont sous les
bombes de l’ «opposition modérée »
depuis quatre ans.
Le 12, dès 8h à France
Culture « les bombes pleuvent à nouveau
sur Alep », avec, sur le site, une image
venant d’un autre photographe spécialisé
dans le sauvetage des Casques Blancs :
« Alep, 11 octobre 2016 : un enfant
syrien blessé par un bombardement russe.
•
Crédits : Jawad al Rifai /
ANADOLU AGENCY - AFP ».
Maquillage
CB: peinture rouge et
« poussière » de décombres.
Au JT de France2 à 13 nouveau
reportage de Génauzeau depuis Alep Ouest
: pendant que les soldats de l’Arme
arabe syrienne le conduisent « jusqu’à
5-6m de la ligne de front », il explique
qu’il est « suivi en permanence par
l’agent du ministère de l’information »,
qui le précède pourtant pour l’amener
sur les lieux repris aux «rebelles » ;
commentaire au conditionnel sur la
fabrication artisanale des engins
explosifs -qu’il a sous le nez- tirés
par l’opposition pas trop modérément
armée sur le reste de la ville :
bonbonnes de gaz recyclées et « canons
de l’enfer ». On ne dira pas que «notre
équipe » est partiale : sur les 3’38 de
ce reportage, 45’’ sont consacrées au Dr
Nabil Antaki, à l’hôpital Saint-Louis.
Dans les quartiers non contrôlés par les
« rebelles », les hôpitaux ont un nom.
Et au JT de 20h ? Dies irae !
Martine Laroche-Joubert avec un nouveau
récit pour 59’’ seulement d’images,
toutes signées
Aleppo Media Center[1]
et Casques Blancs, de « la ville d’Alep
dévastée, des quartiers contrôlés par la
rébellion bombardés sans relâche » sauf
pendant les tournages.
MLJ va compenser cette fois les « images absentes » en nous la jouant
lacrimosa : « calvaire »,
« miracles » mais « qui ne durent pas
longtemps à Alep». « Ce
mercredi 12 octobre
[quasiment du direct],
un garçon de 13 ans a été
extrait vivant des décombres après
quatre heures d'acharnement des Casques
blancs » qui «implorent qu'on leur
apporte davantage d'outils pour plonger
dans les entrailles de la terre », oro
supplex et acclinis, cor contritum quasi
cinis…
Dans les semaines qui
suivent, accalmie médiatique occidentale
sur Alep Est : on est occupé à Mossoul.
Les frappes aériennes de l’aviation
russe sont arrêtées depuis le 18
octobre. Profitant de l’accalmie les
Casques Blancs font le déplacement à
l’Elysée le 19 octobre[2],
avec le maire « en quelque sorte » des
quartiers Est d’Alep.
Aux Nations Unies la
bataille continue. D’abord au
Conseil de sécurité. Le 26 octobre,
Bachar al Jaafari : « J’aurais bien aimé
demander
à la
représentante des
États-Unis [qui est sortie avec ses
acolytes avant l’intervention du
représentant de la Syrie] pourquoi son
gouvernement n’a pas ouvert un couloir
humanitaire au terroriste qui s’en est
pris à une boîte
de nuit en Floride ?
Pourquoi ce terroriste n’a-t-il pas reçu
nourriture et médicaments afin de
continuer à terroriser pour des raisons
humanitaires que M. O’Brien doit
connaître ? Et pourquoi le gouvernement
français n’a-t-il
pas fourni aux terroristes qui ont
attaqué le Bataclan aide alimentaire et
couloir de sortie de Paris, pour des
raisons humanitaires que, là aussi, M.
Obrien doit connaître ? »
Hors du CS, le 7 novembre, à la 71ème session de l’Assemblée générale
plénière de l’ONU : « Mr Alexis Lamek
(France) a regretté l’absence de progrès
tangibles sur la question de la réforme
du Conseil de sécurité depuis près
de 20 ans. […] Le
représentant français a par ailleurs
appelé à suspendre l’usage du droit de
veto en cas d’atrocités
de masse. Cela ne nécessite
pas une réforme du Conseil, a-t-il dit,
mais un engagement politique qu’a déjà
pris unilatéralement le Président de la
France. Cette proposition, que la France
a co-présentée avec le Mexique, est
aujourd’hui soutenue par au moins
100 pays, a-t-il affirmé. […]
Il a espéré
que, parallèlement
à la réforme globale du Conseil, des
initiatives telles que celle concernant
le droit de veto en cas d’atrocités de
masse permettront d’y
contribuer ».
Le 15 novembre, à la Troisième Commission de l’ONU, chargée de la
promotion et de la protection des droits
de l’homme, le projet de résolution sur
la situation des droits de l’homme en
Syrie, avancé par 17 pays, [Arabie
saoudite, Australie, Bahreïn,
Canada, Émirats
arabes unis, États-Unis,
France, Jordanie, Koweït,
Maroc, Micronésie, Palau, Qatar,
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord, Sénégal,
Turquie, Ukraine], « condamnant
la récente escalade des attaques
dirigées contre la population civile à
Alep, et dans d’autres zones assiégées
et difficiles d’accès,
et exigeant que l’aide humanitaire soit
acheminée en toute sécurité vers
l’ensemble des populations dans le
besoin », a été
adopté par 116 voix pour,
15 contre et 49 abstentions.
Non contraignant.
Extrait de la réponse de B. al-Jaafari : « Comment se fait-il que
l’Arabie saoudite, cet État rétrograde
sans rapport avec aucun pacte
international relatif aux droits
civiques et politiques jusqu’ici, puisse
se permettre de soumettre un projet de
résolution concernant les droits de
l’homme ? ».
Pour la fourniture des « témoignages » nécessaires aux atrocités de
masse, c’est l’UOSSM qui prend le
relai, avec moins d’écho médiatique que
sa grande soeur MSF[3].
21 novembre, nouvelle réunion du
Conseil de Sécurité sur la Syrie :
« Mme Elizabeth Hoff, représentante
de l’OMS en Syrie, a
demandé au Conseil d’approuver la mise
en place d’« un système garantissant que
toutes les parties soient informées [y
compris par MSF ?] des coordonnées de
tous les convois humanitaires et
infrastructures de santé […] Le Conseil
devrait également tenir un décompte de
toutes les attaques perpétrées » et a
tenu à rappeler que ce pays, avant le
début du conflit, disposait de l’un des
systèmes de santé les plus performants
du Moyen-Orient, avec un taux de
vaccination de 95% et une industrie
pharmaceutique florissante. […] près de
cinq millions de Syriens ont quitté le
pays, parallèlement aux plus de six
millions de ceux qui ont été déplacés
par les combats. » Et pas « 10 millions
de réfugiés hors de Syrie » comme
Ayrault l’avait déclaré à France Inter
le 10 octobre, c’est-à-dire quasiment un
Syrien sur deux ! Enfin, elle dénonce
« l’utilisation, à des fins militaires,
des infrastructures de santé »…
Note de la traductrice[4]
de l’intervention du Dr al-Jaafari
:« [invité à prendre la parole, il
observe et attend. Nous comprenons que
certaines délégations quittent la salle.
Cette fois-ci la caméra
de web.tv.un ne les a pas filmées]
. Et c’est le délégué de la Fédération
de Russie, M. Vladimir K. Safronkov, qui
demande la parole pour dire :
"J’interviens juste pour qu’il soit noté
que ce à quoi nous venons d’assister
introduit une culture de comportements
inacceptables au sein du Conseil de
sécurité.
Quand de distingués
représentants de certains pays quittent
ostensiblement la salle parce que le
distingué représentant de la République
arabe syrienne prend la parole, nous
pensons que cela signifie qu’ils n’ont
pas suffisamment de courage pour écouter
le communiqué d’un
collègue de notre
profession. Et c’est inacceptable !" ».
De la réponse du représentant syrien aux interventions des « trois
mousquetaires », citons (extrait) : « Je
ne répondrai
évidemment pas à toutes les
déclarations de mes collègues, réservant
mes réponses à la déléguée des
États-Unis qui a dit qu’un "témoin
oculaire", protégé de son gouvernement,
l’avait informée que les aviations russe
et syrienne avaient mené 180 raids
samedi dernier [19 novembre]. 180 raids
en une seule journée ! [ le délégué
russe vient de rappeler que «depuis le
18 octobre, l’aviation russe n’a
lancé aucune frappe
aérienne à Alep et dans un rayon de
10 kilomètres »]. Naturellement et étant
donné sa qualité
de diplomate avertie et expérimentée,
c’est en toute naïveté
qu’elle a cru ce témoin qui n’est rien
moins qu’un terroriste du Front al-Nosra,
reconnu comme entité terroriste par le
gouvernement de son pays devant ce
respecté conseil. […] Après tout, si
certains gouvernements sont tellement
intéressés par le sort de ces
terroristes retranchés à l’est d’Alep,
qu’ils les prennent !
Qu’ils leur accordent visas et
nationalité et qu’ils les prennent !
Si la déléguée américaine pense que l’arrivée aux États-Unis de 8000
terroristes, venus de l’est d’Alep, peut
aider le peuple syrien, qu’elle les
prenne, d’autant plus que la plupart ne
sont pas Syriens ! […] « Des groupes
armés terroristes présents dans le
quartier Al-Boustane de l’est d’Alep,
que certains États et certaines parties
prenantes se plaisent à qualifier
d’"opposition armée non étatique", ont
commis hier [20 novembre] un autre
hideux massacre et prémédité, lorsqu’ils
ont lancé plusieurs roquettes sur deux
établissements scolaires, Al-Mouhadatha
et Saria Hassoun, situés dans le
quartier Forkane à l’ouest d’Alep. Parmi
les victimes, 10 enfants âgés de 7 à 12
ans et 59 blessés dont une institutrice
ayant dû subir une amputation de jambe.
Voici des photos [déposées au Conseil de sécurité] de ces écoles d’Alep
bombardées par des groupes armés
génétiquement modifiés en "opposition
armée modérée". Des photos que personne
ne vous montrera. Soit dit en passant,
l’école nommée « Saria Hassoun »
porte le nom du fils du grand mufti de
la République arabe syrienne, dont je
vous avais parlé il y a cinq ans alors
qu’il venait de perdre ce fils, tué par
des terroristes. Hier, c’était au tour
de l’école qui porte son nom »[5].
28 novembre, JT de 20h de France2
: précédant la nouvelle réunion en
urgence demandée par la France pour le
30, MLJ apporte, peu que peu, 1’22 de
reportage : « Alep : avancée décisive de
l'armée du régime syrien ».
« L’armée régulière [!] a conquis ces derniers jours un tiers de la
ville. […] Les bombardements sont
intenses. Pour les civils en fuite,
l'armée russe met
en scène (sic) son aide
humanitaire. Ce sont des soldats qui
distribuent de la nourriture à ceux
qu'ils ont bombardés pendant des mois».
On remarque que MLJ n’a pas dit
« bombardements aériens » : ce n’est
plus l’aviation russe mais, au sol,
l’Armée arabe syrienne -qui a des
services de renseignements, l’a-t-on
oublié maintenant après nous en avoir
gavé pendant des années ?- qui cible les
repères et QG des terroristes par des
tirs d’artillerie depuis les quartiers
libérés. Mais qui relèvera la
différence, après le pilonnage
médiatique des « raids aériens sur Alep
Est » depuis la mi-septembre ?
Toutes les images ont des logos différents de France2. Pour montrer
les gens qui fuient les quartiers
contrôlés par les terroristes, « notre
équipe » a utilisé cette fois en partie
des images des Services d’information de
l’armée syrienne, et d’une chaîne
iranienne : logos non floutés.« Premier
exode de cette ampleur depuis 2012. Il
est encadré par l'armée syrienne alors
les témoignages qui nous parviennent
sont contrôlés». Exemple de la parole
contrôlée ? : "Merci de nous avoir
sortis de là, amenez moi à l’hôpital"
dit une vieille femme». C’est seulement
à la fin du reportage qu’on va retrouver
la parole libre par skype à laquelle MLJ
nous a habitués : pour la première fois,
c’est une femme qui parle. « Nous
joignons par skype cette mère de famille
encore sur place ». Anonyme… Pour la
première fois, de tous les skypes de
MLJ, c’est le premier témoin qui n’est
pas nommé. Personne n’a songé à demander
ou à donner au moins un prénom à « la
mère de famille » ? La voix serrée,
« elle aurait voulu que ses enfants
grandissent et s’épanouissent ici ». Les
deux fillettes souriantes ne sont plus
là ? Ni «Icham» l’ancien professeur
d’arabe qui collectionne les enveloppes
de bombes au phosphore russes, ni «Amr»
le grassouillet ancien étudiant en droit
de 25 ans ? Partis en laissant
négligemment derrière eux, et derrière
la femme anonyme voilée de noir, le
tableau de la dernière réunion de
« quartier rebelle » dans l’abri
sous-terrain[6]
?
Le lendemain 29
novembre, France2 diffuse un «récit F.
Génauzeau, montage G. Messina, images de
l’ONG Syria Charity » : « Syrie : des
images saisissantes des ambulanciers qui
sauvent des vies à d’Alep « pour le
compte d’une ONG française ».
Vous avez aimé les Casques Blancs ? Vous allez adorer Syria Charity[7].
« Dans ces quartiers, la population est
laissée à elle-même. Des ambulanciers
tentent l'impossible, tous les jours.
"Syria Charity", une ONG
française, de
bat pour sauver des vies. Ils sont
électriciens, couturiers ou étudiants
(sic) et filment leur quotidien grâce à
des caméras fixées sur leur front. »
Et nos Casques Blancs ? Auraient-ils -déjà- quitté le navire ?
Au CS le 30 novembre,
réunion à la demande de la France, où
son représentant, à cours de formules
face à l’urgence, parle à nouveau de
Guernica ; où le secrétaire général
adjoint aux affaires humanitaires et
coordonnateur des secours d’urgence de
l’ONU, Steffen O’Brien, déclare depuis
Genève :
« "L’intensification des combats au sol
et les bombardements aériens aveugles
au cours des
derniers jours auraient tué et blessé
des dizaines de civils"
alors que plus aucun hôpital ne
fonctionne et que "les
stocks alimentaires sont pratiquement
épuisés", a-t-il
déploré ». Mais pas les stocks d’armes
qui permettent aux groupes terroristes
de continuer leurs bombardements
quotidiens sur les autres quartiers de
la ville. L’agence de presse syrienne
Sana rend compte précisément au jour le
jour du nombre de morts et blessés, sans
conditionnel, sans chiffres arrondis à
la dizaine.
Power : « La Russie pouvant encore (sic) exercer son droit de veto
pour empêcher les civils de bénéficier
de l’aide, nous devrons alors réfléchir
aux moyens d’agir plus efficacement, par
exemple dans le cadre de l’Assemblée
générale ».
Comme à chaque fois, les représentants de USA, France et
Grande-Bretagne se lèvent et quittent la
salle, cette fois avant même
l’intervention du représentant russe.
Le texte exact de l’intervention du Dr al-Jaafari est disponible, hors
des services de l’ONU[8].
Extraits : « […] dire à ma collègue
américaine que Daech, le Front al-Nosra
et tous ces terroristes qui capturent
les femmes, les vendent au marché des
esclaves à un prix fixé par une liste
établie en fonction de leur âge. Dans
une telle situation, il semble que mes
collègues féminines au sein de ce
Conseil risquent, malheureusement,
d’être vendues pour seulement 40
dollars. Une femme capturée par ceux-là
est vendue 40 dollars seulement… 40
dollars ! […] Je renouvelle mon appel
aux cœurs tendres de ce Conseil, qui
s’apitoient sur les terroristes modérés
ou génétiquement modifiés en modérés,
pour qu’ils ramènent leurs déchets
ensauvagés expédiés chez nous ces cinq
dernières années, afin qu’ils en
prennent soin et, s’ils le souhaitent,
qu’ils leur réservent des « zones
d’administration autonome » dans leurs
villes, en Europe, aux États-Unis ou
ailleurs.
Si vous tenez tant au Front al-Nosra, emmenez ses éléments chez vous.
Donnez-leur des permis d’entrée et de
séjour. Ils seront de bons terroristes
dans vos pays ! ».
Le 1er décembre la
France du président Hollande valorise
ses investissements dans la campagne.
Tribune conjointe de Jean-Marc Ayrault
et Frank-Walter Steinmeier : « Cette
semaine, la France et l’Allemagne
rendent hommage à des femmes et des
hommes courageux qui luttent pour les
droits de l’Homme à travers le monde. Un
prix spécial a été décerné, cette année,
aux « casques blancs » qui par leur
action contribuent, au péril de leur
propre vie, à sauver des civils visés
par des bombardements en Syrie […] Avant
le conflit syrien, Raed al-Saleh était
un homme d’affaires qui vendait du
matériel électrique ; il est maintenant
à la tête des Casques blancs syriens,
des bénévoles qui risquent leur vie pour
secourir les victimes des frappes
aériennes et reconstruire les
infrastructures détruites » : c’est à
lui, pour les Casques Blancs, qu’est
remis le Prix spécial. Des droits de
l’Homme et -oui- promotion de l’Etat de
droit. Pas de photo de l’événement.
Lundi 5 décembre : à
New York, Conseil de Sécurité, réunion
pour un « projet de résolution qui
visait notamment à mettre fin à toutes
les attaques menées dans la ville d’Alep
pour une période renouvelable de sept
jours ». Résolution bloquée avec trois
votes négatifs (Russie, Chine et
Vénézuela).
« Accusant la Russie d’avoir abusé de sa
qualité de membre permanent au sein du
Conseil de sécurité, la représentante
des États-Unis a souligné qu’il était
nécessaire de trouver d’autres moyens
pour augmenter les pressions sur ce
pays. Chaque fois qu’un moyen sera
anéanti, nous en trouverons d’autres
pour mettre fin à une intervention
militaire barbare en Syrie, a-t-elle
assuré avant de conclure »[9].
Le même jour, un hôpital mobile russe qui venait d’être installé à
Alep Ouest, pour soigner les enfants
fuyant les quartiers Est, est bombardé
par des tirs de missiles des
«rebelles ». Deux infirmières russes
(non anonymes[10])
tuées, et des blessés dans le personnel
médical et les civils. Les tentes de
l’hôpital étaient signalées par une
croix rouge et ses coordonnées
communiquées aux « parties
belligérantes »[11].
«Immédiatement, les autorités russes
ont accusé les États-Unis, la France et
le Royaume-Uni d’avoir fourni aux
jihadistes les coordonnées de leur
hôpital. Plusieurs membres de l’Otan ont
répondu en accusant la Russie de
"bloquer le Conseil de sécurité de
l’Onu"[12].
Après vérification, il apparaît que les
jihadistes ont directement touché
l’hôpital sans procéder aux tirs de
réglage habituels de l’artillerie ;
qu’ils ont effectivement reçu les
coordonnées de l’hôpital sous forme
d’image satellitaires ; que ces images
ont été fournies par le LandCom —le
centre de commandement des Forces
terrestres de l’Otan, situé à Izmir
(Turquie). Comme en Libye où les moyens
de l’Otan ont été utilisés par quelques
États membres sans autorisation du
Conseil atlantique et donc en violation
des statuts de l’Organisation, la guerre
contre la Syrie est menée depuis le
premier jour sous la coordination de
l’Alliance atlantique»[13]
Mercredi 7 décembre, au JT
de 13h de France2, nouveau reportage
(1’28’’) : « Martine chez les déplacés »
(mais on ne la voit pas).
« Toute la nuit des bombes incendiaires
lancées par le régime de Bachar al-Assad
et ses alliés russes ont frappé les
quartiers rebelles» : images signées
THIQA. Qui est-ce ? « Média
révolutionnaire fondé par un groupe de
journalistes et militants qui continue
la Révolution Syrienne depuis son
lancement»
[14].
Rappel : aucun avion russe ou syrien n’a
bombardé Alep depuis le 18 octobre.
Alors où et par qui les bombes
incendiaires rapportées par THICA
ont-elles été lancées ?
La propagande dont parle MLJ serait celle du « régime » et alliés, pas
des images qu’elle a empruntées à THICA.
Suivent : des images des civils
« déplacés », qui quittent ces
quartiers, comme « cet homme [qui]
embrasse un soldat, une accolade de
propagande (sic) peut-être (re-sic),
comme les interviews ». Chers lecteurs,
regardez ce « reportage »[15]
ne serait-ce que pour voir le visage de
« cet homme », son émotion mais aussi
son impressionnante maigreur.
Au JT de 20h, E. Leenhardt « fait le point sur la situation »[16]
: « qui contrôle quoi en Syrie ?» et au
direct de France2 ? Où « notre
spécialiste » fait un lapsus devant une
carte de la Syrie : « L’opposition au
régime se trouve dans ces zones
déguisées, euh, dessinées, pardon, en
jaune »…
Deuxième « reportage »[17]
de la journée ; images rapides en
introduction de l’Aleppo Media Center
avec quelques CB dans leurs nuées de
poussière : « asphyxiés, les rebelles
savent que leurs jours sont comptés ».
Ensuite : images de médias militaires
syriens et iranien, de « propagande »
nous prévient-on au cas où on n’aurait
pas encore compris, sur les habitants
d’Alep Est qui fuient les « rebelles ».
Pour Arnaud Comte qui a pris le relai de
MLJ comme récitant « les bombardements
sont ininterrompus »,« l’offensive du
régime est dévastatrice », « comme nous
le confirme cet habitant joint cet
après-midi par Internet (skype)
: "les forces du régime sont très
proches, à quelques mètres d’ici, vous
voyez là je suis dehors et je suis sûr
qu’un sniper m’a dans le viseur
[en marchant avec sa kalach le long de
corps, au milieu d’une rue sans bruit]
nous sommes tous pris au piège dans
cette poche"». Non, pas tous, même ça
c’est faux.
Sur France Culture dès 7h30, Valérie Crova, enfin arrivée à Alep,
pour « Le choix de la rédaction »[18]
pose des questions neutres de
journaliste de chaîne publique qui fait
de l’information indépendante : à une
femme qui lui dit qu’ils étaient affamés
par les rebelles, elle corrige : «
mais le fait que vous ne vous mangiez
pas c’était aussi parce que l’armée
empêchait la nourriture d’entrer» et
caetera dans tous les journaux qui
suivent depuis.
Pendant ce temps, « la correspondante de RT Lizzie Phelan a été
conduite par des sapeurs de l’armée
syrienne dans les parties de la ville
nouvellement libérées. Son équipe a pu
filmer des débris de munitions et des
sachets de produits chimiques abandonnés
dans une école qui servait de base aux
rebelles ». Elle donne la parole aux
démineurs qui -sans les Casques Blancs
ni Syria Charity - sécurisent la zone
pour que les habitants puissent rentrer
chez eux. Le lieutenant-colonel des
ingénieurs de combat syriens : « le
problème ça n’est pas la mort. Le
problème c’est la maison… Rester ou
partir »[19].
Depuis plus de cinq ans.
Vendredi 9, Oeil-de-lynx[20]
continue à voir des avions bombarder
Alep-Est. Pourtant «le chef du
Commandement opérationnel principal de
l'État-major général a tenu à souligner
que les forces aérospatiales russes
n'ont réalisé aucune opération à Alep
depuis le 18 octobre. "Je souligne que
ces résultats ont été atteints par les
troupes terrestres de l'armée syrienne
et que l'aviation russe et l'aviation
syrienne n'ont participé à aucune
opération à Alep depuis le 19 octobre.
Les quartiers libérés reçoivent chaque
jour des dizaines de tonnes d'aide
humanitaire, voient les infrastructures
sociales se remettre en place, leurs
habitants reçoivent l'aide médicale
nécessaire", a affirmé M. Roudskoï»
[21].
Dorothée Olliéric (avec B. Gazet) fait un reportage étonnamment proche de
l’objectivité au JT de 13h de France2 :
les militaires russes « mettent en place
une vraie organisation humanitaire »
pour venir en aide aux réfugiés
[22].
On ne le repassera pas. Et Olliéric
retournera le soir-même sur le
Charles de Gaulle, où le chef des
armées françaises (totalement
indépendant du commandement intégré de
l’Otan) déclare qu’il n’a pas dit son
dernier mot.
Au JT de 20h, face à ce que D. Olliéric appelait le matin « la fulgurante
avancée » de l’armée syrienne, Arnaud
Comte -sans MLJ- doit contrôler une
amorce de virage. Logos floutés pour les
images par drones et pour la séquence :
«les rebelles, acculés, n’ont aucunement
l’intention de baisser les armes comme
le montrent ces images de propagande » !
Comme disait l’autre, ce n’est pas la
girouette qui tourne, c’est le vent… Et
« justement, quels sont ces rebelles
encore présents ? ». Les rebelles
modérés de l’ASL, mais « à côté il y
aurait plusieurs groupes islamistes », à
n’en pas douter les seuls auteurs de
toutes les exactions que les rescapés
commencent à raconter à l’ »armée de
Bachar al-Assad « . Et, pour finir, un
mot de l’inquiétude de l’ONU sur les
hommes qui auraient disparu en arrivant
dans la zone contrôlée par « les forces
du régime »
[23].
La question corollaire « Mais qui sont ces soldats syriens qui se battent
à Alep ? » n’a pas été posée par Arnaud
Comte mais par les journalistes russes
de Sputnik . « Basil,
diplômé
de la faculté
du droit de Deir ez-Zor, manie à la
perfection un lance-roquettes RPG-7. Il
n'a pas vu sa famille depuis quatre ans.
Les siens habitent dans la partie
occupée de la ville (Deir ez-Zor), et il
est pratiquement impossible de les voir.
"Je regarde leurs photos, et cela me
fait du bien. J'aurais préféré combattre
non loin de mes proches" »[24].
L’Armée arabe
syrienne et ses alliés sont en train de
débarrasser Alep des groupes
terroristes. Et nous, quand nous
débarrasserons-nous des mercenaires
journalistes et faux humanitaires, et de
leurs patrons ?
A la mémoire de Nadejda
Douratchenko et Galina Mikhaïlova,
du Service de santé des armées russe,
hôpital pédiatrique mobile d’Alep.
Marseille, 10 décembre 2016
Moscou, Galerie Tretiakov (photo
m-a patrizio)
[1]
http://www.mondialisation.ca/le-quai-dorsay-lue-et-les-usa-financent-le-aleppo-media-centre-qui-defend-la-cause-des-djihadistes/5548392?print=1
[14]
http://thiqa-agency.com/en/
et
http://thiqa-agency.com/en/about/
: « Thiqa
Agency .Objectives : To cover
the Revolutionary movement in
Aleppo city in private and the
rest of the revolutionary
movement in Syria city in
general and stands for
documenting the crimes of Assad
regime’s
criminal and militias supporting
him and the advancement of the
revolutionary media to the
global level and expose the
Assad regime’s
practices in the face of the
Syrian revolution ».
Le sommaire de Marie-Ange Patrizio
Le
dossier Syrie
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