Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
La France et sa Justice
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 28 avril 2017
Après le vote du 23 avril, qui a porté
aux portes de l'Elysée un banquier du
groupe Rothschild, il devient de plus en
plus évident que si la France
n'approfondissait pas les sciences
humaines et en tout premier lieu la
connaissance anthropologique de la
politique et de l'histoire, le
nationalisme n'aurait plus d'avenir et
la France ferait naufrage dans un
épuisement tragique de la pensée
rationnelle et cela selon un modèle bien
connu des historiens du byzantinisme.
Pour ma très modeste part, je tenterai
donc, dans le texte ci-dessous et dans
celui du 11 mai de poser quelques jalons
conjurateurs d'un naufrage qui s'annonce
par mille signes et présages.
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1 - Le temporel et
l'intemporel
2 - Le masque de la loi
3 - Les bévues du Dieu unique
4 - Le refus d'humilier la
transcendance de la France
5 - Un animal métaphorique
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1 - Le temporel et
l'intemporel
On sait qu'aux yeux
du Général de Gaulle, le régime de Vichy
n'était pas seulement illégitime, mais
inexistant en droit, donc privé du
prestige et des apanages d'un Etat
reconnu comme tel. Dans ce contexte,
Jacques Chirac n'a rien compris au
gaullisme à déclarer que la France, en
tant que telle, aurait "commis
l'irréparable", puisqu'elle était
censée s'être rendue coupable de la
rafle du Vel d'hiv ordonnée par la
justice relative du moment.
Mais en 1958, à
peine de retour au pouvoir, après un
exil de douze ans à
Colombey-les-Deux-Eglises, le Général de
Gaulle a promu la loi la plus
hallucinante qu'on pût imaginer: au pays
du Bridoye de Rabelais, du Bridoison de
Beaumarchais et du Raminagrobis de La
Fontaine, il était déclaré interdit non
seulement de critiquer une décision de
justice, mais de publier des écrits ou
de tenir des propos susceptibles de
porter ombrage au mythe de
l'infaillibilité d'une justice, pourtant
toujours relative et terrestre, celle
que sécrète la jurisprudence.
Comment expliquer
que l'homme qui avait proclamé seule
réelle la France de la radio de Londres
semblât changer à ce point de politique
et de philosophie de la justice
française? Peut-être avait-il compris
que son attitude à l'égard du régime de
Vichy portait un coup mortel aux Etats
concrètement présents sur la scène du
monde, puisqu'elle les privait de la
sacralité qui fonde toute autorité aux
yeux de la population.
2 - Le masque de
la loi
Mais comment
installer dans la durée le mythe de
l'infaillibilité d'une justice
terrestre, brusquement revêtue des
attributs de la justice divine, alors
que la justice est toujours dépendante
des circonstances du moment? On sait où
cette mythologie judiciaire a conduit la
France: des juges du tribunal d'Aix en
Provence ont cambriolé les biens placés
sous scellés au greffe de leur propre
tribunal, puis ils ont tenté de faire
valoir l'autorité de la loi qui les
protégeait de l'outrage, pour menacer de
poursuivre au pénal toute tentative de
mettre en doute leur intangibilité et
leur sacralité de confection.
M. Robert Badinter,
alors Garde des sceaux dans le
gouvernement de M. Mitterrand, s'était
trouvé dans le plus grand embarras. D'un
côté, comme Ministre de la justice, il
essayait de "couvrir" les
malfaiteurs en robe noire, de l'autre,
comment innocenter, donc sanctifier des
pillards? Avec habileté et secrètement,
Robert Badinter a manœuvré en coulisses.
Il n'a jamais mis publiquement en cause
l'autorité d'une loi hallucinante, mais
il a étouffé l'affaire et réussi à
calmer la fureur de voleurs agressifs à
l'égard de leurs dénonciateurs, le tout
sans paraître douter un instant de la
légitime sainteté d'un Etat de droit
pourtant fondé sur un arbitraire
auto-sanctifié.
3 - Les bévues du
Dieu unique
Quelles leçons
tirer d'une loi grotesque et absurde par
définition? Celles de l'obligation de se
visser la loupe à l'œil et d'examiner,
en anthropologue de l'encéphale humain,
comment de siècle en siècle, les pères
de l'Eglise ont tenté de légitimer une
justice divine tout aussi branlante que
celle de la créature et donc de doter
l'encéphale d'une divinité flottante et
irréfléchie d'une logique et d'une
cohérence internes.
L'exemple de saint
Augustin est particulièrement révélateur
sur ce point: il commence par accuser de
confusion d'esprit et de superficialité
une divinité censée avoir créé le ciel
et la terre sans seulement s'être
préoccupée au préalable de savoir
comment elle allait assurer un logement
à sa création, puisque "Dieu" n'avait
pas pris la précaution élémentaire de
créer au préalable l'espace et le temps.
L'auteur des Confessions a
mis vingt ans, dans sa Cité de
Dieu, à tenter de doter d'une
cohérence l'encéphale d'une divinité
qualifiée d'omnisciente, d'omnipotente
et censée diriger le monde.
Mais les
malencontres de la métaphore divine ont
continué de mettre le Dieu unique dans
l'embarras. Comment expliquer qu'il ait
laissé faire, donc approuvé, le sac de
Rome par les hordes des Wisigoths
d'Alaric en 410? Pis encore: comment se
fait-il le Dieu ait laissé une femme, la
papesse Jeanne, "porter la culotte"
sur le trône de Saint Pierre? Cette
bévue du Saint Esprit a marqué
l'histoire de l'Eglise, au point qu'elle
ne s'est jamais remise de ce
traumatisme: aujourd'hui encore, après
chaque élection d'un pape, un
ecclésiastique se glisse sous la table
et va vérifier que le nouvel élu a deux
testicules "bene pendentes", bien
pendues.
A ce compte,
comment vérifier que la France idéale du
Général de Gaulle censée seule exister
en droit face au régime de Vichy, se
révèle néanmoins un Etat en chair et en
os?
4 - Le refus
d'humilier la transcendance de la France
On sait que l'art
262 de l'ancien code pénal est tombé en
désuétude par la volonté d'une portion
intègre du corps judiciaire de la France
réelle, mais qu'il n'a jamais été
officiellement abrogé. Cependant, cette
loi a été respectée avec une docilité
sans faille par la France officielle
pendant des décennies. Certes, la
question préalable de la
constitutionnalité promulguée par le
Président Giscard d'Estaing permet
désormais au justiciable de contourner
cet article.
La tentation du
rabougrissement de l'Etat au temporel
est puissante et mortifère. La France de
Vichy est morte en 1945, mais aux yeux
de la France transcendante et immortelle
dont rêvait le Général de Gaulle, elle
n'avait été, du temps même où elle
semblait diriger le pays, qu'un cadavre
pourrissant. Qui aujourd'hui oserait se
déclarer le successeur de la France de
Vichy?
En revanche, les
gaullistes anciens ou récents se
comptent par centaines de milliers car
dans leur cœur et dans leur esprit il
existe une patrie intemporelle, une
patrie éternelle qui vit par delà la
matérialité des évènements et les
fourberies des politiques contingentes.
C'est cette France-là que les gaullistes
d'aujourd'hui refusent d'humilier en la
rendant abusivement coupable des
manquements liés à la lâcheté d'une
poignée de dirigeants corrompus,
notamment de la quasi-totalité de la
magistrature de l'époque - un seul
membre excepté - qui s'était ralliée
avec un ensemble touchant au régime de
Vichy. L'article du code pénal par
lequel le Général de Gaulle assurait en
quelque sorte l'infaillibilité des
magistrats du siège constituait une
manière de blanchiment de ce corps
collectif, une résurrection de son
"innocence" et de sa "pureté" déflorées.
Or, la Justice
représente la transcendance à l'égard du
politique sans recourir pour autant aux
miracles du surnaturel. Elle était, aux
yeux de l'homme du 18 juin,
consubstantielle au bon fonctionnement
de l'Etat, bien que Général ne se fît
aucune illusion sur la qualité du
personnel judiciaire passé et présent.
5 - Un animal
métaphorique
On voit, comme je
l'ai démontré le 14 avril, qu'une espèce
ingouvernable par nature et par
définition, ne peut se diriger qu'à
l'école et à l'écoute de ses songes et
de sa transcendance, parce que l'homme
est un animal métaphorique. A ce titre,
il se transporte au-delà du temporel.
On retrouve le sens
originel du substantif "métaphore"
dans nicéphore, porteur de la
victoire, phosphore, porteur de
la lumière, doryphore, porteur
d'une lance, sémaphore, porteur
d'un signal, logophore, porteur
d'un langage, Lucifer, porteur de
la lumière, mot qui se contente de
substituer le latin ferre à son
synonyme grec phorein etc.
C'est pourquoi le
genre humain se transporte sans cesse
dans des mondes rêvés, mais qu'il croit
pleinement réels.
De 1917 jusqu'à la
chute du mur de Berlin en 1989, toute
l'intelligentsia française a cru que le
paradis allait débarquer en Russie. Même
M. Joliot-Curie, un des pères de la
bombe atomique française, en a témoigné
sous serment le 4 avril 1949 à
l'occasion du procès Kravchenko. Il a
fallu le rapport Krouchtchev en 1956, il
a fallu toute l'œuvre de Soljenitsyne
pour remettre leur tête à l'endroit à la
plupart des intellectuels du Vieux
Monde.
Mais les vices du
système politique momentanément incarné
par l'URSS n'ont pas sonné la mort des
idéaux de fraternité et de partage. Ils
continuent souterrainement leur travail
de sape de l'arrogance d'un mondialisme
libéral échevelé, fondé sur la guerre de
tous contre tous. Ce libéralisme n'est
qu'un autre nom de la loi de la jungle.
Voir :
Halte à l'américanisation du monde,
14 avril 2017 (Décodage)
La Révolution
française a rebattu les cartes du
sacrifice. La victime ne se livre plus
au harpon d'une divinité avide de chair
et de sang, elle s'immole aux idéaux
rédempteurs d'une Liberté et d'une
Justice dont elle est elle-même
l'instrument. Elle se découvre l'agent
d'exécution d'un destin de l'esprit.
Elle est à elle-même l'acteur autonome
du salut d'une espèce métaphorique.
Puisse le XXIe
siècle marquer un tournant décisif dans
l'histoire du "connais-toi", puisse le
XXIe siècle mettre de l'ordre dans
l'encéphale erratique d'une espèce
ingouvernable, puisse le XXIe siècle
féconder une fois de plus la question de
Montaigne: "Qui suis-je?".
Le 28 avril 2017
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