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Les intellectuels et internet

La numérisation et l'avenir du livre (2)
Censure et autocensure

Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Vendredi 28 février 2014

1 - La leçon du XVIe siècle
2 - L'inquisition bourgeoise
3 - Cassandre
4 - Le nouvel humanisme
5 - De la sauvagerie conceptualisée
6 - La ciguë de la pensée

1 - La leçon du XVIe siècle

Reprenons l'analyse des relations que la culture démocratique et républicaine entretient avec les droits de la pensée rationnelle.

Pour que les portails ouverts à la lucidité des anthropologues de la politique consolident leur vocation naissante de prendre le relais des Froben à Bâle, des Alde Manuce à Venise, des Gryphe à Lyon, des Robert Estienne à Paris, puis à Genève, il faut que les Etats rendus relativement pensants du XXIe siècle renoncent expressément et solennellement à faire condamner en justice les sacrilèges attachés aux exploits de la pensée logique et qu'ils cessent de faire porter au monde des affaires et aux industriels du livre-marchandise toute co-responsabilité pénale avec les nouveaux hérétiques que leur talent conduit en correctionnelle.

J'ai déjà relevé que si les imprimeurs d'Erasme avaient été condamnés par les tribunaux de l'orthodoxie religieuse de l'époque pour avoir publié l'audacieuse Ratio verae theologiae, dont les syllogismes ont couvé les œufs du protestantisme tant luthérien que calviniste ou pour la parution de l'Eloge de la folie, qui ridiculisait avec trois siècles d'avance sur Voltaire, la croyance en l'existence des empires infernaux, ou pour la mise sur le marché de la Petite controverse sur le dégoût et de l'épouvante du Christ de 1499, qui m'a conduit à une première psychanalyse anthropologique et politique du meurtre sacrificiel perpétré en imagination sur l'autel des chrétiens, la répression pénale que les Etats théocratiques de la Renaissance auraient exercée contre les éditeurs jugés trop audacieux n'aurait en rien accru l'autorité politique de la classe dirigeante des monarchies de droit divin.

En revanche, le retour à l'inculture philosophique du Moyen-Age qu'affichent les Etats modernes est devenue un spectacle observable à l'échelle internationale. Mais à terroriser sur le numérique des commerçants et des marchands illettrés, les gouvernements dopés par l'encens de leurs idéalités exerceraient la censure la plus sotte. Car les narcotiques de l'entendement pris en amont et qui mettraient à titre préventif le bâillon de la stupidité sur la bouche des écrivains, des poètes et des philosophes sur internet, ne sont plus des drogues efficaces. Il faut changer l'opium, le haschisch et la morphine à l'aide desquels la démocratie croyait protéger son immunité.

2 - L'inquisition bourgeoise

Lisez les Lettres de Grimm à Frédéric II et vous comprendrez comment les seringues des éditeurs bourgeois de l'époque ont piqué leurs aiguilles en lieu et place de celles de l'Eglise dans les articles de l'Encyclopédie de Diderot suspects de rationalisme à leurs yeux. L'ouvrage apeuré que nous lisons aujourd'hui n'est, hélas qu'un spectre de l'original. Mais si l'Etat religieux n'avait tenu les cordons du poêle de la monarchie, les éditeurs semi-illettrés de l'époque n'auraient pas sévi à la source et détruit les originaux, tandis que, de nos jours, que peuvent encore les Etats répressifs si la planète de Gutenberg leur glisse entre les mains. Demander aux guerriers de la pensée de se colleter avec des garde-chiourme effrayés, c'était demander à des gentilshommes de croiser le fer avec des naufrageurs salariés. Mais maintenant, où sont passés les ilotes en mesure de priver les prophètes de l'intelligence de demain de leur mission et de leur vocation ?

Si les Etats laïcs persévéraient à citer des éditeurs aussi craintifs qu'ignorants à la barre des tribunaux, une barbarie habillée aux couleurs de la démocratie tenterait en vain de tuer dans l'œuf la seconde Renaissance que prépare l'alliance irrépressible entre la liberté de l'écrit et le numérique; car l'auteur du XXIe siècle ne doit plus rien à l'édition traditionnelle, même si son ouvrage n'est pas encore tombé dans le domaine public, à condition que, sur le fondement de l'article 1 de la loi de 1957 évoquée ci-dessus, il aura recouvré à temps ses droits spirituels.

Je rappelle que le code civil actuel consacre non seulement le statut transcendantal des œuvres de l'esprit, mais l'obligation légale de l'éditeur d'assurer la promotion intellectuelle et culturelle des ouvrages qu'il publie. Certes, la France d'aujourd'hui est d'ores déjà devenue la championne du monde des censures présentes et à venir: elle a demandé trois cents interdictions sur tweeter, tandis que les autres nations en réclament moins d'une dizaine.

Mais il sera impossible de juguler internet, parce que la liberté de pensée n'est plus oligarchique: on ne censure pas nommément des milliers de citoyens. Vous avez appris à lire et à écrire à tout le monde. Quel boomerang!

3 - Cassandre

Dans le cas où l'Etat répressif du XIXe siècle retrouverait son ancienne vigueur et tenterait de pénaliser derechef la recherche intellectuelle et la politologie modernes sur internet, pourquoi cette censure en amont échouerait-elle plus fatalement que la précédente? Parce que l'anthropologie philosophique de demain approfondira jusqu'au vertige la psychophysiologie du naufrage cérébral et éthique d'une civilisation vassalisée.

Au XVIIe siècle, c'était la police de la théologie qui servait de forteresse inexpugnable à la répression pénale des hérésies. Aux XVIIIe et XIXe siècles, la police des mœurs bourgeoises s'est substituée à celle du fanatisme religieux. Au XXe, le nazisme et le marxisme ont placé la foi de leur orthodoxie politique au cœur de la culpabilisation de la pensée scientifique. Le XXIe siècle connaîtra un type d'inquisition doctrinale d'un type entièrement nouveau, puisque la diabolisation et la mise en accusation du nouveau rationalisme exigera l'interdiction pure et simple de rendre réellement intelligibles les évènements que le mythe de la Liberté leur demandera de raconter en aveugles. Comment expliciter les causes profondes et montrer en action les acteurs cachés dans les coulisses du théâtre si l'histoire messianisée ne s'éclaire qu'à la lumière d'une anthropologie de la pensée magique?

Ce type de censure sera relativement facile à imposer à un monde éditorial en symbiose, depuis la monarchie, avec les organes sommitaux des Etats et imprégnés par le pouvoir politique du moment, comme la docilité de l'édition sous l'occupation l'a si bien démontré. Mais quel est l'éditeur d'aujourd'hui qui s'autoriserait à raconter la véritable histoire de la guerre évitée de justesse en Syrie, la véritable histoire des accords de l'Iran avec les Etats-Unis, la véritable histoire de la contre-offensive de l'AIPAC au Congrès américain contre lesdits accords, la véritable histoire du futur boycottage mondial des produits israéliens, la véritable histoire de la guerre qui se déroule pourtant sous nos yeux entre M. Netanyahou et M. Kerry, Ministre des affaires étrangères des Etats-Unis, la véritable histoire de l'insurrection en Ukraine, bien qu'elle ait été révélée par Mme Nuland elle-même, chargée le plus officiellement du monde par la Maison Blanche de la domestication de l'Europe?

- Mon Panthéon 2 , 18 janvier 2014

- Mon Panthéon 1 , 11 janvier 2014

Seul internet n'aura pas froid aux yeux, seul internet se trouvera en mesure de répondre aux impératifs d'une pesée lucide, donc sacrilège de l'histoire d'un continent occupé par cinq cents bases américaines et qui, vingt-trois siècles après les guerres puniques, a perdu à jamais sa souveraineté sur la Méditerranée, que les Romains appelaient "notre mer".

4 - Le nouvel humanisme

Mais la plongée de la science historique et de la politologie de demain dans une compréhension anthropologique des évènements messianiques ne s'est jamais inscrite dans la simple narration du déroulement chronologique des faits. Pour décrypter des réalités aussi gigantesques et extraordinaires que le silence craintif et l'aveuglement dont tous les partis politiques allemands et italiens s'entourent depuis soixante-dix ans au chapitre de la présence des légions d'une puissance étrangère en armes sur le territoire de l'Europe - plusieurs centaines de bases militaires américaines se sont implantées sur le sol de ces vieilles patries, alors qu'il n'existe aucun danger de guerre à conjurer - il faut un décryptage révolutionnaire des secrets cérébraux des nations démocratiques et de la cécité politique des évadés de la zoologie dont une raison mal laïcisée a crevé les yeux.

Quelles seront les conquêtes de l'anthropologie expérimentale dont l'exposé des méthodes ne trouvera refuge et asile que sur internet ? Celles qui illustreront les carences et la superficialité de la raison du XVIIIe siècle qui n'a en rien détecté les odoriférences attachées aux concepts auto-propulsifs de 1789, qui ont pris le relais du mythe du salut et de la délivrance que la sotériologie marxiste allait illustrer. La raison de demain saura qu'une pensée qui ne se rendra pas spectatrice du genre humain en tant que tel ne sera pas philosophique, tellement une animal eschatologique ne se rend observable dans son animalité spécifique que dans les laboratoires qu'on appelle la politique et l'histoire universelles.

Qu'en sera-t-il du déplacement du centre de gravité de l'itinéraire de la science historique et de la politologie qui courrait en direction d'une psychogénétique de l'encéphale de l'humanité, donc du glissement des sciences humaines vers des analyses de l'animalité proprement cérébrale des évadés de la zoologie? Au XVIe siècle, la civilisation de l'écriture se trouvait immobilisée par un obstacle infranchissable : l'élévation de la boîte osseuse de notre espèce ne pouvait se poursuivre si l'on ne substituait pas aux lenteurs de l'univers des copistes, qui remontait à Homère, une transmission plus efficace de la mémoire du monde. Seuls des supports mécaniques du savoir ont permis à la philologie scientifique encore balbutiante des humanistes d'inaugurer un décodage encore semi-rationnel des écrits censés dictés par un ciel maladroit de la plume et ignorant des règles les plus élémentaires de la grammaire et de l'orthographe.

5 - De la sauvagerie conceptualisée

Mais le XXIe siècle a besoin de bien davantage que d'une multiplication mécanique et d'une accélération des moyens physiques de véhiculer les savoirs sacrés ou profanes: il y faut un instrument de communication trans-corporel et ultra rapide, donc aussi éloigné des traînards de la planète de Gutenberg que l'imprimerie quittât les paresses de la civilisation des parchemins. Sans l'instantanéité et l'universalité d'une information planétaire avisée, l'anthropologie moderne se trouverait renvoyée aux loisirs des copistes de la Haute Egypte. Mais la documentation fulgurante d'internet ouvre la pensée moderne au recul d'une spéléologie exploratrice de l'encéphale de l'animal dichotomisé entre des mondes imaginaires et le réel. Il nous faudra aborder la question centrale : qu'en est-il des rouages et des ressorts psycho-cérébraux qui pilotent une espèce piégée entre la fossilisation de ses songes d'escargots sacrés et leur déchaînement délirant dans le fanatisme?

On le voit bien avec le débarquement sur un internet de plus en plus iconoclaste d'une éthique trans-démocratique et sacrilège dont la distanciation cérébrale dénonce la barbarie de type républicain. Qu'en est-il des férocités propres au mythe mondial d'une liberté totémisée par des idéalités? La guerre d'un messianisme ensauvagé piloté en sous-main par la sotériologie vétéro-testamentaire se trouve dénoncée par le Vatican à son tour; mais le christianisme de Curie ne disposera jamais des instruments d'un décryptage rationnel des mythologies qu'enfante désormais une parole auréolée par des abstractions carnassières et eschatologisées. Le monde de l'imprimé demeure aussi inapte que la théologie du Moyen-Age à véhiculer un approfondissement anthropologique et trans-zoologique de l'humanisme classique. Qu'en est-il des concepts "rédempteurs" qui servent désormais d'autels aux sacrifices de sang que réclame le mythe du rachat de l'humanité par la démocratie?

6 - La ciguë de la pensée

J'ai déjà dit que la censure moderne interdit purement et simplement au mémorialiste et au chroniqueur de mettre en scène les acteurs cachés de l'histoire du monde, parce que le sionisme est devenu le plus gigantesque protagoniste et metteur en scène d'une géopolitique du "salut". Il est désormais jugé blasphématoire de filmer en action ce géant de la délivrance du monde. Du coup, c'est Cassandre qu'on assassine.

Que disait la pythonisse à un empire romain au bord du naufrage? Que le peuple de la Louve courait au trépas, parce qu'il était devenu impossible de faire rebrousser chemin à Clio, parce que les légions de Séjan ne retourneraient jamais dresser leur tente hors de l'enceinte de la ville, parce que, tôt ou tard, les barbares mettraient Rome à sac, parce qu'une religion moins naïve, mais moins patriote que la précédente désarmerait les légions, parce que le siècle d'Auguste serait également l'orchestrateur des funérailles de l'empire et de sa chute dans l'infantilisme politique.

Que dit Cassandre à l'Europe des guerriers désarmés d'aujourd'hui? Que les derniers gouvernements d'une Europe agonisante dans la médiocrité politique étaient composés de rebouteux de la politique régionale, que les chefs d'Etat des démocraties municipalisées du Vieux Continent ignoraient le premier mot des diagnostics et des verdicts implacables de Thucydide et de Montesquieu, que les incantations et les exorcismes verbaux des décadences ressortissent à une météorologie de magiciens, que la classe dirigeante des derniers sorciers reproduisait les recettes et les gesticulations des augures antiques, que les puissances montantes déferlaient du fond de l'Asie et déversaient des montagnes de produits bon marché sur l'Occident et que la victoire des conquérants pauvres, mais ardents sur les riches acéphales, qui avait été manquée dans l'enceinte de l'utopie marxiste, était devenue planétaire.

Même si l'Etat de demain tentait de réprimer la liberté de parole et de pensée sur internet, jamais ses consultations du vol des oiseaux n'arrêteraient la marche d'une raison devenue torturante, parce que nous sommes en 399 avant notre ère. Athènes vient de signer le pacte de la fatalité avec le trépas de la démocratie. En ce moment même, l'accusateur Mélétos monte à la tribune sous l'œil des caméras du monde entier. Il va faire condamner Socrate à mort sous l'inculpation d'empoisonneur public. Mais, la parole de vérité est devenue socratique. A l'heure de la mort politique de la civilisation de la pensée, buvons la ciguë ressuscitative qui métamorphosera en remède le poison qu'on appelle l'intelligence.

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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