Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
La classe dirigeante des Etats-vassaux
II - Le continent européen en
apprentissage
de sa servitude
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 26 juin 2015
Quatre lettres
ouvertes à M. Jacques Myard, Député de
la nation, Président du Cercle
Nation et
République
|
Introduction
1 - Le retard intellectuel des
classes dirigeantes
2 - Comment instruire des élites
vouées à l'éphémère ?
3 - De la nature des grands
Etats
4 - Les Cathares du marxisme
5 - De l'utopie à la mystique
6 - Psychobiologie de la
vassalité parareligieuse
7 - Le cerveau actuel des
dirigeants européens
8 - Un animal masqué par son
langage
|
Introduction
Il suffirait à
une poignée d'hommes politiques
européens de quelques mots bien assénés
pour renseigner le suffrage universel du
Vieux Continent des raisons simples et
évidentes pour lesquelles l'empire
américain tente de dresser le Vieux
Monde contre la patrie de Tolstoï et de
Dostoïevski.
Voici les clés
de cette énigme: sept nations se
trouvent officiellement détentrices de
la foudre nucléaire, les Etats-Unis, la
France, l'Angleterre, la Russie, la
Chine, l'Inde et le Pakistan. Mais il ne
suffit pas de disposer de l'arme
apocalyptique pour exercer une hégémonie
de type biblique. La Chine court en tête
des nations proches d'insuffler à la
terreur une âme économique, l'Inde suit
Pékin avec un retard de quelques
enjambées - mais l'essentiel est de se
trouver sur la piste d'envol. Deux
Etats, l'Angleterre et la France, ayant
perdu leur empire colonial, se sont
retirées de l'arène où d'autres
puissances jouent au pilotage du globe
terrestre. Le Pakistan, géant prématuré,
piétine sur le seuil dans l'attente
d'une audience internationale qui
répondrait à sa fierté de détenir une
arme inutilisable.
Mais seule la
Russie avance résolument sur la voie
appienne des armes para-nucléaires de
demain. La progression technologique de
l'ex-empire des Tsars repose sur le
perfectionnement à l'infini de
l'armement classique. A l'heure de
l'informatique et des logiciels, un Etat
inventif prend rapidement une avance et
qui condamne le sceptre nucléaire à un
rapide vieillissement de son arsenal et
de ses canonnades.
D'ores et déjà,
l'issue de cette confrontation ne fait
plus de doute. La puissance militaire
mondiale des Etats-Unis repose sur un
adage vieux de deux millénaires, selon
lequel la domination des mers serait la
clé de la suprématie invincible d'une
nation sur toutes ses consœurs. Cette
fixation des esprits sur l'hégémonie
navale d'autrefois est décédée dans les
dernières années du XXe siècle, quand
les monstres d'acier à propulsion
nucléaire qui avaient succédé aux
caravelles de Charles Quint ou de
Guillaume le Conquérant sont devenues
pulvérisables en haute mer et à des
milliers de kilomètres des côtes du
viseur qui les prend pour cibles: des
missiles tirés du rivage et enfouis à
cinquante mètres sous la terre ne
laissent aucune chance de surnager aux
tortues porteuses d'aéronefs sur leur
carapace d'acier.
L'avance
technologique des armes téléguidées de
la Russie et sa maîtrise des missiles
miniaturisés ont convaincu l'empire
américain d'achever en toute hâte la
vassalisation économique et militaire du
Vieux Monde et de tenter de lancer
précipitamment le continent de Copernic
à l'assaut, par procuration, de
l'ex-empire des Tsars. Une telle
stratégie n'est évidemment possible
qu'en raison de la sous-information et
de la pauvreté de la réflexion
stratégique d'un continent fatigué et
dont la connaissance de l'histoire et de
la politique s'arrête aux portes de la
science des armes modernes. Il faut
avoir passé par Saint-Cyr ou par l'Ecole
de guerre, comme le Général de Gaulle ou
Jacques Chirac, pour porter sur les
Etats et sur le cerveau de la classe
dirigeante élue au suffrage universel un
regard instruit à l'école des
conquérants qui, depuis des siècles, ont
démontré que la clé de la politique est
dans la science de la guerre.
C'est pourquoi
on voit des enfants de chœur comme Mme
Merkel ou François Hollande monter sur
la scène du monde en tenue de majordomes
décorés d'un mythe de la Liberté écrit
sous la dictée d'un maître.
Monsieur le Député,
1 - Le retard
intellectuel des classes dirigeantes
A l'origine, le
pouvoir populaire direct, donc encore
petitement localisé, voyait les adultes
de sexe masculin se rassembler plusieurs
fois dans l'année et souvent en armes
sur la place publique de leurs cités aux
fins d'y trancher sans barguigner des
affaires publiques à la majorité de
mains levées. Mais sitôt que cette forme
expéditive du gouvernement citadin s'est
exercée sur un territoire relativement
étendu et comportant plusieurs villes et
de nombreux villages, la minusculité
d'un pouvoir physiquement présent sur
quelques lopins est évidemment devenue
inapplicable aux casus belli les
plus cruciaux.
De plus, Athènes a
rapidement démontré l'incapacité
naturelle des peuples de ce bas monde,
tant citadins que ruraux, de diriger une
nation à l'échelle du monde pourtant
restreint et lent de leur époque et de
mettre occasionnellement et pour
quelques heures seulement le siècle de
leur temps à l'écoute des enseignements
simplistes et sporadiques de la vie
champêtre. Périclès lui-même était
rapidement devenu l'otage de la place
publique où un pouvoir seulement
corporel courait dans le vide et la
bride sur le cou.
La désastreuse
expédition de Sicile a tout de suite
démontré aux chefs d'Etat que les
démocraties à mi-temps ont besoin de
sécréter une classe de transfuges
permanents et qui mettront à quia la
petitesse originelle des nations livrées
à l'incompétence et à l'amateurisme
populaires. Mais cette première élite
d'une vie publique héritée du pouvoir de
type corporel des origines ne saurait se
montrer tout de suite suffisamment
instruite et réfléchie pour élever aussi
instantanément que spontanément une
science de l'histoire au-dessus de la
gestion des tracasseries de villages.
2 - Comment
instruire des élites vouées à l'éphémère
?
Et pourtant, M. le
Député, les démocraties devenues trans-municipales
demeurent nécessairement condamnées à se
nourrir leur vie durant de la fiction
qui a donné naissance à leur vicariat
originel, celui d'une collaboration
censée étroite et naturelle entre les
peuples et leurs dirigeants d'un moment,
donc d'une interdépendance harmonieuse
entre la tête microscopique et les
jambes provisoires d'un seul et même
corps électoral artificiellement unifié.
Mais alors, un
pouvoir politique précaire, parce que
soumis à des réélections rapprochées et
livré à une autorité éphémère par nature
et par définition ne présente-t-il que
l'avantage indirect d'empêcher du moins
qu'un abîme grandissant ne s'ouvre entre
le peuple et ses dirigeants d'un moment,
mais seulement, hélas, faute qu'une
classe dirigeante d'un grand génie
trouve le temps de s'éduquer? Car la
brièveté du pouvoir le prive du socle de
toute légitimité solide. Si Néron avait
dû demander tous les trois ou quatre ans
aux Romains : "Voulez-vous continuer
avec moi?", il n'y aurait plus de
tyrannie, mais plus de légitimité réelle
non plus, tellement l'autorité véritable
se fondera toujours sur la durée dans
l'esprit du genre humain.
C'est pourquoi
l'inaptitude des classes dirigeantes
rudimentaires des démocraties modernes à
conquérir rapidement la hauteur de vues
et les savoirs nécessaires à leur
fonction et à leur vocation s'est
inévitablement révélée aux premiers
anthropologues de la politique, ce qui
n'a cessé de poser aux cités la question
la plus fondamentale de toutes, celle à
laquelle l'audace de votre initiative a
donné une acuité appelée à révéler
rapidement sa portée internationale.
Car le spectacle de
la médiocrité des élites dirigeantes
élues par un peuple encore sous-informé
de la nature de l'échiquier du monde a
bien vite débarqué dans l'histoire
tragique et sanglante des démocraties
modernes: souvenez-vous de la mise en
scène atterrante du désarçonnement des
Etats européens entre 1919 et 1940, à
l'heure où il s'est révélé impossible
d'instruire la caste inexpérimentée
hissée au pouvoir par le peuple et de
l'informer de la nature de l'alliance du
socialisme messianisé classique avec le
nationalisme spartiate du IIIe Reich -
puis, entre 1945 et 1989, quand les
cerveaux dirigeants, donc censés
pensants, n'ont pas réussi à conquérir
une connaissance anthropologique de
l'eschatologie politico-religieuse des
marxistes et, en général, de la nature
viscéralement onirique de l'encéphale
des évadés de la zoologie.
M. le Député de
l'intelligence de la France, cette
question darwinienne aurait dû se poser
aux sciences humaines dès le XVIIIe
siècle, puisqu'elle résultait de
l'avènement, deux millénaires
auparavant, d'une mythologie du salut
universel et de l'ubiquité d'une
délivrance miraculée du genre humain.
Ces phantasmes politiques avaient
conduit le fabuleux chrétien non
seulement à abolir purement et
simplement la propriété privée, mais à
la démence d'éradiquer de surcroît les
neurones et les chromosomes qui pilotent
le fantastique cérébral dont ce
malheureux animal se trouve habité de
naissance. Si vous ne faites pas
débarquer une psychobiologie, même
élémentaire, dans la politologie
mondiale d'aujourd'hui, la connaissance
du genre humain dont témoignera votre
parti en demeurera au siècle de
Voltaire, qui rêvait de remplacer le
Dieu des marmites infernales par un Dieu
de bonté.
3 - De la nature
des grands Etats
De nos jours,
l'alliance de principe de l'utopie
politique des premiers chrétiens avec
les restes de la mystique dialectisée de
Karl Marx - ce pacte se fondait sur
l'espérance du débarquement, supposé
imminent, mais au forceps, d'un
succédané plus satisfaisant que le
précédent du royaume sanglant des cieux
sur le globe terrestre - cette alliance
cruelle et carnassière, dis-je, du
paradis et de l'enfer a cessé de se
révéler périlleuse, du moins dans
l'immédiat, et n'appelle plus en rien le
fervent apostolat d'une pensée
rationnelle résolument d'avant-garde.
En revanche une
anthropologie nouvelle est appelée à
monter en première ligne: car il s'agit
d'éduquer la prochaine élite politique
de la démocratie mondiale, dont la
pensée sera appelée à combattre une
ignorance inconnue jusqu'à présent,
celle dont souffrent désormais les
Républiques fondées sur le dogme
planétaire de l'infaillibilité d'un
suffrage universel mystérieusement
inspiré à sa propre écoute. A ce titre,
cette autorité collective méconnaît les
fondements tout humains des axiomes et
des postulats réputés salvateurs
qu'affiche la démocratie mondiale
messianisée d'aujourd'hui. "Dieu" a
passé la main: il a cessé de s'adresser
seulement aux quelques chantres de sa
grandeur qu'il était censé avoir triés
sur le volet. Il y a gagné une audience
nouvelle - celle des masses grisées par
le mythe de la Liberté. Mais la
passivité dévote des démocraties et leur
docilité rivalisent désormais avec
l'obédience religieuse des masses
d'autrefois.
Cette ignorance des
secrets anthropologiques de la piété est
mal inspirée. Elle s'offrira demain à la
pesée d'une France mieux informée des
sommeils et des réveils ravageurs du
sacré. Observez les paramètres de la
pseudo réflexion contemporaine
concernant les léthargies et les
sursauts eschatologiques des empires
démocratiques - car le monde moderne
s'est construit sur le songe de
l'indépendance innée et de la
souveraineté naturelle des masses.
Celles-ci sont censées donner un souffle
politique bénéfique par définition à un
suffrage universel rédempteur.
Croyez-vous, M. le Député, que les "Républicains"
pourront se permettre d'ignorer
longtemps encore les entrailles et le
cerveau du nouveau guide suprême du
genre humain - ceux du dieu Liberté?
On a pu observer
tout récemment le type d'ignorance
finaliste et d'incompétence scolastique
propres à toute la classe dirigeante
européenne d'aujourd'hui: souvenez-vous
du comportement d'enfant rusé de Mme
Merkel face à un Vladimir Poutine
sagement réaliste. Aussi longtemps qu'il
aura suffi à la Chancelière de
s'affairer autour d'une nation des
lessives et des confitures et de bien
gérer le ménage d'après guerre des
Germains mis à la rude école d'un empire
étranger et domestiqués pour longtemps,
aussi longtemps, dis-je, que cette
ménagère aura paru armée d'une
connaissance suffisante des fourneaux et
de la gastronomie réservées aux chefs
des démocraties actuelles, elle a semblé
faire l'affaire. Mais sitôt que la
planète des décérébrés retrouvera son
allure transculinaire, il apparaîtra que
cette Egérie des marmites ne comprend
goutte au train des Etats vivants et des
empires en mouvement.
M. le Député, vous
avez pris rendez-vous avec l'histoire
réelle des Etats - mais c'est le monde
entier qui attend une science
anthropologique de la politique. Les
"Républicains" sont-ils plus
informés de la découverte de
l'évolutionnisme en 1859 et de la
psychanalyse en 1900 que les chrétiens
du XVIIe siècle de l'astronomie de
Copernic?
4 - Les Cathares
du marxisme
G.K. Chesterton
(1874-1936) prophétisait que le monde
serait dirigé par des ménagères. C'est
dans un esprit d'institutrice-modèle et
d'élève compénétrée d'évangélisme
scolaire que Mme Merkel a vivement
reproché au successeur des Tsars d'avoir
violé un ordre international censé
immobilisé pour l'éternité, puisque le
mur de Berlin était tombé sur le modèle
de la chute des murs de Jéricho. La
Chancelière se présente en pédagogue
d'une démocratie mise à l'abri des
enseignements de l'histoire réelle des
Etats. C'est à ce titre, et à l'instar
d'un Barack Obama, qu'elle affecte
d'ignorer qu'un gouvernement russe digne
de ce nom ne saurait renoncer à
l'ambition de toutes les grandes nations
de conquérir les frontières que
requièrent l'étendue de leur territoire
et la masse de leur population. On ne
dirige pas davantage la Russie à
l'échelle du Lichtenstein que la France
à l'échelle du Montenegro. M. le
Président du Cercle Nation et
République, que pensez-vous de la
postérité à donner au traité de
Westphalie de 1648, qui avait interdit
aux Etats civilisés de se mêler de la
politique intérieure des autres Etats?
Quand bien même
l'ex-empire des tsars aurait été vaincu
en toute loyauté sur le champ de
bataille, donc par la seule force du
glaive d'un Alexandre invincible, aucun
dirigeant russe d'envergure ne saurait
délégitimer la vocation naturelle et
propre à cette nation depuis plus de
trois siècles de s'ouvrir - et l'épée à
la main au besoin - le libre accès à la
Mer Noire et à la Méditerranée. Tout
chef d'Etat de ce pays qui renierait
l'esprit de la politique de Pierre le
grand et de la grande Catherine se
verrait reprocher sa pleutrerie et
n'éviterait le gibet qu'en raison de
l'instauration, depuis 1996, d'un
moratoire sur les exécutions en Russie.
M. le Député,
quelles sont votre politique et votre
pesée de l'avenir de la nation
française? Quelle est votre philosophie
des frontières? Près de trois cent
soixante dix ans après le traité de
Westphalie, laisserez-vous un empire
étranger entraîner toute l'Europe dans
le sillage de son messianisme anti-russe
ou bien armerez-vous la géopolitique
d'aujourd'hui d'une réflexion de fond
sur le droit international actuel?
Car, comme il est
rappelé plus haut, la Russie soviétique
ne s'est pas effondrée à la suite d'une
guerre perdue, mais seulement pour avoir
assisté à la répétition générale d'un
théâtre eschatologique atterrant. Qu'en
est-il du grotesque planétaire d'un
mythe démocratique dûment calqué sur
celui du christianisme originel? Si la
démence inouïe d'un messianisme
politique avait tenté de remettre en
marche l'épopée ahurissante des Cathares
du XIIe siècle, dont la folie rêvait de
convertir tout le genre humain au saint
devoir de sauver le joyau de la chasteté
jusque sur le lit conjugal, un péril
politique de ce calibre aurait été
rapidement circonscrit et efficacement
combattu, tellement un programme de la
rédemption fondé sur le dépérissement
sacré et l'extinction sanctifiée du
désir sexuel, donc sur une planification
de l'extermination salvifique de
l'espèce pécheresse ressortissait à une
hérésie dont il était inutile de
combattre la stupidité à l'école des
bûchers de l'Inquisition: il n'est pas
besoin d'une science anthropologique de
la folie humaine pour savoir que ce
genre de dérangement cérébral s'éteindra
parmi les fuyards de leurs forêts par la
simple contre-offensive de l'instinct de
conservation de tous les êtres vivants.
5 - De l'utopie à
la mystique
En revanche, la
glorification religieuse de la pauvreté
et le rêve ahurissant d'abolir la
propriété privée ne sont pas seulement
d'origine chrétienne: leur source s'est
révélée d'ordre psychobiologique. De
plus, ce songe ne s'est montré
congénital à un évangélisme d'origine
biologique qu'à partir de la tradition
ascétique de la philosophie stoïcienne
et en réaction à une dépravation
universelle et pathologique des moeurs.
Mais, au XIXe siècle, une mutation aussi
soudaine que peu banale du modèle de
production capitaliste a subitement
ensauvagé ce système économique: il
n'était pas prévisible que des
mécaniques motorisées et automatisées se
substitueraient soudainement à la
lenteur et à la maladresse du travail
individuel. Cette accélération
abassourdissante et cette massification
à la fois catastrophique et comique du
labeur des masses ont enfanté un
esclavage d'un type inconnu et
incroyable, celui de la robotisation des
travailleurs systématiquement mécanisés.
Dès 1936, Charlie Chaplin filmera cette
gigantesque galéjade dans Les
Temps modernes.
De plus, la
crédibilité de l'abolition - dans un
bain de sang rédempteur - de l'instinct
de propriété inscrit dans nos gènes
depuis Cro-Magnon a pu se nourrir de la
conversion de quatre-vingts pour cent de
l'intelligentsia mondiale aux bienfaits
d'une utopie politique. Mais jamais
cette théologie pour asile d'aliénés
n'aurait égaré le peuple le plus
réaliste et le plus ancien de la terre,
le peuple chinois, si la mécanisation
effrénée des multitudes au profit d'un
capitalisme d'esclavagistes n'avait pas
présenté un péril plus réel pour la
survie des fuyards du règne animal que
le rêve d'enfermer une espèce sexuée
dans la maison de fous de la chasteté
universelle.
Quoi qu'il en soit,
une politologie qui châtierait à jamais
la Russie en raison du naufrage d'un
délire politique tellement passager que
le christianisme originel l'avait
terrassé en une seule génération
ressortit à une forme de démence
collective fort significative de la
carence intellectuelle et philosophique
qui frappe aujourd'hui de plein fouet
les élites dirigeantes de type
démocratique. Car Mme Angela Merkel, j'y
reviens, semble ignorer l'origine
messianique d'une mythologie politique
imposée de l'extérieur à l'Europe et au
seul bénéfice d'un empire mondial du
salut par la démocratie [Voir
Introduction]. Or, l'expansion
foudroyante du mythe de la Liberté
politique s'est précisément construite
sur la voracité du capitalisme
messianisé, lequel s'était déchaîné à
l'échelle du monde entier depuis le XIXe
siècle.
L'idée de mettre la
massue d'un maître de l'onirisme
politique actuel entre les mains des
vassaux de ce songe impérieux - et cela
à seule fin de frapper la Russie à coups
de gourdin - n'a d'autre finalité
géopolitique que d'assurer la prospérité
des marchés financiers ficelés à
l'empire du dollar par les accords de
Bretton Wood. C'est pourquoi la trique
des sanctions économiques prises sous la
férule d'un empire réputé rédempteur ont
aussitôt fait progresser à tout vat les
exportations de l'Amérique … en
direction de la Russie.
M. le Député de la
nation, serez-vous le déclencheur de
l'Europe d'une lucidité triplice:
religieuse, politique et militaire?
Serez-vous l'éveilleur qui dira aux
Français qu'il n'y a pas de politique
internationale qui puisse passer au
large d'une science historique experte à
peser ensemble et sur la même balance le
poids des armes et celui des songes.
6 - Psychobiologie
de la vassalité parareligieuse
Que dit le
baromètre de la sottise politique -
celui qui indique la température des
mondes imaginaires dont l'histoire de la
planète se nourrit? Il faut expliciter
les raisons psychobiologiques qui
colloquent désormais le monde dans la
postérité de l'évolutionnisme de Darwin
et de l'inconscient de Freud. Car
l'esclavage de type démocratique n'a pas
livré les ultimes secrets de son Graal.
Seule une décérébration brutale des
élites et une infantilisation subite de
toute la classe dirigeante européenne a
pu engendrer une carence des cervelles
perméables à ce type de domptage: la
nouvelle épidémie de la folie sacrée est
devenue celle de la chute précipitée des
civilisations développées dans un type
de puérilité spécifique et propre
seulement à un mythe de la Liberté tombé
dans la folie.
C'est cette
puérilité politique qui a conduit Mme
Merkel jusqu'à soumettre les services
secrets de son propre pays à la
surveillance et au contrôle d'un empire
étranger - et cela au point de leur
ordonner le plus naïvement du monde
d'espionner Airbus au profit de son
concurrent, le géant américain Boeing.
Seule une candeur pathologique peut
rendre crédible un angélisme de ce
calibre. Admettez-vous, M. le Député, ou
bien que Mme Merkel ne sait pas un
traître mot de la politique
internationale et de l'histoire réelle
de ce bas monde et qu'elle est demeurée
aussi étrangère à ce domaine que
Mallarmé ou saint François d'Assise, ou
bien pensez-vous qu'elle devrait passer
aux assises?
Mais, encore une
fois, où sont les psychiatres de la
feinte innocence du mythe de la Liberté
quand le vainqueur de 1945 en tient le
sceptre d'une main ferme?
7 - Le cerveau
actuel des dirigeants européens
Que la
vassalisation cérébrale du monde
d'aujourd'hui soit à l'école du mythe
politique de la Liberté démocratique
semble incroyable au premier abord; mais
savez-vous que le Salvador s'est vu
contraint de vendre trois cents tonnes
d'or afin de payer une gigantesque
amende que l'Amérique lui a infligée?
Or, ce petit pays a été condamné
précisément par le type de tribunaux qui
permettra demain aux entreprises du
Nouveau Monde de citer les Etats
européens à comparaître, l'échine basse,
devant des instances judiciaires
composées de marchands américains.
L'accusation dira que Paris, Londres ou
Rome auront violé le saint principe de
la liberté mondiale du commerce. On
demandera aux malheureux Européens de ne
s'opposer en rien à l'implantation
vertueuse des entreprises d'outre
Atlantique sur leur territoire ! La
liberté démocratique est messianique ou
n'est pas.
M. le Député, vos
collègues de l'Assemblée nationale
ont-ils pris conscience de ce qu'après
soixante-dix ans de présence de ses
légions sur notre continent, le Nouveau
Monde ne lâchera pas prise de sitôt et
que seule une longue guerre de
reconquête des apanages politiques
propres aux Etats souverains leur
redonnera leur autorité et leur
influence d'antan? Mais sans doute
avez-vous compté sur vos doigts ceux de
vos compagnons de route qui ont vraiment
compris cette situation. Aurez-vous la
force de prendre la tête d'une France et
d'une Europe à dévassaliser à l'écoute
des leçons d'une connaissance
anthropologique de l'histoire du monde?
Dans ce cas, vous n'aurez aucune chance
d'y parvenir si notre politologie
biphasée et nos sciences humaines
schizoïdes demeuraient obsolètes en
raison de leur méconnaissance de la
nosologie qui a rendu onirique de
naissance l' encéphale dichotomisé de
notre espèce. La politique ne se laisse
plus comprendre seulement à moitié : si
l'on ne va pas au fond des choses, on
reste dehors.
8 - Un animal
masqué par son langage
J'insiste sur ce
point décisif. Car le gouffre qui s'est
ouvert sous les pas de la classe
dirigeante de la démocratie mondiale est
d'une nature fort différente de celui
qui s'était ouvert sous l'agora au
cinquième siècle avant notre ère: cette
fois-ci, seule la connaissance des
ressorts qui commandent l'évolution des
neurones d'un animal encore suspendu
entre ciel et terre pourra armer la
classe dirigeante européenne de demain
d'une connaissance anthropologique de
son inconscient cérébral; et seule une
science de l'imagination humaine
permettra de déclencher le divorce
progressif des élites d'avant-garde
d'avec un corps électoral mal instruit
de la nature des verdicts que prononce
un suffrage universel mythifié à l'école
de son propre langage et à l'écoute de
sa propre voix.
Il serait
stérilement piétinant, M. le Député, de
constater seulement que l'homme n'est
pas encore un transfuge parachevé du
règne animal: car c'est de la
spécificité auto-béatifiante de
l'animalité humaine qu'il faut tenter de
cerner le séraphisme. Or, cet angélisme
est viscéral, et cela non point
exclusivement parce qu'il porte toujours
le masque d'un monde imaginaire, mais
parce qu'il se révèle substantifié, si
je puis dire, par la parole sacralisante
des mythes collectifs. C'est le discours
lui-même qui donne le change, c'est le
discours lui-même qui métamorphose le
réel à le transporter dans l'abstrait,
c'est le discours lui-même qui chapeaute
le monde et le couronne des guirlandes
d'un vocabulaire pseudo ascensionnel.
L'animalité humaine n'a pas d'équivalent
dans le monde animal, parce que la
domestication politique des peuples et
des nations n'est pas un domptage de
cirque, mais une tiare. La servitude des
Etats européens n'est pas la vassalité
des fauves terrifiés, mais celle d'une
valetaille porteuse des pancartes de la
vertu démocratique sur lesquelles leur
maître a gravé le sceau de dela Liberté.
L'empire américain
n'est pas encore identifié dans ses
prérogatives pseudo sanctifiantes,
celles d'un César salvifique, mais
seulement au titre d'une dérive "unipolaire"
marginale de la politique classique. On
s'imagine que l'animalité proprement
humaine ne serait pas psychobiologique
par nature sous le prétexte qu'elle ne
broie pas les malades et les vieillards
sous ses crocs - tout au contraire, elle
leur "assure une fin de vie dans la
dignité et dans l'apaisement" - ceux
d'un humanisme saintement démocratisé.
Quand, en 2013, le
pape François mobilise un milliard et
demi de catholiques contre la guerre en
Syrie et, en 2015, la même multitude
contre la pestifération de Vladimir
Poutine, le devoir de la pensée
rationnelle mondiale est de se dire que
ce pape est un anthropologue à sa
manière et qu'il a pris quelque avance
dans la spectrographie des idéalités
carnassières dont les fauves
s'auréolent.
Que dit le Jésuite
déguisé en Franciscain - ou l'inverse -
qui dirige l'Eglise? Que l'homme est un
sanctificateur voué à glorifier sa
bestialité masquée et qui met ses
mâchoires à l'écoute de l'ange de la
Liberté qu'il est devenu à ses yeux. Cet
animal-là "fait l'ange", disait
Pascal; et c'est viscéralement qu'il
rentre ses griffes pour jouer au
séraphin. M. le Député, la semaine
prochaine, je me demanderai si vous ne
vous seriez pas avancé sur un champ de
mines, celui d'une révolution parallèle
des sciences humaines et du droit
international.
Le sommaire de Manuel de Diéguez
Les dernières mises à jour
|