Qu'est-ce que
philosopher ?
Le combat de la raison
XI - L'abaissement des peuples
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 20 mars 2015
|
1 - Comment se
fait-il…
2 - Une Iliade de la sottise
|
1 - Comment se
fait-il…
Comme nous avons
grandi ! Nous sommes devenus des
spectateurs de mèche avec l'irréfutable.
Assis sur les gradins du monde, nous
avons changé notre histoire en un vaste
théâtre cérébral. Que pensons-nous de
notre nouvel habitacle - un cosmos
irrémédiablement déserté par le Dieu de
nos pères? Mais, dans le même temps, nos
ancêtres nous ont soudainement
ratatinés! Le silence d'un espace vidé
du géant qui l'habitait et le tragique
d'une durée privée à jamais de son
titanesque locataire ont fait de nous
les interlocuteurs éberlués du
grossissement de notre boîte osseuse.
D'ores et déjà,
c'est à des citoyens d'une trempe
nouvelle, c'est à des orphelins de leur
face à face avec le sacré, c'est à des
confesseurs décidés à nous ouvrir les
yeux et les oreilles que nous devons le
bénéfice d'un redressement de notre
échine. Mais vous avez compris où je
veux en venir; vous êtes nombreux à vous
dire que vous n'êtes plus des enfants en
bas âge et que les grandes affaires du
monde vous regardent. Devenons des
questionneurs impatients, trépignants et
incommodes.
....Comment se
fait-il que notre classe dirigeante ait
tenté - et à notre insu - de mettre
notre voisine, la Russie, au pain sec et
à l'eau?
....Comment se
fait-il qu'un sceptre étranger ait osé
demander aux assermentés et mandataires
de la souveraineté du peuple français de
perpétuer à nos dépens un forfait
diplomatique de ce calibre?
...Comment se
fait-il que les délégués de notre
souveraineté aient pu ridiculiser à ce
point l'autorité sur la scène
internationale de tous les corps
électoraux du Vieux Monde ?
...Comment se
fait-il que nos fondés de pouvoir et
toute la phalange de nos exécutants
soient tombés dans la honte et
l'effronterie de défier notre
souveraineté? C'est aux yeux du monde
entier qu'ils ont subitement jeté aux
orties les relations traditionnelles et
multiséculaires que les nations
civilisées entretiennent avec leurs us
et coutumes et qui régissaient les
relations de bon voisinage des Etats
entre eux.
...Comment se
fait-il que la main de fer d'une
puissance campée à cinq mille kilomètres
de nos côtes ait fait plier l'échine et
la fierté de tous les Etats souverains
du Vieux Monde?
...Comment se
fait-il que des nations européennes
d'une raideur digne de leur rang aient
rompu leurs amarres et que leurs têtes
chenues et leurs cheveux blancs aient si
docilement consenti à une ignominie
diplomatique - celle de mettre
l'illustre nation de Tolstoï et de
Dostoïevski au ban de l'économie
mondiale?
...Comment se
fait-il qu'une chancellerie éloignée de
mille deux cents lieues de nos rivages
interdise subitement aux dignitaires de
la France de livrer à la Russie deux
navires de guerre commandés depuis des
années à nos chantiers navals, alors que
leur construction est achevée depuis des
mois et que l'acheteur les a payés
d'avance?
...Comment se
fait-il qu'on ne nous ait pas soufflé
mot du statut réel d'une Europe
monstrueusement vassalisée par un César
étranger?
...Comment se
fait-il que ce maître aille jusqu'à se
vanter de sa capacité de débarquer avec
désinvolture en tous lieux sur notre
astéroïde?
...Comment se
fait-il que le reste du monde se
prosterne devant un prétendu ordonnateur
du Bien et du Mal sur toute la terre
habitée?
...Comment se
fait-il que les forces armées de
vingt-huit nations du Vieux Continent,
des plus grandes aux plus
microscopiques, se trouvent placées - en
temps de paix et à jamais, disent les
traités que nos dirigeants corrompus ont
signés - sous le commandement d'un képi
débarqué en 1917 seulement sur le globe
terrestre?
...Comment se
fait-il qu'aucun ennemi réel ne menace
de près ou de loin un continent de
mollusques apeurés et que nous nous
livrions à des exercices militaires et à
des manœuvres gesticulantes à seule fin
de paraître conjurer un danger réel?
...Comment se
fait-il qu'un empereur éphémère
plastronne sans déclencher nos rires à
la tête d'une démocratie tombée de la
dernière pluie?
...Comment se
fait-il que l'éphémère se soit incrusté
pour l'éternité sur nos arpents sans que
nous nous soyons esclaffés?
...Comment se
fait-il que soixante dix ans aient passé
depuis la fin de la dernière guerre
mondiale et que nos chefs d'Etat se
prélassent encore entourés sur nos
terres des garnisons étrangères de notre
prétendu délivreur?
...Comment se
fait-il qu'un petit époumonné danois ou
norvégien nous exhorte à prendre les
armes contre la Russie?
...Comment se
fait-il que ces nains soient toujours
désignés par notre maître de là-bas?
...Comment se
fait-il que notre presse et notre
télévision d'esclaves ne nous parlent
jamais du joug qui pèse sur nos épaules
et qui s'alourdit jour après jour?
...Comment se
fait-il que notre citoyenneté
ridiculisée par nos pitreries, se
réduise à écouter les balivernes et les
bavardages qui nous cachent l'état de
notre plumage et de notre ramage?
...Comment se
fait-il que nos chenapans du rire ne
prennent jamais pour cibles un
demi-milliard de citoyens et de
citoyennes européens passivement
quadrillés, et à leurs frais, par cinq
cents places fortes et garnisons
américaines enracinées, l'arme au poing,
à Mons, Ramstein, Bologne, Pise,
Florence, Naples, Palerme et Syracuse -
pour nous en tenir à notre continent
seulement?
2 - Une Iliade de
la sottise
En vérité, jamais
encore de si maigres arbrisseaux
n'avaient suffi à nous cacher la forêt.
Mais comment nous y prendre pour
attaquer une forteresse haute de tant
d'étages, aux murs enfoncés à une si
grande profondeur, aux remparts si
proches des nues et vénérés depuis tant
de générations? Nos pères, nos
grands-pères et nos
arrière-grands-parents ont vu le drapeau
de l'étranger flotter sur tant de nos
cités qu'il nous faut prendre la mesure
de la rudesse de la guerre qui nous
attend: jamais cinq cents bannières ne
quitteront notre territoire par le seul
effet de nos prières, jamais l'étranger
ne lèvera le camp sur des salutations
courtoises et des remerciements appuyés
pour la longue hospitalité que nous
aurons accordée à leurs armes.
D'un côté, comment
nous donnerons-nous des chefs aguerris
et inspirés par un haut apostolat? De
l'autre, jamais une élite issue du
suffrage universel n'échappera à la
corruption attachée aux principes mêmes
qui assurent la sélection des élites à
la majorité des voix.
Comment informer
les masses que le militaire conditionne
le politique et que charbonnier doit se
rendre maître chez soi avant de courir
aux urnes? Les majorités élisent
nécessairement des classes dirigeantes
incompétentes sur la scène du monde et
les élites militaires au front bas ne
sont jamais que des Spartacus, dont les
sociétés civiles expulsent rapidement
les casques et les galons. C'est
pourquoi les Romains faisaient camper
leurs légions hors de Rome - et quand
Séjean les aura installés dans la ville,
leur police ne fera que hâter le
pourrissement de l'empire. L'Amérique en
a retenu la leçon: ses troupes
bivouaquent à perpétuité hors des villes
de leurs vassaux, parce qu' il suffit de
les soustraire au regard des peuples
pour qu'ils se croient souverains.
La semaine
prochaine, nous verrons si la nasse est
bien serrée ou si quelques souris en
rongeront les mailles.
Le 20 mars 2015
Le sommaire de Manuel de Diéguez
Les dernières mises à jour
|