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Décodage anthropologique de l'histoire contemporaine

La vassalisation de la France
viole-t-elle la Constitution ?

Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Vendredi 14 novembre 2014

Eclaircissements
1 - Les embarras philosophiques de la Révolution française
2 - Le destin politique de la Révolution française
3 - Une Académie banalisée depuis 1832
4 - A la recherche d'un gouvernail
5 - Une science de la vassalisation des peuples
6 - Le paradigme grec
7 - La vassalisation des académies pseudo scientifiques
8 - L'Europe de la trahison des clercs

Post scriptum

Eclaircissements

En 1889, l'achèvement de la construction de la tour Eiffel et l'inauguration de l'exposition universelle donnaient son sens symbolique à la commémoration du centième anniversaire de la prise de la Bastille. Mais deux interprétations parallèles de la grande Révolution s'y affichaient déjà à la face du monde : d'un côté, l'universalité du triomphe des sciences exactes, de l'autre, l'ubiquité croissante de l'industrie et du commerce. Mais un troisième personnage sortait de l'ombre: le mythe de la Liberté faisait monter une éthique évangélisatrice et messianique sur les planches de la politique internationale.

Certes, depuis près de trois millénaires, tous les gouvernements se légitimaient en dernière instance, à l'école des progrès moraux des civilisations connectées sur le ciel de leur sotériologie. Puis la démocratie romaine avait rattaché la citoyenneté à une cité déjà subrepticement rédemptrice, la civitas. Celle-ci se fondait sur la virtus, la vertu, donc sur la civilitas, la civilisation. De leur côté, les Grecs avaient rattaché le citoyen, le politès, à la politeia et la politèia à une polis, la cité, que Périclès appelait une pédagogie universelle. Quant au demos, le peuple, il ne renvoyait pas à la population d'un pays, mais aux phalanges civilisatrices des habitants des villes, tellement la politique était une affaire urbaine. (Le net ne prend pas l'alphabet grec)

Mais, au XVIIIe siècle, le genre humain inventait l'axe central de toute interprétation eschatologique du temps des peuples et des nations : cette espèce prétendait avoir mis la main sur l'essieu d'une éthique universelle du salut et de la délivrance par la politique ; et les démocraties serviraient de fer de lance à ce finalisme parathéologique. C'est pourquoi on a vu ici même (- Séance extraordinaire de l'Académie des sciences morales et politiques - Intervention remarquée d'un revenant qui aurait changé de tête , 17 octobre 2014) un acteur imaginaire prononcer un discours imaginaire à l'intention d'une Académie des sciences morales et politiques imaginaire; et ce discours a paru si dangereusement objectif à une Académie des sciences morales et politiques endormie que son secrétaire général m'a demandé le plus officiellement du monde de retirer un texte trop "vrai" à ses yeux.

C'est dire qu'en 1795, c'était une audace de précurseurs de la pensée politique mondiale de fonder une Académie de philosophes et de peseurs qui suivraient pas à pas l'histoire d'une morale universelle, d'un côté, et, de l'autre, celle de son compagnon d'infortune, la politique républicaine, c'était faire preuve, dis-je, d'une vision de l'avenir de l'humanité tout entière d'imaginer un déchiffrage désormais anthropologique, donc métazoologique, de l'histoire conjointe de la démocratie et du rêve qui la soutient.

Cet appel à la conquête d'une extériorité nouvelle du regard de l'historien "objectif" sur toute la représentation donnait à l'objectivité du narrateur une distanciation intellectuelle dont l'échec allait précisément illustrer la profondeur de son récitatif: car, depuis 1789, la véritable histoire de la Révolution s'est révélée onirique par nature, et elle n'a pas trouvé d'interprétation philosophique à ce titre, tellement le silence perruqué de l'Académie chargée d'articuler une morale universelle avec l'histoire réelle et contingente du monde se révèle plus éloquent que de longs discours. Et maintenant, le temporel somme son narrateur transcendantalisé de répondre à la question soulevée en 1795, celle des relations semi-célestes que la démocratie mondiale contemporaine entretient avec la morale de son ciel et, en retour, une politique contemporaine auto-théologisée avec une pensée rationnelle sans tête.

Mon lecteur a compris qu'il faut changer entièrement d'échiquier et de problématique, parce qu'il est aussi vain d'observer l'humanité avec les yeux de l'humanité du moment qu'une théologie avec les yeux de cette théologie. Au regard qu'Adam portait sur une animalité censée cernée d'avance et à laquelle l'évolutionnisme s'exerce depuis un siècle et demi, il faut tenter de substituer le regard d'une métazoologie sans cesse en devenir sur la zoologie cérébralisée dont souffrent les détoisonnés en suspens entre deux zoologies.

1 - Les embarras philosophiques de la Révolution française

De même que l'Académie française n'est pas une exposition de blasonnés de la littérature nationale, l'Académie des sciences morales et politiques n'est pas une exposition de spéléologues patentés des relations que la morale entretient avec la politique et la politique avec la morale.

Et pourtant, non seulement la plongée d'une nouvelle anthropologie politique dans les entrailles de l'histoire se situe désormais au cœur des sciences humaines, mais si, en 1795, date de la création de l'Académie des sciences morales et politiques, quelques esprits visionnaires avaient pressenti avec deux siècles d'avance que l'aporie la plus insoluble était celle que l'exécution de Louis XVI, le règne de la Terreur et l'ascension de Bonaparte permettaient d'apercevoir et si ces théoriciens d'avant-garde savaient que la science de la mémoire se trouvait condamnée à flotter entre deux eaux, personne ne pouvait se douter que la raison tridimensionnelle deviendrait plus infirme encore qu'autrefois. Comment lui faire prendre de l'âge, comme l'étoffer, comment l'armer d'une connaissance plus abyssale de la bête onirique que celle dont seule la théologie détenait le monopole d'en fournir le matériau à l'humanité?

L'examen de l'itinéraire du cerveau simiohumain dans une psychogénétique de l'évolution et l'interprétation des aventures de cet organe dans une méta-zoologie plus éclairée que les précédentes allaient se brancher sur les conséquences oniriques et biologiques confondues d'une Révolution qui, la première, avait jeté à terre une monarchie censée de droit divin et qui ne savait plus dans quel royaume de la raison loger l'ascensionnel. Qu'allait-il advenir d'une espèce rendue orpheline de tous ses Jupiter anciens, présents et futurs? Qu'en était-il du fossé qui s'était progressivement creusé - et qu'il était devenu impossible de combler - entre un pouvoir politique désemparé par son désarrimage des nues et le veuvage, à son tour, d'une éthique décapitée par le décès de ses parrains dans le surnaturel?

Un premier Consul aux aguets avait compris où se cachait le danger le plus mortel pour tous les Césars que le monde allait enfanter - un danger que l'Académie des sciences morales et politiques originelle avait précisément vocation de détecter. La cécité intellectuelle du pragmatisme anglais avait exorcisé ce péril - elle élevait une raison dépossédée du temporel au rang de pape de la religion du pays. Impossible de plaquer un subterfuge aussi saugrenu sur une civilisation héritière d'Athènes et de Rome.

Mais seule une anthropologie politique postérieure à la découverte de l'évolutionnisme et greffée sur l'animalité spécifique des fuyards tardifs de la zoologie pouvait soulever la question la plus vitale aux yeux mêmes des acteurs du séisme politique de 1789: il s'agissait de rien moins que de rebattre les cartes de la condition humaine, il s'agissait de rien moins que de découvrir les obstacles philosophiques qui se dresseraient fatalement sur le chemin du couronnement d'un empereur qu'on brancherait derechef - mais en vain - sur un ciel moribond. Certes, la Révolution ne songeait pas encore à fabriquer la balance à peser la cervelle du simianthrope ; et pourtant, deux siècles plus tard, tout le monde sait que les auréoles verbales du siècle des Lumières n'y valaient rien.

2 - Le destin politique de la Révolution française

Ni Robespierre, ni Saint-Just n'étaient des précurseurs dignes de se brancher sur les neurones du Voltaire prophétique de Candide ou l'optimisme, qui avait ridiculisé le "meilleur des mondes possibles" de Leibniz. Mais il avait fallu attendre l'incendie de Lisbonne en 1758 pour que Voltaire entrât dans la voie du pessimisme radical de la raison du XXIe siècle, celle dont seul Swift (1667-1745) avait pré-compris les mécanismes en anthropologue de génie. En France, le futur auteur du Génie du christianisme allait explorer les sentiers d'une "théologie poétique". Mais son génie pré-romantique avait avorté: on ne résout rien à baptiser la liberté de la presse "d'électricité sociale" et à jeter la pensée dogmatique par-dessus bord sans en avoir découvert les arcanes. Certes, l'Académie de 1795 pressentait le gigantesque échec philosophique d'une Révolution française construite, d'un côté sur les rêves d'un intellectuel rieur et moqueur et, de l'autre, sur les songeries d'un Rousseau bucolique. Le premier cherchait désespérément un héritier du Zeus de la scolastique que les laboratoires de la théologie du Moyen-Age avaient élaboré depuis saint Anselme et le second, un poète et un écologiste du cosmos inapte à jouer les mécaniciens de l'univers dans une Arcadie des philosophes.

En ce début du IIIe millénaire, les moutons blancs de Marie-Antoinette et les ébats de Paul et Virginie chez les écologistes modernes font face à la dislocation du système solaire que Copernic et Newton avaient construit sur la géométrie tri-dimensionnelle d'Euclide. Cette tension latente nous rappelle que nous avons rendez-vous avec une nouvelle anthropologie du sacré et que l'expérience de la Révolution française doit nous servir à passer le relais d'une boîte osseuse à l'autre au sein de notre espèce.

3 - Une Académie banalisée depuis 1832

En 1803, la dissolution de l'Académie des sciences morales et politiques - un trait de plume du premier Consul y avait suffi - écartait non seulement la difficulté pratique de se faire proclamer "empereur des Français", mais éloignait en outre provisoirement l'obstacle métaphysique et religieux de se faire couronner de la tiare d'un empereur chrétien, donc de "droit divin". Il s'agissait d'un exploit politico-cultuel, celui de brancher la famille corse d'un petit artilleur diplômé de l'école militaire de Brienne sur la lignée des rois Capétiens, il s'agissait de légitimer un successeur villageois de Clovis, il s'agissait de prendre la suite des interlocuteurs attitrés du Créateur de l'univers.

Enfantillages que tout cela, dira-t-on. Mais la conquête d'un regard de l'extérieur sur l'animal aux neurones devenus schizoïdes au cours d'une évolution cérébrale inachevée exige une connaissance psychobiologique des affûtiaux de la dichotomie qui pilote cette bête. Rappelons que le sang royal passait pour celui de Jésus-Christ en personne et qu'on l'appelait le sang bleu pour des raisons théologiques, donc cosmologiques. La Révolution était jugée satanique de faire couler le sang de la plèbe jusque dans les artères des rois - c'était armer le peuple du pouvoir de faire changer d'hémoglobine et d'artères à la politique mondiale. L'enjeu de la décapitation mécanique d'une théologie aristocratique à l'aide d'un grand tranchoir était international par nature.

Mais il ne fallait pas attendre de la médiocrité politique et intellectuelle de la Monarchie de juillet la légitimation d'une hérésie aussi périlleuse. La question abyssale était celle de découvrir les fondements à la fois religieux et sanglants du basculement des évadés partiels de la zoologie dans une histoire de la généalogie de leur cervelle et de leur sang. La question se situait désormais à mille lieues aussi bien des amusements rousseauistes de Bernardin de Saint-Pierre que des rigidités de pacotille des "rationaux" du XVIIIe siècle.

Aussi l'Académie n'a-t-elle reparu en 1832 que dûment respectabilisée, donc banalisée, rentabilisée et muselée par les rubans qu'arborait la bourgeoisie de l'époque - celle qui, depuis lors, et de génération en génération - a pris la place des penseurs visionnaires et des pré-anthropologues de 1795.

4 - A la recherche d'un gouvernail

Il faut savoir, en outre, que l'horizon mental de l'Académie des sciences morales et politiques actuelle se trouve non seulement calqué sur les dentelles et les broderies de la médiocratie philipparde, mais qu'elle est demeurée, de surcroît, fidèle à sa seconde naissance dans l'irresponsabilité intellectuelle de la Monarchie de Juillet.

C'est pourquoi, depuis cent quatre vingt deux ans, cette académie s'est voulue coite sur la Restauration de 1815 à 1830, mais également sur sa propre réduction au silence politique perpétuelle. Elle aurait pu jeter à son rétroviseur un coup d'œil de moraliste. Mais elle affichera successivement un mutisme bâtard sur les vrais enjeux de la Révolution de 1848, sur le sens historique du coup d'Etat du 2 décembre 1852, sur la signification politique de dix-huit ans du règne de Napoléon III, sur la bancalité de la proclamation de la République de 1871, sur l'occupation allemande de 1940 à 1944, sur "l'Etat français" et catholique de Vichy, sur les excès de l'épuration de 1945 et 1946, sur la chute progressive de la République post-gaulliste dans les expédients et les démissions parlementaires de la IVe et de la IIIe, sur la chute de la démocratie des droits de l'homme dans les tortures en Algérie, sur les évènements de mai 1968, sur les périls que court un Etat en loques et enfin sur l'abaissement de l'Occident dans la vassalité atlantiste, donc d'une civilisation en voie d'engloutissement à force de coller aux chausses d'un empire étranger. Que dira-t-on demain d'une Académie complice de Washington et qui aide son maître à élever l'Ukraine au rang d'un centre de gravité artificiel de la politique mondiale?

5 - Une science de la vassalisation des peuples

Bien pis: pour la première fois depuis la Révolution française, c'est la réflexion de fond sur le régime démocratique en tant que tel qui s'imposerait à une Académie reconvertie à sa vocation intellectuelle et morale originelle. Car elle voit clairement la Russie dépossédée de ses apanages d'Etat souverain et contrainte de subir la présence d'un empire étranger massivement campé à ses frontières; elle constate que cet empire n'aurait pu fomenter des troubles à Kiev si l'Europe n'était jugulée par la présence d'un César planétaire qui enserre la planète de plus de mille forteresses et garnisons, dont plus de cinq cents quadrillent l'Europe de Ramstein à Syracuse et de Mons au Kosovo. Elle observe que les Etats européens jugulés voient leurs chefs et leur classe politique exécuter docilement les consignes de l'étranger sur leurs territoires respectifs et fouler aux pieds les souverainetés nationales et les décisions du suffrage universel. Elle remarque que, pour la première fois, un Etat étranger exerce, en fait, le pouvoir exécutif sur le sol de ses vassaux, elle s'étonne de ce que ces Etats s'interdisent à eux-mêmes l'exportation de leurs produits en direction de la Russie, elle découvre, ahurie, que les industriels et les agriculteurs qui contestent les ordres stupéfiants d'un maître venu d'ailleurs, paient des amendes colossales dont leurs pays vassalisés frappent leurs propres citoyens s'ils tentent de se débâillonner et de sciet les chaînes qui enserrent leurs chevilles.

Une Académie dite des sciences morales et politiques n'est plus une instance ni morale, ni politique si elle ne souligne pas l'incompatibilité radicale de la souveraineté des Etats avec leur chute dans les mains d'un Etat étranger. Cette Académie se trouve donc à la croisée des chemins, car l'échiquier et la problématique de M. Vladimir Poutine ne sont pas encore à la hauteur d'une science anthropologique seule en mesure de rendre compte de la vassalisation de l'Europe à l'échelle psychogénétique - celle d'une discipline capable d'interpréter l'évolution cérébrale du chimpanzé. Or ce retard illustre à merveille qu'il appartiendrait à l'Académie des sciences morales et politiques de produire une phalange d'avant-garde de la réflexion politique qui conquerrait l'autorité et le prestige d'expliquer la fatalité - celle qui commande le suicide de l'Occident.

6 - Le paradigme grec

Et pourtant, la vassalisation inexorable de l'Europe obéit à un modèle encore bien connu et souvent rappelé par les grands historiens du XIXe siècle. Ceux-là se souvenaient-ils que les cités grecques conquises par l'empire romain étaient tombées dans un ahurissement jubilatoire? Rome disait qu'elle leur apportait la Liberté, Rome proclamait sans relâche qu'elle n'était pas venue en conquérante et que ses légions étaient celles de la délivrance, Rome incarnait inlassablement le premier Alexandre de la Justice et du Droit que l'univers eût vu naître. Les cités grecques n'en revenaient pas au spectacle d'un si grand prodige - l'allégresse des foules offrait le spectacle d'un avènement de la grâce sous les bannières en liesse de la paix et de la justice.

Las, la moitié ou les deux tiers de ces bienheureux se sont jetés dans les bras de leurs délivreurs, et les légions d'une démocratie semi-céleste ne pouvaient faire la fine bouche au spectacle de l'empressement des moutons de Panurge de l'époque. Savez-vous que les foules reconnaissantes changent seulement de sauveur et de maître, tellement, sitôt victorieux, le glaive se change en hostie d'un asservissement reconnaissant? Trois quarts de siècle après la Libération, ils sont toujours là et ils ne lèveront le camp que si les classes dirigeantes de la démocratie triomphante retournent sur les bancs de l'école et y apprennent à lire les livres des évangélistes de l'histoire avec des yeux d'anthropologues.

7 - La vassalisation des académies pseudo scientifiques

Cette situation soulève une question institutionnelle, celle du statut cérébral et politique des académies apeurées et devenues craintives, donc rendues ennemies de leur propre vocation. Peuvent-elles jouer les Ponce Pilate écussonnés dans les eaux tièdes des Démocraties décérébrées, alors que leur vocation intellectuelle devrait leur interdire de choir parmi les têtes grisonnantes?

En 1635, Richelieu avait compris la nécessité politique d'honorer la phalange des serviteurs les plus talentueux de la langue française et de les placer sous l'égide d'un Etat "protecteur des Lettres et des arts". De même, François 1er avait compris que les corps constitués ont des réflexes d'Eglises en miniature et qu'elles rejettent d'instinct les individus qui les offensent par leur refus de chanter dans le chœur. Il fallait que l'Etat accordât un rang sommital aux "immortels" livrés à la persécution des coupeurs de tête glorifiés par leur médiocrité et il fallait que le génie conquît une prééminence visible.

Mais si le Collège de France est demeuré fidèle à sa vocation originelle - il a donné la parole à Valéry, à Bergson, à Foucault - l'Académie des sciences morales et politiques, en revanche, est la seule institution prospective imaginée par la Révolution française dont la vocation était de prendre acte d'une mutation des gènes de la géopolitique classique: on ferait débarquer la psychobiologie dans la science historique du seul fait qu'on confierait à des majorités censées instruites par la seule onction de leur statut collectif la tâche de prendre le relais de l'infaillibilité doctrinale qu'exerçait le monopole des mythes religieux.

Nous voici livrés à la postérité de cette aporie psycho-biologique. Comment introniser le tribunal d'un suffrage universel réputé se trouver téléguidé par la bienveillance de la nature si les verdicts de cette assemblée débranchée des Olympe reposent sur une simple convention de forme - celle d'un chiffrage rituel des voix dont la sagesse faisait dire à un Socrate amusé que le hasard d'un décompte entre des aveugles sans doute miraculés par l'agora était devenu l'Empyrée immanent au peuple athénien. Le formalisme démocratique peut-il succéder sans autre forme de procès au liturgique d'Homère à nos jours?

Mais qui tire maintenant les ficelles du peuple-roi si le Zeus des chrétiens a été mis sur la touche en 1789? L'Académie de 1795 se posait la question de savoir si l'on peut fournir une boussole fiable à un animal largué dans le vide de l'immensité et contraint de s'inventer un gouvernail imaginaire parmi des aveugles. Cette espèce feignait d'avoir trouvé un Dieu tapi dans l'étendue. Mais, d'un côté, la démocratie ne sait plus comment concevoir un Jupiter auquel elle interdit d'avance et froidement de se mêler de tout, de l'autre, l'Amérique se souvient de ce que, depuis les origines, tous les dieux logés dans l'espace sont nés pour bavarder et se mêler de tout - sauf à demeurer muets comme des carpes. Comment faire parler Zeus et comment le faire taire si l'on tâtonne soi-même dans le cosmos?

Décidément, ou bien on renonce à faire babiller un Olympe et l'on se collète tout seul avec les responsabilités que cette montagne magique nous aura mises sur les bras, ou bien on se heurte à la difficulté extrême que Platon a résumée à peu près en ces termes: "De leur côté, les Célestes n'exercent aucun pouvoir sur nos affaires, de l'autre, nous ne disposons d'aucun pouvoir sur les dieux." Mais alors comment répartir les responsabilités entre eux et nous?

8 - L'Europe de la trahison des clercs

Pour la première fois depuis la Révolution de 1789, une crise mondiale de la pensée politique se révèle parallèle à une crise non moins planétaire des relations que la raison et la déraison des Etats entretiennent avec un sacré qu'ils pilotent en secret. Mais, en 1789, les premiers pas de la production mécanisée des biens de consommation avait amenuisé le prestige et le rang des valeurs traditionnellement attachées au trône et à l'autel. Qu'allait-il advenir à la bourgeoisie qui montait subitement sur le pont? Son expérience de la politique était entièrement à forger. Trois siècles plus tard, une bourgeoisie augmentée des élites issues des masses scolarisée dès l'enfance ont enrichi ses rangs. Ont-elles acquis la tournure d'esprit et les compétences de la classe dirigeante née de la longue alliance des guerriers avec la monarchie de droit divin? Jamais un roi de France n'aurait laissé un M. Barack Obama menacer d'envoyer "une tonne de briques" sur la tête du Président de la République française s'il se risquait à commercer avec l'Iran.

Mais un citoyen romain qui revêtait la toge virile dans sa quinzième année aurait immédiatement compris qu'un continent occupé par cinq cents garnisons et forteresses en provenance d'un empire venu d'ailleurs ne connaîtra jamais le souffle des peuples souverains. Dans le même temps, seule la connaissance des origines semi animales de la vassalisation des peuples se révèlera en mesure de doter les cerveaux des instruments d'une connaissance rationnelle des secrets de la méta-zoologie simiohumaine, parce qu'entre temps, la monarchie pieuse et guerrière a fait place à un mythe théopolitique conceptualisé, celui d'une liberté messianisée et évangélisée sur les fonts baptismaux d'une utopie dévotieuse.

C'est dire que seul un institut de la recherche méta zoologique mondiale permettra d'affronter d'un nouvel obscurantisme. On combattait une dogmatique ennemie de la science expérimentale, on combattra une vaporisation des cerveaux construite sur le même modèle schizoïde que celui de la dichotomie cérébrale précédente. La sémiologie moderne - ou la séméiologie - se trouve en germe chez Kantorowicz, qui n'observait pas encore le fonctionnement du "double corps du roi" au sein des démocraties. Maintenant, nous voyons le corps collectif et mythique des démocraties se brancher sur le passé religieux du genre humain, tandis que le corps temporel n'a pas encore articulé sa cervelle avec la philosophie de l'évolutionnisme, parce que Max Weber a tiré de Kantorowicz une distinction artificielle et pseudo rationaliste, celle d'une morale de la responsabilité et d'une morale de la vérité. Ces concepts ne sont pas scientifiques.

Une Académie de notables imprégnés de la culture moyenne d'un époque n'est pas à la hauteur de la panne internationale qui frappe les sciences humaines d'aujourd'hui et qui condamne la raison de notre temps à conquérir un regard du dehors sur l'animalité spécifique des semi-évadés de la zoologie. Seule une anthropologie scientifique qui changera de problématique et d'échiquier cérébral deviendra la méta zoologie indispensable à la séméiologie de demain.

La semaine prochaine, j'approfondirai quelque peu la notion de trahison applicable aux clercs; puis j'esquisserai une méthode d'apprentissage de la méta zoologie.

Post Scriptum

J'écrivais le 25 juillet: "A partir de cette date, et compte-tenu qu'on ne luttera efficacement contre le naufrage de la langue française que si le Président de la République et le Premier Ministre se voient nommément mis en cause, je relèverai quelques-unes de leurs fautes."

M. Valls ignore qu'on part pour..., et non à...

M Hollande ignore qu'on ne circule pas en vélo, mais à vélo.

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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