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Les défis de l'Europe

Courage, M. Juncker !

Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Samedi 12 juillet 2014

Présentation

1 - La cervelle de l'Europe
2 - Les malheurs de l'apôtre
3 - La colonne vertébrale de M. Renzi
4 - La politique des bons sentiments
5 - De la psychophysiologie religieuse des empires
6 - Les " auxiliarii " des Romains
7 - La simianthropologie et la métazoologie
8 - La commission de Bruxelles et les arcanes psychobiologiques de la politique internationale
9 - La voix de la mer
10 - Votre rendez-vous avec l'Amérique

Présentation

Depuis que nous avons commencé de nous évader du règne animal, nous tentons de porter sur nous-mêmes un regard souverain. Longtemps, nos avons confié cette tâche à un cénacle de dieux que nous avions rendus avisés à notre école. Mais la chute de l'empire romain nous a fait remplacer d'œil de Zeus par celui d'une divinité solitaire et digne de succéder toute seule à nos empereurs les plus puissants et les plus majestueux - nous avons pris soin de l'armer des récompenses les plus insurpassables à notre égard et des châtiments les plus épouvantables. Puis nous sommes revenus au regard que nous portions sur nous-mêmes depuis Homère et nous avons appelé notre retour au bercail la Renaissance de notre raison à nous.

Mais nous avons oublié de nous demander en chemin pourquoi nous avions longtemps recouru à des dieux afin de porter sur nous-mêmes un regard de l'extérieur; et nous avons tenté de devenir à nos propres frais nos sotériologues, nos rédempteurs, et nos eschatologues. Mal nous en a pris : à partir du XVIIIe siècle, nous avons résolument décidé de substituer notre regard sur nos dieux au regard de nos dieux sur nous. Certes, cela nous a rendus critiques à l'égard de leurs sucreries éternelles et de leurs tortures dissuasives. Mais au XXe siècle, nous avons vu sombrer à son tour notre mythe du salut et nous perdu les lunettes, les bésicles et les télescopes de notre propre messianisme. Sur quel Olympe allons-nous maintenant nous hisser afin d'apprendre à nous regarder de plus haut et de plus loin que nos Olympes de sauvages?

Faute d'une optique de qualité, nous sommes de plus en plus vassalisés par un ciel étranger qui se joue du va-et-vient de nos neurones. Savez-vous qu'il vient de nous infliger une amende titanesque ? Il nous reproche d'avoir offensé son gousset. Or, nous manquons encore d'anthropologue de taille à observer les relations que notre souverain entretient avec son escarcelle et avec les nôtres. Par bonheur nous allons changer les plus hauts dirigeants de notre politique. Le chef du gouvernement italien promet de nous redonner une âme. Son ministre des affaires étrangères a des chances de se placer à la tête de la diplomatie de notre continent. Le Président de toutes nos nations disposera peut-être de vrais pouvoirs politiques. Mais surtout, nous allons placer à la tête de notre civilisation un homme qui aura la charge de nous donner enfin un regard de haut sur notre malheureuse espèce.

Nous allons changer les paramètres, l'échiquier et toute la problématique de notre politologie, nous allons tenter d'accéder à une connaissance de logiciens de nos encéphales, nous allons enfanter une anthropologie politique qui nous placera dans la vraie postérité du chimpanzé.

Le texte d'aujourd'hui et celui du 19 juillet tenteront de décrire le futur télescope de M. Juncker et celui du 23 août se demandera si l'amende colossale qui nous attend servira d'accélérateur géant de l'évolution de nos neurones.

1 - La cervelle de l'Europe

C'est à l'heure même, M. le Président, où la planète s'interroge sur la maladie dont souffre la cervelle du Vieux Monde que vous accédez à la responsabilité tragique de conduire la Commission de Bruxelles à une réflexion sur la vocation politique et sur le destin intellectuel désormais étroitement associés du Vieux Continent. Jamais encore un homme politique n'avait eu la charge d'apprendre à penser, donc à peser le monde avant de se risquer à le diriger.

Mais on ne pilote pas aussi aisément une civilisation dont la boîte osseuse voudrait franchir le passage entre Charybde et Scylla qu'on tient d'une main ferme la barre d'un petit Etat appelé à naviguer entre quelques récifs signalés sur toutes les cartes marines. L'empire d'Autriche n'était qu'un navire à la voilure fatiguée; et, pourtant personne ne savait comment boucher la brèche ouverte dans son flanc. En revanche, le capitaine du continent de Shakespeare et de Copernic doit découvrir la nature même de la déchirure dans la coque éventrée d'un Titan des mers et se montrer non seulement le réparateur de quelques gréements d'un paquebot géant, mais le médecin dont le diagnostic découvrira les vices de construction et de fonctionnement de tout son corps. Mais qu'en est-il de la matière grise des grands mariniers responsables du sort d'une flotte en perdition, tels Vespasien, Trajan ou Marc-Aurèle?

2 - Les malheurs de l'apôtre

Les maladies des empires sont connues, tandis que celle de l'Europe présente des symptômes encore à décrypter. C'est pourquoi l'heure a sonné, pour la civilisation semi cérébralisée actuelle, de prendre conscience de son oscillation énigmatique entre les naufrages sporadiques de sa cervelle et les renaissances non moins passagères de son intelligence politique. Votre tâche de médecin n'est pas seulement de guérir le patient, mais de lui donner une santé nouvelle et durable. Que vaudrait votre vocation de guetteur des neurones épuisés de l'Europe si vous ne croisiez pas le chemin d'un siècle en marche vers un corps à fortifier.

Le Vieux Continent est un vaisseau dont tout le monde voit qu'il fait eau de toutes parts ; mais personne ne monte au sommet du mât, faute de longue vue en mesure d'inspecter un horizon désespérément désert. Les funérailles des civilisations ne sont jamais qu'une station sur le chemin de croix de l'humanité; mais vous n'avez pas de télescope pour scruter cette fatalité-là. La Commission gravera-t-elle le sillon de la vie et de la mort sur le cadran des siècles? Vous accédez au rang où seul l'art d'un homme d'Etat de hisser la voilure de la pensée rationnelle de demain le placera au cœur de la toile du monde qu'on appelle l'histoire.

Le 6 juin 2014, les héritiers festifs d'un mythe exténué, celui de la Liberté universelle, sont subitement devenus cérémonieux; et ils ont tenté de secouer le joug de leur assujettissement messianique. Depuis 1945, l'Europe se voit condamnée au servage sous les couleurs d'une fausse évangélisation démocratique de la planète. Le Vieux Monde se trouve angoissé des œuvres d'un rédempteur verbifique, l'Amérique, dont la sotériologie vassalisatritce pèse lourd sur ses épaules; et Washington a enfoncé plus profondément que jamais les griffes du salut universel dans la chair du plus malheureux de ses apôtres. Vous entrez en fonction à l'instant où la France, mordue à la nuque par son sauveteur, se voit condamnée à la peine de payer rubis sur l'ongle une amende expiatoire de plusieurs milliards de dollars au parrain de la maffia mondiale du dollar. Le péché mortel des Gaulois est le suivant: ces hérétiques ont signé avec trois Etats censés souverains - mais châtiés et excommuniés par César - des contrats jugés sacrilèges, parce que libellés dans la monnaie du ciel de la Liberté.

3 - La colonne vertébrale de M. Renzi

Il y a quelques années, un ministre socialiste de l'industrie, M. Jean-Pierre Chevènement, avait pris l'initiative audacieuse d'interdire aux entreprises en activité sur notre territoire de se conformer au code pénal d'un Etat étranger. Pour la première fois, la clameur d'un blasphème libérateur avait jailli de toutes les poitrines: depuis quand la législation américaine, criait l'Europe entière, aurait-elle force de loi sur le continent de Galilée?

Et maintenant, M. le Président des nains, comment relèverez-vous le défi que lance à votre vocation politique le puissant gosier de l'appareil judiciaire dont Washington commande les exploits et les raids sur la planète des patries? Comment redresserez-vous l'échine des Etats dont la tenue vestimentaire demeure enrubannée de démocratie, mais qui ne font plus difficulté, semble-t-il, de passer sous les fourches caudines d'un despote lointain? Les colonnes vertébrales d'aujourd'hui ont perdu, sous leurs dentelles, la raideur de celles des Germains de Tacite.

Certes, l'Italie s'apprête à bousculer l'éthique et les protocoles de la cour: M. Renzi vous apportera le secours d'un chef de gouvernement dont la loyauté, la fierté et la lucidité sont d'un Romain du temps de Paul Emile et de Scipion. Mais la jeunesse de ce héros apportera-t-elle au monde entier la démonstration de ce que l'épine dorsale du peuple de la Louve serait tout subitement redevenue celle des Pères Conscrits du temps des guerres puniques? Vous serez le premier Président de la Commission européenne auquel les circonstances imposeront le devoir de soulever la question la plus fondamentale de l'anthropologie politique de demain, celle d'instruire la classe dirigeante du Continent de la complexion spécifique des Etats insulaires et de la singularité de leur psychobiologie. Mais que ferez-vous du quarteron d'effigies de leur propre servitude dont vous vous trouverez entouré? C'est de la connaissance la plus élémentaire de la nature même des empires simiohumains que manque l'élite politique d'un Vieux Continent privé de la colonne vertébrale qu'on appelle la pensée. Sans une métazoologie en mesure de faire le point sur l'océan de l'évolution cérébrale de notre espèce, nos capitaines au long cours n'ont ni compas, ni carte marine entre les mains.

4 - La politique des bons sentiments

Souvenez-vous des années Reagan: il s'agissait, pour l'Amérique, d'interdire soudainement aux entreprises américaines de collaborer plus longtemps à la construction du grand oléoduc transsibérien appelé à transporter vers l'ouest du continent le gaz tiré des gigantesques gisements russes. C'est avec stupeur que les Européens ont découvert, à cette occasion, que l'embargo imposé par Washington à sa propre industrie gazière s'appliquait également aux entreprises américaines implantées à l'étranger et à leurs sous-traitants dans le monde entier.

Or, Mme Thatcher était une ménagère aussi énergique que Mme Merkel l'est aujourd'hui, mais elle ne disposait d'aucune connaissance d'historienne et de psychogénéticienne de la nature des empires. A l'image d'un enfant de chœur, elle avait publiquement déclaré qu'elle était "profondément blessée par un ami". Un quart de siècle plus tard, vous ne trouverez aucun chef d'Etat européen qui saurait seulement qu'un empire est un empire comme un cheval est un cheval et que si vous n'avez pas de science des viscères collectifs de la bête, vous n'aurez pas de politologie scientifique, donc pas de compréhension mondiale de l'histoire du simianthrope. On écrit seulement que "les relations transatlantiques reposent aussi sur le petit rien qu'on appelle la confiance". (Pierre Briançon, Le Monde, 23 juin 2014) La "confiance" est le pot-au-feu de la politique étrangère des démocraties semi-cérébralisées.

Comment convaincrez-vous les membres de la Commission de Bruxelles que la géopolitique ne ressortit pas au scoutisme, mais à la psycho-biologie? La classe dirigeante du Vieux Monde ressemble au public littéraire de 1930 auquel André Gide essayait d'enseigner que "les bons sentiments font la mauvaise littérature".

5 - De la psychophysiologie religieuse des empires

Qu'est-ce qu'un empire? Si un Barack Obama angélique proclamait que les Etats-Unis n'ont pas libéré l'Europe en 1944 aux fins de soumettre la terre entière à la dictature du roi dollar, les vassaux de la monnaie solitaire ne salueraient pas la sainteté d'un Christ de la démocratie mondiale, mais applaudiraient bruyamment la chute du tyran, parce que l'homme est un animal tellement vénérateur du despote en place qu'on ne le voit jamais que prosterné, le front dans la poussière, devant le souverain du moment. Le monde entier a fondu en larmes devant le cadavre de Staline. Depuis lors, les dieux au sceptre de fer arborent l'auréole des prix Nobel de la paix. Mais la prétendue bonté du séraphin en chef de l'empire de la Liberté dispose, comme le Dieu biblique, de moyens les plus terribles d'épouvanter ses adorateurs.

M. le Président, si vous ne savez pas que les théologies d'apparence culinaires sont flanquées d'un code des châtiments les plus sanglants , si vous ignorez qu'elles sont toutes construites sur le paradigme des empires de la torture qu'alimente le simianthrope sous la terre, si vous ignorez que les croyants se vantent précisément de leur titre de "craignants Dieu", si vous oubliez que le prénom de Diotime, c'est-à-dire "celui qui a peur de Zeus" était fort répandu et honoré chez les Grecs, jamais vous ne comprendriez que M. Obama habille la dictature des cuisiniers du dollar des revêtements de la piété démocratique. Mais il allume chaque matin les cierges de son royaume, celui des terrorisés, donc des obéissants modernes.

Trembleurs du ciel de la démocratie, je vous le dis, jamais votre politologie ne s'initiera aux fondements anthropologiques du sacré, jamais votre humanisme n'aura accès à la spéléologie psychobiologique des empires si vous ne regardez le genre humain avec d'autres lunettes que celles de Rousseau ou de Bernardin de Saint Pierre. Car si vous acceptez de valider humblement l'amende de la honte et de paraître faire pénitence sur le principe censé valider la religion puérile de votre souverain, votre sotte soumission aux cajolereurs de la cervelle d'enfant des démocraties vous enferrera sans cesse davantage dans la légitimation de votre tyran le plus chéri, celui que vous appeliez avec tant de candeur le "petit père des peuples". Car le Zeus de la Démocratie vertueuse ne cessera de vous appeler à témoigner de votre dévotion à l'égard de sa trésorerie, et votre ignorance prendra sans relâche le monde entier à témoin de la générosité du rapace du ciel de la Liberté.

Mais les démocraties décérébrées auraient-elles intérêt à laisser longtemps encore leur cécité en dentelles étendre ses ravages autour de leur berceau ? Car si la vérité est minoritaire par nature et par définition, elle peut donc se montrer trop pressée de terrasser l'erreur. Alors les masses n'ont pas le temps de prendre la mesure des désastres de la gentillesse que déclenche leur ignorance; et l'on voit les minorités d'une raison avertie subir la peine du fouet jusque sur les places publiques.

Il est donc préférable, M. le Président de l'Europe de la pensée politique, que vous rallumiez jour après jour le brûlot du Dieu des aveugles. Car, en secret, l'Eglise nouvelle qu'on appelle la Démocratie mondiale fonctionne également sur le modèle de Calvin ou de Luther, qui ont tué le Dieu de la Curie romaine : ces roublards ont dénoncé le céleste benêt qui se frottait les mains de remplir son escarcelle à l'école de son trafic des indulgences. Mais, encore une fois, M. le Président,si vous ne portez pas un regard d'anthropologue sur l'Eden du Dieu américain et sur les tickets d'entrée dans son ciel, vous n'aurez pas de science de psychobiologiste de la théologie qui sous-tend l'histoire du sang du monde.

6 - Les " auxiliarii " des Romains

Si le futur Président de l'Europe s'appelait M. Jean-Marc Hérault, comment voulez-vous que ce serviteur d'une France qui a dit adieu pour longtemps à la profondeur d'esprit cesse de qualifier d'alliance le pacte du loup et de la brebis? M. Hollande ne vient-il pas de donner à la chèvre le chou à garder ? Ne vient-il pas de livrer Alsthom à General Electric? Savez-vous que ce contrat est un livre d'images à l'usage des enfants en bas-âge et qu'il se trouve illustré de clauses à lire dans les écoles maternelles? Qu'en est-il du stade actuel de l'évolution cérébrale de notre espèce si cette vente ferait se tordre de rire les doges de Venise du XVIIIe siècle?

Un empire ne "s'allie" jamais ni avec une puissance supérieure à la sienne, donc avec une rivale de sa puissance, ni avec un égal - il croise le fer avec elle - mais seulement avec des serviteurs dont il caresse la croupe. L'Amérique use du mot alliance sur le même modèle que l'empire de la Louve, qui excellait dans l'art d'élever les "gentes" asservies au rang d'"amis du peuple romain". Washington juge habile d'appeler l'OTAN une "alliance entre égaux Mais les vassaux du Nouveau Monde commencent par déposer leurs armes à la porte de son camp retranché, puis ils placent leurs nations respectives sous le sceptre d'un général américain dont le centre de commandement s'est lové à Mons depuis un demi-siècle. Les décisions stratégiques sont prises par le seul Département d'Etat, qui demande à son premier majordome, M. Rasmussen, un petit Danois - un Suédois lui succèdera dans le service - de convoquer les vingt-huit ministres microscopiques de la défense européenne. Il n'y a plus de Ministre de la guerre depuis la défaite de la Wehrmacht - la "force de défense " de Hitler. A ces vingt huit féodaux, ajoutez ceux du Canada, de l'Australie, de la Nouvelle Zélande et de la Turquie, qui entérineront à l'unanimité les ordres de la Maison Blanche, de son Ministre des affaires étrangères et du quartier général de Mons.

Baptiser d'alliance l'absorption rondement menée d'Alsthom par Général Electric ressortit à la même méconnaissance de la nature et du fonctionnement des empires simiohumains et de leurs états-majors que celle dont s'habille un Otan revêtu des chamarrures de la souveraineté des vaincus que l'empire romain appelait des "auxiliarii" et qu'il intégrait à ses légions. Et puis - on se pince pour y croire - une Lady préside à un prétendu Ministère des affaires étrangères de l'Europe!

7 - La simianthropologie et la métazoologie

La classe politique des démocraties européennes n'a pas de connaissance des rudiments de la métazoologie, qu'on appelle également la simianthropologie. Comment, M. le Président, donnerez-vous à la Commission de Bruxelles l'assise d'un regard de l'extérieur sur les évadés partiels du règne animal?

Mais l'heure de vous informer des fondements de la psychobiologie politique qui commande les neurones actuels des détoisonnés des forêts a peut-être sonné au beffroi de l'histoire du cerveau de l'Europe; et puisque, depuis longtemps, l'Angleterre a détecté en vous un péril virtuel pour la préservation de son identité insulaire, ce qui vous a placé dans le champ de tir de Downing Street en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, permettez-moi de vous entretenir brièvement de la complexion des Etats privés de voisins et de la psychophysiologie de cette variété de simianthropes.

Comme vous le savez, la science diplomatique rejette de son enceinte aussi bien l'indignation vertueuse que la colère intellectuelle, parce que, dans l'ordre politique, le brandissement du sceptre de la morale, même universelle, n'est jamais, hélas, que le signe de l'ignorance et de l'irréflexion. Voyez M. Rocard: cet ancien Premier Ministre semble en vouloir sincèrement à l'Angleterre de n'être entrée en Europe que dolosivement et à seule fin de la paralyser de l'intérieur un peu plus aisément que de l'extérieur - mais la science politique de cet homme d'Etat demeure privée de toute pesée psychogénétique de l'humanité. Vous n'aurez que faire d'un humanisme contemporain en prières ou en rage devant un autel des valeurs démocratiques aussi superficiel que la pastorale agenouillée du Moyen-âge en son temps. Mais l'inconscient théologique qui sous-tend l'ignorance républicaine demeure autant à décrypter au cœur d'une Liberté proclamée intemporelle qu'autrefois dans la catéchisation ecclésiale du globe terrestre.

8 - La commission de Bruxelles et les arcanes psychobiologiques de la politique internationale

Ne trouvez-vous pas singulier, M. le Président, que la psychobiologie des mentalités insulaires ne date pas d'hier - les huissiers du temporel en ont relevé les traits depuis les guerres puniques - et que la science moderne des Etats en ignore néanmoins les causes et les effets? Pourquoi oublier le témoignage des narrateurs qui en ont signalé les ingrédients? Un récit aveugle n'en est que plus précieux, tellement les expédients d'une cécité politique demeurée inconsciente d'elle-même vous introduisent à la connaissance des composantes de la spéléologie politique.

Prenez l'exemple de la Sicile: ce carrefour du trafic maritime de Rome et de Carthage avec la Phénicie faisait l'objet de la rivalité commerciale entre ces deux empires - la victoire de Scipion l'Africain sur Hannibal a fait tomber cette île dans l'escarcelle du peuple des Quirites. Comment se fait-il que l'intégration de cette île à l'Italie ait échoué deux millénaires durant et qu'en 1948 seulement, la Sicile ait reconquis une autonomie tellement dispendieuse que les fonctionnaires du gouvernement de Syracuse et de Palerme sont aussitôt devenus plus nombreux que ceux dont s'entoure le locataire de la Maison Blanche ? Et l'on s'étonne que, deux siècles seulement après la Révolution française, la Corse demeure tribale jusqu'à l'os et inassimilable à la République sous l'affichage d'un vêtement d'emprunt - celui du suffrage universel!

Quelle sera la portée de votre rendez-vous d'anthropologue de la géopolitique avec les Iles britanniques? Car les séparatistes écossais ne cessent de rappeler que cette province avait imposé pour la première fois des frontières à l'empire romain et contraint Hadrien à construire un gigantesque mur de séparation entre les deux territoires. Il est donc inévitable que l'Ecosse empruntera le même chemin que l'Irlande du nord, qui a fini par conquérir son indépendance.

9 - La voix de la mer

Mais une Angleterre dont le seul interlocuteur réellement loquace s'appelle l'Océan imposera à l'Europe des petits greffiers de l'histoire universelle le devoir de peser les conversations du simianthrope avec ses arpents étriqués et ses lopins bavards; et cette difficulté soulèvera un problème beaucoup plus originel et combien plus insoluble que celui des conversations de l'Irlande ou de l'Ecosse avec les Iles britanniques ou de la Sicile avec Rome. Car le simianthrope des bords de la Tamise n'a cessé d'expérimenter dans sa chair combien l'unification épisodique de la masse de ses congénères continentaux a coûté de sang et de larmes à un peuple fier de sa solitude face à des rivages grandioses et muets. Jules César, Claude, Agrippa - le beau-père de Tacite - Guillaume le Conquérant, Charles Quint, Napoléon, Hitler font figure de jalons mémorables du combat acharné de cette île pour la sauvegarde de son identité psychocérébrale. Qu'en est-il des étendues inhabitées dont l'homme nourrit son âme et son esprit?

La mer est un désert frissonnant ou tempétueux. A l'instar des sables de l'Afrique, qui nourrissent la vie intérieure de la Libye, de l'Egypte, de l'Algérie, de la Tunisie, du Maroc, l'Océan ouvre le peuple anglais aux voix du silence et du vide - mais celles-ci l'enferment en retour dans leur immensité et l'emprisonnent dans un infini sans visage. Les relations que le simianthrope anglais entretient avec sa propre absence au monde et avec ses appartenances illusoires à la terre sont au cœur de sa nation. Le "grand large", disait Churchill au Général de Gaulle, est une porte ouverte sur la seule liberté véritable, celle dont l'espace est l'emblème et dont l'infini ne saurait assouvir la soif.

Comment tenterez- vous de résoudre cette difficulté de la métazoologie, M. le Président, si la simianthropologie actuelle ne dispose d'aucune connaissance politique de la psychophysiologie des nations, des peuples et des Etats? C'est la pauvreté cérébrale de la science historique contemporaine qui fera, de la Commission que vous allez présider, un collège de cardinaux de Curie ou une phalange de peseurs d'avant-garde de l'animal semi cérébralisé.

10 - Votre rendez-vous avec l'Amérique

Voyez comme l'Amérique conquérante impose d'avance et de force ses procédures administratives mondialisées et sa mentalité maritime à la Commission demeurée viscéralement géocentriste que l'Europe a chargée de négocier le futur traité commercial entre les deux continents. Si vous ne connaissez pas les fondements théopolitiques de l'isolationnisme insulaire et de l'ubiquité du royaume de la nouvelle innocence d'Adam, attendez-vous aux pires déboires. Mais voyez à quel point une diplomatie privée d'anthropologie critique est devenue un carré rond: la mer est un personnage titanesque, la mer est un acteur vivant de l'histoire du monde, la mer est un interlocuteur réel des âmes, des cerveaux et des cœurs. Aussi l'Angleterre est-elle le seul pays chrétien dont le chef de son Eglise n'est autre que son roi, parce qu'une île ne place pas le sceptre de son ciel ailleurs que sur son propre territoire.

Je préciserai, la semaine prochaine, les méthodes d'une politologie européenne qui portera un regard d'anthropologue sur l'histoire du genre simiohumain et sur deux personnages qui se regardent en chiens de faïence - la terre et la mer."

Le 12 juillet 2014

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
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