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Qu'est-ce que philosopher ?

L'avenir de la philosophie européenne 3

Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Vendredi 12 juin 2015

A Catherine Lieutenant, ces quelques pas en direction du "fondement abyssal"

1 - Renan et la généalogie de la vie ascensionnelle de la raison
2 - Nietzsche et la vie spirituelle de l'intelligence
3 - Le dieu Zarathoustra
4 - Ainsi parla Zarathoustra
5 - Un sursaut manqué de notre mythe de la délivrance
6 - Des encéphales en enfilade
7 - L'encéphale sommital de Zeus
8 - Que signifie le verbe exister?
9 - Le Dieu de demain

1 - Renan et la généalogie de la vie ascensionnelle de la raison

Les premiers orphelins des nations tombées en panne du corsetage théologique rudimentaire de la vie ascensionnelle de l'humanité ont tenté d'emprunter des pistes de l'intelligence interdites aux premiers alpinistes bibliques. Renan a su prendre acte de ce que le héros de la délivrance des chrétiens n'était pas remonté de l'empire des morts d'autrefois. Mais il était impossible de retrouver Lucien de Samosate, qui faisait si allègrement dialoguer dans l'Erèbe Périclès avec Platon ou Sophocle avec Aristote.

Puis le séminariste de Tréguier a vainement tenté de substituer à la foi perdue de la seule bête qui se demande ce qu'elle fait en ce bas monde une météorologie du salut plus campagnarde que la précédente; car les idéalités de l'animal du pourquoi serviraient, disait-il, d'étoiles et de guides à la longue marche de l'espèce à la recherche d'un chef. Un romantisme du salut aussi enferré dans le champêtre qu'auparavant s'est époumoné à nous tirer de là; car nos idéalités d'une délivrance universelle nous ont trahi. Car bientôt les oriflammes de notre langage nous ont fait tomber dans un angélisme agricole et un séraphisme bucolique plus secrètement carnassiers que jamais; et nous avons enfermé nos abstractions pseudo-délivrantes dans une théologie à l'usage des héros de l'abbé de Saint Pierre; et nous n'avons pas tardé à nous livrer aux mâchoires de nos concepts réputés salvifiques à l'écoute des douze apôtres.

2 - Nietzsche et la vie spirituelle de l'intelligence

De son côté, Frédéric Nietzsche, ce transfuge de feu de la cosmologie fantasmagorique des chrétiens et de la pieuse paysannerie de son pasteur de père tenta de métamorphoser l'ascensionnel demeuré astronomique des premiers âges de nos prodiges salvifiques en un trésor spirituel proportionné aux facultés latentes de notre espèce de dormeurs - trésor qui remplirait du moins les coupes demeurées vides de la tridimensionnalité psychogénétique désespérante dont les anthropoïdes du fabuleux se trouvent frappés leur vie durant.

La narration nietzschéenne de la naissance, du devenir et de l'épanouissement d'un homme virtuellement divin et pourtant déjà auto-suffisant, nous a initiés à la généalogie, d'étape en étape et dans son développement logique, d'un Céleste potentiellement en marche sur la terre. Pour la première fois, nous avons découvert le devenir ascensionnel des guerriers de l'absolu, dont la tâche avait été d'enfanter un dieu vraiment unique: son âme logicienne serait plus élevée et d'une trempe de meilleure qualité que celle du tortionnaire éternel de la Genèse. Mais comment l'équiper de la tête aux pieds dans l'ordre de l'incandescence des âmes sommitales? Nous avions perdu notre interlocuteur diplômé, notre miroir magique, le plénipotentiaire agréé et le géant validé dont la cervelle assermentée s'était durcie. L'immobilité doctrinale garantie de nos docteurs du merveilleux remplaçait un Titan trébuchant parmi ses rites et ses litanies.

C'était désormais au tour d'une philosophie de la conquête de notre propre altitude de servir de guide aux nations ambitieuses du sommital. Mais comment forger une éthique de grimpeurs et de casse-cou. Dirons-nous, avec Julien Benda: "Clercs de tous les pays, vous devez être ceux qui clament à vos nations qu'elles sont perpétuellement dans le mal du seul fait qu'elles sont des nations"? Plotin rougissait d'avoir des bras et des jambes. Dirons-nous toujours avec Julien Benda: "Vous devez être ceux qui rougissent d'avoir une nation. Ainsi vous travaillerez à détruire les nationalismes et à faire l'Europe. " (Discours à la nation européenne,1933)

3 - Le dieu Zarathoustra

Hélas, l'expérience d'un demi-siècle de notre vassalisation sous la bannière du mythe de la Liberté a suffi à nous enseigner que l'évaporation de nos nations réduirait l'Europe à s'évanouir dans le faux ciel du supranationalisme américain. Il appartient donc aux Socrate de demain de s'armer d'une tête moins nuageuse que celle des Eglises. Comment le buveur de la ciguë de la vérité interprète-t-il le silence embarrassé du Vatican face au nazisme et le silence interloqué des Etats pseudo démocratiques actuels face au crocodile angélisé de l'Amérique? Il y faut une éthique, donc une incandescence des hauteurs de la raison elle-même et qui trouverait sa source vive dans un feu nouveau de l'intelligence. Nietzsche écrit que le christianisme périra de son immoralité. Mais quelle est la moralité suprême, celle qui saurait comment définir l'immoralité des religions de la mort et des mâchoires du trépas? Le Zarathoustra de Nietzsche a quitté le modèle de purification de la conscience de soi que pratiquait encore le démiurge en marche dans le Coran. Allah met sans cesse la main à la pâte et s'affaire à sa tâche avec une rigueur d'esprit et une détermination politique que n'effleure jamais l'ombre d'aucune hésitation, d'aucun remords et d'aucun repentir.

Voyez comme ce Dieu-là vous pétrissait sans relâche les rites et les coutumes qu'il nous ordonnait de hisser à nouveaux frais sous la voûte stellaire! C'est dire que, sitôt qu'on y regarde de près et d'un œil soupçonneux, on découvre que notre démiurge affairé se mettait le plus souvent à l'école des lois et à l'écoute de nos prières ressassées - celles dont les peuples de l'endroit faisaient leur nourriture depuis des siècles et dont leur tête contentait leur estomac tant bien que mal.

En revanche, les spécimens rarissimes de notre espèce que nous appelons des prophètes nietzschéens n'y vont pas par quatre chemins non plus, mais sur une route nouvelle, celle des incendiaires de leur âme. Ceux-là renoncent à mettre en place un maître du cosmos empâté dans ses châtiments, ceux-là se veulent les annonciateurs de leur feu. Mais, en secret, ils haussent, eux aussi, leur saint calame à la température de la littérature biblique; eux aussi vous pétrissent d'une main énergique un modèle d'éloquence qu'ils cachent dans leur manche. Du coup, nous nous sommes souvenus que notre politique et notre histoire ne montent dans le four de notre esprit qu'aux heures critiques où une civilisation désemparée a besoin de se reforger son Olympe épuisé. Zarathoustra est un accoucheur qui se laisse bousculer par son temps, tandis que celui de la Genèse maniait encore la maïeutique du gourdin, du fouet et de la hache.

La grande différence de style et de gestuelle entre la grossesse du dieu torturé sur le gril de sa pensée et les Zeus de pacotille qui accouchent des saintetés de la torture qu'ils infligent à autrui pose une question de méthode aux maïeuticiens de l'anthropologie critique de demain. Car l'histoire des enfantements de l'imagination religieuse de l'humanité se trouve désormais arrêtée au carrefour décisif d'où nous voyons que les dieux rangés à la queue leu leu et qui se mettent à tour de rôle en possession des armes que sont l'atrocité de leur code pénal d'un côté et la férocité de leur système pénitentiaire de l'autre vieillissent de se trouver étroitement dépendants de leurs corsets de fer - ceux des mœurs et de la politique des époques qu'ils traversent la corde au cou et des chaînes aux chevilles.

4 - Ainsi parla Zarathoustra

C'est ainsi que le dieu d'origine cosmologique et pénale encore en service sur cette terre nous paraît de plus en plus grognon, rancunier, vengeur, cruel, irascible et sensible aux flatteries de ses adorateurs. Beaucoup d'entre nous le jugent non seulement avide de puissance et de gloire, mais assoiffé d'une renommée tapageuse dans nos pauvres enceintes et surtout en proie à une sauvagerie d'anthropoïde tout juste évadé des forêts de nos ancêtres. C'est que les dieux de nos cités se fossilisent dans la cage de leur politique, tandis que les dieux nietzschéens se veulent tellement sévères dans le choix de la cervelle altière des prophètes de leur âmes qu'ils ne se collèteront jamais avec les multitudes dans l'arène du monde. Aussi Nietzsche n'a-t-il jamais rédigé dans la poussière un testament qui s'intitulerait Ainsi parlait Zarathoustra (Also sprechte Zarathoustra) mais un Ainsi parla Zarathoustra (Also sprach Zarathoustra ).

Pourquoi, depuis cent trente deux ans, lisons-nous une traduction erronée et banalisante, comme si le citoyen Zarathoustra conversait avec ses amis ou s'entretenait avec ses hôtes? Si nos grammairiens connaissaient le "passé de sacralité" la parole annonciatrice, la parole oraculaire, la parole souveraine aurait un statut syntaxique dans notre littérature, parce qu'elle énoncerait un message solitaire par nature et par définition; et nous saurions que Marc et Matthieu usent d'un tout autre type de discours. Ces greffiers étrangers à leur sujet, ces plats narrateurs enregistrent seulement des prodiges qui les dépassent et qui les laissent interloqués, tandis que Luc et Jean rédigent un Ainsi parla Jésus. Le Coran est un Ainsi parla Mahomet.

Si Nietzsche s'était abaissé à rédiger un Ainsi parlait Zarathoustra , comme on se l'imagine bêtement en France depuis treize décennies, il serait impossible à l'anthropologie critique de descendre dans l'abîme des voix du calibre prophétique.

5 - Un sursaut manqué de notre mythe de la délivrance

Aussi sortons-nous d'un siècle de débarquement de notre espèce dans le faux sommital de l'utopie politique. Autrefois, nous nous demandions seulement: "Qui nous a donné le soleil et la lune, la nuit et le jour, la vie et la mort?" Et maintenant, le messie Karl Marx nous reconduisait d'une main de fer à la fausse mission dont notre mythe du salut nous chargeait et qui nous enjoignait exclusivement d'abolir en toute hâte notre seul péché mortel, celui de nous rendre acheteurs et vendeurs de nos moyens de production, donc de notre outillage de plus en plus titanesque.

On sait que les premières décennies de l'ère chrétienne avaient tenté d'illustrer nos doutes sur ce point: les craquements de nos stratagèmes alternés d'affamés et d'obèses paraissaient en perdition. Jusque dans L'île d'Utopie de Thomas More de 1516, notre sanglante et glorieuse rêverie de nous déposséder saintement et à jamais de notre condition d'animaux immergés dans le temporel avait suivi le même chemin de la déconfiture politique qu'en 1917. Cette année-là, nous avions engagé à nouveaux frais et en rangs serrés les bataillons d'un clergé de convertisseurs apostoliques et guerriers; et ces diplômés de l'absolu étaient montés au front avec ardeur. Une fois de plus, nous avons écouté quelques gosiers solennels et nous nous sommes prosternés dans la poussière devant les Stentors de nos oracles - puis nous sommes redescendus aux enfers du Moyen-Age, où nous avons fait cuire et rôtir nos hérétiques au feu de nos goulags.

Décidément, notre oiseau de Minerve en devenir élèvera l'histoire de notre recul à l'égard de notre pauvre tête jusqu'à nous initier à une pesée de l'encéphale de "Dieu" plus distanciatrice que la précédente. Qu'est-ce à dire? Quel est l'encéphale du Dieu que nous forgeons sur nos enclumes si celui-là ne colle qu'à nos chausses et si Zarathoustra ne s'abaisse pas à remplir nos escarcelles? De nos dieux, les petits nous frappent au dessous de la ceinture, les grands nous tournent le dos.

6 - Des encéphales en enfilade

Les encéphales de nos trois dieux uniques - leur monopole cérébral rend chacun d'eux nécessairement polycéphale -se comptent sur les doigts d'une main et leurs circonvolutions s'emboîtent les unes dans les autres, se complètent ou se confondent - sinon, ils ne se montreraient pas les chefs de guerre chevronnés que l'on sait, les législateurs expérimentés que nous saluons, les administrateurs éclairés et les garde-chiourmes terrifiants devant lesquels nous nous prosternons depuis des millénaires.

Le premier cerveau d'un ciel monopolaire s'est donné l'omniscience d'un César des sciences exactes et les apanages d'un empereur de notre histoire et de notre politique d'hier, d'aujourd'hui et de demain. On trouvera une description détaillée de ses prouesses intellectuelles dans la Summa contra gentiles de saint Thomas d'Aquin, le principal théoricien minutieux de l'ubiquité de la tête chercheuse d'un démiurge bien équarri, mais encore taillé à la hache de la logique d'Aristote. Le second crâne de notre Zeus universel attire autour de son képi des millions de miliciens assoiffés de se casquer, eux aussi, d'un chef galonné, conquérant et relativement cogitant. Le troisième encéphale de nos capitaines du cosmos a servi de guide à l'éthique et aux lois de toutes les cités de la terre. La quatrième conque osseuse d'un Zeus au regard d'aigle a rédigé, comme il est rappelé plus haut, un code pénal d'une fureur terrifiante et l'a mis en cheville avec le système pénitentiaire enragé d'un cosmos à l'usage de notre férocité naturelle. Ce bourreau souterrain et ce confiseur sommital nous sert désormais de balance à juger nos cités de sauvages et à les séparer peu ou prou de celles que nous avons relativement civilisées, tellement les ridicules sucreries réservées à nos ossements immortalisés et que notre pâtissier suprême distribuait à ses adorateurs n'étaient jamais qu'une sotte gâterie, tandis que les tortures calculées que ce monstre infligeait dans l'Erèbe à ses victimes épouvantées illustrent le degré de terreur saintement requise par notre température morale, du temps où notre pauvre espèce oscillait entre ses atrocités et ses attiédissements.

7 - L'encéphale sommital de Zeus

Vous me direz que les encéphales inachevés de nos premiers comploteurs célestes, notre oiseau de Minerve en a survolé les hangars à tire-d'aile et depuis belle lurette, vous me direz, en outre, que la chouette de demain ne saurait nous montrer davantage qu'un magasinage de notre salut et de notre damnation que nous connaissons depuis des siècles et sur le bout des doigts. Mais c'est ici que l'examen du cerveau de notre Jupiter de demain nous conduira au survol de la cinquième demeure du roi du cosmos, celle qui dotera d'une signification toute différente l'échelonnement des boîtes osseuses du ciel dont nous avons appris à dévider les litanies et à entonner les cantates. Car le Zarathoustra que Jean de la Croix, Nicolas de Cuse ou Me Eckhardt se partagent n'a d'autre interlocuteur que le silence et le vide de son éternité. On cherche la balance à peser une solitude tellement incandescente qu'elle ne s'adresse qu'à elle-même, une solitude qui ne parle qu'à son soleil, une solitude qu'éclaire en retour l'intensité de son feu. De cet incendie immortel, non seulement les fuyards des forêts ne veulent pas en entendre parler, mais leur horreur pour elle est à la mesure de leur épouvante. Aussi les sylvestres se sont-ils donné un exorciseur suprême du cinquième encéphale dont ils se trouvent habités à leur corps défendant.

8 - Que signifie le verbe exister?

L'homme est un animal à la recherche de son souffle et fort embarrassé par la boîte osseuse minuscule qu'il tient entre ses pattes. Pourquoi cette bête a-t-elle jeté l'enfant avec l'eau du bain? Prenez le Zeus logicien, mathématicien et géomètre de Descartes: l'auteur du cogito s'était construit son Dieu sur celui de saint Anselme, qui disait que la proposition "Dieu existe" se révèle aussi tautologique à l'examen que celle des géographes; car l'existence ne saurait être refusée au créateur du cosmos, puisque son inexistence nous ferait tomber dans l'absurdité de nous faire renverser toute la topographie d'Aristote. C'est cela que Descartes a repris à son compte d'arpenteur: il est impossible, disait-il, d'évoquer une montagne sans qu'il existe nécessairement - donc logiquement - des vallées. Un humanisme occidental qui ignore tout des sources de sa raison dans une mystique des piétinements de la logique d'Aristote est-il suffisamment informé du regard que Zarathoustra porte sur le danseur de corde dans le vide que ce dieu met en scène?

Prenez le Dieu sacrilège de saint Jean de la Croix. L'ascèse harassante à laquelle ce saint soumet les rabâchages de la raison humaine délivre toute la philosophie du joug des cinq sens dont dispose la créature et vous conduit au blasphème le plus resplendissant, à savoir que Dieu n'est autre que l'âme du croyant portée à l'incandescence des poètes de leur propre feu. Mais comment une civilisation qui aura perdu en chemin la clé du sommital s'exercerait-elle à une connaissance existentielle des âmes ascensionnelles? Notre Renaissance d'il y a un demi-millénaire nous a seulement redonné quelques belles voix de ce bas monde; mais si notre humanisme, devenu bidimensionnel, ignore les composantes mentales de la "théologie négative", comment lirons-nous nos poètes en connaisseurs de leur feu?

Car les enfants d'Homère se demandent quelle est l'existence propre à la poésie, les philosophes, quelle est l'existence propre à la philosophie , les peintres, quelle est l'existence propre à la peinture, les musiciens, quelle est l'existence propre à la musique. C'est dans ce sens qu'ils disent que la proposition " la musique existe " est tautologique car ce qui se définit dans l'ordre de l'esprit existe en esprit. C'est en ce sens que Dieu est une musique de l'âme de ses compositeurs, de ses orchestrateurs et de ses dessinateurs.

9 - Le Dieu de demain

Un humanisme armé des scalpels de la vie ascensionnelle des fuyards de leurs vallées est déjà un familier de l'empire des morts, car il n'est pas d'élévation qui ne repose sur l'apprentissage d'une ascèse intellectuelle dont une logique de l'esprit aiguise le bistouri. Mais askèsis signifie simplement exercice en grec. Il nous faut donc apprendre les secrets purificateurs d'une ascèse ascensionnelle pour que ce guide de toute dialectique donne une âme et une moisson à la "théologie négative" des mystiques et des philosophes. L'humanisme occidental attend l'aube d'une renaissance qui donnerait à l'humanisme en creux de l'Europe une connaissance des "montagnes sans vallées", celles de la "logique négative".

Les alpinistes du mont Carmel de la raison, savent que la raison est à elle-même son Mont Carmel. A ce titre, la philosophie est un purificateur de la pensée qui se fait, de son ascèse, un monastère de l'intelligence du monde. Comment une vraie civilisation reconnaîtrait-elle d'instinct la qualité spirituelle d'une voix de poète, mais non la qualité d'une théologie négative, la qualité d'une ascèse intellectuelle, mais non la température d'une sottise religieuse. Prenez les descriptions imbéciles des ressuscités chez Thomas d'Aquin, qui explicite les raisons pour lesquelles Jésus mangerait de bon appétit au paradis à seule fin de satisfaire aux lois de la physique d'Aristote et afin de convaincre à ce prix les bienheureux qui l'entourent qu'il est ressuscité en chair et en os? Si l'Occident laïc n'acquérait pas une connaissance abyssale des grands et des petits mystiques, comment cette civilisation dirait-elle "nihil humanum a me alienum puto" (Je pense que rien d'humain ne m'est étranger)?

On ne saurait avoir appris que tous les dieux sont mortels sans savoir, en retour, de quels secrets ils nous entretenaient de leur vivant et pourquoi ils ont démérité au point de trépasser dans nos têtes, et ce que nous attendons des successeurs de leurs encéphales. Car, d'un siècle à l'autre, nos dieux sont nos balances à nous peser nous-mêmes. A quelle hauteur nous logeons-nous, quels miroirs mettrons-nous entre les mains de nos "dieux" de demain, que disent nos Célestes des sommets que nous leur donnons à gravir?

L'oiseau de Minerve du troisième millénaire montera du crépuscule de l'Europe. Il nous dira quel regard le Dieu mort portait sur les piaillements de ses quatre encéphales précédents. Alors les purificateurs du sommital nous diront si la solitude à venir de l'humanité sera une ascèse digne de la noblesse et de la grandeur d'Athéna, la déesse de l'intelligence dont Renan disait: "J'arrive tard au seuil de tes mystères ".

le 12 juin 2015

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
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