Copernic et les
Mistral
1 - Une preuve peut en cacher une autre
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 6 novembre 2015
Le 30 octobre j'ai
pris la précaution de résumer d'avance
mes analyses des 6, 13 et 20 novembre
dans l'éventualité où ils se
révèleraient posthumes. Puisque le
scalpel du plus illustre chirurgien de
la colonne vertébrale de la région s'est
refusé à faire sonner les cloches de la
mort, il me faut profiter de cette
attente pour faire précéder mes ultimes
analyses anthropologiques de la
géopolitique des leçons d'accélération
de l'histoire de ces derniers jours.
L'heure est proche
du rendez-vous avec l'actualité du
discours imaginaire que j'ai fait
prononcer à M. Nicolas Sarkozy le 17
octobre 2014 devant l'Académie des
sciences morales et politiques et du
rendez-vous avec les évènements du
discours que j'ai mis dans la bouche de
Mme Merkel devant le Bundestag le 28
novembre 2014.
Si M. Hollande
avait livré les Mistral à la Russie, il
ne traînerait pas le boulet du chant
funèbre de la vassalité de la France
jusqu'à la fin de son mandat, parce que
gouverner, c'est prévoir et il est vain
de courir derrière le train de
l'histoire quand vous l'avez laissé vous
passer sous le nez.
Rappel
Je commente
ci-dessous une conséquence diplomatique
immédiate de la vassalité de l'Europe
d'aujourd'hui, à savoir l'absence pure
et simple provisoirement imposée à
l'Occident des valets par une Russie en
possession, elle, de sa souveraineté
pleine et entière, donc l'interdiction
adressée à la France de figurer à la
table des négociations ouvertes entre la
Russie et les Etats-Unis.
Comment une France
qui a obéi docilement à l'ordre des
Etats-Unis de garder les Mistral au port
de Saint-Nazaire revendiquerait-elle à
l'avenir les prérogatives réservées aux
vrais Etats? Comment la Russie ne
rappellerait-elle pas durablement à
l'Occident qu'en droit international, la
souveraineté est constitutive de la
définition même des Etats et qu'elle a
le devoir d'empêcher que des acteurs qui
ne joueront dans la pièce que de masques
grimés aux couleurs de leur maître ne
montent sur les planches en faux acteurs
d'un vrai théâtre? On ne joue sur la
scène du monde qu'entre les vrais Etats
- on n'invite pas les domestiques des
uns ou des autres à usurper un statut et
un rang auxquels ils ont renoncé depuis
belle lurette, on ne les invitera à
participer à la représentation que le
jour où ils parleront en leur nom et non
en porte-voix du propriétaire qui les
tient en laisse.
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1 - La diplomatie
française et l'astronomie de
Ptolémée
2 - Comment cacher notre forfait
aux Français
3 - Comment le Quai d'Orsay a
mis Ptolémée à la manœuvre
4 - Les tenanciers de la France
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1 - La diplomatie
française et l'astronomie de Ptolémée
Kant fut le premier
Socrate des modernes à remarquer que
Copernic avait converti les astronomes
de son temps et toute philosophie de la
connaissance rationnelle à user de
preuves calquées sur celles de Platon.
Que dit-il aux géocentristes du
Moyen-Age? "Ce n'est pas le spectacle du
soleil en voyage au-dessus de vos têtes
qui vous leurre: l'illusion dont vous
êtes les otages tient à votre
représentation ptolémaïque de la machine
de l'univers. Ce n'est pas le soleil,
c'est vous que le globe terrestre
déplace, c'est la mappemonde qui gire
sur son axe, ce qui vous fait croire que
le soleil se déplacerait dans les airs."
Le raisonnement des
vrais philosophes se trouve toujours et
très exactement construit sur ce modèle
de réfutation de l'erreur de
perspective. Socrate ne nie pas
l'existence du théâtre dont se nourrir
le sens commun - la course du soleil
crève les yeux - il déconstruit
seulement l'erreur de placement du
spectateur, laquelle résulte
exclusivement d'une fausse position du
corps des acteurs de la pièce, et il
décrit le mécanisme réel de la course
dans l'espace qui seule explique la
logique à laquelle obéissait le fantasme
cérébral précédent. Du coup, Copernic et
Kant s'imaginaient que le soleil
demeurait immobile dans l'espace et
qu'ils avaient observé les vrais
mouvements des planètes.
Dans sa
Critique de la raison pure, Kant
remonte néanmoins à l'origine trans-expérimentale
de la découverte de l'héliocentrisme: ce
n'est pas, écrit-il, le cosmos qui
tourne autour du soleil du causalisme
des ancêtres, c'est nous qui tournons
autour des catégories mentales innées
qui pilotent tous nos jugements
rationnels. Nous croyons que le Graal
d'un causalisme universel serait caché
dans les entrailles de la matière, alors
que notre cervelle sécrète la truffe
exquise d'une "causalité expliquante"
censée régir l'univers des atomes. Les
causes ne sont nulle part ailleurs que
dans nos têtes mythifiées - ce que Hume
avait déjà démontré - et notre cervelle
se charge de faire tourner les astres
autour du potager des a priori
auxquels nous sommes ficelés -
c'est-à-dire, à nos catégories
intellectuelles, qui se trouvent
inscrites dans nos gènes. Puisque notre
boîte osseuse est causaliste par un
verdict de la nature, jamais nos
analystes ne nous feront apercevoir une
cause en tant que telle et qui se
placerait sous la lunette de nos
microscopes : nous sommes des
synthétiseurs soumis au moule de notre
imagination épistémologique originelle;
nous sommes soumis à la psycho-génétique
qui pilote notre logique euclidienne.
Mais Hume est un
généalogiste de génie: il explique
pourquoi nous plaçons à titre
héréditaire le fil d'Ariane d'une
causalité raisonneuse devenue coutumière
entre les phénomènes qui se répètent. Il
n'en est pas ainsi des habitudes de la
diplomatie sporadiquement ptolémaïque de
la France. Prenez l'exemple des navires
Mistral construits aux chantiers navals
de Saint-Nazaire : l'Elysée et le
gouvernement de la gauche se croient des
malins de chancellerie momentanément
défiés. Ils savent fort bien que la
politique étrangère du pays tourne en ce
moment autour du pâle soleil de
l'Alliance atlantique et que, pour
l'instant, c'est sur l'ordre inopiné de
l'astre noir de notre vassalité de
passage que nous avons benoîtement
refusé d'accomplir notre devoir de
livrer dans les règles ces navires de
guerre à Moscou. Mais c'est honteusement
que nous avons feint de juger ces armes
"litigieuse " a priori - mais
nous savons que nos a priori d'occasion
sont contrefaits et falsifiés par nos
apprêts électoraux: nous ne sommes pas
dupes de nos ruses d'arpenteurs.
2 - Comment cacher
notre forfait aux Français
Mais alors,
direz-vous, comment cacherons-nous
longtemps au peuple de la sottise
française, qui n'est pas aussi tombé de
la dernière pluie qu'on le voudrait, que
nous serions soumis dès le berceau à des
erreurs de perspectives doublement anti
coperniciennes, premièrement en ce que
nous devons faire semblant que nos
langes seraient les nôtres et ensuite,
aller jusqu'à feindre de nous donner et
de génération en génération, la dégaine
empruntée de croire le plus sincèrement
du monde que nos motifs éphémères et
ceux de notre maître d'outre-Atlantique
seraient moraux. Si nous nous montrions
dociles pour les raisons réellement
éthiques, l'Amérique serait notre vrai
Dieu, alors que nous ne sommes dupes ni
de ses tours de magicien de l'universel,
ni de notre obéissance apprise et de
circonstance.
Du coup, comment
falsifierons-nous une éthique que nous
proclamons mondiale et que nous ne
déclarons universelle qu'à seule fin de
plier notre échine à la servitude qu'on
nous demande d'afficher? Comment
ferons-nous croire à un peuple français,
prétendument abêti à jamais par soixante
quinze ans seulement de la servitude
pseudo démonstrative comment lui
ferons-nous croire, dis-je, que notre
souveraineté nous commanderait de jouer
les Tartuffe, comment tromperons-nous
les citoyens par le moyen d'une illusion
d'optique dont Molière nous a montré les
truquages, donc par le recours à un
subterfuge diplomatique titanesque?
Comment ferons-nous croire à la planète
qu'il serait glorieux de hisser le
soleil de notre servitude dans le ciel
du vrai peuple français? Comment
couronnerons-nous les esclaves du
Nouveau Monde de l'auréole de la Liberté
de 1789?
3 - Comment le
Quai d'Orsay a mis Ptolémée à la
manœuvre
Le Président de la
République est allé dare dare expliquer
aux ouvriers de Saint-Nazaire que les
Mistral auraient été construits à seule
fin de se trouver vendus le plus cher
possible, donc au plus offrant, lequel
se présenterait spontanément sur le
marché de la liberté des affaires et que
la France avait soigneusement monté et
mis en place une tromperie de grand
filou. Mais pourquoi les vendre à
l'Egypte, ce Crésus sans le sou? Parce
qu'il se les ferait payer en douce et
rubis sur l'ongle par un Crésus réel,
l'Arabie saoudite. Mais les difficultés
s'accumulent, comment faire croire, même
à des citoyens supposés faibles
d'esprit, donc mal exercés, les pauvres,
à distinguer clairement la diplomatie de
Copernic de celle de Ptolémée? Comment
leur faire croire, les malheureux, et du
pas assuré des jobards, que ce ne serait
nullement l'honneur et la dignité de la
nation qui seraient à vendre sur le
marché. Pour faire croire aux Français
que ce ne serait nullement la
souveraineté de la France que nous
aurions vendue à l'encan, il faudra,
hélas encore, bien d'autres astuces de
maquereaux, tours de passe-passe et
ruses de tripot.
Car, à la cour des
grands, tout le monde voit que seule
notre crainte de nous faire taper sur
les doigts par notre maître
d'outre-Atlantique a commandé la
capitulation de la France des
collaborateurs. Voyez comme nous avons
été saisis de tremblements à la seule
idée de prendre le risque extraordinaire
à nos yeux de présenter ces
porte-hélicoptères à leur véritable
acheteur. Comment cacher notre effroi de
valets sous le dais d'un faux-fuyant
aussi vulgaire qu'apeuré, aussi lâche
que truqué?
Pour tenter de
faire triompher dans l'arène des nations
le toc de notre logique domestiquée,
pour tenter de truquer les preuves
sérieuses de Copernic par l'étalage de
celles de Ptolémée, et cela trois
siècles après Voltaire, il nous faudra
recourir, primo à la complicité
dûment confessée, donc à la culpabilité
pénale avouée de toute la classe
dirigeante de notre génération, à la
complicité de toute la presse dite
"libre" et secundo à la
complicité de tous les médias
domestiqués par la gauche et par la
droite.
C'est ici que le
boulet des Mistral se change en boulet
de la honte, de la trahison et du
déshonneur, donc de la forfaiture
officialisée et légalisée. Car, jusqu'à
nos jours, le peuple proclamé souverain
se trouvait effrontément trompé par les
représentants élus de la population;
mais il s'agissait toujours de questions
du seul ressort de la politique
intérieure, donc relevant de la cuisine
électorale des prétendus fidei commis du
peuple.
Or, pour la
première fois sur les planches des
marmitons de l'histoire de la France, on
voit un Etat légitimé aux yeux de la
mappemonde primo par le suffrage
universel, secundo, soutenu aux
yeux du globe terrestre par un
gouvernement réputé légal et tertio,
aux yeux de la machine ronde par l'intelligensia
officielle du pays blasonné de la raison
cartésienne, tromper le peuple français
tout entier sur sa souveraineté salie et
sur le degré réel de la vassalisation
écussonné du pays - donc sur la capacité
d'un Elysée de serviteurs d'un maître
étranger domestiqué de piloter dignement
la nation de d'Artagnan sur la scène
internationale. Comment cet acteur
stipendié offrira-t-il à la poubelle
l'honneur et la droiture d'un peuple qui
se croyait souverain?
La plume de nos
anciens mémorialistes ignorait un
abaissement du peuple français tellement
piteux que seul le recours récent et en
désespoir de cause à l'astronomie de
derrière les fagots de Ptolémée pouvait
tenter de faire croire au peuple
français détrôné que la souveraineté du
pays ne serait pas tombée dans le
ruisseau. Mais combien de temps une
république, c'est-à-dire un système de
gouvernement censé servir de bastion à
une démocratie, pourra-t-elle rejouer le
rôle de l'Eglise du Moyen-Age et tromper
une nation de citoyens avertis de leurs
prérogatives constitutionnelles. Et
pourtant, cet Etat est parvenu à faire
prendre aux Gaulois non seulement des
vessies pour des lanternes, mais l'astre
de la vassalité consentie pour le soleil
centralisateur de Copernic? Mais toute
notre élite politique était informée du
degré d'avachissement du peuple - sinon
elle aurait dit à Washington: Vous nous
criez "Vos apanages, à la lanterne."
4 - Les tenanciers
de la France
Mais supposons un
seul instant que nos commentateurs du
train de ce monde, nos mémorialistes au
jour le jour et nos politologues
satellisés par l'astronomie de Ptolémée
se tromperaient et qu'ils verraient
l'erreur de perspective qui piège le
chef de l'Etat et tous nos dirigeants.
Près de deux siècles et trois décennies
après la Révolution de 1789,
l'expérience de notre citoyenneté nous a
enseigné qu'on ne trompe pas longtemps
le bon sens le plus élémentaire et le
plus naturel d'un peuple forgé sur
l'enclume multiséculaire de la servitude
monarchique. La nation française
comprendra lentement, mais
inévitablement que sa classe dirigeante
et le Président actuel d'une République
de baudriers de Porthos ne sont pas
dignes de la France héritière du siècle
des Lumières et que l'infamie du refus
de vendre les Mistral à Moscou - infamie
qui nous est imposée sous le joug d'un
vassalisateur étranger - que cette
infamie, dis-je, est un cancer qui
rongera la mémoire et l'action de la
France jusqu'au jour ou l'instinct de
conservation de la nation exigera
l'amputation pure et simple du membre
gangrené - alors il faudra se résoudre à
pénaliser une servitude coupable de
ruiner à coup sûr - et pour longtemps-
le renom et le rang de la France sur la
scène internationale.
Aussi les restes de
l'appareil de l'Etat encore debout
suent-ils sang et eau à anéantir la
souveraineté nationale. Mais la mémoire
des peuples est plus tenace que les
volètements des classes dirigeantes de
passage. La France profonde, la France
souveraine, la France digne du soleil
qui l'éclaire ne pardonnera pas au chef
de l'Etat et aux derniers papillons de
la classe dirigeante une chute aussi
spectaculaire de la souveraineté de la
nation dans l'ornière de sa soumission
humiliante aux volontés d'une puissance
étrangère.
Le verdict de la
vraie France se trouve d'ores et déjà
déposé au greffe du tribunal de la
justice et de la mémoire véritables des
nations vivantes et respirantes, et
cette pesée-là des entrailles de la
nation reconnaît les poids et mesures
respectifs de la dignité et de
l'indignité des peuples.
La semaine
prochaine, nous observerons les plateaux
de la survie et de l'anéantissement des
patries.
Le 5 novembre 2015
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