Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
La classe dirigeante des Etats-vassaux
III - Demain, le patriotisme
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 3 juillet 2015
Quatre lettres
ouvertes à M. Jacques Myard, Député de
la nation, Président du Cercle
Nation et
République
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Note liminaire
1 - Brève rétrospective de
l'histoire de la raison
2 - D'Athènes à nos jours
3 - Le XVIIIe siècle censuré
4 - Les premiers craquements de
l'empire américain
5 - La façade de l'empire se
fissure
6 - Comment rebattre les cartes
7 - Les Young Leaders
8 - L'exemple de Bernard Guetta
9 - la psychophysiologie des
valets
10 - Demain, le patriotisme
11 - L'humiliation de la France
Note 2 : La pensée rationnelle
serait-elle de retour?
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Note liminaire
A un jour
d'intervalle, Mme Merkel et M. Hollande
ont téléphoné à M. Barack Obama afin de
solliciter les conseils de ce protecteur
bienveillant. On venait de découvrir,
avec une feinte surprise, la
surveillance du CAC Quarante par les
services secrets américains, comme si le
maître de la politique étrangère de
l'Europe pouvait rencontrer l'obstacle
d'une peccadille.
Les pages qui
suivent sont amusées par la révolte
d'Athènes. Car il est clair que l'Europe
des vassaux ne se situera pas au centre
de la géopolitique et que ce continent
n'acquerra du poids ni sur la scène
internationale, ni face à ses propres
membres aussi longtemps que le grotesque
de sa diplomatie donnera des leçons de
démocratie au pays qui a inventé la
démocratie. Une Europe qui ne dispose
plus de la souveraineté attachée à la
définition même des démocraties se met
elle-même hors jeu.
Puisque M.
Barack Obama ne téléphonera jamais à Mme
Merkel ou à M. Hollande pour leur
demander leurs conseils dans un
différend qui opposerait la Maison
Blanche au Kentucky ou à la Californie,
je demande seulement au lecteur de lire
la présente lettre dans l'optique d'une
anthropologie de la politique.
Monsieur le Député,
1 - Brève
rétrospective de l'histoire de la raison
L'histoire écrite
de notre cervelle ne compte que quelques
millénaires; mais cet organe n'a jamais
progressé qu'à l'école des élites dont
les neurones ont inspiré et guidé
l'évolution du crâne de notre espèce.
Dès le Ve siècle avant notre ère,
l'encéphale d'Athènes s'est divisé
entre, d'un côté, les rares combattants
de la pensée logique et démonstrative
étroitement associées et, de l'autre, la
masse des entendements demeurés à
l'écoute des dieux.
Tout au long du
procès intenté à Socrate par Mélétos,
suivez du regard les équipées de notre
matière grise dans des mondes
fantastiques. La procédure alors en
usage a illustré le caractère insoluble
du conflit entre le devin Euthyphron et
la phalange audacieuse des premiers
philosophes du concept. Ceux-ci
s'étaient mis à l'école des oracles de
Platon et d'Aristote et tentaient, pour
la première fois dans l'histoire des
évadés des forêts, de forger une élite
dirigeante ennemie du fabuleux, mais
qu'il fallait initier par degrés aux
blasphèmes des démonstrations abstraites
que proféraient les oracles de la
dialectique, c'est-à-dire,
étymologiquement parlant, la traversée
intrépide du monde physique par un logos
sûr de lui et piloté d'une main de fer
par la pensée logique.
Pour observer
l'encéphale timide des Athéniens avant
la découverte de l'acier du concept,
lisez seulement Hippias mineur,
qui posait craintivement et pour la
première fois, la question: "Qu'est-ce
que la justice, qu'est-ce que le droit,
qu'est-ce que la vérité, etc., etc." La
pensée est née de la vaillance du
concept, elle continuera avec la
question: "Le concept est-il une nasse
fiable?"
Enseigner à
distinguer l'idée de beauté d'une belle
marmite ou d'un beau vieillard ne fut
pas une mince affaire. En ces temps
reculés, l'abstrait faisait ses premiers
pas dans les têtes. Aujourd'hui, ce
n'est plus la généalogie des dieux, mais
celle du langage auto-vassalisateur de
la bête parlante que nous devons
apprendre à décrypter. Plus que jamais
il appartient à Socrate de radiographier
en anthropologue l'animal qui cache ses
griffes et ses crocs sous les floralies
du concept. Quel rôle le personnage
qu'on appelle l'abstrait joue-t-il dans
la vassalisation américaine du monde?
M. le Député, le
suffrage universel est à la fois votre
élève et votre disciple. Vous apportez à
la Liberté son enclume, mais comment
forgerez-vous sur l'enclume d'un droit
international public en acier trempé une
pensée qui redonnerait à l'Europe son
sceptre de chef et de guide et qui
rendrait obsolète la géopolitique
messianisée d'un faux évangélisateur de
la démocratie universelle?
2 - D'Athènes à
nos jours
Les péripéties de
la guerre entre la forteresse aveugle de
la tradition religieuse et le bastion de
la parole rationnelle a préfiguré toute
l'histoire de l'Occident des autels - et
cela jusqu'au conflit contemporain entre
le puissant élan des rêves sacrés dont
les masses musulmanes présentent le
théâtre, d'une part et l'étroite
aristocratie des observateurs qui
tentent de se camper à l'écart de tout
le genre humain et d'apprendre à porter
sur la conque osseuse de notre étrange
espèce un regard abasourdi. (L'avenir
de la philosophie européenne 1 ,
2 ,
3 , 29 mai, 5 juin, 12 juin
2015). Ceux-là se plantent, de siècle en
siècle, hors de l'enceinte cérébrale des
évadés ahuris des forêts.
Quel chemin
suivent-ils? Longtemps ils ont considéré
que le christianisme empruntait une
route plus rationnelle que celle de
Mélétos et des devins et ils ont pris le
relais des élites iconoclastes de la fin
de la pensée antique. Mais les ravages
politiques qu'exerçait l'effondrement
soudain et généralisé des bonnes mœurs
avaient conduit, en quelques générations
seulement, l'empire à la ruine des
institutions multiséculaires héritées de
la République, de sorte que le premier
devoir des intelligences supérieures ne
semblait plus d'assurer la continuité
des progrès de la lucidité au cœur de la
civilisation de l'époque et de la
floraison des Lettres, des sciences et
des arts: il fallait donner à notre
premier détoisonnement la puissante
armature d'une éthique qu'on rendrait
universelle de toute urgence. Or,
pensions-nous, seule l'atrocité des
tortures posthumes que nous infligerions
par procuration aux contrevenants les
plus effrontés parviendrait à imposer
notre loi à la terrible alliance du
péché avec le Diable - et, pour cela, il
fallait rendre l'épouvante plus crédible
à l'enfouir dans les profondeurs de la
terre.
Comme vous le
savez, le christianisme s'est rendu
dissuasif à saliver en cachette sur nos
cruautés post-tombales; et il a tenté
d'initier nos malheureux chefs d'Etat à
une moralisation ardente de la fureur
politique qui caractérise notre
humanité. Un naufrage sans remède de
l'art d'écrire avec clarté et
simplicité, donc de penser avec droiture
en est aussitôt résulté. Notre ambition
soudaine de nous purifier définitivement
a failli anéantir jusqu'au dernier les
chefs-d'œuvre littéraires du monde
antique et il nous a fallu attendre près
de quinze siècles pour que resurgisse au
sein d'une Europe hébétée une élite
relativement initiée aux ressources
conjuguées de l'éloquence et de la
pensée, donc redevenue ambitieuse de
sauver de la rouille les armes
partiellement retrouvées d'une logique
encore tâtonnante.
Mais il était trop
tard pour réparer les désastres d'une
piété terrorisée par les châtiments
éternels que nous infligeait notre
nouveau Jupiter; car nos rites sacrés
avaient englouti quatre-vingt dix-huit
pour cent des textes les plus mémorables
dont le génie de nos ancêtres avait
laissé l'héritage entre nos mains. Mais
"le monde sera sauvé par quelques-uns",
nous dira André Gide. Gloire aux
microscopiques phalanges d'insectes de
la lucidité qui, de siècle en siècle,
ont sauvé des eaux Homère, Virgile, cinq
pour cent de Sophocle, d'Euripide,
d'Aristophane, ainsi que des
chapitres-clés de Tacite, des bribes
éloquentes d'Hérodote et la partie la
plus substantielle de Platon.
Comme vous le
savez, M. le Député, il aura fallu
attendre le XVIIIe siècle français pour
que la guerre d'une pensée rationnelle
et grosse d'une attente mondiale
retrouvât la sainteté de nos sacrilèges
- et surtout pour rendre l'entendement
de nos logiciens beaucoup plus
performant en leurs blasphèmes qu'au
cours de la Renaissance du XVIe siècle,
qui était devenue tellement timide
qu'elle ne redonnait son élan
iconoclaste qu'à une philologie éprise
d'exactitude grammaticale et de
correction syntaxique.
Mais, à partir de
1905, la pensée rationnelle de l'Europe
n'a pas tenté d'approfondir jusqu'au
tragique l'humanisme demeuré
relativement superficiel hérité du
théâtre grec. Puis la séparation
soudaine et cassante de l'Etat
démocratique d'avec l'apprentissage
officiel des dogmes du principal mythe
sacré de l'époque, celui des chrétiens,
n'a pas permis à l'élite des épéistes
isolés de se mettre en selle et de tenir
leurs harnais en main. Aussi les Etats
actuels se trouvent-ils fort désarçonnés
par le piétinement d'une anthropologie
prématurément qualifiée de scientifique,
mais terrifiées à l'idée d'approfondir
la connaissance des ressorts de
l'encéphale pusillanime des évadés de
leurs forêts.
Il en résulte que
l'élite de la classe politique des pays
abusivement qualifiés de démocratiques
ignore la nature même de sa tâche de
pédagogue des peuples sous-instruits et
des nations décérébralisées par
l'incohérence d'une Liberté embryonnaire
et mythologique.
3 - Le XVIIIe
siècle censuré
M. le Député, vous
qui vous réclamez de la voix de la
nation, vous que tourmente le difficile
accouchement d'une philosophie du songe
démocratique, vous savez que ce n'est
pas le hasard qui a conduit Mme Vallaud-Belkacem
à interdire l'enseignement de l'histoire
des idées du XVIIIe siècle dans les
écoles d'un Etat dont le guidage repose
pourtant sur des pilotes de
l'entendement humain, donc sur la
formation d'une élite d'éducateurs de la
pensée rationnelle. Ou bien trois
millions et demi de musulmans français
penseront, en tapinois, que leur
religion est bel et bien la vraie,
puisque, depuis plus de trois siècles,
les chrétiens ont publiquement réfuté
leurs propres hérésies et avoué,
coram populo, le truquage de leurs
prodiges; ou bien les fidèles d'Allah se
diront que les civilisations ne
progressent décidément qu'à l'école des
pédagogues de la cervelle du genre
humain et ils se demanderont pourquoi
l'islam n'a plus d'autres forgerons de
la parole que des vérificateurs
assermentés de la logique interne des
écrits censés avoir été dictés à
Muhammad par l'ange Gabriel.
Votre visite
courageuse à Moscou et celle de
quelques-uns de vos collègues aussi
casse-cou que vous-même en Syrie a
révélé les apories dont souffre une
civilisation fondée sur le mythe d'une
Liberté politique murmurée à l'oreille
des microcéphales de notre temps. Ce qui
manque avant tout à une civilisation
retombée dans le piège de la peur de
penser honnêtement et terrifiée à
l'école même des idéaux de la Révolution
française n'est autre qu'une titanesque
ignorance du vocabulaire des empires de
type démocratique et des règles qui
président à la progression du
messianisme qu'ils soufflent dans la
montgolfière de leur langage.
4 - Les premiers
craquements de l'empire américain
J'ai rappelé la
semaine dernière que Mme Angela Merkel
ne fait que réciter une leçon apprise
par cœur dans toutes les écoles
publiques de sa patrie, celle d'une
catéchèse politique impérieuse et censée
apporter le salut au monde entier par
l'enseignement, tout verbal, dont la
démocratie a peinturluré la planète.
Qu'est-ce qu'un empire qui se proclame
le directeur de conscience incontesté de
l'humanité? Ce type d'inculcation d'une
croyance permet à un Vatican de la vie
publique de scolariser une Europe pour
enfants de chœur.
La politologie
d'autrefois obéissait à une eschatologie
religieuse; elle obéit maintenant à un
apostolat postiche et dont le saint
sacrement est tombé entre les mains de
quelques mannequins d'un mythe public.
La nouvelle carence cérébrale dont
souffrent les élites dirigeantes du
monde actuel se manifeste
essentiellement par la pauvreté de leurs
analyses des procédés bien rodés à
l'aide desquels un empire vassalise la
planète à l'école de son messianisme
pseudo démocratique. Observez donc de
près les intérêts temporels bien compris
de l'empire américain : ils sont non
moins habilement occultés que ceux d'une
Eglise du Moyen-Age qui les cachait sous
le dais d'une théologie de la délivrance
de l'humanité.
M. le Député de
l'idée de nation, pourquoi tarder
à croiser le fer avec les marchands de
nuées de la démocratie? La tâche de
tirer l'épée sur le pré des Républiques
vous reconduira tôt ou tard à votre
vaillance inaugurale, celle d'observer
les carences morales et les pannes
cérébrales dont souffrent les élites
dirigeantes de l'ultime mouture du mythe
du salut. Pour cela, je suis convaincu
que vous commencerez par recenser les
pratiques et les routines les plus
courantes du pseudo apostolat américain.
Car, au cours de la visite de M. Kerry à
Sotchi le 12 mai, c'est-à-dire quelques
jours seulement après la commémoration
de la victoire de l'Union soviétique sur
les armées du IIIe Reich, il est à
nouveau clairement apparu que le seul
dirigeant réel du monde salvifique
d'aujourd'hui demeure l'empire du César
américain et que les nations pelotonnées
autour de la couronne de ce rédempteur
officiel ne sont que des figurants
vassalisés sous le sceptre d'une utopie
impériale.
Tout en proclamant
bien haut que les accords de Minsk
feraient désormais la loi, puisqu'ils
portaient le sceau de leur légitimation
internationale par la volonté expresse
des cinq membres permanents du Conseil
de Sécurité, donc y compris l'aval
affiché de M. Barack Obama, M. Kerry a
néanmoins expulsé d'emblée la France et
l'Allemagne de la table des tractations
et tenté d'imposer tout de go la seule
lecture américaine des accords conclus à
Sotchi. Comment légitimer le coup de
force qui ferait dorénavant autorité,
celle que Washington formulerait le
moment venu? A quel moment le César
américain jugerait-il opportun de faire
monter son récit sur les planches du
monde? Naturellement, ce théâtre faisait
comprendre aux spectateurs de la pièce
que la Maison Blanche n'interpréterait
jamais ce théâtre qu'à son seul profit
et que les verres fumés de ses lunettes
présenteraient à la salle un sens
radicalement opposé à celui que
démontrait la rédaction noir sur blanc.
Qu'est-ce qu'un document solennellement
signé et contresigné, mais à la manière
d'un palimpseste, donc seulement destiné
à cacher le vrai texte à tous les
regards?
5 - La façade de
l'empire se fissure
M. le Député, si
vous ne portez pas le regard de la
nation sur les hosties verbales que le
cerveau du genre humain cultive de
siècle en siècle, vous ne passerez pas
derrière le rideau des Républiques
vassalisées d'aujourd'hui. Les secrets
de l'incohérence mentale dont souffrent
les évadés actuels de la zoologie ne
sont visibles ni à l'œil nu, ni sur les
planches de ce théâtre. Certes, quelques
jours plus tard, le Washington
Post mettait en scène le
triomphe diplomatique de M. Poutine et
le New York Time rappelait
également et sans rechigner, que le
Département d'Etat avait conduit les
Etats-Unis à Canossa! Quant ces deux
tourtereaux, dont l'audience et
l'autorité sont immenses sur la scène
internationale, couvrent de leurs
ailerons un évènement mondial de cette
envergure - naturellement, la presse
française a passé purement et simplement
ce potin de village sous silence -
quelques contrecoups en résultent
nécessairement jusque parmi les vassaux
de belle taille. La presse américaine
ayant vendu la mèche; comment tenter de
sauver la face ou la mise? Les fantoches
et les potiches de l'Europe ont échoué à
recoudre la tunique idéologique d'un
empire américain désormais craquelé.
L'OTAN avait
anticipé cet effarement de la
valetaille: quatre jours plus tard,
toute la maisonnée avait compris les
raisons de l'absence de M. Erdogan sur
la Place Rouge le 9 mai. Les dirigeants
effrayés et abasourdis de l'Europe des
plates-bandes et des potagers se sont
replacés en toute hâte et par ordre
alphabétique sous les ordres du
commandant de leur jardinage, un général
américain du nom de Breedlove. Puis
l'inénarrable Jens Stoltenberg, le
mannequin suédois dont Washington
dispose les dentelles en sautoir a
réaffirmé à Ankara la fermeté d'une
alliance des dorures et des masques
pourtant spectaculairement ternis trois
jours plus tôt à Sotchi.
6 - Comment
rebattre les cartes
MM. Poutine, Lavrov
et Kerry avaient officiellement mis en
place une ligne de communication directe
entre Washington et Moscou afin de ne
s'entretenir de l'Ukraine qu'entre eux.
Pour plus de sûreté, ce canal séparé a
été confié aux oreilles d'une pyromane
privilégiée, Mme Victoria Nuland, qui
s'adresserait au vice-ministre russe des
Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, et
au secrétaire d'Etat et vice-ministre
russe des Affaires étrangères, Grigori
Karassine: il fallait couper court aux
initiatives éventuelles du groupe "Normandie"
- donc interdire définitivement au duo
agonisant de Merkel et de Hollande toute
velléité de se rendre audible. Mais,
cette fois-ci - et pour la première fois
- il s'est révélé impossible de cacher
au monde entier qu'il s'agissait d'une
ultime galéjade internationale.
Washington allait vainement tenter de
rebattre les cartes.
Certes, même M.
Steinmeyer, ministre allemand des
affaires étrangères, avait docilement
répété à Ankara les propos tenus une
fois de plus et dans le vide par Mme
Merkel à Moscou le 10 mai, à savoir que
l'Europe demandait l'abandon pur et
simple de la Crimée par Moscou. Trop
tard, toute cette histoire était devenue
une comédie de boulevard à l'usage du
corps électoral européen et mondial.
Mais comment, M. le Député, armerez-vous
d'une souveraineté tangible des peuples
caparaçonnés d'un suffrage universel
illusoire si cette cotte de maille est
tantôt absente, tantôt sous-instruite?
Souvenez-vous de
Maurice Clavel qui, le 13 décembre 1971,
avait quitté la scène avec un
retentissant: "Messieurs les
censeurs, bonsoir!". Athènes a joué
le même scénario, mais à l'échelle
internationale: "Adieu, Messieurs les
ennemis de la démocratie, adieu,
Messieurs les bureaucrates anonymes, le
peuple fondateur de la démocratie vous
dit adieu."
Il est vrai que,
quelques semaines plus tôt, le pape
François avait renouvelé le débarquement
tonitruant du Saint-Siège de 2013 dans
la politique du XXIe siècle. Dans la
guerre entre le noir et le blanc,
Hollywood ne fait pas le poids face au
successeur de Saint Pierre. Jamais,
Messieurs les censeurs de la démocratie,
vous ne ferez gober à un milliard et
demi de catholiques répartis sur toute
la surface de la terre que le chef de
leur Eglise serait un faux jeton, un
gredin ou un malandrin de première
force. Quand le Vatican reçoit M.
Poutine en grande pompe et sous les
déclics des caméras du monde entier,
comment tourner sans rire les pages du
livre d'images où Hollywood raconte au
monde son mythe démocratique pour
enfants en bas âge? A la démarche de
façade des Européens, le pape a répondu
: "Adieu, Messieurs les censeurs".
7 - Les Young
Leaders
Vous voyez bien, M.
le Député d'une République qui se
voudrait plus réelle sur la scène du
monde que celle d'aujourd'hui - vous
voyez bien, vous dis-je, que votre
courage vous conduira nécessairement à
préciser davantage les devoirs et les
droits que les classes dirigeantes sont
désormais appelées à exercer au sein des
démocraties. Mettez donc sans trembler
le doigt sur les plaies les plus
saignantes dont souffre l'éducation
nationale des peuples vassalisées: car
la servitude cérébrale de l'Europe que
vous dénoncerez sera celle des foules
provisoirement subjuguées et abasourdies
par le messianisme fallacieux qui cache
son tartuffisme sous la chasuble de sa
bureaucratie.
Quels sont les
moyens techniques dont dispose l'empire
administratif américain pour asservir la
planète tout entière aux fonctionnaires
du mythe le plus frelaté du monde, celui
d'une Liberté aux ailes autrefois
prometteuses et qui avait pris son vol
en 1789? Un Continent européen vassalisé
par ses propres appareils d'Etat et qui
s'attaquerait à la Russie au nom du
drapeau déchiré brandirait l'Amérique
serait un malade mental dont il
s'agirait d'expliciter le diagnostic
avec la précision d'un historiographe
des insectes de la démocratie.
Le premier rouage
psycho-biologique de la vassalité, celle
d'une pathologie politique d'origine
microbienne est celle dont un
évangélisme de façade a huilé les
rouages. L'Amérique contemporaine
l'affiche jour et nuit. Elle reconnaît
qu'elle sélectionne dans l'œuf les
élites dirigeantes dynamiques, mais
aveugles de demain. Où les dénicher,
sinon au sein des coquilles vides que
les grandes écoles du Vieux Monde sont
devenues depuis 1945.
(La dictature de l'empire américain
"Young Leaders" - Comment secouer ce
joug? 19 décembre 2014. Chaque
année, les séminaristes les plus doués
se voient invités aux Etats-Unis pour
une année entière afin qu'ils y
apprennent gentiment la langue du
souverain et s'initient à ses méthodes
messianisées de gouvernement et à la
tournure de ses moules cérébraux.
Vous savez que la
plupart des dirigeants européens
d'aujourd'hui, tant au sein de votre
propre parti qu'au cœur du parti
socialiste ont bénéficié dans leur
jeunesse dorée du titre de Young
Leaders purgés et purifiés à l'école
de l' immense monastère du mythe
démocratique qui s'appelle l'Amérique et
que ces catéchistes d'un messianisme
demeurent ensuite les inoculés à vie
d'un aveuglement conquérant, tellement
le bacille d'une liberté asservie au
ciel de son souverain se veut immortel.
Il faut savoir que l'Amérique d'un
évangile troué se prend pour un
titanesque couvent de la démocratie
mondiale. A la sortie de ce temple
planétaire du mythe de la Liberté, vous
écouterez pieusement le chef d'orchestre
qui dirigera la partition en redingote.
Parmi les futurs
candidats à la présidence de la
République française, vous ne sauriez
laisser ignorer au peuple, que, dans
leurs jeunesse, M. Alain Juppé, M. Bruno
Lemaire ou Mme Koszciuszko-Morizet se
sont fait inoculer le virus des Young
leaders. Du reste, M. Juppé reçoit
chaque année les Young Leaders
joyeusement recrutés dans l'année par
les responsables de l'ambassade des
Etats-Unis à Paris. C'est à ce titre que
cet otage d'un venin dont on ne guérit
jamais obéit subrepticement à la
dictature de Washington quand il refuse,
tout tremblant, de livrer les Mistral à
la Russie. Vous n'imaginez pas qu'un
ancien Young leader remettrait à
une nation censée ennemie de l'Amérique
des engins de guerre construits en
France! Un Young leader est un
conventuel du mythe démocratique et,
dans l'ordre politique, un "agent
dormant " de l'empire.
8 - L'exemple de
Bernard Guetta
Un exemple non
moins éloquent de la vassalisation
parareligieuse de l'Europe est celui du
journaliste bien connu, et Young
Leader, lui aussi, Bernard Guetta.
Voici un commentateur quasiment
paradigmatique de la politique étrangère
de la France conventuelle. Depuis plus
de deux décennies, ce professionnel
chevronné ne cessait de démontrer avec
autorité aux auditeurs de France Inter
le drame de la domestication effrénée
dans laquelle se rue un continent
européen catéchisé par le mythe de la
Liberté américaine. Le premier, il avait
expliqué brillamment au vaste public des
fidèles qui se mettent chaque jour à
l'écoute de sa chronique radiophonique
matinale que l'asservissement continu et
inexorable de notre civilisation à la
"voix de l'Amérique" remontait au plan
Marshall de 1947 et que la vassalisation
des journaux français avait suivi le
même cheminement affligeant que celui de
l'élite politique de rang moyen du pays.
Seule en Europe, disait-il avec
autorité, la presse italienne sauvait
encore quelque peu l'honneur d'un
journalisme européen indépendant: le
Corriere de la Serra, la
Stampa et la Reppublica
se présentaient en héros agonisants du
siècle de Zola et de Victor Hugo.
Mais il ne suffit
pas de défendre l'éthique moribonde
d'une corporation demeurée illustre aux
yeux d'un public berné pour porter, de
surcroît, un regard avisé sur la scène
internationale d'aujourd'hui. Le 20 mai
2015, ce commentateur de la fatalité de
notre dépérissement adopte tout
subitement le ton et l'argumentation de
la propagande la plus plate et la plus
usée du département d'Etat américain: il
fallait, disait un Bernard Guetta
méconnaissable, tenter de faire obstacle
à une "nuisance" née comme
champignons après la pluie, et surtout
éviter de tomber dans le piège de placer
la Russie sur un pied d'égalité avec les
démocraties "authentiques" -
c'est-à-dire celles qui se montrent
soumises à leur vassalisateur. Et de
dicter, en maître des néophytes et donc
en apôtre d'un empire réputé vertueux,
quatre conditions au vassal russe à
tenir en laisse d'une main ferme.
Comment expliquer
le calibre d'une volte-face du Beau, du
Juste et du Bien aussi spectaculaire,
sinon du fait qu'un Young Leader
se trouve catéchisé à vie? Mais ne
croyez pas un instant que M. Bernard
Guetta serait le rêveur supra
nationaliste dont il ne cesse d'afficher
le blason; quand ce Porthos des nues de
la géopolitique reproche aux Etats
européens de s'opposer à une Commission
bruxelloise pourtant vaporisée à souhait
et fervente d'une Europe flottante dans
les plus hautes régions de l'atmosphère,
ne soyez pas dupe des floralies de
l'abstrait dont la bête parlante se fait
un bouclier et une carapace.
9 - La
psychophysiologie des valets
Il faudra bien que
l'histoire bon teint de l'Occident
superficiel découvre que les grands
mystiques étaient des psychanalystes
abyssaux et qu'ils avaient découvert
l'ultime secret de la parole humaine
quand ils faisaient, du silence, la
première règle de la vie conventuelle.
Ces anthropologues avant la lettre
enracinaient le langage dans les
entrailles de l'histoire et de la
politique de l'animal parlant. M. Guetta
sait pertinemment que l'Amérique
terrestre, elle, use du langage masqué
des Etats en chair et en os et que la
démocratie est un écusson dont l'acier
trempé sert d'armure à l'expansion
mentale d'un empire .
Ne croyez pas un
instant à l'innocence religieuse et à la
candeur érémitique de M. Guetta quand
cet anachorète de la politique semble
faire fi de toutes les patries plantées
sur leurs jambes. Ce théoricien des
démocraties nuageuses n'ignore en rien
qu'aucune autorité sinon celle de l'Etat
le plus puissant du moment a contraint
physiquement le Vieux Monde à courber
l'échine et à promulguer des sanctions
économiques suicidaires pour lui-même à
l'égard de la Russie. Cet homme-là sait
aussi bien que le premier trappiste venu
que la solidarité des Etats musculaires
de l'Europe dans l'affichage de leur
dépendance physique à l'égard de
Washington est toute vocale et donne la
réplique à celle des valets de pied,
dont les fiertés feintes grimacent de
décisions dictées aux laquais par le
maître dont la grande ombre se dresse
dans leur dos.
Voyez comme ce
domestique bien harnaché ne cille jamais
devant l'autorité qu'il tient pour
légitime en raison de la seule puissance
de sa musculature et qui lui fait
connaître ses directives à l'aune d'une
charpente vigoureuse. Toute la maisonnée
européenne tente seulement de sauver la
face de ses pitres et de ses paltoquets,
et cela précisément par l'affichage
d'une apparence de dignité. Mais les
ânonnements de la servitude ne trompent
personne dans le monastère des
anthropologues du mutisme politique.
Seule la pleutrerie est payante face à
un souverain dont on n'ose contester
l'autorité massive de son ossature.
Vous savez, M. le
Député, que M. Guetta est un théoricien
des montgolfières verbales de la
démocratie idéalisée, donc théologisée
par son concept, mais qu'il a
suffisamment la tête sur les épaules
pour savoir mieux que personne que seuls
des Etats solidement charpentés font la
poutraison du monde, parce que la
politique est la musculature de la bête.
Il n'appartient qu'aux Bernardin de
Saint-Pierre ou aux Jean-Jacques
Rousseau de la politique internationale
de faire monter dans les airs les bulles
de savon des anges du supra-nationalisme.
10 - Demain, le
patriotisme
M. le Député, c'est
en annonciateur d'une France en attente
de ses retrouvailles avec sa
souveraineté que vous combattez avec le
chaos actuel de la politique
internationale. Par bonheur, vous
descendez dans l'arène à l'heure où de
nombreuses nations redécouvrent la
source vive de leur histoire et cela à
la faveur même, si je puis dire, de leur
humiliation quotidienne. Le berceau de
leur identité s'appelle le patriotisme.
Quand M. Giscard d'Estain dit à Moscou
que la Commission de Bruxelles "n'est
pas réellement indépendante", il
emboite le pas à tous les anciens
chanceliers d'Allemagne.
Mais puisque le
suffrage universel est devenu, par un
abus de langage, le seul souverain
devant lequel s'inclinent encore, du
moins en principe, les Etats qualifiés
de démocratiques, alors que, dans le
même temps, il n'est pas de trône plus
nominal que celui de l'abstrait,
scierez-vous les barreaux de la cage des
décadences et demanderez-vous à la Vè
République de s'expliquer à haute et
intelligible voix sur la véritable
nature du mythe de la Liberté? Car
Washington se voit contraint de faire
monter en première ligne ses fantassins
d'une servitude habillée en démocratie
quand il ose demander tout de go à la
France des fils de 1789 de recourir
dare-dare au sabordage des Mistral en
haute mer ou dans le port de
Saint-Nazaire. Que répond la France des
toutous de l'Amérique? Pourquoi
tremble-t-elle de les livrer à la
Russie?
Soixante-dix ans
ont passé depuis le 27 novembre 1942,
date du suicide des restes de la marine
de guerre française réfugiée en
catastrope à Toulon au lendemain
de la capitulation de la République du
21 juin 1940. C'était à l'Allemagne
victorieuse, donc légitimée par la force
du glaive aux yeux du droit de la guerre
de l'époque - lequel validait le
triomphe des armes sur le champ de
bataille. Cétait à Hitler que Vichy
refusait tout net de livrer ses ultimes
forces navales. Mais, en 1942, celles-ci
n'étaient déjà rien de plus que les
rescapées d'un second Trafalgar - celui
du bombardement, par Winston Churchill,
du gros de nos cuirassés et de nos
torpilleurs à Mers el Kébir les 3
et 6 juillet 1940. Ce détail, si je puis
dire, allait compliquer la tâche des
historiens de la seconde guerre
mondiale, parce que Mers el Kébir nous
avait coûté le massacre de mille deux
cent quatre-vingt dix neuf de nos
matelots sous les bombes de nos amis et
alliés britanniques.
A l'époque, Londres
avait aussitôt tenté de faire porter le
sceau de ce sabordage au malheureux
commandant de notre flotte: ce marin
avait refusé l'infamie d'une
auto-flétrissure supplémentaire et de
forte taille, celle de livrer les marins
rescapés de Mers el Kébir au mandataire
même de la tuerie de nos marins sans
défense et à son célèbre cigare.
Cette fois-ci, nous
ne nous tromperons pas de déshonneur. Ce
sera la France à nouveau souveraine, la
France des retrouvailles de la nation
avec le régime républicain, la France
fière de brandir à nouveau le drapeau de
la Démocratie et de la Liberté sur les
cinq continents, ce sera cette
France-là, M. le Député, qui portera la
flétrissure de couler purement et
simplement les Mistral plutôt que de les
livrer à la Russie.
A moins que
Washington vienne nous bombarder à
Saint-Nazaire et que M. Obama se
substitue à Winston Churchill dans cet
office. Vous connaissez la chanson du
"petit navire" - "On tira za la
courte paille, on tira za la courte
paille, Pour savoir qui, qui, qui sera
mangé… ". M. le Député, les
cicatrices de la vassalité ne se
referment jamais. Comment guérir de la
plaie de se déshonorer si ce sera par
obéissance à son maître que la nation de
Surcouf aura perdu sa dignité sur la
scène internationale?
11 - L'humiliation
de la France
M. le Député,
dites-nous combien d'âmes seront
massacrées à Saint-Nazaire ou au large
de nos côtes, dites-nous combien de
fiertés ne se remettront jamais de leur
humiliation? Le Mers el Kébir de la
France d'aujourd'hui est en couveuse à
Saint-Nazaire. Mais, cette fois-ci, ce
seront les bouches à feu de notre
auto-vassalisation dans l'arène de notre
Liberté censée retrouvée en 1945 qui
nous canonneront nous-mêmes.
Dites également au
peuple des toutous quelles sont les
raisons vichyssoises réputées légitimer
le placement de force du Président
Poutine dans la postérité de Hitler.
Croyez-vous vraiment, M. le Député, que
l'histoire de la domestication de la
France et du monde demeurera cachée aux
anthropologues du mythe parareligieux de
la Liberté? Vous avez posé au monde la
question la plus sacrilège, celle de
savoir ce qu'il demeura permis et ce
qu'il sera désormais interdit aux
Républiques pensantes, donc
iconoclastes, de faire entendre aux
oreilles du vaste corps électoral d'un
demi-milliard de vassaux européens de
l'Amérique.
C'est dire que
jamais un député dont toute l'action
publique se réclame de la dignité
politique d'une France à redresser ne
sollicitera l'indulgence de ses
concitoyens s'il venait à renoncer à sa
vocation intellectuelle. Armez votre
parti d'une pensée politique à la
hauteur du monde d'aujourd'hui. Ne
laissez pas une puissance étrangère
mettre notre patrie dans la cage aux
fauves d'un empire étranger. La parole
d'un représentant du suffrage universel
doit dénoncer les chaînes de la
servitude cérébrale de son temps. Votre
fonction et votre mission font de vous
un transformateur permanent de l'esprit
public. A vous seul de comparaître à la
barre du Tribunal de la France, à vous
seul de répondre au juge de votre
vocation, à vous seul d'élever la pensée
au rang de seul véritable souverain de
la France.
La semaine
prochaine, je tenterai d'observer le
halètement du droit international dans
l'abîme de la servitude atlantiste.
Note 2: La pensée rationnelle
serait-elle de retour ?
Ce début de
juillet 2015 est à marquer d'une pierre
blanche et d'une pierre noire. D'une
pierre blanche d'abord : il semble
qu'après un siècle et demi d'une cécité,
d'une surdité et d'un mutisme stupides,
mais jugés rentables, l'édition
française ait fini par découvrir que le
retour massif des croyances apeurées du
Moyen-Age exprime le naufrage du siècle
des Lumières et que cette tragédie
cérébrale pose à la politique et à la
science historique rationnelles la
question la plus angoissante de ce
siècle. M. Jean-Claude Carrière,
scénariste et écrivain bien connu, vient
de publier aux Editions Odile Jacob un
ouvrage sur la question à laquelle il
travaillait dans un silence éloquent
depuis plus de cinq ans et intitulé
Croyance.
Mais, dans cet
ouvrage, il juge fort intelligible qu'on
tue quelqu'un pour lui voler son
portefeuille ou sa maîtresse, mais qu'il
est ahurissant et incompréhensible qu'on
le tue pour des motifs religieux qu'il
juge impalpables. Et il estime
énigmatique qu'un chef de l'Etat
islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, ait pu
dire: "S'ils ne veulent pas se
convertir à la vraie religion, nous
n'avons d'autre choix que de les égorger
ou de les décapiter".
L'extrême
abasourdissement de M. Carrière fera
comprendre aux lecteurs de ce site que,
ce début de juillet 2015 soit également
à marquer d'une pierre noire. Car cette
stupéfaction intellectualisée est
également la preuve qu'aucune
explication de la fureur meurtrière des
religions, sitôt que vous les prenez au
sérieux, ne sera possible aussi
longtemps que l'anthropologie moderne
refusera tout net de seulement se
demander ce que les fanatiques défendent
avec leurs couteaux et ce qui s'est
rendu plus précieux à leur ignorance que
leur magot ou la femme du voisin. C'est
qu'on leur arrache les entrailles à les
priver d'une connaissance
fantasmagorique des origines de
l'univers et de la signification
délirante, mais apaisante ou terrifiante
du destin qu'ils s'imaginent espérer ou
craindre à titre posthume s'ils ont obéi
ou désobéi à un chef fantastique et à un
guide vertigineux du cosmos.
Or, ni l'édition
mondiale de masse, ni aucun de nos
intellectuels timides, craintifs ou
dévots d'une pseudo démocratie n'osent
aborder la question de fond qui s'impose
désormais aux anthropologues On
s'ingénie à oublier la phrase torturante
de Voltaire: "Je suis clair parce que
je suis peu profond". Nous savons
maintenant que la profondeur d'esprit
donne rendez-vous à la lucidité et la
lucidité au tragique de la condition
humaine. C'est cette évidence que les
petits rationalistes de leur médiocrité
jugent terrifiante.
Je demande à mes
lecteurs de persévérer dans leur courage
inversé, et de continuer de dormir sans
effroi et sur leurs deux oreilles, mais
de demeurer jour et nuit à l'écoute de
la vaillance des sentinelles de leur
sérénité et de la vigilance de la pensée
critique mondiale. Depuis cent soixante
dix mois, ils s'initient sur ce site à
l'intrépidité d'une pensée critique mise
à l'école de la postérité vivante de
Platon, de Darwin et de Freud.
Une conscience
aigue de leur solitude dans le vide de
l'immensité les attend. Qu'ils s'élèvent
à la hauteur spirituelle d'un XXIe
siècle ascensionnel. Alors, à l'instar
du Dieu dont nous avions dressé la
statue dans notre dos, nous nous dirons
que ce géant de nos songes n'avait
personne dont l'effigie se serait
dressée derrière lui. Et nous saurons
que le vrai Dieu, c'est nous, puisque
nous non plus, nous n'avons ni
interlocuteur, ni garde-chiourme campé
dans l'infini.
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