Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
Esquisse d'une anthropologie de la
servitude idéalisée
VI - La vassalité idéalisée au quotidien
Identité linguistique et identité
nationale
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 2 octobre 2015
Les deux évènements
dominants de la semaine sont
l'accomplissement en Espagne de la
prophétie de Cervantès, qui avait prédit
qu'au nord, Sancho serait nommé
Gouverneur et que son âne aurait les
dents longues, tandis qu'au sud, les
conquistadors fatigués mettraient
définitivement leur Rossinante à
l'écurie.
Le second évènement
qui a débarqué sur l'astéroïde des bons
sentiments fut le roman rose qui
reconduit l'Europe au jardin d'enfants:
des réfugiés de Syrie se sont révélés
les déserteurs d'une armée d'Allah en
déroute.
Aux apprentis qui
voudraient s'initier davantage à
l'anthropologie radicale et qui
connecteraient ces circonstances avec
les épisodes précédents, je conseille
d'emprunter le sentier des écoliers que
voici : les religions qui rassemblent
leurs fidèles à l'aide de rituels
alimentaires et vestimentaires
spectaculairement affichés ont plus de
chances de rendre leur identité
transnationale que les identités
lexicales mâchonnées au quotidien.
Il en résulte que
l'effondrement des langues nationales se
différencie de l'effondrement politique
des civilisations. Les langues finissent
toujours par se donner l'assiette d'un
peuple, d'une nation, d'un Etat. D'où il
découle en toute logique que le naufrage
politique de l'Europe conduit sa classe
dirigeante à la chute de la grammaire et
du vocabulaire des Germains dans un
sabir franco-allemand et le français
dans un hoquettement de la classe d'Etat
et de la classe politique des Gaulois.
Il est frappant, en
outre, que l'effondrement de l'identité
linguistique des peuples accompagne le
naufrage de leur morale sur la scène
internationale, tellement la droiture de
la pensée va de pair avec la droiture de
la syntaxe.
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1 - Qui sont nos
dieux ?
2 - L'Allemagne en fauteuil
roulant
3 - L'immoralité des démocraties
idéalisées
4 -
Les malheurs de Guillaume Tell
en bas-allemand
5 - La vassalité idéalisée au
quotidien
6 - Les avatars du verbe exister
7 - Honneur et loyauté
8 - Le césarisme évangelico-démocratique
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1 -
Qui sont nos dieux
?
Depuis quand la
force se laisse-t-elle valider par le
spectacle de ses rages? A quoi bon
brandir sans relâche une apocalypse de
confection? Quels sont les appâts que tu
nous présentes à l'étalage? N'as-tu pas
honte de nous mettre un tel argument
sous le nez? Je vois des friandises dans
ta main gauche et des châtiments
épouvantables dans ta main droite Mais
n'est-ce pas de la cruauté de ton ciel
de fer que tu nous présentes les plus
terrifiants apanages?
Nos dieux sont
malins. Ces diablotins avaient commencé
par s'entendre entre eux pour nous
démontrer qu'ils sont plus grands, plus
beaux et plus forts que nous. Aussi
notre petitesse et nos infirmités face à
la rudesse de leur charpente nous
a-t-elle longtemps interdit d'observer
le gigantisme de leurs travers. Notre
Zeus terminal fonde, lui aussi, le
monopole politico-cérébral de son
omnipotence sur des démonstrations
apprêtées de sa moralité tout apparente
et renforcée de froncements de sourcils
irrités. Ne prétend-il pas qu' il aurait
créé le monde dare dare, ne craint-il
pas de soutenir que notre crainte des
effets sanctifiés de sa colère
obtiendrait de notre semblant de libre
arbitre que nous rendions un culte
effréné à sa gloire et à son
omnipotence?
Jamais nous ne
rendrons à ce prix les armes à ton ciel.
Depuis que nos sondes spatiales nous ont
appris que l'errance d'autres planètes,
nous fait la nique dans le vide et le
silence de l'immensité, nous sommes
devenus méfiants à l'égard des
artificiers de leur propre éternité.
Nous demandons maintenant à un Zeus
accablé par son grand âge qu'il nous
présente des preuves un peu plus
pensantes de l'atrocité de ses exploits
que celles, seulement musculaires qu'il
présentait à Job sur son fumier.
2 - L'Allemagne en
fauteuil roulant
Nous demandons
qu'une crédibilité morale habille
désormais les prouesses d'adolescient de
notre Jupiter. Car nous nourrissons les
plus graves soupçons au spectacle du
timonier rudimentaire et aux promesses
en l'air que nos ancêtres nous avaient
mis sur les bras. Cet apprenti est
devenu un ignorant en astronomie. La
goutte de boue la plus proche de la
nôtre gire à quatorze siècles de la
durée de la course de notre messager le
plus rapide, la lumière: notre sonde des
ténèbres, que nous avons baptisée
Rosetta, arriverait à bon port écrasée
par le poids des ans; car ce cancre
mettrait vingt millions et sept cent
cinquante huit mille ans pour y affaler
ses rouages fatigués et ses ressorts
brisés. Mais le voyage de plus de treize
milliards de milliards de kilomètres de
ce canasson ne couvrirait jamais que la
dix millionième partie du microscopique
cosmos de la matière inanimée au-delà
duquel la béance de l'infini et du vide
terrifie maintenant nos explorateurs de
l'immensité. Aussi ne tournent-ils
jamais leurs regards effarés du côté du
néant. Il nous faudra inviter Jupiter à
partager notre connaissance nouvelle de
notre petitesse et de la sienne.
Quand nous voyons
nos Etats glisser des mains de notre
infirme de là-haut et tomber dans la
nasse de notre langage de parqués dans
le vide, nous constatons que ce
changement du bâton de notre politique
de fouettés à vif nous rend fort dociles
et fort pieux tout ensemble. C'est à
peine si, dans le coin de cent cinquante
millions de siècles de la lumkière où
nous nous trouvons relégués, nous
émettons quelques grognements et
grommellements dépités. Du reste, notre
appétence naturelle pour nos allégeances
empêtrées entre le ciel et la terre
s'exprime avant même que s'engagent nos
batailles partagées entre nos sceptres
terrestres et ceux du sacré à nouveau en
expansion dans nos cervelles ballottées.
Avant même
d'engager un combat de ce calibre entre
ces deux managers de notre tête, nous
proclamons haut et fort qu'il n'est plus
temps de tergiverser, et qu'il nous faut
choisir sans tarder entre le levain du
vainqueur et le venin du vaincu. Ces
deux autorités sont aussi sanglantes
l'une que l'autre et en rivalité à mort
entre elles - leurs doctrines ne se font
pas de quartier. Mais si vous refusez de
parier pour le ciel du gagnant, votre
imprudence vous fera tomber de Charybde
en Scylla, et le poison de la défaite
servira le nectar de la vengeance au
vainqueur.
3 - L'immoralité
des démocraties idéalisées
Mais voici l'autre
Allemagne des vaincus vertueux et
repentants sur le dos d'autrui,
l'Allemagne de l'immoralité et de la
candeur de la démocratie vassalisée de
l'Europe: au cours de sa rencontre du 10
mai 2015 avec Vladimir Poutine, Mme
Angela Merkel s'est étonnée, avec la
bonne foi la plus sincère et la plus
enfantine, du "forfait" d'une
Russie qui, à l'entendre, aurait profané
les règles de la "communauté
internationale", celles qu'attendent
les démocraties pseudo idéales et
scolarisées au profit de leur maître
d'outre-Atlantique, celles dont
l'autorité administrative est tombée
dans la raideur et la platitude d'esprit
des bureaux, celles des guerriers d'une
fausse "Liberté" et d'une fausse
"Justice".
Où est-elle passée,
la vraie grandeur des Etats souverains,
au nom de laquelle la Russie devrait se
trouver châtiée? Quel droit
international invoquer dans ce gâchis et
ce tohu-bohu? Une Allemagne asservie
dans l'arène de sa défaite depuis trois
quarts de siècle ne saurait donner des
leçons de vertu démocratique à un monde
qui a perdu sa noblesse? La Chancelière
allemande a eu l'audace de définir la
morale et l'honneur du monde sur le
modèle de la domestication des Germains
contrefaits de son temps. Une fierté en
haillons n'est pas un drapeau.
Si les défaites
militaires elles-mêmes n'ont jamais
légitimé en rien l'amputation
perpétuelle du territoire d'une nation
par le glaive d'un voisin victorieux, si
l'Allemagne de l'Ouest a retrouvé sans
coup férir l'Allemagne de l'Est et la
France l'Alsace et la Lorraine au prix
de plusieurs millions de morts de part
et d'autre, à plus forte raison, un
messianisme économique comme celui des
apôtres du marxisme ne saurait priver à
jamais la Russie d'une Crimée qui lui
appartient depuis trois siècles.
Le vrai peuple
allemand n'est pas à l'école des
cavernicoles de l'abstrait, le vrai
peuple allemand salue, en l'infirme
paradigmatique et l'estropié symbolique
évoqué la semaine dernière l'héroïsme
d'une victime résurrectionnelle; le vrai
peuple des Germains s'incline devant sa
propre image de paralytique en fauteuil
roulant.
4 - Les malheurs
de Guillaume Tell en bas allemand
Cette histoire
d'éclopé propitiatoire est également un
contre-feu: elle raconte aux Athéniens
qu'ils se trouvent, eux aussi, dans un
fauteuil roulant, et toute l'Europe à
leurs côtés: "Qu'avez-vous fait des
prouesses de vos ancêtres, où sont
passés Salamine, Platée, les
Thermopyles? Qu'avez-vous fait du levain
qui faisait de vous une nation de
vaincus glorieux? Une Germanie
inexorablement vouée à l'évanouissement
de sa langue se donne une identité
pleine de reproches; et c'est dans le
no man's land d'un lexique enseveli
que resurgit le pain bénit de l'honneur
militaire des ancêtres, celui en lequel
la sainteté de la foi protestante et
celle de la sainteté de l'héroïsme
militaire des Germains associent
derechef leur grandeur légendaire.
Mais, dans le même
temps, on voit se dessiner - et en
traits appuyés - l'ultime soubassement
anthropologique, du soldat bureaucratisé
et démocratisé à l'américaine: ce
manchot de l'honneur militaire
d'autrefois est condamné à survivre sur
l'île déserte d'un héroïsme devenu
fantomal, parce que l'Allemagne
officielle s'est convertie aux travaux
et aux jours d'un Ivan Denissovich, cet
ouvrier concentrationnaire de
Soljenitsyne. On sait que le malheureux
Schaüble croit possible d'accomplir sa
tâche quotidienne de héros du Goulag à
la fois dans l'honneur allemand retrouvé
et au service de son maître en idéalités
vaporeuses, ce qui change l'Europe
pseudo démocratique en un pont de la
rivière Kwaï du monde moderne - et au
seul profit d'un empire étranger aux
dents longues.
Certes, on verra
encore paraître quelques ouvrages
tardifs et rédigés en salmigondis
franco-allemand mais comment un
chef-d'œuvre vivant et respirant
véhiculerait-il un charabia court sur
pattes? Un discours condamné à se
fracasser à chaque pas sur un mot qui
refusera tout net d'exercer la fonction
originelle qu'on voudrait lui assigner
demeurera à jamais un corps étranger à
la nation et à la langue allemandes.
Comment un Schiller d'aujourd'hui
ferait-il parler un Guillaume Tell de la
fin du XIIIe siècle dans un dialecte de
passage? Impossible de mettre Komplot,
investieren, kalculieren, engagieren,
kombatieren, transparent, inacceptabel
dans la bouche d'un arbaletrier de la
fin du Moyen-âge. Il y a cinq siècles
que nous avons remis la langue française
sur le droit chemin: souvenez-vous des
écoliers latinisés qui déambulaient par
les "compites - quartiers - et
les quadrivies - carrefours - de
l'urbe - la ville".
5 - La vassalité
idéalisée au quotidien
Vladimir Poutine
avait le devoir de se placer dans la
postérité politique de Pierre le Grand
et de Catherine II (La
classe dirigeante des Etats vassaux, IV
- Pour un droit international rationnel
, 10 juillet 2015) et dans la postérité
du Tsar Nicolas II, assassiné en 1917,
parce que l'histoire est l'horloge d'une
logique dont les heures sont celles de
l'honneur des nations; et il se trouve
que la logique interne qui pilote
l'histoire des grands peuples contraint
leur raison de se frayer un passage vers
la mer. Mais une évidence inscrite
depuis des siècles dans la marche
rationnelle des nations dépasse la
science ménagère et les recettes
cuisinées de la politique et de
l'histoire que la fille d'un prédicateur
protestant a apprises à réciter sur des
bancs de l'école des travaux et des
jours de notre temps - l'éducation
publique des Germains d'aujourd'hui se
trouve, pour l'instant, falsifiée,
catéchisée et banalisée à l'américaine.
Une grille de
lecture évangélisée heure par heure par
l'universalisme de pacotille du
vainqueur mythologise une contrefaçon
féroce de la Liberté politique de tous
les vrais Etats. L'Allemagne se trouve
réduite en sous-main à se couvrir d'un
sac de cendres. Je rappelle seulement
que, depuis trois générations, deux
cents places fortes censées brandir le
glaive de la Liberté aux yeux du monde
entier se sont rendues
constitutionnelles sous la cuirasse du
traité éternel d'auto-vassalisation de
Lisbonne. Un "ordre international"
contrefait et réputé sanglé de vertus
libératrices a condamné la Germanie
contemporaine à s'agenouiller à
perpétuité devant leur vertueux
triomphateur de 1945. Tout maître du
monde tient le sceptre du Bien et du Mal
dans ses mains ; tout propriétaire de la
vérité règne sur les imaginations.
Mais que signifie,
sur le long terme, un messianisme dont
les platebandes du salut et de la
délivrance politiques se ramifient
désormais sur toute l'étendue du globe
terrestre? Comment un peuple allemand
qu'une mixture ridicule du français et
de l'allemand prive du dictionnaire de
ses ancêtres s'étonnerait-il de ce qu'un
empire lointain espionne ses dirigeants
un par un et surveille jour après jour
les entreprises industrielles du pays?
Le 26 mai 2015, un Allemand sorti tout
droit de l'Essai sur les mœurs des
Germains de Tacite ayant dressé
sa haute charpente dans l'enceinte du
Bundestag pour sommer la chancelière de
publier, dans une presse ridiculement
qualifiée de libre, la liste complète
des entreprises allemandes et des
citoyens surveillés de près par le
gigantesque service d'espionnage du
monde entier dont disposent les
Etats-Unis d'Amérique, M. Barack Obama
s'est contenté de répondre que si une
telle insolence du mythe de la
rédemption démocratique devait retentir
sur le sol allemand, la cruauté de son
absence au sommet du G8 - réduit à 7 -
en Bavière le 5 juin 2015, vengerait
éloquemment ce camouflet sacrilège.
Le danger d'un
silence aussi horrifique de l'oracle de
la Liberté du monde a fait frémir
l'ossature errante qu'on appelle encore
la nation allemande. La terrible menace
du néant que l'ange de la Liberté
mondiale a fait planer un instant sur
l'astéroïde du vide a sonné aux oreilles
d'une Germanie amputée pour longtemps de
sa foi en ses retrouvailles avec son
histoire réelle. Mais puisqu'une
Allemagne spectrale sous le harnais de
l'OTAN et du traité de Lisbonne tente de
soumettre l'Europe tout entière à son
propre évanouissement politique et
linguistique, comment combattre la mort
des gosiers sur un continent devenu
aphasique? D'un côté, les hoquètements
du français dans la bouche des
représentants officiels de la République
et, de l'autre, la dissolution de la
langue des Germains sur leur propre sol
introduisent la psychanalyse de la
décadence des langues écrites et parlées
dans l'anthropologie critique et dans la
géopolitique.
6 - Les avatars du
verbe exister
Pour l'instant, des
régiments d'éducateurs armés jusqu'aux
dents des missels d'une démocratie
idéalisée prétendent unifier et affermir
l'identité d'un Continent des cierges et
des bréviaires que brandit le mythe de
la Liberté. Ces vassalisateurs déguisés
en catéchistes chevronnés cachent mal le
képi qui les commande de loin. Ils
tentent donc de vous faire croire que le
drapeau étoilé d'un empire étranger
serait le messie attendu de toutes les
nations de la planète. Jamais encore une
civilisation conduite au bord du gouffre
n'aura eu à ce point et aussi clairement
le choix entre les périls d'une liberté
politique réelle et ceux d'une servitude
auréolée des vocables du salut et de la
délivrance. Raison de plus d'apprendre
la politique et l'histoire à l'école des
anthropologues des nations. Car seuls
ces analystes des démocraties
contrefaites savent dans quels songes
l'humanité s'enveloppe et seuls ils
s'informeront des catastrophes
cérébrales dans lesquelles les
décadences drapent leurs oripeaux.
Longtemps
l'humanité aura cru qu'il lui fallait
choisir entre, d'une part, les défroques
des religions pleines d'une assurance
illusoire - alors que les dieux censés
uniques se révèlent en lutte à mort
entre eux au chapitre de leurs
prérogatives et de leurs apanages
respectifs - et d'autre part, les
haillons des politiques qualifiées
d'humaines, mais soigneusement calquées,
en sous-main, sur des copies agrandies
et modernisées de notre vieux Jupiter.
Et voici que le IIIe millénaire nous
convie à retourner sur nos pas et de
nous arrêter à l'heure où le plus grand
homme de tous les temps, selon
Montaigne, faisait, de notre ignorance
assortie d'un haussement d'épaules de
nos faux savoirs, la source de tous les
maux dont souffre notre espèce.
7 - Honneur et
loyauté
En ces temps
reculés, Boileau pouvait se permettre
d'écrire:
Ce qui se
conçoit bien s'énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent
aisément.
Seul un maître de
l'écriture peut savoir que "les mots
arrivent" à l'établi; que l'espace et le
temps ont subitement changé de nature et
de dégaine, que les mots les plus
courants se sont soudainement obscurcis,
qu'il nous faut demander à un humanisme
nouveau ce que parler veut dire. Car,
depuis lors, les mots de Justice,
de Liberté, de Droit
international, de Souveraineté,
signifient Servitude, Vassalité,
Assujettissement, Démission.
A peine notre Jupiter a-t-il passé de
Ptolémée à Copernic qu'il nous faut lui
enseigner les nouveaux paramètres de
l'infini et de la durée.
Les peuples
primitifs conjuguaient le verbe
exister sur un modèle fort
rudimentaire. Pour eux, une montagne ou
les prodiges de leurs sorciers
existaient de toute évidence et à
parité de droit à l'existence sur la
scène du monde . Nous usons d'une
finesse d'esprit un peu augmentée: nous
essayons de comprendre les diverses
acceptions qu'affichent nos mots troués
et passe-partout. Nous avons même
commencé de distinguer clairement
l'existence propre à un arbre de celle
qui s'attache aux basques des
personnages fantastiques qui se
promènent dans nos têtes; mais nous
peinons encore à scruter leur origine,
leur nature et leur destination. Elle
est rude, la pente sur laquelle nous
apprenons à conjuguer un peu plus
finement le verbe exister au sein
de l'Europe du mythe vaporeux de la
Liberté. Comme il est difficile à
tailler, le joyau du langage articulé
que nos ancêtres des forêts nous ont
donné à dégrossir!
Maintenant, nous
nous demandons quelles relations la
raison simiohumaine actuelle entretient
avec la politique dans la langue des
Germains. Comment la loyauté et
l'honneur gravaient-ils leurs armoiries
sur l'écusson de la vérité allemande?
Car voici que la gauche d'outre-Rhin et
la droite française se font la même idée
de la loyauté, de la noblesse et de
l'honneur des Etats, alors que la gauche
française persévère à vassaliser la
France. Qu'est-ce donc qu'exister
au sein de l'Europe d'une Babel des
langues? Que signifient les mots
Liberté et Souveraineté, et
comment se fait-il que les Germains
d'autrefois associaient le mot
loyauté au mot honneur. Car
Ehre signifie l'honneur et
ehrlich loyal.
8 - Le césarisme
evangelico-démocratique
Il faut s'attacher
à approfondir la science historique à la
lumière d'un type de vassalisation
nouvelle et ignorée dans le passé. Dans
cet esprit, on remarquera qu'à la suite
de la loi de 1905 sur la séparation de
l'Eglise et de l'Etat, l'anthropologie
scientifique, qui avait pris un essor
prometteur au XVIIIe siècle, s'est
soudainement arrêtée en chemin, alors
que la logique mise en route par
Voltaire exigeait, tout au contraire,
qu'un empire immense s'ouvrît à la
science psychologique à la suite de la
mort du vocabulaire des théologies.
Si les sciences
humaines du XIXe siècle s'étaient
aussitôt engouffrées dans une brèche
aussi large, la science historique
aurait remarqué que le mythe de la
Liberté trouve son origine dans les
trois monothéismes armés d'une
rédemption et d'un salut et que les
empires vocaux dont la vocation est de
s'étendre sous le sceptre d'une
délivrance politique du genre
simiohumain obéissent au même modèle que
l'expansion des trois divinités qui ont
toutes inauguré leurs conquêtes par
d'éclatantes victoires militaires. Mais
elles se sont ensuite répandues sur le
modèle rampant et insinuant d'une
infiltration continue de leurs
théologies dans les esprits et dans les
cœurs. Toute leur histoire dans le
temporel obéit donc à leur vocation
originelle de convertisseuses et de
rédemptrices de l'évadé onirique des
forêts.
C'est ainsi que
l'empire américain obéit, depuis 1945,
au même modèle d'expansion que celui de
la religion chrétienne des premiers
siècles: ce César progresse à la force
du glaive après une préparation patiente
des esprits calquée sur la lenteur du
modèle apostolique originel. Or, au
début du XXIe siècle, une anthropologie
politique radicale faisait rapidement
ses premiers pas. Mais les Merkel, les
Sarkozy, les Hollande n'avaient aucune
connaissance rationnelle et argumentée
des modes de propagation du césarisme
evangélico-démocratique américain, faute
d'une anthropologie de spéléologues de
la bête onirique.
C'est pourquoi on a
vu l'Europe entière prendre des
sanctions économiques aussi précipitées
que parareligieuses, donc aussi
irréfléchies que suicidaires contre la
Russie; et la France, pourtant héritière
de la raison cartésienne a renoncé en
toute hâte à livrer des navires de
guerre à une Russie censée tout
soudainement pestiférée, et cela pour
des motifs revêtus à toute allure du
baudrier d'une démocratie évangélisante
- de sorte que la comparution immédiate
en haute cour de Mme Merkel et de M.
Hollande pour haute trahison aurait
seulement occulté l'essentiel de la
tâche nouvelle qui s'impose aux sciences
humaines et à la politologie des
modernes, celle d'armer la science
historique de ce siècle d'un regard
d'anthropologue sur la bête trop
subitement évadée du sylvestre en vingt
mille siècles seulement de son évolution
cérébrale. Or, par une extrême
coïncidence, nous venons de découvrir en
Afrique du Sud le "chaînon manquant"
entre l'australopithèque et "l'homme".
Que nous
apprend-il? Je l'interrogerai le 9
octobre. Mais pour l'instant, on ne
saurait accuser de trahison des
coupables encore dans l'enfance et
inaptes à découvrir la source animale
des premiers mythes sacrés. Pour
l'anthropologie pseudo scientifique
actuelle, le spectacle de la
déambulation de personnages imaginaires
et fantastiques sous la voûte étoilée
demeure à décrypter et encore davantage
la projection dans l'infini d'un
créateur nécessairement conçu comme
séparé de l'étendue, donc dimensionné.
Il aura fallu la plongée d'une grande
civilisation dans l'abîme de l'ignorance
et de la sottise pour que la science
historique découvrît les armes d'une
science des soubresauts cérébraux dont
l'histoire du monde illustre le théâtre.
Le 2 octobre 2015
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