Monde
Derrière le Mur bi-partisan
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Samedi 28 janvier 2017
C’est le 29 septembre 2006 ; au
Sénat des Etats-Unis on vote la loi
« Secure Fence Act » présentée par
l’administration républicaine de George
W. Bush, qui établit la construction de
1100 km de « barrières physiques »,
fortement surveillées, à la frontière du
Mexique pour empêcher les « entrées
illégales » de travailleurs mexicains.
Des deux sénateurs démocrates de
l’Illinois, l’un, Richer Durbin, vote
« Non » ; l’autre par contre vote
« Oui » : son nom est Barack Obama,
celui qui deux ans après sera élu
président des Etats-Unis. Parmi les 26
démocrates qui votent « Oui », faisant
passer la loi, émerge le nom de Hillary
Clinton, sénatrice de l’état de New
York, qui deux ans après deviendra
secrétaire d’état de l’administration
Obama.
Hillary Clinton, en 2006, est déjà experte de la barrière
anti-migrants, qu’elle a promue en habit
de first lady. C’est en effet le
président démocrate Bill Clinton qui en
a commencé la construction en 1994. Au
moment où entre en vigueur le Nafta,
l’Accord de « libre » commerce
nord-américain entre Etats-Unis, Canada
et Mexique. Accord qui ouvre les portes
à la libre circulation de capitaux et
capitalistes, mais barre l’entrée de
travailleurs mexicains aux Etats-Unis et
au Canada.
Le Nafta a un effet ravageur au Mexique : son marché se trouve inondé de
produits agricoles étasuniens et
canadiens à bas prix (grâce aux
subventions d’état), provoquant
l’écroulement de la production agricole
avec des effets sociaux dévastateurs
pour la population rurale. Se crée ainsi
un bassin de main d’oeuvre à bas coût,
qui va être recrutée dans les
maquiladoras : des milliers
d’établissements industriels le long de
la ligne de frontière en territoire
mexicain, possédés ou contrôlés pour la
plupart par des sociétés étasuniennes
qui, grâce au régime d’exemption
fiscale, y exportent des semi-finis ou
des composants à assembler, ré-important
aux Etats-Unis les produits finis dont
elles tirent des profits beaucoup plus
élevés grâce aux coût beaucoup plus bas
de la main d’oeuvre mexicaine et à
d’autres facilitations.
Dans les maquiladoras ce sont surtout des jeunes
filles et jeunes femmes qui travaillent.
Les horaires sont massacreurs, les
effets toxiques très élevés, les
salaires très bas, les droits syndicaux
pratiquement inexistants. La pauvreté
diffuse, le trafic de drogue, la
prostitution, la criminalité galopante
rendent la vie extrêmement dégradée dans
ces zones. Il suffit de se souvenir de
Ciudad Juarez, à la frontière avec le
Texas, rendue tristement célèbre par les
innombrables homicides de jeunes femmes,
pour la plupart ouvrières des
maquiladoras.
Voilà la réalité au-delà du mur : initié par le démocrate Clinton,
poursuivi par le républicain Bush,
renforcé par le démocrate Obama, ce même
mur que le républicain Trump veut
compléter sur les 3000 km de frontière.
Cela explique pourquoi de nombreux
Mexicains risquent leur vie (il y a des
milliers de morts) pour entrer aux
Etats-Unis, où ils peuvent gagner
davantage, en travaillant au noir au
bénéfice d’autres exploiteurs.
Traverser la frontière est comme partir en guerre, pour échapper aux
hélicoptères et aux drones, aux
barrières de barbelés, aux patrouilles
armées (pour beaucoup formées par des
anciens des guerres en Irak et
Afghanistan), qui sont entraînées par
les militaires avec les techniques
utilisées dans les théâtres de guerre.
Emblématique le fait que, pour
construire certains tronçons de la
barrière avec le Mexique,
l’administration démocrate Clinton
utilisa dans les années 90 les
plate-formes métalliques des pistes d’où
avaient décollé les avions pour
bombarder l’Irak dans la première guerre
du Golfe, faite par l’administration
républicaine de George H.W. Bush. En
utilisant les matériels des guerres
successives, on peut certainement
compléter la barrière bi-partisan.
Article publié samedi 28 janvier
2017 par il manifesto sous le
titre A l’origine du nouveau mur à la
frontière un choix bi-partisan
http://ilmanifesto.info/allorigine-del-nuovo-muro-alla-frontiera-una-scelta-bipartisan/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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