L'art de la guerre
Arbres massacrés, Camp Darby monte
en puissance
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Samedi 22 septembre 2018
Les premiers sont déjà coupés, les
autres marqués à la peinture : ce sont
937 arbres qu’on abat dans l’aire
naturelle “protégée” du Parc Régional de
San Rossore entre Pise et Livourne.
C’est le premier “dommage collatéral” de
la massive réorganisation, commencée ces
jours-ci, des infrastructures de Camp
Darby, le plus grand arsenal USA dans le
monde hors de la mère-patrie (cf. il
manifesto, 11 septembre). Même si le
commandement USA promet de replanter
plus d’arbres qu’il n’en a été coupé, la
construction d’une voie ferrée et
d’autres infrastructures, en fragmentant
les habitats naturels, bouleversera un
vaste écosystème.
Le projet prévoit la construction d’un nouveau tronc commun
ferroviaire qui reliera la gare de
Tombolo (sur la ligne Pise-Livourne) à
un nouveau terminal de
chargement/déchargement, en traversant
le Canal des Navicelli sur un nouveau
pont tournant métallique. Le terminal de
chargement/déchargement, haut de presque
20 mètres, comprendra quatre voies de
175 mètres de long pouvant accueillir
chacune neuf wagons pour un total de 36.
Le terminal sera relié à l’aire de stockage des munitions (Ammunition
Storage Area) par de grands
autocars. Au moyen de chariots
cavaliers, les armes à l’arrivée seront
transférées des wagons aux autocars et
celles en partance des autocars aux
wagons. Le terminal permettra le transit
de deux convois ferroviaires par jour,
qui relieront la base au port à travers
les lignes normales des Ferrovie di
Stato (Compagnie nationale des chemins
de fer italiens).
Le plan de réorganisation des infrastructures, qui vient de
commencer, est dû au fait que, à la
suite de l’augmentation du transit
d’armes de Camp Darby, est aujourd’hui
insuffisante la liaison par canal et par
route de la base avec le port de
Livourne et l’aéroport de Pise. Dans les
125 bunkers de Camp Darby,
continuellement approvisionnés par les
États-Unis, est stocké (selon des
estimations approximatives) plus d’un
million de projectiles d’artillerie,
bombes aéroportées et missiles, auxquels
s’ajoutent des milliers de chars,
véhicules et autres matériels
militaires.
Depuis mars 2017, d’énormes bateaux font chaque mois escale à Livourne,
en déchargeant et chargeant des armes
qui sont transportées en continu dans
les ports d’Aqaba en Jordanie, Djeddah
en Arabie Saoudite et autres escales
moyen-orientales pour être utilisées par
les forces étasuniennes et alliées dans
les guerres en Syrie, Irak et Yémen.
Nul besoin d’être un technicien spécialiste pour comprendre quels
sont les dangers pour la population
toscane. Déplacer en continu des
milliers de têtes explosives d’énorme
puissance dans un territoire densément
habité comporte des risques évidents.
Même si les responsables du projet le
qualifient de stratégique pour “la santé
de l’homme et la sécurité publique”, on
ne peut pas exclure un accident aux
conséquences catastrophiques. Ni un
sabotage ou une attaque terroriste pour
provoquer l’explosion de tout un convoi
ferroviaire chargé de bombes. Ce que
confirme le fait qu’est prévue dans le
plan la réalisation d’un second terminal
qui sera affecté aux opérations de
vérification et inspection des “wagons
suspects”, c’est-à-dire de ceux sur
lesquels pourrait être installée (par
exemple à l’intérieur d’un container)
une bombe qui, par une explosion
commandée à distance,
provoquerait une réaction en chaîne
catastrophique.
Qu’ont fait les institutions face à tout cela ? Au lieu d’assumer
leurs fonctions pour la protection des
citoyens et du territoire, la Région
Toscane, les Municipalités de Pise et
Livourne et les autorités du Parc non
seulement ont approuvé la montée en
puissance de Camp Darby, mais ont
contribué à sa réalisation. Les travaux
publics réalisés ces dernières années
pour des projets de développement
économique véritables ou présumés (par
exemple la construction navale de luxe)
-en particulier les travaux pour
améliorer la navigabilité du Canal des
Navicelli et les liaisons ferroviaires
du port de Livourne- sont exactement
ceux que le commandement de Camp Darby a
demandés depuis des années. Son plus
haut représentant, le colonel Berdy, a
été reçu ces derniers mois avec tous les
honneurs par le président du Conseil
régional toscan Giani (Pd), qui s’est
engagé à promouvoir “l’intégration entre
la base militaire USA de Camp Darby et
la communauté qui l’entoure” ; par le
maire de Livourne Nogarin (Mouvement 5
Étoiles) et par celui de Pise Conti
(Ligue) qui ont exprimé largement la
même position.
Les arbres du Parc peuvent être coupés et les bombes de Camp Darby
peuvent circuler sur notre territoire,
grâce au consensus multi-partisan.
Édition de vendredi 21 septembre
2018 de il manifesto
https://ilmanifesto.it/gli-usa-ampliano-camp-darby-piu-armi-e-mille-alberi-in-meno/
Traduit de l’italien par M-A P.
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