Irak
Irak, les pages d'histoire effacées
Manlio Dinucci
Mercredi 18 juin 2014
Comme dans le roman d’Orwell, le Grand
Frère politico-médiatique réécrit
continuellement l’histoire, en effaçant
des pages comme celles des deux guerres
contre l’Irak, essentielles pour
comprendre les événements actuels. Il
est donc important de les reconstruire
dans leurs termes essentiels.
La Première
guerre de l’après-guerre froide
L’Irak de Saddam Hussein, qui en
envahissant le Koweït le 2 août 1990
fournit aux Etats-Unis le moyen de
mettre en pratique la stratégie de
l’après-guerre froide, est ce même Irak
soutenu jusque peu de temps auparavant
par les Etats-Unis. Depuis 1980, ils
l’ont aidé dans la guerre contre l’Iran
de Khomeiny, alors « ennemi numéro un ».
Le Pentagone a fourni aussi au
commandement irakien des photos
satellitaires du déploiement iranien.
Et, sur instruction de Washington, le
Koweït a concédé à Bagdad de gros prêts.
Mais une
fois la guerre terminée, en 1988,
Washington craint que l’Irak, grâce
aussi à l’assistance soviétique, ne
prenne un rôle dominant dans la région.
L’attitude du Koweït change en
conséquence : il exige de Bagdad le
remboursement immédiat de la dette et
augmente l’extraction du pétrole du
gisement de Rumaila qui s’étend sous les
deux territoires. Il crée ainsi un
dommage à l’Irak, sorti de huit années
de guerre avec une dette extérieure de
plus de 70 milliards de dollars. Saddam
Hussein pense alors sortir de l’impasse
en « re-annexant » le territoire
koweitien qui, sur la base des
frontières tracées en 1922 par le
proconsul britannique Sir Percy Cox,
barre l’accès de l’Irak au Golfe.
Les
Etats-Unis, qui connaissent le plan dans
les détails, laissent croire à Bagdad
qu’ils veulent rester en dehors du
contentieux. Le 25 juillet 1990, alors
que les satellites militaires montrent
que l’invasion est désormais imminente,
l’ambassadrice étasunienne à Bagdad,
April Glasbie, assure Saddam Hussein que
les Etats-Unis n’ont aucune opinion sur
sa dispute avec le Koweït et veulent les
meilleures relations avec l’Irak. Une
semaine plus tard, le 1er
août, Saddam Hussein ordonne l’invasion,
commettant une colossale erreur de
calcul politique.
Les Etats-Unis désignent l’ex allié
comme ennemi numéro un et, une coalition
internationale étant formée, envoient
dans le Golfe une force de 750mille
hommes, dont 70% sont étasuniens, aux
ordres du général Norman Schwarzkopf. Le
17 janvier 1991 commence l’opération
« Tempête du désert ». En 43 jours, dans
ce qui a été défini comme « la plus
intense campagne de bombardement de
l’histoire », l’aviation USA et alliée
(dont celle italienne) effectue avec
2800 avions plus de 110mille sorties,
larguant 250mille bombes, dont celles à
fragmentation qui lancent plus de 10
millions de sous-munitions. Le 23
février les troupes de la coalition,
comprenant plus de 500mille soldats,
lancent l’offensive terrestre qui, après
cent heures de carnage, se termine le 28
février avec un « cessez-le-feu
temporaire » proclamé par le président
Bush.
Personne
ne connaît exactement le nombre de morts
irakiens : selon une estimation environ
300mille, militaires et civils, sûrement
beaucoup plus. Des milliers sont
ensevelis vivants dans les tranchées
avec des blindés, transformés en
bulldozers.
L’embargo et l’occupation de l’Irak
Dans la première guerre, Washington
décide de ne pas occuper l’Irak, pour ne
pas alarmer Moscou dans la phase
critique de la dissolution de l’URSS et
ne pas favoriser l’Iran de Khomeiny. A
cet effet on choisit à Washington
d’avancer un pas après l’autre, d’abord
en frappant l’Irak, puis en l’isolant
par l’embargo.
Dans les dix années suivantes, à cause
de l’embargo, meurent environ un demi
million d’enfants irakiens, plus autant
d’adultes, tués par la dénutrition
chronique, par la carence d’eau potable,
par les effets de l’uranium appauvri et
le manque de médicaments.
Cette
stratégie, initiée par le républicain
Bush (1989-1993), est poursuivie par le
démocrate Clinton (1993-2001). Mais,
dans les années 90, certaines conditions
changent. L’objectif de l’occupation de
l’Irak, en position géostratégique clé
dans la région moyen-orientale, est à
présent jugé faisable. Le Project for
the New American Century, un groupe
de pression né pour « promouvoir le
leadership global américain », demande
en janvier 1998 au président Clinton
d’ « entreprendre une action militaire
pour éliminer Saddam Hussein du
pouvoir ». Dans un document successif,
en septembre 2000, il précise que
« l’exigence de maintenir dans le Golfe
une force militaire américaine
consistante dépasse la question du
régime de Saddam Hussein », étant donné
que le Golfe est « une région
d’importance vitale » dans laquelle les
Etats-Unis doivent avoir « un rôle
permanent ».
La nouvelle
stratégie, dont George W. Bush (fils du
président auteur de la première guerre)
devient exécuteur, est décidée donc
avant qu’il ne soit installé à la
présidence en janvier 2001.
Cette
stratégie reçoit une impulsion décisive
avec les attentats terroristes du 11
septembre 2001 à New York et Washington
(dont la régie –démontre une série de
preuves- est sûrement interne). En
février 2003, le secrétaire d’Etat Colin
Powell présente au Conseil de sécurité
de l’ONU les « preuves » -fournies par la Cia et qui se sont ensuite
révélées fausses avec l’admission de
Powell lui-même- que le régime de Saddam
Hussein possède des armes de destruction
de masse et soutient Al Qaida. Comme le
Conseil de sécurité refuse d’autoriser
la guerre, les Etats-Unis passent outre
celui-ci. Le 19 mars, la guerre
commence. Le 1er mai, à bord
du porte-avions Lincoln, le président
Bush annonce « la libération de
l’Irak », en soulignant que de cette
façon les Etats-Unis « ont éliminé un
allié d’Al Qaida ».
Edition de mercredi 18 juin de il
manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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