L'art de la guerre
Le président « bon » et le
président « méchant »
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 10 janvier 2017
Barack Obama fut « santo subito »
(« saint immédiatement ») : à peine
entré à la Maison Blanche il fut décoré
préventivement en 2009 du Prix Nobel
de la paix grâce à « ses extraordinaires
efforts pour renforcer la diplomatie
internationale et la coopération entre
les peuples ». Alors que son
administration préparait déjà
secrètement, par l’intermédiaire de la
secrétaire d’Etat Hillary Clinton, la
guerre qui deux ans plus tard allait
démolir l’état libyen, en s’étendant
ensuite à la Syrie et à l’Irak via des
groupes terroristes fonctionnels à la
stratégie USA/Otan.
Donald Trump est par contre « démon immédiatement », avant même
d’entrer à la Maison Blanche. Il se
trouve accusé d’avoir usurpé le poste
destiné à Hillary Clinton, grâce à une
opération maléfique ordonnée par le
président russe Poutine. Les « preuves »
sont fournies par la Cia, la plus
experte en matière d’infiltrations et
coups d’état. Il suffit de rappeler ses
opérations pour provoquer et conduire
les guerres contre le Vietnam, le
Cambodge, le Liban, la Somalie, l’Irak,
la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Libye
et la Syrie ; ses coups d’état en
Indonésie, Salvador, Brésil, Chili,
Argentine, Grèce. Des millions de
personnes emprisonnées, torturées et
tuées ; des millions déracinées de leurs
terres, transformées en réfugiés objet
d’une véritable traite des esclaves.
Surtout les fillettes et jeunes femmes,
soumises en esclavage, violées,
contraintes à se prostituer.
Tout cela devrait être rappelé par les personnes qui, aux USA et en
Europe, organisent le 21 janvier la
Marche des femmes pour défendre
justement cette parité de genre conquise
par de dures luttes, continuellement
mise en discussion par des positions
sexistes comme celles exprimées par
Trump. Mais ce n’est pas pour cette
raison que Trump est mis en accusation
dans une campagne qui constitue un fait
nouveau dans la procédure d’alternance à
la Maison Blanche : cette fois la partie
perdante ne reconnaît pas la légitimité
du président néo-élu, mais tente un
impeachment préventif. Trump se
trouve présenté comme une sorte de « Manchurian
Candidate » qui, infiltré à la Maison
Blanche, serait contrôlé par Poutine,
ennemi des Etats-Unis.
Les stratèges néo-cons, artisans de la campagne, essaient de cette façon
d’empêcher un changement de cap dans les
relations des Etats-Unis avec la Russie,
que l’administration Obama a ramenées à
un niveau de guerre froide. Trump
est un « trader » qui, en continuant à
fonder la politique étasunienne sur la
force militaire, entend ouvrir une
négociation avec la Russie, possiblement
aussi pour affaiblir l’alliance de
Moscou avec Pékin.
En Europe ceux qui craignent un relâchement de la tension avec la Russie
sont avant tout les dirigeants Otan, qui
ont acquis de l’importance avec
l’escalade militaire de la nouvelle
guerre froide, et les groupes de pouvoir
des pays de l’Est -en particulier
Ukraine, Pologne et pays baltes- qui
misent sur l’hostilité envers la Russie
pour avoir un soutien militaire et
économique croissant de la part de
l’Otan et de l’Ue.
Dans ce contexte, on ne peut pas taire dans les manifestations du
21 janvier les responsabilités de ceux
qui ont transformé l’Europe en première
ligne de l’affrontement, y compris
nucléaire, avec la Russie.
Nous devrions manifester non pas comme des sujets étasuniens qui ne
veulent pas un président « méchant » et
en demandent un « bon », mais pour nous
libérer de la sujétion envers les
Etats-Unis qui, indépendamment de qui en
est le président, exercent leur
influence en Europe par l’intermédiaire
de l’Otan ; pour sortir de cette
alliance de guerre, pour exiger
l’enlèvement des armes nucléaires USA de
nos pays.
Nous devrions manifester pour avoir la parole, comme citoyennes et
citoyens, dans les choix de
politique étrangère qui,
indissolublement liés aux choix
économiques et politiques internes,
déterminent nos conditions de vie et
notre avenir.
Edition de mardi 10 janvier 2017
de il manifesto
http://ilmanifesto.info/il-presidente-buono-e-quello-cattivo/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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