L'art de la guerre
Le Pentagone de Pinotti
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 7 mars 2017
La ministre (de
la défense, ndt)
Pinotti a un rêve
: un Pentagone italien, à
savoir une unique structure pour les
sommets de toutes les forces armées, une
copie en miniature de l’étasunien. Le
rêve est sur le point de devenir
réalité.
La nouvelle structure, annonce la ministre dans une interview à
Repubblica,
est déjà en phase conceptuelle et une
première allocation est prévue dans le
budget de la Loi de stabilité. Il verra
le jour dans la zone aéroportuaire de
Centocelle à Rome, où
existe l’espace pour
construire d’autres édifices et
infrastructures. A Centocelle, où
a aussi été transférée la
Direction générale des armements avec
son staff de 1500 personnes, se trouve
déjà le Commandement opératif de sommet
inter-forces, à travers lequel le Chef
d’état-major de la Défense commande
toutes les opérations des forces armées.
Avant tout celles qui sont à l’étranger
: l’Italie est engagée dans
30 missions militaires dans 20 pays, du
Kosovo à l’Irak et à l’Afghanistan,
de la Libye à la Somalie et
au Mali. Etant donné qu’à chacune de ces
missions participent des composantes de
toutes les forces armées, explique la
ministre, il faut un commandement unique
inter-forces avec siège à Centocelle.
Ainsi est acté, avant même qu’il ne soit discuté au parlement, le
projet de loi sur la mise en oeuvre du
« Livre Blanc pour la sécurité
internationale et la défense », présenté
le 10 février par le Conseil des
ministres. Donc est déjà en cours le
putsch blanc qui, dans le silence
général, subvertit les bases
constitutionnelles de la République
italienne, en la re-configurant en tant
que puissance qui intervient
militairement dans les aires donnant sur
la Méditerranée -en Afrique du Nord,
Moyen-Orient, et Balkans- en soutien à
ses propres « intérêts vitaux »
économiques et stratégiques ; et partout
dans le monde où
sont en jeu les intérêts de
l’Occident représentés par l’Otan sous
commandement étasunien.
A cet effet, il faut de nouveaux armements. Par exemple les deux premiers
avions Gulfstream 550 modifiés,
que l’Italie vient juste de
recevoir d’Israël
au prix d’environ un milliard de dollars
: véritables commandements volants, dotés
de l’électronique la plus
avancée, pour des missions d’attaque à
longue portée.
Il faut en même temps des professionnels de la guerre, capables
d’utiliser les nouvelles technologies et
de combattre dans des pays lointains
dans les conditions environnementales
les plus variées. « Nous avons besoin de
soldats jeunes -explique la ministre
Pinotti- la clé réside dans l’enrôlement
de personnes de 19-20 ans, pour leur
offrir un important paquet formatif de
sept années de leur vie, enseignant des
langues et une professionnalité. S’ils
se retrouvent sur le marché à 26-27 ans
il ne sera pas difficile de trouver un
autre emploi y compris parce que nous
nous engageons à construire de nouvelles
opportunités de travail avec des
parcours législatifs ».
Dans une situation de chômage et précariat, on offre ainsi aux jeunes le
moyen de gagner leur vie et d’avoir un
emploi sûr : la guerre. Et aux
professionnels de la guerre, aux ordres
du Pentagone italien, est aussi confiée
dans le projet de loi la « sauvegarde
des libres institutions » avec des
« devoirs spécifiques en cas de nécessité
extraordinaire et d’urgence », formule
vague qui se prête à des mesures
autoritaires et à des stratégies
subversives.
Tour cela a un coût. L’Italie, annonce
Pinotti, même
si elle n’est pas encore en
mesure de porter la dépense pour la
« défense » à 2% du PIB comme le demande
l’Otan, est en train de l’augmenter :
« Cette année nous sommes à 1,18% du PIB
équivalents à environ 23 milliards ». La
ministre nous informe ainsi que l’Italie
dépense pour la « défense » en moyenne
63 millions d’euros par jour, auxquels
s’ajoutent les dépenses pour les
missions militaires et les principaux
armements, inscrites dans les budgets
d’autres ministères.
À Rome, pendant que fait rage le débat politique sur l’impact
environnemental du nouveau stade,
personne ne se préoccupe de l’impact
social du nouveau Pentagone tricolore.
Edition de mardi 7 mars 2017 de
il manifesto
https://ilmanifesto.it/il-pentagono-della-ministra-pinotti/
Traduit de l’italien par
Marie-Ange Patrizio
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