L'art de la guerre
Le « désarmement » nucléaire de
Gentiloni
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 6 juin 2017
La scène de la folle panique sur
la place San Carlo à Turin (1), avec ses
conséquences dramatiques, est
emblématique de notre situation. La
psychose d’attentat terroriste, diffusée
avec art par l'appareil
politico-médiatique sur la base d’un
phénomène réel (dont on cache cependant
les véritables causes et finalités), a
déclenché de façon chaotique l’instinct
primordial de survie. Celui-ci se trouve
par contre endormi par le black-out
politico-médiatique, alors qu’il devrait
se déclencher de façon rationnelle face
à ce qui met en péril la survie de
l’humanité entière : la course aux
armements nucléaires. En conséquence la
très grande majorité des Italiens ignore
que va se tenir aux Nations Unies, du 15
juin au 7 juillet, la seconde phase des
négociations pour un traité qui
interdise les armes nucléaires.
L’ébauche de la Convention sur les armes nucléaires, rédigée après
la première phase des négociations en
mars, stipule que chaque Etat partie
s’engage à ne pas produire ni posséder
d’armes nucléaires, ni à les transférer
ou à les recevoir directement ou
indirectement. L’ouverture des
négociations a été décidée par une
résolution de l’Assemblée générale votée
en décembre 2016 par 113 pays, 35 votes
contre et 13 abstentions. Les Etats-Unis
et les deux autres puissances nucléaires
de l’Otan (France et Grande-Bretagne),
les autres pays de l’Alliance et ses
principaux partenaires -Israël (unique
puissance nucléaire au Moyen-Orient),
Japon, Australie, Ukraine- ont voté
contre. Ont alors exprimé aussi un vote
contraire les autres puissances
nucléaires : Russie et Chine (qui s’est
abstenue), Inde, Pakistan et Corée du
Nord.
Parmi les pays qui ont voté contre, dans le sillage des Etats-Unis,
se trouve l’Italie. Le gouvernement
Gentiloni a déclaré, le 2 février, que
« la convocation d’une Conférence des
Nations Unies pour négocier un outil
juridiquement contraignant sur la
prohibition des armes nucléaires,
constitue un fort élément diviseur qui
risque de compromettre nos efforts en
faveur du désarmement nucléaire ».
L’Italie, assure le gouvernement, est en
train de suivre « un parcours graduel,
réaliste et concret en mesure de
conduire à un processus de désarmement
nucléaire irréversible, transparent et
vérifiable », fondé sur la « pleine
application du Traité de
non-prolifération, pilier du
désarmement ».
La façon dont l’Italie applique le Tnp, ratifié en 1975, est
démontrée par les faits. Bien que ce
Traité engage les Etats militairement
non-nucléaires à « ne recevoir de
quiconque des armes nucléaires, ni le
contrôle sur de telles armes,
directement ou indirectement », l’Italie
a mis à disposition des Etats-Unis son
propre territoire pour l’installation
d’armes nucléaires (au moins 50 bombes
B-61 à Aviano et 20 à Ghedi-Torre), pour
l’utilisation desquelles sont entraînés
aussi des pilotes italiens. A
partir de 2020 sera déployée en Italie
la B61-12 : une nouvelle arme de
first strike nucléaire, avec la
capacité de pénétrer dans le terrain
pour détruire les bunkers des centres de
commandement. Quand aura commencé en
2020 (mais il n’est pas exclu que cela
arrive même avant) le déploiement en
Europe de la B61-12, l’Italie,
formellement pays non-nucléaire, sera
transformée en première ligne d’une
confrontation nucléaire encore plus
périlleuse entre USA/Otan et Russie.
Que faire ? Il faut imposer que l’Italie contribue au lancement du Traité
ONU sur la prohibition des armes
nucléaires et qu’elle y souscrive et, en
même temps, exiger que les Etats-Unis,
sur la base du Traité de
non-prolifération en vigueur, enlèvent
toute arme nucléaire de notre territoire
et renoncent à y installer les nouvelles
bombes B61-12. Pour quasiment tout le
« monde politique », l’argument est
tabou. Si la conscience politique fait
défaut, il ne reste qu’à recourir à
l’instinct primordial de survie.
Edition de mardi 6 juin 2017 de
il manifesto
https://ilmanifesto.it/il-disarmo-nucleare-di-gentiloni/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
(1) Une fausse alarme à la bombe a
provoqué la fuite de milliers de
spectateurs rassemblés sur la place pour
la retransmission télévisée d’un match
de foot. Bilan : plus de 1500 blessés
dont certains gravement (ndt).
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