L'art de la guerre
Gentiloni “l’Africain” à la
conquête de néo-colonies
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Dimanche 3 décembre 2017
“Que l’avenir de l’Europe se joue
aussi en Afrique est, je crois, très
clair surtout pour nous Italiens, pour
des raisons historiques et
géographiques” : c’est ce qu’a déclaré
le président du Conseil Paolo Gentiloni
dans son tour africain, du 24 au 29
novembre, à travers Tunisie, Angola,
Ghana et Côte d’Ivoire.
De cette façon, sans le vouloir, il a dit la vérité : l’Italie et
l’Europe considèrent aujourd’hui
l’Afrique comme très importante pour les
mêmes “raisons historiques et
géographiques” que dans le passé,
c’est-à-dire quand elle était sous leur
domination coloniale.
L’Afrique est très riche en matières premières : or, diamants, uranium,
coltan, cuivre, pétrole, gaz naturel,
manganèse, phosphates, bois précieux,
cacao, café, coton et beaucoup d’autres.
Ces précieuses ressources, exploitées
par le vieux colonialisme européen avec
des méthodes de type esclavagiste, sont
aujourd’hui exploitées par le
néocolonialisme européen s’appuyant sur
des groupes de pouvoir et gouvernants
africains corrompus, une main d’oeuvre
locale à bas coût et un contrôle des
marchés internes et internationaux.
C’est ce que confirme le voyage d’affaires du premier ministre
Gentiloni, en habit de voyageur de
commerce de l’Eni (Société nationale des
Hydrocarbures), multinationale qui en
Afrique opère en Algérie, Libye,
Tunisie, Egypte, Kenya, Liberia, Côte
d’Ivoire, Nigeria, Ghana, République du
Congo, Angola, Mozambique et Afrique du
Sud. La Tunisie, première étape du
voyage de Gentiloni, est une importante
base de l’Eni pas seulement pour le
gisement de El Borma, mais aussi comme
voie de transit du gazoduc Transmed qui
apporte en Italie le gaz algérien. En
Angola Gentiloni a assisté, avec le
président Lourenço, à la signature d’un
lucratif accord qui assigne à l’Eni 48%
des droits sur le grand gisement Cabinda
North. Au Ghana il a visité la maxi
plate-forme flottante Eni de production
et stockage, pour l’exploitation de
gisements offshore de plus de 40
milliards de m3 de gaz et 500
millions de barils de pétrole.
En Côte d’Ivoire -où l’Eni a acheté 30% d’une grande aire offshore
riche en hydrocarbures, par
l’intermédiaire de sa Eni Côte d’Ivoire
Limited, qu’elle contrôle, et dont le
siège est à Londres- Gentiloni a
participé au cinquième sommet Union
européenne-Union africaine, avec
Mogherini, représentante des affaires
étrangères de l’Ue, le président
français Macron et la chancelière
allemande Merkel. Au centre du sommet,
de nouveaux investissements européens en
Afrique avec le noble but de “donner de
nouveaux espoirs aux jeunes Africains”.
Ces investissements sont cependant, en
général, finalisés dans la formation
d’élites africaines servant aux intérêts
néo-coloniaux.
Même dans les pays ayant les plus grands revenus grâce à l’export
de matières premières, la majorité des
habitants vit dans la pauvreté. Selon
des données de l’Onu, plus des deux
tiers de la population de l’Afrique
sub-saharienne vivent dans ces
conditions et plus de 40% vit dans une
pauvreté extrême.
L’exemple de la Côte d’Ivoire et du Ghana, visités par Gentiloni,
est emblématique : non seulement
ils ont de grandes ressources
énergétiques, mais ils sont les deux
premiers producteurs mondiaux de cacao
(avec presque 60% de la production
totale). Celui-ci est cultivé pour la
plus grande partie par de petits
paysans, qui vivent dans la pauvreté
parce qu’ils sont obligés de vendre à
des prix très bas les les grains de
cacao, dont les multinationales du
chocolat tirent des profits élevés.
Ainsi, comme l’a dit aussi Renzi, “on
aide les Africains chez eux”.
Dans les cinq années 2010-2015, les plus grands investissements en
Afrique ont été effectués par
Etats-Unis, Grande-Bretagne, France,
Chine, Afrique du Sud et Italie. Mais en
2016 la Chine est passée en tête, suivie
par les Emirats Arabes Unis et l’Italie
qui, a déclaré fièrement Gentiloni, a
été l’an dernier le plus grand
investisseur européen en Afrique avec
environ 12 milliards.
Etats-Unis et Union européenne voient leur rôle dominant dans les
économies africaines mis de plus en plus
en danger par la Chine, dont les
sociétés offrent aux pays africains des
conditions beaucoup plus favorables et
construisent les infrastructures dont
ces pays ont besoin : jusqu’à présent
environ 2300 km de voies ferrées et 3300
km de routes. En même temps,
Etats-Unis et Union européenne voient
leurs intérêts menacés par des
mouvements armés, comme celui des “Niger
Delta Avengers” qui attaquent les sites
de l’étasunienne Shell et d’autres
compagnies pétrolières dont l’Eni,
responsables du désastre environnemental
et social dans le delta du Niger.
Comme ils perdent du terrain sur le plan économique, les Etats-Unis et
les plus grandes puissances européennes
jettent leur épée sur le plateau de la
balance. Le Commandement Africa des
Etats-Unis, avec la motivation
officielle de lutter contre le
terrorisme, est en train d’étendre et de
faire monter en puissance son réseau
militaire sur le continent, avec des
opérations des forces spéciales,
l’utilisation de drones armés,
l’entraînement et l’armement de forces
spéciales africaines. La France, qui
dans les cinquante dernières années a
accompli dans le continent plus de
cinquante interventions militaires
officielles plus de nombreuses autres
secrètes, est en train d’intensifier les
opérations en Afrique occidentale,
centrale et orientale, où elle maintient
environ 7 mille soldats et diverses
bases militaires surtout au Mali,
Sénégal, Gabon et Côte d’Ivoire.
L’Italie -qui a une présence militaire
en Libye, Mali, Somalie et Djibouti-
sollicite l’intervention de l’Otan en
Afrique. “L’Otan -souligne le premier
ministre Gentiloni- doit regarder vers
le Sud. Si la plus grande alliance
militaire de l’histoire ne le fait pas,
elle risque aujourd’hui de ne pas être à
la hauteur des défis contemporains”.
L’Otan se prépare à regarder encore vers
le Sud, comme quand en 2011 elle a
démoli l’Etat libyen par la guerre.
Edition de dimanche 3 décembre
2017 de il manifesto
https://ilmanifesto.it/gentiloni-lafricano-alla-conquista-di-neocolonie/
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