Opinion
Une petite
inflexion
M. Saadoune
Mardi 26 novembre 2013
Petit vent de panique en Israël après la
signature de l'accord intérimaire sur le
nucléaire iranien : le blocage français
est sans lendemain et les Américains
font ce qu'ils veulent. Même si les
Israéliens vont tout faire pour
rattraper le coup et mobiliser leurs
lobbies, c'est une première.
L'évaluation de la possibilité d'un
accord n'est pas passée par le prisme
israélien, c'est indéniablement un échec
pour Netanyahu.
Aux Etats-Unis, le poids du lobby
israélien n'a pas empêché, en 2006, deux
professeurs américains de sciences
politiques, John J.Mearsheimer et
Stephen M.Walt, de faire des constats
sacrilèges. A savoir que la politique
américaine au Moyen-Orient n'est basée
ni sur des intérêts stratégiques, ni
justifiée par des impératifs moraux,
mais qu'elle est très largement
influencée par les activités du lobby
israélien. Les deux professeurs ont bien
entendu été étripés mais ils ont
survécu, le droit à l'expression étant
plus protégé aux Etats-Unis qu'en
Europe. Ces deux professeurs avaient osé
dire que le lobby israélien a réussi à
mener la politique étrangère américaine
aussi «loin de ce que l'intérêt national
américain recommanderait, tout en
réussissant à convaincre les Américains
que les intérêts des Etats-Unis et
d'Israël sont à peu près identiques».
Il n'est pas certain que les idées des
deux professeurs sont devenues celles de
la Maison Blanche. De manière prosaïque,
on peut lier cette décision de déplaire
à Tel-Aviv au fait que Barack Obama est
en deuxième mandat et n'a pas de souci
de réélection. Ni même le souci de voir
Hillary Clinton lui succéder. Sans
compter qu'il existe une vraie
antipathie entre lui et Benyamin
Netanyahu. Ce sont des aspects qui
entrent en compte sans être
déterminants. L'accord avec l'Iran n'est
pas irréversible et il peut être remis
en cause. Il suffirait de poser des
exigences difficilement acceptables pour
la partie iranienne pour y parvenir.
C'est pour cela qu'il est prématuré de
parler d'échec israélien - ou saoudien -
à maintenir Washington dans une ligne
d'hostilité totale à l'égard de Téhéran.
Il n'en reste pas moins qu'en allant à
l'encontre des désirs israéliens, Barack
Obama a signifié, pour la première fois
depuis qu'il est arrivé au pouvoir, que
la politique des néoconservateurs au
Moyen-Orient n'est pas inscrite dans le
marbre. Très décevant sur le dossier
palestinien où il a été obligé de
reculer sur la question de la
colonisation, Barack Obama esquisse une
petite inflexion qui va dans le sens de
sa vision proclamée. Plus l'Iran est
intégré dans le jeu et plus il est
possible de le «modérer» et de lui faire
jouer un rôle positif. Et il y a aussi
le constat, pas nouveau, qu'une attaque
éventuelle des sites nucléaires iraniens
serait totalement contre-productive. Il
est désormais impossible de «balayer» le
savoir-faire iranien. Il faut donc
conclure un accord avec les Iraniens.
Ce sont des idées qui n'ont rien
d'extraordinaire en soi, certains
pourraient dire qu'elles sont une
évidence, l'expression même du réalisme.
Mais la politique des Etats-Unis passant
totalement par le prisme israélien, le
réalisme n'avait pas de droit de cité.
Cette petite «inflexion» de la politique
à l'égard de l'Iran est probablement à
mettre en rapport avec l'autonomie
énergétique des Etats-Unis qui fait
perdre, peu à peu, au Moyen-Orient son
caractère stratégique. Du moins au plan
de l'énergie qui est centrale dans la
politique des Etats-Unis. La panique des
dirigeants saoudiens à l'égard de cette
politique américaine en est un indice.
Le
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