Libye
Une odeur de
poudre
M. Saadoune
Samedi 21 décembre 2013
Moins de trois ans après la chute du
colonel Kadhafi à la suite d'une
intervention occidentale fondée sur un
détournement des résolutions de l'Onu,
la Libye n'est plus un Etat et c'est
déjà un pays en voie de dislocation.
Milice contre milice, région contre
région, l'Est contre l'Ouest, le Sud
contre le Nord, il existe une
combinaison de forces centrifuges qui
concourent à ruiner le peu d'Etat qu'il
y avait sous Kadhafi et à casser un
pays.
La Libye, suprême paradoxe, termine
l'année en importateur de carburants. Le
très faible gouvernement d'Ali Zeidan
fait de louables efforts pour répondre à
la pénurie de carburants qui touche le
pays… en important des cargaisons
entières. Et en laissant entendre que la
pénurie est préfabriquée à des desseins
politiques. Ce qui n'a rien d'un scoop
dans un pays où les villes sont des
milices et non des municipalités et où
les armes servent d'argument. Le pays
termine l'année 2013 dans un état
pitoyable. L'annonce par les milices
séparatistes de l'Est libyen d'une levée
de l'embargo pour le 15 décembre a été
démentie dans les faits. Le chef de la
milice qui tient tête au gouvernement,
Ibrahim Jodhrane, a des exigences
hautes, notamment une attribution à la
région de la Cyrénaïque d'une part des
revenus pétroliers. Il a en quelque
sorte de la suite dans les idées.
Après s'être proclamé «chef du BP» de la
région de la Cyrénaïque, il a créé un
gouvernement local et annoncé la
création de banques locales et d'une
entreprise pétrolière de la Cyrénaïque.
Le chef milicien n'ouvrira pas les
terminaux en raison, dit-il, de «la
corruption du gouvernement intérimaire
qui ne se soucie pas des exigences
réelles des Libyens». En fait, il les
ouvrira si Tripoli accepte de valider la
marche accélérée vers la dislocation du
pays. Car la «Cyrénaïque autonome» fera
des émules. Et elle en fait déjà. Et il
est très clair que l'éclatement de la
Libye en plusieurs morceaux ne gênera
pas les intérêts extérieurs pour peu
qu'on leur assure une relative sécurité.
Et c'est bien sur ce terrain que les
milices font des offres subliminales ou
franchement ouvertes comme pour celles
de l'est du pays.
Le gouvernement de Tripoli est trop
faible pour arrêter cette pente
dangereuse. Et dans une logique
implacable, c'est une force armée
officielle, celle des Brigades des
opérations, relevant du Congrès général,
qui semble vouloir prendre les choses en
main. Par le moyen des armes, le langage
dominant en Libye depuis la
«libération». La Brigade qui critique
l'impuissance du Congrès national
général du gouvernement et de l'armée
menace de régler le problème posé par la
«bande des gardes» - appellation
décernée aux miliciens qui prennent
littéralement en otages les terminaux
pétroliers et les finances du pays - par
ses propres moyens. La « bande des
gardes» est accusée d'attenter à l'unité
du pays et de dilapider ses ressources.
Mais le vrai message est envoyé aux
gouvernants de Tripoli : la négociation
avec les «séparatistes» de Cyrénaïque a
trop duré, la Brigade se disant «en
mesure de les chasser pour achever les
objectifs de la révolution». Une fin
2013 à forte odeur de poudre et de
souffre dans la Libye «libérée» par
l'Otan.
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