Opinion
1993-2013 : Les vingt ans de « Pas de
deux » entre la Russie et les Etats-Unis
arrivent-ils à leur fin ?
Le Saqr
Dimanche 5 janvier 2014
Les dernières tensions entre les
Etats-Unis et la Russie au sujet des
opérations de Greenpeace en Arctique
n’ont fait que confirmer un fait que
personne ne daigne plus nier : les
élites politiques et financières
occidentales haïssent viscéralement
Vladimir Poutine et elles sont
épouvantées par le comportement de la
Russie, à la fois au niveau de sa
politique intérieure et sur la scène
internationale. Cette tension était
assez visible sur les visages d’Obama et
de Poutine
au sommet du G8 du Lough Erne où les
deux leaders avaient l’air absolument
dégoutés l’un de l’autre. La situation
empira lorsque Poutine fit quelque chose
de jamais vu auparavant dans l’histoire
de la diplomatie
russe : il déclara publiquement
que Kerry était malhonnête et
il le traita même de menteur.
Alors que les tensions ont atteint
leur apogée sur la question syrienne,
les problèmes entre la Russie et les
Etats-Unis ne sont vraiment pas une
chose nouvelle. Un regard rapide sur le
passé récent suffit à montrer que les
médias occidentaux sont depuis longtemps
engagés dans une intense campagne
stratégique visant à identifier et
exploiter toute faiblesse possible dans
l’ « armure politique » russe et à
dépeindre la Russie comme un pays très
malfaisant, non démocratique et
autoritaire, en d’autres mots comme une
menace pour l’Occident. Laissez-moi
mentionner quelques épisodes de cette
campagne de dénigrement contre la Russie
(sans aucun ordre particulier) :
-
Berezovsky dépeint comme un homme
d’affaires « persécuté »
-
Politkovskaïa soi-disant assassinée
par des sbires du KGB
-
Khodorkovski emprisonné pour son
amour de la « liberté »
- L’ « agression »
russe contre la Géorgie
- Les
guerres « génocidaires » de la
Russie contre les Tchétchènes
- Les «
Pussy Riot » présentées comme des «
prisonniers de conscience »
-
Litvinenko « assassiné » par Poutine
- Les homosexuels russes «
persécutés » et «
maltraités » par l’Etat
-
Magnitski et la «
loi Magnitski » qui s’est ensuivie
-
Snowden le « traître se cachant en
Russie »
- Les « élections
volées » de la Douma et de la
présidence
- La « Révolution
Blanche » de la place Bolotnaya
- Le « nouveau
Sakharov »,
Alexei Navalny
- Le soutien de la Russie pour Assad,
le « boucher (chimique) de Damas »
- « L’intervention » constante de la
Russie dans les
affaires ukrainiennes
- Le « contrôle complet » du Kremlin
sur les médias russes
Cette liste est loin d’être complète,
mais elle est suffisante pour nos
objectifs. Permettez-moi aussi d’ajouter
immédiatement que le but de cet article
n’est pas de démonter ces accusations
une par une. Je l’ai déjà fait à maintes
reprises sur mon blog par le passé, donc
ceux qui sont intéressés peuvent
rechercher ces articles. Je vais
seulement énoncer ici quelque chose de
très important que je ne peux pas
prouver mais dont je suis absolument sûr
et certain : 90 % ou plus du public
russe considèrent que ces affaires sont
absolument insensées, et que les médias
ont fait tout un plat de faits
insignifiants et non controversés. De
plus, la plupart des Russes estiment que
les soi-disant « forces démocratiques »
que les élites occidentales soutiennent
en Russie (Iabloko,
Parnas,
Golos, etc.) sont en réalité des
agents d’influence de l’Occident payés
par la CIA, le
MI6,
Georges Soros, et par des oligarques
Juifs exilés. Ce qui est certain, c’est
que mis à part ces petits groupes
libéraux/démocratiques, personne en
Russie ne prend ces accusations au
sérieux. La plupart des gens les
prennent exactement pour ce qu’elles
sont : une campagne de diffamation.
A bien des égards, ceci rappelle
plutôt la manière dont les choses se
déroulaient pendant la Guerre froide,
quand l’Occident utilisait ses immenses
ressources de propagande pour diaboliser
l’Union soviétique et soutenir les
différentes forces antisoviétiques à
travers le monde, y compris à
l’intérieur même de l’URSS. J’ajouterais
que ces efforts connurent généralement
un franc succès et qu’en 1990, la vaste
majorité des Soviétiques, y compris les
Russes, étaient plutôt dégoutés de leurs
dirigeants. Alors pourquoi les choses
sont-elles si différentes aujourd’hui Pour répondre à cette question, nous
devons analyser les processus qui ont eu
lieu en Russie durant les 20 dernières
années (environ), car seul un regard sur
ce qui s’est passé durant ces deux
décennies peut nous permettre de
remonter à la racine des problèmes
actuels entre les Etats-Unis et la
Russie.
Quand est-ce que l’Union soviétique a
véritablement disparu ?
La date officielle de la fin de
l’Union soviétique est le 26 décembre
1991, le jour de l’adoption par le
Soviet Suprême de l’Union Soviétique de
la déclaration n° 142-H qui reconnut
officiellement la dissolution de l’Union
soviétique en tant qu’Etat et sujet à la
loi internationale. Mais c’est là une
manière très superficielle et formelle
de voir les choses. On pourrait
argumenter que bien que l’Union
soviétique ait été réduite aux
frontières de la Fédération de Russie,
elle a tout de même survécu à
l’intérieur de ces frontières plus
restreintes. Après tout, les lois ne
changèrent pas du jour au lendemain, ni
l’essentiel de la bureaucratie, et bien
que le Parti communiste lui-même fut
interdit à la suite du coup d’Etat
d’août 1991, le reste de l’appareil
d’Etat continua à exister.
Pour Eltsine et ses partisans, cette
réalité créa une situation très
difficile. Ayant interdit le
PCUS et démantelé le
KGB, les libéraux d’Eltsine devaient
encore faire face à un adversaire
redoutable : le Soviet Suprême de la
Fédération de Russie, Parlement de la
République socialiste fédérative
soviétique de Russie élu par le
Congrès des Députés du peuple de la
Fédération de Russie. Personne n’avait
aboli cette institution *très*
soviétique qui devint rapidement le
centre de presque toutes les forces
anti-Eltsine et pro-soviétiques du pays.
Je ne peux pas entrer dans tous les
détails de ce cauchemar légal, mais il
suffit de dire que le Soviet Suprême se
présentait comme étant le « Parlement
russe » (ce qui n’est pas tout à fait
vrai) et que ses membres s’engagèrent
dans une campagne systématique pour
empêcher Eltsine de mettre en œuvre ses
« réformes » (avec le recul, on pourrait
dire qu’ils essayèrent d’empêcher
Eltsine de ruiner le pays). On pourrait
dire que « la nouvelle Russie » et l’
« ancienne URSS » se combattaient pour
le futur du pays. D’une manière
prévisible, le Soviet Suprême voulait
une démocratie parlementaire alors
qu’Eltsine et ses libéraux souhaitaient
une démocratie présidentielle. Les deux
partis présentaient un contraste
saisissant pour la majorité des Russes :
1) Le président russe Eltsine :
officiellement, il représentait la
Russie, par opposition à l’Union
soviétique ; il se présentait comme un
anti-communiste et comme un démocrate
(peu importe qu’il ait lui-même été un
membre haut gradé du Parti communiste et
même un membre non votant du
Politburo !). Eltsine était aussi
clairement la coqueluche de l’Occident
et il promit d’intégrer la Russie au
monde occidental.
2) Le Soviet Suprême : dirigé par
Rousian Khasboulatov, avec le
soutien du vice-président de la Russie,
Alexandre Routskoï, le Soviet
Suprême devint le point de rencontre de
tous ceux qui considéraient que l’Union
soviétique avait été dissoute
illégalement (ce qui est vrai) et contre
la volonté de la majorité de son peuple
(ce qui est également vrai). La plupart
(mais pas la totalité) des partisans du
Soviet Suprême étaient sinon franchement
communistes, du moins socialistes et
anticapitalistes. Une bonne partie du
mouvement nationaliste russe, plutôt
désorganisé, soutenait également le
Soviet Suprême.
Nous savons tous ce qui s’est
finalement passé : Eltsine écrasa
l’opposition dans un énorme bain de
sang, bien pire que ce qui a été
rapporté dans les médias occidentaux (ou
même russes). J’écris cela avec
certitude parce que j’ai personnellement
reçu cette information de la part d’une
très bonne source : il se trouve que
j’étais à Moscou durant ces jours
tragiques et que j’étais en contact
permanent avec le colonel d’une unité
très secrète des forces spéciales du KGB
appelée «
Vympel » (j’en reparlerai par la
suite) qui m’informa que le KGB estimait
que le nombre de personnes tuées à
Moscou était proche des 3 000. Je peux
aussi personnellement attester du fait
que les combats ont duré bien plus
longtemps que ce que déclarait le
discours officiel : j’ai été témoin d’un
long combat à la mitrailleuse juste en
dessous de ma fenêtre 5 jours entiers
après que le Soviet Suprême se soit
rendu. Je veux souligner ces faits
ici parce que je pense qu’ils illustrent
une réalité souvent négligée : la
soi-disant « crise constitutionnelle de
1993 » était en réalité une mini guerre
civile décidant du destin de l’Union
soviétique, et c’est seulement à la fin
de cette crise que l’Union soviétique
disparut véritablement.
Les jours précédant l’assaut du
Soviet Suprême par des chars, j’ai eu
l’opportunité de passer beaucoup de
temps avec des partisans du Président et
des partisans du Soviet Suprême. J’ai
pris le temps de débattre longuement
avec eux afin d’essayer de découvrir par
moi-même les idées que défendait chaque
parti et de voir si je devais me
positionner d’un côté ou de l’autre. La
conclusion à laquelle je suis arrivé
était plutôt triste : les deux
partis étaient principalement
composés d’ex-communistes ou de
communistes, les deux partis
prétendaient défendre la démocratie et
les deux partis s’accusaient
mutuellement d’être des fascistes. En
réalité, les deux côtés se ressemblaient
beaucoup. Je crois que je n’étais pas la
seule personne à penser ça durant ces
jours, et je pense que la majorité du
peuple de Russie ressentait la même
chose et finit par être vraiment
dégoutée de tous les hommes politiques
impliqués.
J’aimerais partager ici une dernière
anecdote personnelle : ces jours
tragiques furent plutôt incroyables pour
moi. J’étais un jeune homme, né dans une
famille d’émigrés Russes fanatiquement
anti-soviétiques, qui avait passé
beaucoup d’années à combattre le système
soviétique, et particulièrement le KGB.
Et pourtant, ironiquement, je me suis
retrouvé à passer la plupart de mon
temps avec un colonel d’une unité des
forces spéciales du KGB (la manière dont
nous nous sommes rencontrés est une
longue histoire que je raconterai une
autre fois). Ce qui me semblait encore
plus incroyable est le fait que malgré
toutes nos différences, nous avions
exactement la même réaction face à ce
qui se passait devant nos yeux. Nous
avons tous deux décidé que nous ne
pouvions soutenir aucun des partis
engagés dans ce conflit – les deux côtés
nous semblaient tout aussi ignobles l’un
que l’autre. J’étais dans son
appartement quand ce colonel reçut un
appel du quartier général du KGB lui
ordonnant de se rendre quelque part en
ville pour préparer un assaut des forces
spéciales contre la « Maison Blanche »
(c’était alors le surnom populaire du
bâtiment du Parlement russe) : il refusa
d’obéir, envoya son supérieur au diable
et raccrocha. Il n’était pas le seul à
prendre une telle décision : tout comme
en 1991, ni les parachutistes russes, ni
les forces spéciales n’acceptèrent de
tirer sur leur propre peuple (d’autres
forces, soi-disant « démocratiques »,
n’eurent pas de tels scrupules). Au lieu
d’obéir aux ordres de ses supérieurs,
mon nouvel ami prit le temps de me
donner des conseils très précieux sur la
manière de faire sortir un de mes
proches de Moscou sans se faire tuer ou
emprisonner (être un Russe de souche
avec un passeport étranger n’était pas
très sûr en ces temps-là).
Je tenais à raconter cette histoire
ici parce qu’elle souligne quelque chose
de très important : en 1993, une large
majorité de Russes, même des émigrés
exilés et des colonels des forces
spéciales du KGB, étaient profondément
dégoutés et en avaient véritablement
marre des deux côtés qui
s’affrontaient dans cette crise. D’une
certaine manière, on pourrait dire que
la plupart des Russes attendaient
l’apparition d’une troisième force sur
la scène politique.
De 1993 à 1999 : Un cauchemar
démocratique
Après l’écrasement de l’opposition
par les sbires d’Eltsine, les portes de
l’Enfer s’ouvrirent véritablement pour
la Russie : diverses mafias s’emparèrent
de tout le pays et ses riches ressources
naturelles furent pillées par des
oligarques (Juifs pour la plupart). La
soi-disant « privatisation » de
l’économie russe créa à la fois une
nouvelle classe de multimillionnaires et
plusieurs dizaines de millions de très
pauvres gens qui pouvaient à peine
survivre. Une vague de crime énorme
déferla sur l’ensemble des villes, toute
l’infrastructure du pays s’effondra et
de nombreuses régions de Russie
commencèrent activement à préparer leur
sécession de la Fédération de Russie. Il
fut ainsi permis à la Tchétchénie de
faire sécession de la Fédération de
Russie après une guerre sanglante et
grotesque dans laquelle l’armée russe
fut poignardée dans le dos par le
Kremlin. Et tout au long de ces années
vraiment cauchemardesques, les élites
occidentales apportèrent leur soutien
total à Eltsine et ses oligarques. La
seule exception à cette lune de miel fut
le soutien politique, économique et
militaire apportés par la sphère
anglo-saxonne aux insurgés Tchétchènes.
Finalement, ce qui devait arriver arriva
: le pays se déclara en faillite en 1998
en dévaluant le rouble et en se mettant
en défaut de paiement de ses dettes.
Même si nous ne le saurons jamais de
manière sûre, je suis persuadé que la
Russie en 1999 était à deux pas de
disparaître complètement en tant que
pays et en tant que nation.
L’héritage laissé par les
libéraux/démocrates
Ayant écrasé l’opposition en 1993,
les libéraux Russes obtinrent une
liberté totale pour écrire une nouvelle
Constitution qui conviendrait
parfaitement à leurs objectifs, et avec
leur courte vue caractéristique, ils
adoptèrent une nouvelle Constitution qui
donnait des pouvoirs immenses au
Président et très peu au nouveau
Parlement, la Douma russe. Ils allèrent
même jusqu’à l’abolition du poste de
Vice-président (ils ne voulaient pas
d’un autre Routskoï pour saboter leurs
plans).
Et pourtant, aux élections
présidentielles de 1996, les libéraux
faillirent tout perdre. A leur horreur,
le candidat communiste
Guennadi Ziouganov remporta la
majorité des votes au premier tour, ce
qui força les libéraux à faire deux
choses : premièrement, bien sûr, ils
falsifièrent les résultats officiels, et
deuxièmement, ils firent alliance avec
un Général plutôt populaire de l’armée
russe,
Alexandre Lebed. Ces deux actions
leur permirent de déclarer qu’ils
avaient gagné le second tour (bien qu’en
réalité, c’est Ziouganov qui l’emporta).
Encore une fois, l’Occident soutint
Eltsine à 100%. Et pourquoi pas ? Ayant
donné à Eltsine un soutien total pour la
répression sanglante des partisans du
Soviet Suprême, pourquoi ne pas
également soutenir Eltsine dans des
élections volées, hein ? Ils n’étaient
plus à une infamie près.
Eltsine lui-même, cependant, passa la
plupart de son temps à boire comme un
trou et il devint bientôt assez clair
qu’il ne tiendrait pas très longtemps.
La panique s’empara du camp libéral qui
finit par commettre une énorme erreur :
ils permirent à un petit bureaucrate de
Saint-Pétersbourg peu connu et sans
charisme de remplacer Eltsine en tant
que Président intérimaire : Vladimir
Poutine.
Poutine était un bureaucrate calme,
compétent et discret, dont la qualité
principale semblait être son manque de
personnalité, ou plutôt, c’est ce que
croyaient les libéraux. Et quelle erreur
de jugement colossale ils ont fait là !!
Dès qu’il fut nommé, Poutine agit
avec une vitesse foudroyante. Il surprit
immédiatement tout le monde en
s’impliquant personnellement dans la
seconde guerre de Tchétchénie. A la
différence de son prédécesseur, Poutine
donna à ses commandants militaires toute
liberté pour mener cette guerre comme
ils le souhaitaient. Il surprit de
nouveau tout le monde en passant un
accord vraiment historique avec
Akhmad Hadji Kadyrov pour apporter
la paix en Tchétchénie, bien que ce
dernier ait été un des leaders de
l’insurrection lors de la première
guerre de Tchétchénie.
La popularité de Poutine monta en
flèche et il l’utilisa immédiatement à
son avantage.
Dans un formidable tournant de
l’histoire, Poutine utilisa la
Constitution développée et adoptée par
les libéraux Russes pour mettre en œuvre
une série très rapide de réformes
cruciales et pour éliminer les bases du
pouvoir des libéraux : les oligarques
juifs (Berezovsky,
Khodorkovski,
Fridman,
Goussinski, etc.). Il fit également
voter plusieurs lois destinées à «
renforcer le pouvoir vertical », qui
donnèrent au Pouvoir Fédéral un contrôle
direct sur les administrations locales.
Cela, en retour, permit non seulement
d’écraser bon nombre des Mafias locales
qui étaient parvenues à infiltrer et
corrompre les autorités locales, mais
aussi de mettre fin très rapidement à
tous les différents mouvements
sécessionnistes au sein de la Fédération
de Russie. Enfin, il utilisa ce qu’on
appelle la «
ressource administrative » pour
créer son parti
Russie Unie et pour lui apporter le
soutien total de l’Etat. L’ironie de
tout ça, c’est que Poutine n’aurait
jamais réussi à mener ces efforts à bien
si les libéraux Russes n’avaient pas
créé une Constitution «
hyper-présidentielle » qui donna à
Poutine les moyens de réaliser ses
objectifs. Pour paraphraser Lénine,
je dirais que les libéraux Russes ont
donné à Poutine la corde pour les
pendre.
L’Occident, bien sûr, comprit
rapidement ce qui était en train de se
passer, mais il était déjà trop tard :
les libéraux avaient perdu leur pouvoir
pour toujours (avec la Grâce de Dieu !)
et le pays était fermement pris en main
par une troisième force, jamais vue
auparavant.
Qui a réellement mis Poutine au
pouvoir ?
C’est la question à 10 000 dollars.
Formellement, la réponse officielle est
simple : c’est l’entourage d’Eltsine.
Cependant, il est assez évident qu’un
autre groupe non identifié a brillamment
réussi à duper les libéraux en les
amenant à laisser le renard entrer dans
le poulailler.
Ayez bien à l’esprit le fait que les
forces pro-soviétiques furent
entièrement vaincues en 1993. Ce coup de
maître n’était donc pas le fait de
quelques revanchards nostalgiques qui
voulaient ressusciter l’ancienne Union
soviétique. Il est donc inutile de
s’attarder sur ce camp qui, en réalité,
est resté majoritairement opposé à
Poutine jusqu’à ce jour. Qui d’autre
alors ?
En réalité, c’était l’alliance de deux forces : des éléments de
l’ancien « PGU
KGB SSSR » et un certain nombre de
dirigeants-clés de l’industrie et de la
finance. Considérons-les l’un après
l’autre :
La première force était le « PGU
KGB SSSR », la branche des
renseignements extérieurs du KGB
soviétique. Son nom officiel était
« Première Direction Générale du Comité
de Sécurité d’Etat de l’URSS ». Ce
serait plus ou moins l’équivalent du
MI6 britannique. C’était sans aucun
doute la composante la plus élitiste du
KGB, et aussi la plus autonome (elle
possédait même ses propres quartiers
généraux dans le sud de Moscou). Bien
que le PGU s’occupe d’un grand nombre de
problèmes, il était aussi très lié avec
le monde des affaires (et très intéressé
par celui-ci), en URSS et à l’étranger.
Puisque le PGU n’avait rien à voir avec
les activités les plus sordides du KGB
comme la persécution des dissidents
(c’était le rôle de la Cinquième
Direction générale du KGB) et puisqu’il
n’était que peu concerné par la sécurité
intérieure (c’était la prérogative de la
Seconde Direction générale), il ne
figurait pas en bonne place sur la liste
des institutions à réformer, tout
simplement parce qu’il n’était pas
autant détesté que les parties plus
visibles du KGB.
La seconde force qui plaça Poutine au
pouvoir était constituée de jeunes
personnes venant de ministères clés de
l’ex-URSS qui traitaient des questions
industrielles et financières et qui
détestaient les oligarques Juifs
d’Eltsine. A la différence de ces
derniers, ces jeunes leaders ne
voulaient pas simplement piller toutes
les ressources de la Russie pour se
retirer ensuite aux Etats-Unis ou en
Israël, mais ils souhaitaient que la
Russie devienne une puissante économie
de marché intégrée au système financier
international.
Plus tard, le premier groupe se
transforma en ce que j’appelle les «
Souverainistes Eurasiens » tandis que le
deuxième devenait ce que j’appelle les «
Intégrationnistes Atlantistes »
(référez-vous à
cet article et à
celui-ci pour une explication
détaillée). On pourrait les désigner
comme les « Hommes de Poutine »
(Souverainistes Eurasiens) et les «
Hommes de Medvedev » (Intégrationnistes
Atlantistes).
Enfin, on ne devrait pas négliger le
fait qu’il y a, bien évidemment, une
troisième force qui apporta son soutien
total à ce tandem Poutine-Medvedev : le
peuple russe, qui a jusque-là toujours
voté pour les maintenir au pouvoir.
Une formule absolument brillante dont
la durée de vie a expiré
Il ne fait aucun doute dans mon
esprit que l’idée de créer ce tandem a
été tout simplement brillante : Poutine
répond aux attentes des nationalistes,
et Medvedev à ceux qui sont plus
orientés vers le libéralisme. Poutine
reçoit le soutien des « ministres du
pouvoir » (défense, sécurité, services
de renseignements) tandis que Medvedev
obtient le soutien du monde des
affaires. Poutine peut amener les
autorités locales à l’obéissance en les
intimidant avec des ordres émanant du
Pouvoir Fédéral, tandis que Medvedev met
à l’aise les Etats-Unis et l’Union
Européenne à Davos. Ou exprimons-le
ainsi : qui pourrait être contre
le duo Medvedev-Poutine ? Les partisans
irréductibles de l’Union soviétique, les
nationalistes xénophobes enragés, les
libéraux fanatiques pro-américains et
les exilés juifs. C’est à peu près tout,
et ce n’est pas grand-chose.
Et soit dit en passant, qu’est-ce
qu’on peut voir dans l’opposition
d’aujourd’hui ? Un
Parti communiste satisfaisant les
nostalgiques de l’ère soviétique, un
parti libéral-démocrate satisfaisant
les nationalistes, et un parti assez
réduit, «
Russie Juste », dont le seul but
semble être de prendre des voix aux deux
autres partis et de coopter certains
libéraux enragés. En d’autres mots,
Medvedev et Poutine ont éliminé tout
type d’opposition crédible.
Comme je l’ai mentionné dans des
articles précédents, il y a maintenant
des signes clairs de tensions sérieuses
entre les « Souverainistes Eurasiens »
et les « Intégrationnistes Atlantistes
», au point que Poutine a maintenant
créé son propre mouvement, le « Front
populaire de toute la Russie », crée
par Poutine en 2011 (cf.
ici et
ici).
Ayant analysé les processus complexes
qui ont amené Poutine à la Présidence en
Russie, nous devons maintenant regarder
ce qui s’est passé durant cette même
période aux Etats-Unis.
Au même moment, les Etats-Unis dupés
par les Néoconservateurs
A la différence de l’Union Soviétique
qui disparut littéralement de la carte
du monde, les Etats-Unis « gagnèrent »
la Guerre froide (ce n’est pas tout à
fait vrai dans les faits mais c’est
comme ça que beaucoup d’Américains le
perçoivent) et étant devenus la dernière
et seule réelle superpuissance, les
Etats-Unis s’embarquèrent dans une série
de guerres extérieures dans le but
d’établir « le spectre de leur
domination totale » sur la planète,
surtout après les évènements du 11
Septembre qui transformèrent
profondément la nature de la société
américaine elle-même.
Pourtant, la société post-11
septembre prend ses racines dans un
passé plus lointain : les années Reagan.
Durant la présidence de Ronald
Reagan, un groupe d’individus qui plus
tard se fera appeler les
Néoconservateurs prit la décision
stratégique de prendre le contrôle du
Parti Républicain, de ses institutions
affiliées et de ses think tanks
(groupes de réflexion). Alors que dans
le passé, les ex-trotskystes étaient
plus enclins à soutenir le Parti
Démocrate, présumé plus à gauche, sous
Reagan, le GOP (Grand Old Party,
le Parti Républicain) « nouveau et
amélioré » offrit aux néoconservateurs
des aspects extrêmement attrayants :
1)
L’argent : Reagan était un partisan
inconditionnel des grandes entreprises
et du milieu des affaires. Son leitmotiv
« le gouvernement est le problème »
[« Le gouvernement n’est pas la solution
à nos problèmes : le gouvernement est le
problème »] allait parfaitement dans le
sens de la proximité historique des
Néoconservateurs avec les requins de la
finance, les patrons de la Mafia et les
gros banquiers. Pour eux, la
dérégulation signifiait une pleine
liberté d’action, qui rendrait les
spéculateurs et les fins renards de Wall
Street immensément riches.
2)
La violence : Reagan a également
fermement soutenu le complexe
militaro-industriel américain et une
politique d’intervention dans n’importe
quel pays du monde. Cette fascination
pour la force brute et, soyons honnêtes,
pour le terrorisme, convenait
parfaitement à la mentalité des
Néoconservateurs trotskystes.
3)
L’illégalité : Reagan se fichait
royalement de la loi, que ce soit les
lois internationales ou nationales. Bien
sûr, tant que la loi servait les
intérêts des Etats-Unis et du Parti
Républicain, elle était appliquée très
cérémonieusement. Mais quand elle
s’opposait à ses intérêts, Reagan la
transgressait sans le moindre scrupule.
4)
L’arrogance : sous Reagan, le
patriotisme et l’orgueil impérial
revigorant atteignirent une nouvelle
dimension. Plus que jamais, les
Etats-Unis se considérèrent non
seulement comme les « Leaders du Monde
Libre » protégeant la planète contre «
l’Empire du Mal », mais aussi comme
uniques et supérieurs au reste de
l’humanité (à l’instar du slogan
commercial de Ford dans les années 1980
: « nous sommes les numéros un, sans
aucun égal »).
5)
Une duperie systématique : sous Reagan,
le mensonge passa de l’état de tactique
politicienne occasionnelle ou régulière
à la forme clé de la communication
publique : Reagan et son administration
pouvaient dire quelque chose et le
démentir dans la foulée. Ils pouvaient
faire des promesses qui étaient
complètement impossibles à tenir (se
souvient-on du projet « Guerre
des étoiles » ?). Ils pouvaient
prêter un serment solennel et ensuite le
briser (cf. l’affaire
Iran-Contra). Et lorsqu’on le
confrontait aux preuves flagrantes de
ses mensonges, tout ce que Reagan avait
à dire était : « Eh bien non, je ne m’en
souviens pas ».
6)
Le messianisme : Reagan obtint non
seulement un énorme soutien de la part
des diverses confessions religieuses
forcenées des Etats-Unis (incluant toute
la
« Bible Belt » – ceinture de la Bible),
mais il promut encore une étrange
mixture de messianisme laïque faite d’un
mélange toxique de xénophobie confinant
au racisme, avec une fascination
narcissique pour tout ce qui est
patriotique, aussi stupide que ce soit,
avoisinant l’adulation de soi.
Résumons donc tout ceci.
Argent + violence + illégalité +
arrogance + duperie + messianisme = quoi
donc ?
Tout cela ne semble-t-il pas
familier, vraiment très familier ?
N’est-ce pas là une description parfaite
du sionisme et d’Israël ?
Pas étonnant que les Néoconservateurs
aient afflué en masse vers ce nouveau
GOP (« Grand Old Party », Parti
Républicain) ! Le GOP de Reagan était la
boite de Pétri idéale pour la
croissance de la bactérie sioniste, et
elle grandit considérablement pour
devenir énorme.
Je pense qu’il serait raisonnable de
dire que les Etats-Unis subirent un long
processus de « Sionisation » qui dura
deux décennies et qui culmina par la
grande opération (sous faux drapeau) du
11 septembre dans laquelle les hommes du
PNAC (Projet
pour le Nouveau Siècle Américain)
firent usage de leurs accès aux centres
de pouvoirs des Etats-Unis, d’Israël et
de l’Arabie Saoudite pour inventer un
nouvel ennemi – la « Terreur
Islamo-fasciste » – qui non seulement
justifierait une guerre planétaire
contre le « terrorisme » (la
GWOT : Global War On Terror), mais
aussi un soutien inconditionnel à
Israël.
Il y eut aussi des perdants dans
cette évolution, principalement ce que
j’appelle le « vieux
camp Anglo-Saxon » qui perdit le
contrôle de presque tout son pouvoir
politique intérieur et de la totalité de
son pouvoir en matière de politique
étrangère : pour la première fois,
une nouvelle orientation en politique
étrangère commença graduellement à
prendre forme sous la direction d’un
groupe de personnes qui avec le temps
allaient être identifiés comme les «
Israeli firsters » [personnes qui
placent les intérêts d’Israël avant ceux
de leur propre pays]. Durant un court
laps de temps, le « vieux camp
Anglo-saxon » [qui place les intérêts
américains avant tout] sembla reprendre
les rênes du pouvoir (sous Georges Bush
Senior), seulement pour le reperdre
immédiatement avec l’élection de Bill
Clinton. Mais l’apogée du pouvoir
« Sio-conservateur » ne fut atteint que
sous la présidence de Georges W. Bush
qui procéda à une éviction massive des «
Anglos » de leur positions clés dans le
gouvernement (surtout au Pentagone et à
la CIA). D’une manière prévisible,
l’arrivée au pouvoir des individus que
Bush Senior appelait «
les dingues du sous-sol » amena les
Etats-Unis au bord d’un effondrement
global : à l’extérieur, la sympathie
mondiale pour les Etats-Unis suscitée
par le 11 Septembre se transforma en un
tsunami de condamnation et de
ressentiment, alors qu’au niveau
intérieur le pays dut faire face à une
énorme crise bancaire qui
faillit aboutir à l’imposition de la loi
martiale dans le pays.
Arrive Barack Obama : « Le changement
auquel on peut croire »
L’élection de Barack Obama à la
Maison Blanche fut véritablement un
évènement historique majeur. Pas
seulement parce qu’une population
majoritairement blanche avait élu un
Noir au poste le plus important du pays
(ce qui était surtout une expression de
désespoir et d’un désir ardent pour le
changement), mais parce qu’après une des
campagnes de relations publiques les
plus efficaces de l’histoire, une vaste
majorité d’Américains et beaucoup, voire
la plupart des gens à l’extérieur,
crurent véritablement qu’Obama ferait
des changements significatifs et
profonds. La désillusion pour Obama fut
à la hauteur de l’espoir placé en lui
par des millions de personnes.
Personnellement, je pense que l’Histoire
se rappellera d’Obama non seulement
comme de l’un des pires Présidents de
l’Histoire, mais aussi, et ceci est
beaucoup plus important, comme de la
dernière chance pour le « système » de
se réformer. Cette chance a été manquée.
Et alors que certains, absolument
écœurés, décrivirent Obama comme un
« Bush light », je pense que sa
présidence peut être mieux décrite par
l’expression « plus de continuité, mais
en pire » (more of the same, only
worse).
Cela dit, quelque chose a
effectivement été réalisé avec
l’élection d’Obama, à ma grande
surprise : l’éloignement de la plupart
des Néoconservateurs (mais pas tous) de
la plupart des positions clés du pouvoir
(mais pas toutes) et la réorientation de
l’essentiel de la politique étrangère
américaine (mais pas toute) sur une
ligne plus traditionnelle « Etats-Unis
d’abord », habituellement soutenue par
les intérêts des « vieux Anglo-saxons ».
Pour sûr, les Néoconservateurs ont
toujours le contrôle absolu du Congrès
et des médias américains mais la branche
exécutive reste aux mains des « Anglos
», du moins pour le moment (ceci, bien
sûr, est une généralisation : Dick
Cheney n’était ni sioniste, ni juif,
alors que Henry Kissinger ne peut guère
être décrit comme un « Anglo »). Et bien
que Bibi Netanyahu ait reçu plus
d’ovations (29) au Congrès qu’aucun
Président américain, l’attaque contre
l’Iran qu’il désirait si ardemment n’a
pas eu lieu. A la place de cela, Hilary
[Clinton]
et [David]
Petraeus furent éjectés tandis que
Chuck Hagel et
John Kerry prirent leur place. On
est loin du « changement auquel on peut
croire », mais au moins, cela montre que
le
Likoud ne contrôle plus la Maison
Blanche.
Bien sûr, tout ça est loin d’être
fini. Actuellement, par exemple,
le jeu de chassé-croisé entre la Maison
Blanche et le Congrès au sujet du Budget
avec ses risques inhérents d’un défaut
de paiement des Etats-Unis montre bien
que ce conflit est loin d’être résolu.
La véritable matrice actuelle du
pouvoir aux Etats-Unis et en Russie
Nous avons montré qu’il y a deux
partis non officiels en Russie qui sont
enfermés dans un conflit à mort pour le
pouvoir, les « Souverainistes Eurasiens
» (Poutine) et les « Intégrationnistes
Atlantistes » (Medvedev). Il y a
également deux partis non officiels aux
Etats-Unis qui sont eux aussi engagés
dans une lutte à mort pour le pouvoir :
les Néoconservateurs et les «
vieux impérialistes Anglo-saxons ». Je
dirais que, au moins pour le moment, les
« Souverainistes Eurasiens » et les
« vieux Anglo-saxons » ont prévalu sur
leur concurrent interne mais que les «
Souverainistes Eurasiens » russes sont
dans une position bien plus forte que
les « vieux Anglo-saxons » américains.
Il y a deux raisons principales à cela :
1)
La Russie a déjà connu son effondrement
économique et son défaut de paiement
2)
Une majorité de Russes soutiennent
pleinement le président Poutine et ses
politiques « souverainistes eurasiennes
»
A l’opposé, les Etats-Unis sont au
bord d’un effondrement économique et la
clique des 1% qui dirige actuellement le
pays est absolument détestée et méprisée
par la plupart des Américains.
Après la désillusion immense et
véritablement déchirante vis-à-vis
d’Obama, de plus en plus d’Américains
sont convaincus que changer la
marionnette à la Maison Blanche ne sert
à rien et que ce dont les Etats-Unis ont
réellement besoin est un changement
de régime.
L’URSS et les Etats-Unis : Retour
vers le futur ?
Il est assez extraordinaire de voir,
pour ceux qui se souviennent de l’Union
soviétique de la fin des années 1980,
combien les Etats-Unis sous Obama
ressemblent à l’URRS sous
Brejnev : au niveau intérieur, les
Etats-Unis sont caractérisés par un sens
général de dégoût et d’aliénation de la
population provoqués par la stagnation
indéniable d’un système pourri jusqu’à
la moelle. Une armée et un Etat policier
démesurés avec des uniformes partout,
alors que de plus en plus de gens vivent
dans un état de pauvreté abject. Une
machine de propagande publique qui, à
l’image de
1984 d’Orwell, se vante constamment
de nombreux succès à travers le monde,
alors que tout le monde sait que ce sont
des mensonges. Au niveau extérieur, les
Etats-Unis sont désespérément débordés,
et haïs ou moqués par le reste du monde.
Tout comme à l’époque soviétique, les
dirigeants américains sont manifestement
effrayés par leur propre peuple et se
protègent donc à l’aide d’un réseau
immense et coûteux d’espions et de
propagandistes qui sont terrifiés par la
dissidence et qui voient le principal
ennemi dans leur propre peuple.
Ajoutez à cela, un système politique
qui, loin de coopter les meilleurs de
ses citoyens, les aliène en élevant les
plus immoraux et les plus corrompus
d’entre eux aux positions de pouvoir. Un
complexe carcéral-industriel et un
complexe militaro-industriel en pleine
expansion que le pays n’a tout
simplement pas les moyens de maintenir.
Des infrastructures publiques qui
tombent en ruines, combinées à un
système de santé totalement
dysfonctionnel dans lequel seuls les
riches et ceux qui ont des relations
peuvent recevoir des soins de qualité.
Et par-dessus tout, un discours public
sclérotique en phase terminale, rempli
de clichés idéologiques et complètement
déconnecté de la réalité.
Je n’oublierai jamais les mots de
l’ambassadeur pakistanais à la
conférence des Nations unies de Genève
sur le désarmement en 1992, qui,
s’adressant à une assemblée de
diplomates occidentaux suffisants, tint
les propos suivants : « Vous avez
l’air de croire que vous avez gagné la
Guerre froide, mais est-ce que vous avez
déjà envisagé la possibilité que ce qui
s’est réellement produit, c’est que le
communisme a été rattrapé par ses
contradictions internes avant que le
capitalisme ne soit rattrapé par ses
propres contradictions ?! » Inutile
de dire que ces mots prophétiques furent
accueillis dans un silence indigné et
rapidement oubliés. Pourtant, cet homme
avait d’après moi absolument raison : le
capitalisme a maintenant atteint une
crise aussi profonde que celle qui
toucha l’Union soviétique à la fin des
années 1980 et il n’y a aucune chance de
le réformer, ni de le changer. Le
changement de régime est la seule issue
possible.
Les origines historiques de la
russophobie des élites américaines
Tout cela dit, il est en fait très
simple de comprendre pourquoi la Russie
en général, et Poutine en particulier
suscitent tant de haine chez la
ploutocratie occidentale : s’étant
convaincus d’avoir gagné la Guerre
froide, ils font maintenant face à la
double déception du rétablissement
rapide de la Russie et du déclin
économique et politique de l’Occident,
qui sombre dans ce qui semble être une
profonde et douloureuse agonie.
Dans leur amertume et leur dépit, les
dirigeants occidentaux ont négligé le
fait que la Russie n’a rien à voir avec
les problèmes actuels de l’Occident. En
fait, bien au contraire, l’impact
principal de la chute de l’Union
Soviétique sur le système économique
international dirigé par les Etats-Unis
fut de prolonger son existence en créant
une nouvelle demande de dollars
américains en Europe de l’Est et en
Russie (certains économistes comme
Nikolai Starikov estiment que
l’effondrement de l’Union Soviétique a
rallongé la durée de vie du dollar de 10
ans ou plus).
Dans le passé, la Russie a été
l’ennemie jurée de l’Empire britannique.
Quant aux Juifs, ils ont toujours nourri
de nombreux griefs contre la Russie
tsariste prérévolutionnaire. La
révolution de 1917 apporta beaucoup
d’espoir aux Juifs de l’Europe de l’Est
mais elle ne dura que peu de temps car
Staline vainquit Trotski et le Parti
communiste fut épuré de nombre de ses
membres juifs. A plusieurs reprises, la
Russie a joué un rôle tragique dans
l’histoire des Juifs ashkénazes et ceci
a bien évidemment laissé une marque
profonde dans la vision du monde des
Néoconservateurs qui sont tous
profondément russophobes, même
aujourd’hui. Certains pourraient
objecter que beaucoup de Juifs sont
profondément reconnaissants envers
l’armée soviétique pour la libération
des Juifs des camps de concentration
nazis ou pour le fait que l’Union
soviétique fut le premier pays à
reconnaître l’Etat d’Israël. Mais dans
les deux cas, le pays qui est considéré
comme l’auteur de ces actions est
l’Union Soviétique et non pas la
Russie, que la plupart des Juifs
ashkénazes associent toujours
typiquement à des politiques et des
valeurs anti-juives.
Il n’est donc pas surprenant qu’à la
fois les élites « Anglo » et juives aux
Etats-Unis aient une aversion et une
peur instinctives de la Russie, surtout
d’une Russie perçue comme résurgente et
anti-américaine. Et il est vrai qu’ils
n’ont pas tort dans cette perception :
la Russie est définitivement résurgente,
et la grande majorité de l’opinion
publique russe est virulemment
anti-américaine, du moins si nous
entendons par « Américain » un modèle de
civilisation ou un système économique.
Le sentiment antiaméricain en Russie
Les sentiments envers les Etats-Unis
ont subi un changement radical depuis la
chute de l’Union Soviétique. Durant les
années 1980, les Etats-Unis étaient non
seulement plutôt populaires mais encore
profondément à la mode : la jeunesse
russe créa de nombreux groupes de rock
(certains d’entre eux devinrent
immensément populaires et le demeurent
jusqu’à aujourd’hui, comme
le groupe DDT de Saint-Pétersbourg),
la mode américaine et les fast food
étaient le rêve de tous les adolescents
russes, alors que la plupart des
intellectuels considéraient sincèrement
les Etats-Unis comme les « Leaders du
monde libre ». Bien sûr, la propagande
d’Etat de l’URSS présentait toujours les
Etats-Unis comme un pays impérialiste
agressif, mais ses efforts échouèrent :
la plupart des Russes aimaient beaucoup
les Etats-Unis. Un des groupes de pop
des plus populaires des années 1990 (Nautilus
Pompilius) avait une chanson avec
les paroles suivantes :
Au revoir l’Amérique, oh
Où je ne suis jamais allé
Adieu pour toujours !
Prend ton banjo
Et joue pour mon départ
La-la-la-la-la-la,
la-la-la-la-la-la
Ton blue-jean trop usé
Est devenu trop serré pour moi
On nous a appris depuis trop
longtemps
A aimer tes fruits défendus.
Bien qu’il y ait des exceptions à
cette règle, je dirais qu’au début des
années 1990, la plupart des Russes,
surtout la jeunesse, avait gobé toute la
propagande américaine : la Russie était
désespérément proaméricaine.
L’effondrement catastrophique de
l’Union Soviétique en 1991 et le soutien
inconditionnel apporté à Eltsine et ses
oligarques par l’Occident changèrent la
donne. Au lieu d’essayer d’aider la
Russie, les Etats-Unis et l’Occident
exploitèrent toutes les opportunités
pour affaiblir la Russie (en intégrant
toute l’Europe de l’Est à l’OTAN bien
qu’ils avaient promis de ne jamais le
faire). Au niveau intérieur, l’Occident
soutenait les oligarques Juifs qui
pompaient littéralement toute la
richesse de la Russie, à l’instar de
vampires suçant du sang, et soutenaient
toute forme imaginable de séparatisme. A
la fin des années 1990, les mots «
démocrate » et « libéral » devinrent des
injures. Cette blague de la fin des
années 1990 est un bon exemple pour
refléter ces sentiments :
Un nouveau professeur arrive dans
la classe :
- Je m’appelle Abram Davidovich,
je suis un libéral. Et maintenant
levez-vous tous et présentez-vous comme
je viens de le faire.
- Je m’appelle Masha, je suis
libérale.
- Je m’appelle Pétia, je suis
libéral…
- Je m’appelle Little Johnny, je
suis staliniste.
- Johny, pourquoi es-tu staliniste
?
- Ma mère est staliniste, mon père
est staliniste, mes amis sont
stalinistes et moi aussi je suis
staliniste.
- Johny, et si ta mère était une
pute, ton père, un drogué, tes amis, des
pédés, qu’est-ce que tu serais dans ce
cas ?
- Eh bien, je serais un libéral.
Remarquez l’association entre être un
libéral et les Juifs (Abram Davidovich
est un nom juif typique), Remarquez
aussi l’inclusion de la catégorie «
homosexuel » entre la prostituée et le
drogué et ayez-la à l’esprit pour
évaluer la réaction russe typique face
aux actuelles campagnes antirusses
lancées par les organisations
homosexuelles occidentales.
La conséquence politique de ces
sentiments est plutôt évidente : durant
les dernières élections, pas un seul
parti politique pro-occidental n’a
réussi à obtenir assez de votes pour
entrer au Parlement. Et non, ce n’est
pas parce que Poutine les a rendus
hors-la-loi (comme l’imaginent certains
propagandistes occidentaux). Il y a
actuellement 57 partis en Russie et il y
en a plusieurs qui sont pro-occidentaux.
Et pourtant, il est indéniable que le
pourcentage de Russes qui penchent en
faveur des Etats-Unis, de l’OTAN et de
l’UE est dans les 5%. Je peux aussi le
dire ainsi : absolument tous les partis
politiques représentés à la Douma sont
profondément anti-américains, même le
très modéré «
Russie Juste ».
Des sentiments antirusses aux Etats-Unis
?
Etant donné le barrage incessant de
propagande antirusse dans les médias
occidentaux, on pourrait essayer
d’évaluer la force du sentiment
antirusse en Occident. Cela est très dur
à mesurer objectivement, mais étant
moi-même né en Europe Occidentale et
ayant vécu 15 ans aux Etats-Unis, je
dirais que le sentiment antirusse en
Occident est assez rare, presque
inexistant. Aux Etats-Unis, il y a
toujours eu de forts sentiments
anti-communistes (et il y en a encore
aujourd’hui) mais d’une certaine
manière, la plupart des Américains font
la différence entre une idéologie
politique qu’ils ne comprennent pas
vraiment, mais qu’ils rejettent de toute
façon, et le peuple qui dans le passé y
était associé (les Russes).
Les *politiciens* américains, bien
sûr, haïssent la Russie pour la plupart,
mais la plupart des Américains semblent
éprouver très peu d’animosité et
d’appréhension à l’égard de la Russie et
du peuple russe. J’explique cela par une
combinaison de plusieurs facteurs.
Premièrement, puisque de plus en plus
de gens en Occident réalisent qu’ils ne
vivent pas dans une démocratie, mais
dans une ploutocratie des 1%, ils ont
tendance à considérer la ligne
officielle de propagande avec beaucoup
plus de méfiance (ce qui est d’ailleurs
exactement ce qui se passait pour la
plupart des soviétiques dans les années
1980). Par ailleurs, de plus en plus de
gens en Occident qui, s’opposant à
l’ordre impérial ploutocratique qui les
appauvrit et les réduit à l’état de
serfs pour les entreprises, sont assez
favorables à la Russie et à Poutine car
ils « tiennent tête aux salopards de
Washington ». Mais plus fondamentalement
encore, il y a le fait que dans un
étrange revers de l’histoire, la Russie
d’aujourd’hui défend les valeurs de
l’Occident d’hier : la loi
internationale, le pluralisme, la
liberté d’expression, les droits
sociaux, l’anti-impérialisme,
l’opposition à l’intervention contre des
Etats souverains, le rejet de la guerre
comme moyen de régler des différends,
etc.
Dans le cas de la guerre en Syrie, la
position absolument cohérente de la
Russie en défense de la loi
internationale a impressionné beaucoup
de personnes aux Etats-Unis et en Europe
et on peut entendre de plus en plus
d’éloges de Poutine de la part
d’individus qui avaient de grandes
suspicions à son égard par le passé.
La Russie, bien sûr, n’est en aucun
cas une utopie ou une sorte de société
parfaite, loin de là, mais elle a pris
la décision fondamentale de devenir un
pays *normal* plutôt que d’être un
Empire mondial, et n’importe quel pays «
normal » serait d’accord pour soutenir
les valeurs de « l’Occident d’hier »,
pas seulement la Russie. En fait, la
Russie n’est vraiment pas exceptionnelle
dans sa prise de conscience pragmatique
du fait que faire respecter ces
principes n’est pas une question
d’idéalisme naïf, mais un but politique
réaliste et sain. Les peuples
occidentaux entendent leurs dirigeants
et les médias leur déclarer que Poutine
est un dictateur malfaisant, ex-agent du
KGB, représentant un danger pour les
Etats-Unis et leurs alliés, mais
dès que les gens lisent ou écoutent ce
que Poutine dit vraiment, ils réalisent
qu’ils sont en fait plutôt d’accord avec
lui.
Dans un autre revers cocasse de
l’histoire, alors que la population
soviétique avait l’habitude d’écouter la
BBC,
Voice of America ou
Radio Liberty, de plus en plus de
gens en Occident se tournent vers
Russia Today,
Press TV ou
Telesur pour obtenir des
informations. D’où la réaction paniquée
de
Walter Isaacson, président du BBG (Broadcasting
Board of Governors), l’agence
américaine chargée du contrôle des
radios et télévisions internationales
financées par le gouvernement américain,
qui déclara : « Nous ne pouvons pas
nous permettre de nous faire détrôner
par nos ennemis. On a maintenant Russia
Today, la chaîne iranienne Press TV, la
chaîne vénézuélienne Télésur, et bien
sûr la Chine qui est en train de lancer
une chaîne d’informations TV 24h/24 avec
des correspondants dans le monde entier.
» Des gens comme Isaacson savent qu’ils
sont en train de perdre lentement mais
sûrement la bataille de l’information
pour le contrôle des esprits du grand
public.
Et maintenant, avec l’affaire
Snowden, la Russie est devenue un
port d’attache sûr pour ces activistes
politiques qui fuient la colère de
l’Oncle Sam. Une recherche rapide sur
internet vous montrera que de plus en
plus de personnes font référence à
Poutine en tant que « Leader du monde
libre » alors que d’autres collectent
des signatures pour qu’Obama remette son
prix Nobel de la paix à Poutine. Pour
ceux qui comme moi ont lutté contre le
système soviétique, il est absolument
incroyable de voir le virage à 180
degrés qui s’est opéré dans le monde
depuis les années 1980.
Les élites occidentales : toujours
bloquées dans la Guerre froide
Si le monde a radicalement changé
durant ces 20 dernières années, les
élites occidentales sont restées les
mêmes. Confrontées à une réalité très
frustrante, elles essaient désespérément
de mener à nouveau la bataille de la
Guerre froide avec l’espoir de la gagner
encore une fois. D’où le cycle sans fin
de campagnes de dénigrement contre la
Russie que j’ai mentionné au début de
cet article. Ils essaient de présenter
la Russie comme une nouvelle Union
Soviétique, avec des minorités
opprimées, des dissidents emprisonnés et
assassinés, peu ou pas de liberté
d’expression, des médias monolithiques
contrôlés par l’Etat et un appareil de
sécurité omnipotent surveillant le tout.
Le problème, bien sûr, est qu’ils ont 20
ans de retard et que ces accusations ne
collent pas bien avec l’opinion publique
occidentale et ont une influence égale à
*zéro* à l’intérieur de la Russie. En
fait, toutes les tentatives
d’interférence dans la politique
nationale russe ont été tellement
stupides et maladroites qu’elles ont eu
à chaque fois l’effet inverse. Depuis
les tentatives occidentales absolument
futiles d’organiser des révolutions
colorées dans les rues de Moscou, aux
tentatives complètement
contre-productives de créer une crise
autour des droit des homosexuels en
Russie, chaque initiative menée par la
machine de propagande occidentale n’a
fait que renforcer Vladimir Poutine et
ses « Souverainistes Eurasiens » au sein
du Kremlin, au détriment des «
Intégrationnistes Atlantistes ».
Il y eut un symbole profond et
poignant lors de la dernière réunion des
21 pays de l’APEC (Coopération
économique pour l’Asie-Pacifique) à
Bali. Obama dut annuler son voyage à
cause de la crise budgétaire américaine
alors que Poutine fut accueilli par une
interprétation, musicalement horrible
mais politiquement lourde de sens de «
Happy Birthday to you », chantée par un
chœur spontané composé de dirigeants de
pays du Pacifique. Je peux seulement
imaginer la rage de la Maison Blanche
quand ils virent « leurs » alliés du
Pacifique chantant la sérénade à Poutine
pour son anniversaire !!
Conclusion : « nous sommes partout »
Dans une de ses plus belles chansons,
David Rovics chante les paroles
suivantes que je veux citer
intégralement, car chaque ligne
s’applique tout à fait à la situation
actuelle (vous pouvez écouter la chanson
ici :
http://www.youtube.com/watch?v=n8j8BmgeYLA)
:
Quand je dis que les affamés
devraient avoir à manger
Je parle au nom de beaucoup
Quand je dis que personne ne
devrait avoir sept maisons
Quand certains n’en ont aucune
Bien que je puisse me retrouver
enfermé dans un endroit étrange
Avec rien d’autre qu’un regard
insipide
Je me souviens du monde et je sais
Que nous sommes partout
Quand je dis que le temps viendra
pour les riches
Laissez-moi compter les différents
chemins
Les victoires ou les indications
pour le futur
La Havane, Caracas, Chiapas,
Buenos Aires
Combien de gens attendent et
espèrent
En se battant pour leur part
Ils se cachent dans leurs tours
d’ivoire
Mais nous sommes partout
Les religions, les prisons et les
races
Les frontières et les nations
Les agents du FBI et les membres
du Congrès
Et les chaines de radio privées
Ils essaient de nous isoler, mais
nous nous retrouvons pourtant
Et les dirigeants sont toujours
conscients
Qu’ils ne sont qu’une infime
minorité
Et nous sommes partout
Avec chaque bombe qu’ils larguent,
chaque maison qu’ils détruisent
Chaque terre qu’ils envahissent
Se lève une nouvelle génération de
sous les décombres
Clamant « nous n’avons pas peur »
Ils prétendront que nous ne sommes
que quelques-uns
Mais avec chaque enfant qu’un
milliard de mères portent
Vient une nouvelle preuve
Que nous sommes partout
Ces mots représentent une belle
expression de l’espoir qui devrait
inspirer tous ceux qui s’opposent
aujourd’hui à l’empire
américano-sioniste : nous sommes
partout, littéralement. D’un côté, nous
avons les 1%, les impérialistes
anglo-saxons et les Sio-conservateurs
sionistes, pendant que de l’autre côté,
nous avons le reste de la planète,
incluant potentiellement 99 % du peuple
américain. S’il est vrai qu’en ce moment
précis, Poutine et ses Souverainistes
Eurasiens représentent la faction
résistante à l’Empire la plus puissante
et la mieux organisée au monde, ils sont
loin d’être centraux, ni même cruciaux
pour ce mouvement. Oui, la Russie peut
jouer un rôle (et elle le jouera), mais
seulement en tant que « pays normal »
parmi tant d’autres, certains plus
petits et plus faibles économiquement
comme l’Equateur, et d’autres plus
grands et plus puissants comme la Chine.
Mais même un petit pays comme l’Equateur
était « assez grand » pour donner refuge
à
Julian Assange alors que la Chine
semble avoir demandé à Snowden de
quitter le pays gentiment. L’Equateur
n’est donc pas si petit après tout.
Il serait naïf d’espérer que ce
processus de « désimpérialisation » des
Etats-Unis se fasse sans violence. Les
Empires français et britanniques
s’effondrèrent contre la toile de fond
sanglante de la deuxième guerre
mondiale, tandis que les Empires nazi et
japonais furent écrasés sous un tapis de
bombes. L’Empire soviétique s’effondra
avec comparativement moins de victimes,
et l’essentiel de la violence causée par
cet évènement se concentra dans la
périphérie soviétique. En Russie même,
le nombre de morts de la mini-guerre
civile de 1993 peut se compter en
milliers et non pas en millions. Et par
la grâce de Dieu, aucune arme nucléaire
ne fut utilisée nulle part.
Que peut-il donc vraisemblablement se
produire lorsque l’Empire
américano-sioniste s’effondrera sous son
propre poids ? Personne ne peut le dire
avec certitude, mais nous espérons au
moins que de même qu’aucune force
majeure n’est venue secourir l’Union
soviétique en 1991-1993, aucune force
majeure ne viendra au secours de
l’Empire américain. Comme David Rovics
le souligne si bien, la faiblesse
principale des 1 % qui dirigent l’Empire
américano-sioniste demeure dans le fait
« qu’ils ne sont qu’une infime
minorité et nous sommes partout ».
Durant ces dernières 20 années, les
Etats-Unis et la Russie ont suivi des
chemins diamétralement opposés et leurs
rôles respectifs semblent s’être
inversés. Ce « Pas de deux » touche
maintenant à sa fin. Des circonstances
objectives opposent encore une fois ces
deux pays l’un à l’autre, mais cela est
seulement dû à la nature du régime en
place à Washington D.C. Les leaders
russes pourraient répéter les mots du
rappeur britannique
Lowkey et déclarer « Je ne suis
pas anti-américain, l’Amérique est
anti-moi ! » et ils pourraient
potentiellement être rejoints par 99 %
des Américains qui, qu’ils en soient
déjà conscients ou pas, sont aussi les
victimes de l’empire américano-sioniste.
En attendant, le barrage de
propagande anti-russe continuera sans
relâche, tout simplement parce que cela
semble être devenu une sorte de
psychothérapie pour une ploutocratie
occidentale paniquée et à court d’idées.
Et comme dans les cas précédents, cette
campagne de propagande n’aura aucun
effet.
J’ai espoir que la prochaine fois que
nous entendrons parler de je ne sais
quelle affaire après la campagne
actuelle de « Greenpeace », vous
garderez tout cela en tête.
Le Saqr (The Saker)
Article original :
http://vineyardsaker.blogspot.fr/2013/10/1993-2013-is-twenty-years-long-pas-de.html
Traduit par :
http://axedelaresistance.com/
Qu’est-ce qu’un libéral russe
d’après Dostoïevski, L’Idiot,
1868 (cité en commentaire par Le Saqr)
« — Je vais, messieurs, vous citer
un fait, reprit-il avec ce mélange de
chaleur et d’enjouement qui faisait
soupçonner de l’ironie sous ses paroles
les plus convaincues en apparence, — un
fait dont j’ai même l’honneur de
m’attribuer exclusivement la
découverte ; du moins personne, que je
sache, n’en a encore rien dit. Dans ce
fait se révèle tout le fond du
libéralisme russe dont je parle.
D’abord, qu’est-ce, d’une façon
générale, que le libéralisme, sinon la
guerre (juste ou injuste, c’est une
autre question) faite à l’ordre de
choses existant ? C’est cela, n’est-ce
pas ? Eh bien, le fait découvert par
moi, c’est que le libéralisme russe
n’est pas une attaque à l’ordre de
choses établi mais aux choses mêmes,
qu’il fait la guerre non aux
institutions existantes, mais au pays.
Mon libéral en est venu à nier la
Russie, c’est-à-dire à haïr et à
battre sa mère. Tout événement malheureux
pour la Russie le fait rire, s’il ne
l’enivre pas de joie. Il déteste les
usages nationaux, l’histoire russe,
tout. Son excuse, s’il en a une, c’est
qu’il ne comprend pas ce qu’il fait, et
que sa haine de la Russie lui apparaît
comme le libéralisme le plus fécond
(oh ! vous rencontrez souvent chez nous
des libéraux qui applaudissent les
réactionnaires et qui sont peut-être, au
fond, sans le savoir eux-mêmes, les
conservateurs les plus absurdes, les
plus obtus et les plus dangereux). Cette
haine de la Russie, certains de nos
libéraux, il n’y a pas encore longtemps,
la prenaient presque pour le véritable
amour de la patrie, et ils se vantaient
de voir mieux que les autres en quoi
doit consister ce sentiment. Mais
maintenant ils y mettent plus de
franchise, le mot même de
« patriotisme » leur fait honte, ils ont
rejeté cette idée comme nuisible et
méprisable. C’est là un phénomène dont
aucun temps, aucun pays n’a encore
fourni d’exemples. Comment donc en
expliquer la présence chez nous ? Par la
raison que j’ai donnée tout à l’heure, à
savoir que le libéral russe n’est pas un
libéral russe ; selon moi il n’y a pas
d’autre explication possible du fait. »
Par Le Saqr (The Saker)
Article original :
http://vineyardsaker.blogspot.fr/2013/10/1993-2013-is-twenty-years-long-pas-de.html
Traduction :
http://www.sayed7asan.blogspot.fr
Le
dossier Russie
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