Le Saker
Erdogan, sous pression, risque
l’escalade
Moon of Alabama

Mercredi 28 octobre 2020
Par
Moon of Alabama − Le 26 octobre 2020 Au cours des
dernières années, le président turc
Tayyip Erdogan a réussi à s’aliéner tant
de partenaires internationaux de son
pays qu’il est difficile de les compter.
Il l’a parfois fait exprès pour
détourner l’attention de ses électeurs
d’une économie en déclin et d’autres
calamités locales. Mais il y a des
signes qu’il a maintenant dépassé la
patience des adversaires qu’il a créés.
Il reçoit maintenant enfin les reproches
qu’il semble rechercher.
Si la Russie a mis
l’accent sur ses relations amicales avec
la Turquie, elle est en
conflit avec elle en Syrie, en Libye
et, plus récemment, dans la guerre du
Haut-Karabakh.
La Russie a parfois
une manière peu subtile de faire savoir
que sa patience est à bout. Jeudi
dernier, des navires russes en
Méditerranée orientale ont
tiré des missiles sur un centre de
contrebande de pétrole près de Jarablus,
en Syrie :
Plus de 15
militants de l'opposition armée syrienne
sous contrôle turc ont été tués et
blessés lors d'une frappe par un missile
inconnu sur un marché de contrebande de
produits pétroliers dans la ville de
Jerablus, à la frontière de la Turquie,
dans le nord de la Syrie, ont rapporté
des sources locales.
Il est à noter que
des roquettes ont également été tirées
sur deux camions-citernes, qui se
déplaçaient le long de l'autoroute près
du village de Kus en direction du
marché. Des témoins oculaires ont
rapporté qu'au moment des frappes,
plusieurs explosions puissantes se sont
produites dans la zone frontalière.
Le pétrole était
passé en contrebande depuis l’est de la
Syrie et était en route vers la Turquie.
Aujourd’hui, une
attaque aérienne russe contre une
cérémonie de remise de diplômes à des
«rebelles syriens» financés par la
Turquie a tué ou blessé plus de 200
d’entre eux.


Les membres du fan
club d’Erdogan en ont pris note :
Ömer Özkizilcik
@OmerOzkizilcik -
9:31 UTC · 26 oct.2020La Russie a attaqué
le QG de Faylaq al-Sham, le groupe armé
préféré de la Turquie à Idlib, et la
faction dirigeante du NLF de la SNA.
Faylaq al-Sham est
également présent dans le processus
d'Astana et le comité constitutionnel.
On affirme que
jusqu'à 50 membres de Faylaq sont morts
dans l'attaque.
Après la récente
frappe aérienne sur la raffinerie de
pétrole de Jarablus, cette nouvelle
frappe n'est qu'une autre démonstration
de la fracture croissante entre la
Russie et la Turquie.
Il semble que
beaucoup de monde à Moscou est en colère
contre l'humiliation de l'industrie de
défense russe par la Turquie.
La Russie a une
véritable industrie de la défense alors
que les « producteurs » d’armes turcs ne
sont que des chaînes d’assemblage de
pièces
achetées à l’étranger :
301 @ 301_AD -
10h19 UTC · 26 oct.2020 Le drone turc
"indigène" dont les Turcs se vantent
jour et nuit comme le fleuron de leur
industrie militaire n'est pas si
indigène après tout. Il est assemblé
avec des composants occidentaux de
premier ordre.

La Turquie a
utilisé avec succès les drones pour
détruire les anciennes défenses
aériennes de fabrication russe dans le
Haut-Karabakh. Mais comme le Canada et
l’Autriche
ont cessé de
fournir les composants nécessaires,
la disponibilité de ces drones diminuera
bientôt.
Les États-Unis ont
également
accru la pression sur les forces
mandataires turques en Syrie :
L'armée américaine
a déclaré jeudi avoir mené une frappe de
drone contre des dirigeants d'Al-Qaïda
dans le nord-ouest de la Syrie, près de
la frontière turque, tuant 17
djihadistes, selon un observateur de
guerre. L'Observatoire
syrien des droits de l'homme a déclaré
que cinq civils figuraient également
parmi les personnes tuées.
"Les forces
américaines ont mené une frappe contre
un groupe de hauts dirigeants d'Al-Qaïda
en Syrie (AQ-S) réunis près d'Idlib, en
Syrie", a déclaré le major Beth Riordan,
porte-parole du Commandement central des
États-Unis (CENTCOM).
Il est maintenant
probable que la Turquie ordonnera à ses
mercenaires «rebelles syriens»
d’intensifier la guerre à Idleb. La
Russie et la Syrie attendaient cela et
sont bien préparées.
Les relations de la
Turquie avec la Grèce ont toujours été
hostiles mais la Turquie fait
actuellement de son mieux pour les
empirer :
La Grèce a déclaré
lundi que la Turquie prévoyait de mener
un exercice militaire naval le 28
octobre, jour férié national grec,
quelques heures à peine après que le
secrétaire général de l'OTAN a déclaré
que la Grèce et la Turquie avaient
annulé les wargames les jours de fêtes
nationales.
Erdogan s’est
également efforcé d’ajouter d’autres
pays de l’UE à la liste des ennemis de
la Turquie :
La France a rappelé
son ambassadeur en Turquie après que le
président du pays, Recep Tayyip Erdoğan,
a mis en doute la santé mentale de son
homologue français Emmanuel Macron.Erdoğan a remis en
question l'état mental de Macron tout en
critiquant l'attitude du président
français envers l'islam et les
musulmans.
Ses remarques lors
d'un congrès local du parti étaient une
réponse apparente aux déclarations
faites par Macron plus tôt ce mois-ci au
sujet des problèmes créés par les
musulmans radicaux en France qui
pratiquent ce que le dirigeant français
a qualifié de "séparatisme islamiste".
Les remarques de
Macron sont intervenues après qu’un
terroriste tchétchène ayant des liens
avec des militants dans l’Idleb occupé
par la Turquie ait décapité un
professeur d’histoire français à Paris.
Les remarques d’Erdogan ont été suivies
de manifestations anti-françaises dans
les zones occupées par la Turquie en
Syrie au cours desquelles des drapeaux
de l’État islamique
ont été hissés.
Malgré les
tentatives russes, françaises et
américaines de mettre en place un
cessez-le-feu au Haut-Karabakh, la
Turquie fait pression sur l’Azerbaïdjan
pour qu’il
poursuive la guerre :
L'année dernière,
la Turquie a violé la souveraineté
israélienne, libyenne, irakienne,
syrienne et grecque. La communauté
internationale a condamné les
empiétements territoriaux de la Turquie
à de nombreuses reprises. Un scénario
similaire se déroule aujourd'hui au
Haut-Karabakh.Le 21 octobre, le
vice-président turc Fuat Oktay s'est
engagé à fournir un soutien militaire
total à l'Azerbaïdjan si nécessaire.
Oktay a également dénoncé les efforts
internationaux visant à réprimer
l’escalade du conflit au Haut-Karabakh.
Le Groupe de Minsk
de l'OSCE, composé des États-Unis, de la
France et de la Russie, s'est formé pour
aider à la médiation du conflit. Les
responsables turcs, cependant, affirment
que ce groupe soutient activement
l'Arménie. Réprimandant la Turquie, le
secrétaire d'État américain Mike Pompeo
a publié une déclaration soulignant
l'implication maligne d'Ankara dans le
conflit. Il a noté que les combattants
soutenus par la Turquie «fournissent des
ressources à l'Azerbaïdjan, augmentant
le risque et la puissance de feu», ce
qui ne fait que renforcer les combats.
Un nouveau
cessez-le-feu du Haut-Karabakh, négocié
vendredi à Washington DC, a été
immédiatement
violé par de nouvelles
attaques des forces
azerbaïdjanaises.
En Libye, un
nouvel accord de cessez-le-feu entre
les forces des Frères musulmans
soutenues par la Turquie qui détiennent
la partie ouest du pays et les forces
orientales du général Haftar, soutenues
par les Émirats arabes unis et la
Russie, stipule que toutes les forces
étrangères devront quitter le pays dans
les trois mois. L’ONU et tous les pays
impliqués, sauf un, ont salué l’accord :
Mais le président
turc Recep Tayyip Erdogan, qui soutient
le gouvernement de Tripoli
militairement, a remis en question la
viabilité du cessez-le-feu.
"L'accord de
cessez-le-feu d'aujourd'hui n'a en fait
pas été conclu au plus haut niveau, mais
à un niveau inférieur. Le temps nous
dira s'il durera", a déclaré Erdogan.
"Il me semble donc que cela manque de
crédibilité."
La Turquie avait
tenté de prendre le contrôle des champs
pétrolifères de l’est de la Libye, mais
n’y était pas parvenue après que la
Russie l’a contrée. La production de
pétrole en Libye a
redémarré sans qu’aucun des
bénéfices ne revienne à la Turquie. Elle
devra maintenant quitter les nouvelles
bases qu’elle a créées ou ré-intensifier
cette guerre.
Emmerder les
États-Unis, l’UE et la Russie tout en
menant des guerres contre plusieurs pays
a un
coût économique important :
Depuis qu'il a
atteint un sommet de 951 milliards de
dollars en 2013, le produit intérieur
brut de la Turquie a inversé sa tendance
de croissance, tombant à 754 milliards
de dollars en 2019 en termes nominaux,
soit une baisse de 200 milliards de
dollars, soit près de la taille du PIB
de la Grèce, en six ans. Les
performances médiocres de l’économie ont
eu un impact politique sur la popularité
de l’AKP dans le pays. Selon le sondeur
Metropoll, le soutien à l'AKP était
tombé à 31% en août 2020 - une baisse
significative par rapport aux 43% des
votes obtenus par le parti lors des
élections législatives de 2018. ...
Une politique
étrangère qui donne la priorité à la
rhétorique belliqueuse, au hard power et
au dénigrement de l'Occident peut être
politiquement utile à court terme, mais
reste incompatible avec l'exigence à
long terme de stabilisation de
l'économie. Et pourtant, ce sont les
performances économiques du pays qui
détermineront en fin de compte le sort
de la prochaine compétition politique
nationale le moment venu.
Il y a un an, 5,75
livres turques équivalaient à 1 dollar
américain. Aujourd’hui, il faut plus de
8 livres turques pour acheter un dollar.

Les entreprises
turques ont contracté de nombreux prêts
en devises étrangères. Ils devront
rembourser les prêts une lire surévaluée
de plus de 40% qu’ils ne l’avaient
prévu. Beaucoup d’entre eux ne
survivront pas au drainage.
L’Arabie saoudite
et ses alliés ont lancé
un boycott des produits turcs. Des
casseroles et des légumes turcs ont été
retirés des supermarchés saoudiens.
Au fil des ans, la
Turquie avait réussi à jouer la carte
des États-Unis contre la Russie, et
celle de la Russie contre l’UE. Mais
maintenant, ses relations avec toutes
ces parties se détériorent en même
temps. Ceci alors que son économie a de
sérieux problèmes.
Pour améliorer sa
position, Erdogan pourrait se retirer de
certains des nombreux conflits qu’il a
créés. Mais étant donné son comportement
antérieur sous pression, il est plus
susceptible d’aller dans la direction
opposée. Je m’attends à ce qu’il
intensifie bientôt un ou plusieurs
fronts, la Syrie étant le plus probable.
Au cours de l’année
dernière, de nombreux équipements turcs
et de nombreux soldats turcs ont été
transférés à Idleb. Mais seraient-ils
capables de résister à l’assaut des
attaques aériennes et des missiles
russes ? La Russie lancerait-elle ces
frappes provocatrices contre les forces
mandataires turques si elle le devait ?
À mon avis, la
Turquie a été trop loin. Elle devra
reculer sur plusieurs de ses fronts
actuels et se concentrer sur son
économie. Elle est par ailleurs
susceptible de subir une défaite
militaire importante tandis que son
économie se détériorera davantage. Ce
serait la fin des rêves néo-ottomans
d’Erdogan.
Moon of Alabama
Traduit par jj,
relu par Wayan pour le Saker Francophone
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