Le Saker
Le rôle de l’État dans l’économie, selon
Poutine
Moon of Alabama

Mercredi 28 octobre 2020 Par
Moon of Alabama – Le 24 octobre 2020
Le président
russe, Vladimir Poutine,
a dit :
Beaucoup d'entre
nous ont lu Le Petit Prince d'Antoine de
Saint-Exupéry quand nous étions enfants
et se souviennent de ce que dit le
personnage principal : "C'est une
question de discipline. Quand vous avez
fini de vous laver et de vous habiller
chaque matin, vous devez vous occuper de
votre planète. ... C'est un travail très
fastidieux, mais néanmoins facile."Je suis sûr que
nous devons continuer à faire ce
"travail fastidieux" si nous voulons
préserver notre maison commune pour les
générations futures. Nous devons prendre
soin de notre planète.
La question de
la protection de l'environnement est
depuis longtemps inscrite à l'ordre du
jour mondial. Mais je voudrais l'aborder
de manière plus large pour parler aussi
d'une tâche importante, à savoir
l'abandon de la pratique de la
consommation effrénée et illimitée - la
surconsommation - au profit d'une
consommation suffisante, judicieuse et
raisonnable, lorsque l'on ne vit pas
seulement pour aujourd'hui mais que l'on
pense aussi à demain.
Nous disons
souvent que la nature est extrêmement
vulnérable à l'activité humaine. Surtout
lorsque l'utilisation des ressources
naturelles prend une dimension mondiale.
Cependant, l'humanité n'est pas à l'abri
des catastrophes naturelles, dont
beaucoup sont le résultat
d'interférences anthropiques.
D'ailleurs, certains scientifiques
pensent que les récentes épidémies de
maladies dangereuses sont une réponse à
cette interférence. C'est pourquoi il
est si important de développer des
relations harmonieuses entre l'homme et
la nature.
C’est ce qu’il a
déclaré lors de
la réunion du Club de discussion
Valdai, cette année.
J’ai trouvé
l’extrait remarquable parce qu’il
comprenait cette déclaration
anticapitaliste, pour ainsi dire :
... une tâche
importante, à savoir l'abandon de la
pratique de la consommation effrénée et
illimitée - la surconsommation - au
profit d'une consommation suffisante,
judicieuse et raisonnable, lorsque l'on
ne vit pas seulement pour aujourd'hui
mais que l'on pense aussi à demain.
Cette déclaration
« écologique » va irriter les personnes
qui plaident en faveur des marchés
libres et du droit de vendre des
conneries sous une nombre toujours plus
grand de variantes. Selon eux, la lutte
contre cette pensée « communiste » doit
être relancée.
Comme la
transcription intégrale en anglais du
discours de Poutine et les deux heures
et demie de questions-réponses sont
maintenant
disponibles, je peux également citer
un autre passage intéressant où Poutine
parle du capitalisme et du rôle de
l’État. Son point de vue me semble très
pragmatique :
Question :
Monsieur le Président, dans le contexte
des bouleversements économiques
mondiaux, on a beaucoup parlé et débattu
du fait que l'économie de marché
libérale a cessé d'être un outil fiable
pour la survie des États, leur
préservation et pour leur population.Le pape François a
récemment déclaré que le capitalisme
avait fait son temps. La Russie vit sous
le capitalisme depuis 30 ans. Est-il
temps de chercher une alternative ? Y
a-t-il une alternative ? Serait-ce la
renaissance de l'idéologie de gauche ou
quelque chose de radicalement nouveau ?
Poutine :
Lénine a parlé des marques de naissance
du capitalisme, et ainsi de suite. On ne
peut pas dire que nous avons vécu ces 30
dernières années dans une économie de
marché à part entière. En fait, nous ne
la construisons que progressivement,
ainsi que ses institutions. [..]
Vous savez, le
capitalisme, tel que vous l'avez décrit,
existait sous une forme plus ou moins
pure au début du siècle dernier. Mais
tout a changé après ce qui s'est passé
dans l'économie mondiale et aux
États-Unis dans les années 20 et 30,
après la première guerre mondiale. Je ne
me souviens pas si je l'ai mentionné
lors des réunions du Club Valdai, mais
les experts qui connaissent ce sujet
mieux que moi et avec lesquels je
communique régulièrement, disent des
choses évidentes et bien connues.
Quand tout va bien,
et que les indicateurs macro-économiques
sont stables, divers fonds financiers se
constituent un patrimoine, la
consommation augmente, etc. Dans ces
moments-là, on entend de plus en plus
souvent dire que l'État ne fait
qu'entraver les choses et qu'une
économie de marché pure serait plus
efficace. Mais dès que des crises et des
défis surgissent, tout le monde se
tourne vers l'État, demandant le
renforcement de ses fonctions de
surveillance. Cela avance ainsi, comme
une courbe sinusoïdale. C'est ce qui
s'est passé lors des crises précédentes,
y compris les plus récentes, comme en
2008.
Je me souviens très
bien comment les principaux actionnaires
des plus grandes entreprises russes, qui
sont également de grands acteurs
européens et mondiaux, sont venus me
voir pour me proposer que l'État achète
leurs actifs pour un dollar ou un
rouble. Ils avaient peur d'assumer la
responsabilité de leurs employés,
pressurés par les appels de marge, etc.
Cette fois, nos entreprises ont agi
différemment. Personne ne cherche à se
soustraire à ses responsabilités. Au
contraire, elles utilisent même leurs
propres fonds, et le font avec beaucoup
de générosité. Les réponses peuvent être
différentes, mais dans l'ensemble, les
entreprises se sont vraiment engagées
dans la responsabilité sociale, ce dont
je suis reconnaissant à ces personnes,
et je veux qu'elles le sachent.
C'est pourquoi, à
l'heure actuelle, nous ne pouvons pas
vraiment trouver une économie
entièrement planifiée, n'est-ce pas ?
Prenez la Chine. Est-ce une économie
purement planifiée ? Non. Et il n'y a
pas non plus d'économie purement
marchande. Néanmoins, les fonctions de
régulation du gouvernement sont vraiment
importantes. [..]
Nous devons
simplement déterminer nous-mêmes le
niveau raisonnable de l'implication de
l'État dans l'économie, la rapidité avec
laquelle cette implication doit être
réduite, le cas échéant, et dans quel
domaine exactement. J'entends souvent
dire que l'économie russe est trop
réglementée. Mais lors de crises comme
cette pandémie actuelle, lorsque nous
sommes contraints de restreindre
l'activité commerciale et que le trafic
de fret diminue, et pas seulement le
trafic de fret, mais aussi le trafic de
passagers, nous devons nous demander :
que faisons-nous de l'aviation
maintenant que les passagers évitent de
prendre l'avion ou le prennent rarement,
que faisons-nous ? Eh bien, l'État est
un élément nécessaire, il n'y a pas
moyen qu'ils puissent se passer du
soutien de l'État.
Donc, encore une
fois, aucun modèle n'est pur ou rigide,
ni l'économie de marché ni l'économie
planifiée aujourd'hui, mais nous devons
simplement déterminer le niveau
d'implication de l'État dans l'économie.
Sur quoi nous basons-nous pour prendre
cette décision ? L'opportunité. Nous
devons éviter d'utiliser des modèles, et
jusqu'à présent, nous avons réussi à
éviter cela.
Puis vient un
paragraphe qui montre où la Russie
diffère des politiques économiques
« occidentales » actuelles de taux
d’intérêt négatifs et de déflation :
Bien sûr, la Banque
centrale et le gouvernement comptent
parmi les institutions d'État les plus
importantes. Par conséquent, c'est en
fait grâce aux efforts conjoints de la
Banque centrale et du gouvernement que
l'inflation a été réduite à 4 %, car le
gouvernement investit des ressources
substantielles à travers ses programmes
sociaux et ses projets nationaux et a un
impact sur notre politique monétaire.
Elle est descendue à 3,9 %, et le
gouverneur de la Banque centrale m'a dit
que nous la maintiendrons très
probablement autour de l'objectif estimé
à environ 4 %. C'est la fonction de
régulation de l'État ; il n'y a pas
moyen de la contourner. Cependant,
étouffer le développement par une
présence excessive de l'État dans
l'économie ou par une réglementation
excessive serait également fatal. Vous
savez, c'est une forme d'art que le
gouvernement applique habilement, du
moins pour l'instant.
En maintenant un
peu l’inflation, il sera plus facile
pour les consommateurs et les
entreprises russes de rembourser leurs
emprunts. C’est économiquement plus sain
que les politiques déflationnistes
appliqués par les sociétés occidentales.La Russie est en
bonne voie pour dépasser l’Allemagne en
tant que cinquième économie mondiale.
Les positions pragmatiques de Poutine
concernant le rôle de l’État dans
l’économie et ses politiques
relativement généreuses de programmes
sociaux et de grands projets nationaux y
ont contribué.
Les nombreuses
questions et réponses sur la politique
étrangère dans le discours à Valdai
montrent un pragmatisme similaire sur
d’autres sujets. Pour ceux qui s’y
intéressent, voici à nouveau
le lien vers la transcription. [Une
version française du discours est en
cours de traduction par nos soins, NdSF]
Moon of Alabama
Traduit par Wayan,
relu par Jj pour le Saker Francophone
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