Le Saker
L’Égypte fait face à deux guerres – Que
décidera Sissi ?
Moon of Alabama

Jeudi 25 juin 2020 Par
Moon of Alabama − le 23 juin 2020
Le mois
prochain, l’Égypte mènera probablement
deux guerres.

La guerre à l’ouest
concernerait le Gouvernement libyen
d’accord national (GNA) qui menace
de s’étendre de l’ouest de la Libye
jusqu’à la frontière égyptienne. La
guerre au sud serait contre l’Éthiopie
qui commencera bientôt à remplir son
grand barrage de la Renaissance
éthiopienne (RGO) avec de l’eau du
Nil dont l’Égypte a besoin pour
survivre.
Le GNA en Libye,
soutenu par la Turquie et le Qatar, veut
quitter ses zones de Tripoli et Misrata
pour prendre la ville de Syrte et les
installations pétrolières à l’est de
celle-ci. Syrte est actuellement détenue
par l‘Armée nationale libyenne
(LNA) sous le commandement du général
Haftar.

Comme nous l’avons
anticipé il y a deux semaines :
L'Égypte a commencé
à positionner du matériel militaire
lourd à sa frontière occidentale. Elle
ne veut pas que les Frères musulmans
voisins contrôlent la Libye. Le tampon
du LNA, dirigé par Haftar, est une
priorité pour sa propre sécurité.
L'Égypte ainsi que la France, la Grèce,
Chypre et les Émirats arabes unis ont
également rejeté les aspirations turques
en Méditerranée orientale.Si la Russie
retirait son soutien et abandonnait
complètement Haftar, l'Égypte verrait la
nécessité d'intervenir en Libye. Une
guerre turco-égyptienne pour des motifs
libyens deviendrait alors probable.
Samedi, le
dictateur égyptien Abdel Fattah el-Sissi
a inspecté les troupes à la frontière
occidentale de l’Égypte. Les officiers
supérieurs de l’armée égyptienne étaient
également là. Le nombre de troupes
déployées montre qu’ils ne rigolent pas.

Sissi a menacé
d’une
intervention directe de l’Égypte :
Dans une allocution
télévisée, le président égyptien Abdel
Fattah al-Sissi a déclaré que Syrte
était une "ligne rouge" pour
l'Égypte, citant la nécessité de
protéger sa frontière poreuse comme
motif "d'intervention directe" en
Libye."Si le peuple
libyen nous a demandé d'intervenir,
c'est un signal au monde que l'Égypte et
la Libye partagent ... des intérêts
communs, la sécurité et la stabilité",
a déclaré samedi Sissi.
L’Égypte bénéficie
du soutien de l’Arabie saoudite et des
Émirats arabes unis. Mais les combats en
Libye provoqueraient une guerre contre
la Turquie qui a des troupes ainsi que
14 000 djihadistes mercenaires de Syrie
engagés avec le GNA. Une guerre entre
les deux plus grandes armées de la
Méditerranée orientale pourrait
facilement dégénérer.
Le mois prochain,
l’Éthiopie commencera à
remplir son nouveau grand barrage
sur le Nil Bleu.

Les travaux ont
commencé en 2010 et le projet de 4,8
milliards de dollars fera de l’Éthiopie
un exportateur d’électricité. L’Égypte
craint que le remplissage du barrage et
sa gestion ultérieure ne laissent pas
couler suffisamment d’eau dans le Nil
pour les besoins de l’Égypte et la
nourriture de ses 100 millions
d’habitants.

Les négociations
entre l’Égypte et l’Éthiopie, modérées
par les États-Unis et la Banque
mondiale, n’ont pas abouti. L’Égypte a
demandé (pdf assez long, 17 pages)
l’intervention du Conseil de sécurité de
l’ONU.
Le problème est
existentiel pour les deux pays :
Le conflit qui dure
depuis des années oppose le désir de
l'Éthiopie de devenir un important
exportateur d'électricité dans la région
au souci de l'Égypte que le barrage
réduise considérablement son
approvisionnement en eau s'il est rempli
trop rapidement.L'Égypte devrait
perdre au moins 22% du débit d'eau et
craint que jusqu'à 30% de ses terres
agricoles ne se transforment en désert.
L'Égypte et
l'Éthiopie ont fait allusion à la
possibilité de prendre des mesures
militaires pour protéger leurs intérêts,
et les experts craignent qu'une rupture
des pourparlers ne conduise à un
conflit.
Le Soudan, autre
partie à cette querelle, est depuis
longtemps pris entre les intérêts
concurrents.
L'arrivée de la
saison des pluies apporte plus d'eau au
Nil Bleu, la branche principale du Nil.
Addis-Abeba considère que le mois
prochain serait le moment idéal pour
commencer à remplir le réservoir du
barrage.
Le bassin a été
conçu pour stocker le volume énorme de
74 milliards de mètres cubes d'eau.
Une fois terminé et
rempli, le barrage produira 5 250 MW
d’électricité, soit plus du triple de ce
que l’Éthiopie peut actuellement
produire. Une grande partie de la
nouvelle électricité produite sera
exportée vers le Soudan, raison pour
laquelle ce pays n’a pas pris le parti
de l’Égypte.
Aucun dirigeant
égyptien ne peut tolérer une situation
dans laquelle 30% de l’agriculture du
pays disparaîtrait. Des dizaines de
millions de petits agriculteurs
perdraient leurs revenus et une famine
serait alors probable.
Une attaque
militaire contre le barrage serait
compliquée. La route terrestre devrait
passer par le Soudan. Elle est très
longue et manque d’infrastructures. Une
attaque aérienne à grande échelle en
provenance de la mer Rouge semble être
l’opération la plus probable. Mais cela
serait risqué et ne résoudrait pas le
problème de l’Égypte. Le barrage serait
réparé et l’opération devrait être
répétée.
L’Éthiopie a besoin
de l’électricité du barrage pour
développer le pays et rembourser les
prêts qu’elle a contractés pour le
construire. Elle veut remplir
complètement le barrage au cours des
sept prochaines années. Une prolongation
de ce délai réduirait l’impact immédiat
sur l’Égypte. Mais l’Éthiopie est pauvre
et quelqu’un d’autre devrait payer pour
les pertes qu’elle subirait.
L’Égypte
pourrait-elle gérer deux guerres en même
temps ? Pour une courte période, ce
serait probablement possible. Mais les
deux conflits potentiels, avec la Libye
et l’Éthiopie, se prolongeraient
probablement et prendraient des années à
se régler. L’Égypte n’a pas d’argent
pour les payer.
Sissi devra
désormais prendre des décisions assez
difficiles. Comment va-t-il faire ?
Moon of Alabama
Traduit par jj,
relu par Wayan pour le Saker Francophone
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