Le Saker
Une pression accrue sur la Russie n’aura
aucun effet
Moon of Alabama

Lundi 19 octobre 2020
Par Moon of Alabama − Le 17 octobre 2020
Au cours des
dernières années, les États-Unis et
leurs chiots européens ont augmenté leur
pression sur la Russie. Ils semblent
croire qu’ils peuvent contraindre la
Russie à suivre leurs diktats. Ils ne
peuvent pas. Mais l’illusion que la
Russie finira par se briser, si
seulement quelques sanctions
supplémentaires sont appliquées ou si
quelques maisons de plus dans le
voisinage de la Russie sont incendiées,
ne disparaît jamais.
Voici comment
Gilbert Doctorow
décrit la situation :
Les incendies qui
brûlent aux frontières de la Russie dans
le Caucase s'ajoutent au désordre et au
conflit à sa frontière occidentale dans
la Biélorussie voisine, où du carburant
est déversé quotidiennement par des
pyromanes à la tête de l'Union
européenne agissant sûrement de concert
avec Washington. Hier, nous avons
appris la décision du Conseil européen
d'imposer des sanctions au président
Loukachenko, une action presque sans
précédent dirigée contre le chef d'État
d'une nation souveraine. ...
Il est assez facile
de voir que la véritable intention des
sanctions est de faire pression sur le
Kremlin, qui est le garant de
Loukachenko au pouvoir, pour aggraver
les autres mesures mises en œuvre
simultanément dans l'espoir que
Poutine et son entourage finiront par
craquer et se soumettre à l'hégémonie
mondiale américaine comme l'Europe
l'a fait il y a longtemps. ...
La politique
anti-russe à outrance décrite ci-dessus
se poursuit dans le contexte des
campagnes électorales présidentielles
américaines. Les démocrates continuent
d'essayer de dépeindre Donald Trump
comme le «caniche de Poutine», comme si
le président avait été gentil avec son
collègue autocrate pendant son mandat.
Bien sûr, sous les diktats de la Chambre
des représentants, contrôlée par les
Démocrates, avec la complicité du
personnel anti-russe du département
d'État, au Pentagone, la politique
américaine à l'égard de la Russie
pendant toute la période de la
présidence de Trump a été celle d'une
montée en puissance sans fin de
pressions militaires, médiatiques,
économiques et autres dans l'espoir que
Vladimir Poutine ou son entourage se
fissureraient. S'il n'y avait pas les
nerfs d'acier de Poutine et de ses
proches conseillers, les politiques
de pression irresponsables décrites
ci-dessus pourraient entraîner un
comportement agressif et une prise de
risque de la part de la Russie qui
feraient passer la crise des missiles à
Cuba pour un jeu d'enfant.
Le lobby de
l’industrie de l’armement américaine,
sous la forme de l’Atlantic Council,
confirme la stratégie
« occidentale » décrite par Doctorow. Il
appelle à « intensifier la pression sur
la Russe » avec encore plus de
sanctions :
La clé pour
augmenter les coûts pour la Russie est
une stratégie transatlantique plus
proactive de sanctions contre l’économie
russe et la base du pouvoir de Poutine,
ainsi que d’autres mesures visant à
réduire le levier énergétique et les
recettes d’exportation de la Russie. Une
nouvelle politique OTAN-Russie devrait
être poursuivie en tandem avec l'Union
européenne (UE), qui définit la
politique européenne de sanctions et
fait face aux mêmes menaces liées aux
cyberattaques et à la désinformation
russes. Au minimum, les sanctions de
l'UE résultant des hostilités en Ukraine
devraient être prorogées, comme les
sanctions contre la Crimée, d'un an
plutôt que tous les six mois. Mieux
encore, les alliés et les membres de
l'UE devraient resserrer davantage les
sanctions et les prolonger indéfiniment
jusqu'à ce que la Russie mette fin à son
agression et prenne des mesures
concrètes vers la désescalade.
Il veut également
que l’Europe paie les armes en Ukraine
et en Géorgie :
Une stratégie de
l'OTAN plus dynamique pour la Russie
devrait aller de pair avec une politique
plus proactive à l'égard de l'Ukraine et
de la Géorgie dans le cadre d'une
stratégie renforcée pour la mer Noire.
L’objectif devrait être de renforcer la
capacité de dissuasion des deux
partenaires et de réduire la capacité de
Moscou de saper leur souveraineté alors
même que l’adhésion à l’OTAN reste en
suspens pour le moment. Dans le cadre de
cet effort accru, les alliés européens
devraient faire davantage pour renforcer
les capacités terrestres, aériennes et
navales de l’Ukraine et de la Géorgie,
en complément des efforts des États-Unis
et du Canada qui ont débuté en 2014.
Le but de toute la
campagne contre la Russie, explique
l’auteur de l’Atlantic Council, est de
la subordonner aux demandes
américaines :
Les relations entre
l’Occident et Moscou avaient commencé à
se détériorer avant même l’invasion
russe du bassin versant de l’Ukraine,
principalement en raison de la crainte
de Poutine que les valeurs occidentales
et leur potentiel ne sapent son régime.
Avec la possibilité de seize années
supplémentaires de règne de Poutine, la
plupart des experts estiment que les
relations resteront probablement
conflictuelles pour les années à venir.
Ils soutiennent que le mieux que les
États-Unis et leurs alliés peuvent faire
est de gérer cette concurrence et de
décourager les actions agressives de
Moscou. Cependant, en repoussant plus
vigoureusement la Russie à court et
moyen terme, les alliés finiront plus
probablement par convaincre Moscou de
revenir au respect des règles de l'ordre
international libéral et à une
coopération mutuellement avantageuse
comme l'envisageait l'acte fondateur du
partenariat OTAN-Russie de 1997.
Les « règles de
l’ordre international libéral » sont,
bien sûr, édictées par les États-Unis.
Elles peuvent changer à tout moment et
sans préavis pour de nouvelles règles
plus pratiques pour la politique
étrangère américaine.
Mais comme l’a dit
Doctorow ci-dessus, Poutine et ses
conseillers restent calmes et ignorent
ces saloperies, malgré toute l’hostilité
exprimée à leur encontre.
L’un des proches
conseillers de Poutine est bien sûr le
ministre russe des Affaires étrangères
Sergueï Lavrov. Dans une longue
interview avec des stations de radio
russes, il a récemment
abordé de nombreuses questions que
Doctorow mentionne également. En ce qui
concerne la stratégie américaine envers
la Russie, Lavrov
diagnostique :
Sergueï Lavrov
: [...] Vous avez mentionné dans
l'une de vos questions précédentes que
quoi que nous fassions, l'Occident
essaiera de nous entraver et de nous
retenir, et de saper nos efforts dans
l'économie, la politique et la
technologie. Ce sont tous des éléments
d'une même approche.Question:
Leur stratégie de sécurité nationale
stipule qu'ils le feront.
Sergueï Lavrov
: Bien sûr que oui, mais cela est
articulé d'une manière telle que des
gens honnêtes peuvent encore se laisser
berner, mais la mise en œuvre est tout
simplement scandaleuse.
Question :
Vous aussi, vous pouvez articuler les
choses d'une manière différente de ce
que vous aimeriez vraiment dire,
n'est-ce pas ?
Sergey Lavrov
: C’est l’inverse. Je peux utiliser
le langage que je n’utilise pas
habituellement pour faire passer le
message. Cependant, ils veulent
clairement nous éliminer de la scène,
et pas seulement par des attaques
directes contre la Russie dans tous les
domaines possibles et imaginables au
moyen d'une concurrence sans scrupules,
de sanctions illégitimes, etc., mais
aussi en déséquilibrant la situation
près de nos frontières, nous empêchant
ainsi de nous concentrer sur les
activités créatives. Néanmoins,
indépendamment des réflexe humains
naturels [de défense] et des tentations
de réagir dans le même esprit, je suis
convaincu que nous devons respecter le
droit international.
La Russie n’accepte
pas les «règles fluctuantes de l’ordre
international libéral». La Russie s’en
tient à la loi, ce qui est, à mon avis,
une position beaucoup plus forte. Oui,
le droit international est souvent
enfreint. Mais comme Lavrov
l’a dit ailleurs, on n’abandonne pas
le code de la route uniquement à cause
des accidents de la route.
La Russie reste
calme, quelles que soient les absurdités
scandaleuses que les États-Unis et l’UE
éructent. Elle peut le faire parce
qu’elle sait qu’elle a non seulement une
supériorité morale en s’en tenant à la
loi, mais qu’elle a également la
capacité de gagner le combat. À un
moment donné, l’intervieweur
plaisante même à ce sujet :
Question :
Comme on dit, si vous n'écoutez pas
Lavrov, vous écouterez [le ministre de
la Défense] Shoigu.Sergueï Lavrov
: J'ai vu un T-shirt avec ça écrit
dessus. Oui, c'est à peu près ça.
Oui, c’est
exactement ça. La Russie est
militairement assurée et «l’Occident» le
sait. C’est une des raisons de la
frénésie anti-russe. La Russie n’a pas
besoin de s’inquiéter de l’hostilité
sans précédent venant de Bruxelles et de
Washington. Elle peut l’ignorer tout en
prenant soin de ses intérêts.
Puisque cela est si
évident, il faut se demander quelle est
la vraie raison de la campagne de
pression anti-russe. Qu’est-ce que
ceux qui plaident pour cela ont comme
objectif ?
Moon of Alabama
Traduit par jj,
relu par Wayan pour le Saker Francophone
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