Le Saker
Rien de neuf …
Moon of Alabama

Mercredi 14 octobre 2020 …
mais une
savoureuse collection de récits –
Comment le New York Times couillonne ses
pigeons de lecteurs
Par
Moon of Alabama − Le 12 octobre 2020
La journaliste
vedette du New York Times, Rukmini Callimachi,
avait été
largement
critiquée pour ses reportages
exagérés sur État Islamique (EI) et le
terrorisme. Mais ses éditeurs ont
continué à soutenir et à promouvoir ses
histoires.
Cela a finalement
pris fin lorsque le Canada a récemment
inculpé un certain Shehroze Chaudhry,
également connu sous le nom d’Abu
Huzaifa, pour avoir faussement
prétendu être membre de EI. Chaudhry
avait inventé ses histoires sanglantes.
Il n’avait jamais appartenu à État
Islamique et n’était jamais allé en
Syrie ou en Irak.

Rukmini Callimachi
Mais les histoires
non vérifiées d’Abou Huzaifa al-Kanadi
avaient été l’élément central du
podcast Califat en dix parties du
NYT par Rukmini Callimachi.
L’échec de ses
reportages était finalement si évident
que le NYT a dû autoriser son
chroniqueur médiatique Ben Smith à
écrire sur la question. Bizarrement, son
reportage a été
publié dans la section Affaires du
journal : « Une arrestation au Canada
jette une ombre sur une star du New York
Times et du Times »
C’est un rapport
assez dévastateur sur le soutien que
Callimachi a obtenu de ses rédacteurs,
alors même qu’un nombre toujours
croissant de ses collègues critiquaient
ses reportages trop sensationnalistes.
La cause profonde du problème est la
façon dont le Times, ainsi que d’autres
médias d’information, essaient de
transformer des fournisseurs de
nouvelles en créateurs de récits :
La crise qui
entoure maintenant le podcast concerne
autant le Times que Mme Callimachi. Elle
est, à bien des égards, le nouveau
modèle type d'un journaliste du New York
Times. Elle combine la bravade de la
vieille école de parachutisme des grands
reporters du passé, avec un savoir plus
moderne pour surfer sur les ondes
narratives de Twitter et repérer les
types d'histoires qui vont exploser sur
Internet. ...
L'approche de Mme et ses histoires lui ont valu
le soutien de certaines des
personnalités les plus puissantes du
Times : depuis le début, avec Joe Kahn,
qui était rédacteur en chef à l'étranger
lorsque Mme Callimachi est arrivée et se
trouve maintenant directeur général,
considéré en interne comme le successeur
probable du rédacteur en chef, Dean
Baquet; en ensuite, avec un rédacteur en
chef adjoint, Sam Dolnick, qui supervise
la réussite de l’équipe audio du journal
et fait partie de la famille qui
contrôle le Times. ...
L’approche de Mme en matière de narration
s’alignait sur un changement plus
profond, déjà en cours au Times. Le
journal est au milieu d'une évolution,
de la position de journal de référence
important, à celle de collecteur de
grands récits affriolants, sur le
Web et les services de streaming. Et le
succès de Mme Callimachi est en partie
dû à sa capacité à transformer des
conflits lointains en Afrique et au
Moyen-Orient en histoires
irrésistiblement attirantes.
La phrase en gras
est l’essence de l’extrait ci-dessus.
Elle a même été répétée dans la légende
d’une photo qui l’accompagnait.

La recherche de
«récits juteux» est la plus grande
erreur des médias d’information actuels.
Leur tentative de copier le succès des
drames hollywoodiens en créant des
récits a détruit leur crédibilité. Elle
a mis en lumière le mauvais aspect du
travail de journaliste. Au lieu d’exiger
des faits bien vérifiés, les éditeurs
demandent maintenant des confirmations
d’histoires préconçues :
Ce qui est clair,
c'est que le Times aurait dû être
attentif à la possibilité que, dans son
documentaire audio, il écoutait trop
fortement l'histoire qu'il voulait
entendre - «enracinant l'histoire»,
comme l'a dit vendredi Erik Wemple
du Washington Post.
Callimachi est loin
d’être la seule coupable d’avoir créé de
fausses nouvelles pour répondre à la
demande de récits de ses rédacteurs en
chef. La couverture de quatre ans de «Russiagate»,
la collection de contes de fées des
connexions fictives entre Donald Trump
et la Russie, en était pleine. La
poussée éditoriale vers les récits est
enracinée dans le désir d’appâter le
lecteur et de générer un écho sur les
médias sociaux autour du reportage. Cela
peut être rentable à court terme mais
c’est aussi la garantie d’un échec à
long terme.
Les faux récits à
la mode seront au fil du temps
démystifiés. Les gens perdront alors
confiance dans les médias qui leur ont
fourni les fausses nouvelles. Cela
entraînera à nouveau une perte de
lectorat à long terme.
Un cas similaire de
chute des «récits» est arrivé au
magazine allemand Der Spiegel. Son
auteur vedette Claas Relotius a
écrit de fausses histoires à grande
échelle. Qu’il écrive sur les électeurs
de Trump en Arizona, ou sur une petite
fille en Syrie, Relotius a
inventé les témoins des
« nouvelles » qu’il a fournies. Il
imagina des « faits » et se décrivit
visitant des endroits où il n’était
jamais allé. Pendant des années, il y
avait eu des avertissements indiquant
que bon nombre des détails fournis par Relotius étaient erronés. Mais ses
rédacteurs l’ont promu parce que les
« récits » astucieux qu’il a livrés
étaient exactement ce qu’ils voulaient.
Der Spiegel, une source d’informations
autrefois universellement reconnue, est
désormais considéré, en plaisantant,
comme «l’ancien magazine d’information».
La tendance des
médias à fournir des récits plutôt que
des faits vérifiés augmente également le
risque de tomber dans la manipulation.
Les gouvernements ainsi que les
campagnes de marketing politique adorent
proposer des histoires toutes faites. Il
est plus facile et moins coûteux pour
les médias de les reprendre et de les
répéter que de creuser dans les faits et
leur logique. Nous obtenons ainsi de
fausses histoires sur l’utilisation
d’armes chimiques en Syrie et un «récit»
d’empoisonnement par Skripal qui ne
résiste pas au moindre examen.
Pouvons-nous s’il
vous plaît avoir de vraies nouvelles ?
Juste les faits nouveaux, sans «récit»
ou moraline qui s’y rattachent ? Des
faits vérifiés et décrits dans le
contexte du problème auquel ils se
rapportent ? Correspondent-ils à la
logique de ceux déjà connus ? Ont-ils un
sens ? Comment peuvent-ils influencer
les développements ultérieurs ?
Fournir ce qui
précède peut facilement remplir la
journée de travail d’un journaliste.
C’est généralement assez de matière pour
rédiger un rapport de 800 mots qui
suffira au lecteur pour qu’il élabore
son propre récit.
Chers médias
d’information. Veuillez, de nouveau,
fournir de vraies nouvelles. Si vous le
faites, vous finirez par regagner ma
confiance. Ce sera, à long terme, un
atout bien plus précieux que le
bavardage sur les réseaux sociaux que
vous essayez actuellement de générer.
Moon of Alabama
Traduit par jj,
relu par Wayan pour le Saker Francophone
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